Elle qui n’était jamais allé dans une école de sa vie. Elle qui n’avait jamais dû côtoyer des centaines et des centaines d’ados de son âge… Elle était partie faire le plein de livres car elle sentait que cela allait être dur de vivre à Poudlard sans eux. Encore plus d’arriver en cours d’année. Anna Lisa Della Gherardesca avait toujours été une solitaire. La seule personne avec qui elle était réellement proche était sa sœur, quant à ses « cousins », elle les supportait avec différents degrés de réussite. Alors si elle avait déjà du mal avec Gabriele et Celestia, elle appréhendait vraiment le nouveau cadre où elle allait atterrir.
La jeune femme entra dans la librairie et prit un panier. Toujours avec cette lenteur caractéristique elle arpenta les différents rayons et prenait au hasard et régulièrement des livres pour en lire le résumé au dos. Si ce dernier lui plaisait elle le posait dans son panier et continuer sa ronde. Elle arriva bien vite à une sélection d’une vingtaine d’œuvres qui ne lui feraient surement pas plus d’un mois. Cela lui avait pris une bonne heure, et elle conservait sur son visage ce même air blasé sans une seule once de changement tout au long de son manège. Elle refit un tour des rayons et prit une dizaine d’autres livres, puis passa à la caisse toujours en silence, toujours avec son air blasée. Car blasée elle l’avait toujours un peu été, stone et blasée. C’était une artiste que voulez-vous, elle avait toujours un peu été dans son monde.

« Ca vous fera 5 gallions Mademoiselle. »
« Tenez garder le change. »

Sans rien dire la jeune femme posa les gallions sur le comptoir et prit ses livres qui pesaient… Pas loin d’une tonne pour elle. Elle n’avait pas beaucoup de force alors ce genre de chose lui posait toujours un peu de problème… Elle envisageait déjà d’aller se prendre un café histoire de se donner quelques forces à la tâche… Et puis après tout, il était 14 heures, certes la milice était à peu près partout, mais c’était surement la meilleure heure de la journée pour trainer quelque part. Dans son sac elle avait son fusain et des feuilles, Anna Lisa pensait déjà à quelques croquis qu’elle pourrait faire. Il faisait plutôt beau et la luminosité était parfaite. Alors elle se posa en terrasse, commanda un cappuccino et commença à dessiner. Elle esquissa notamment les traits d’un papa accompagné par son enfant. Elle aimait beaucoup son visage, et du moment qu’il ne la prenait pas en flagrant délit, ce n’était pas bien grave, non ?

« Besoin d’aide peut-être ? Ou de compagnie. »
« Euh… Je… »

Anna Lisa avait relevé le nez de son dessin pour poser des yeux tout étonnés sur le jeune homme qui était en fait le modèle qu’elle s’était choisi. Elle s’était fait prendre en flagrant délit, et maintenant le jeune homme et son fils la regarder tous les deux. En même temps ca faisait depuis qu’ils étaient arrivé que le regard bleu-gris delà jeune femme avait fait l’aller-retour d’eux à sa feuille… Pas très discrètement. Quand Anna Lisa était dans son truc, il était difficile de l’en sortir.

« Bonjour ! »
« Bonjour Bonhomme. »

A moitié sauvée par le petit garçon, Anna Lisa lui fit un léger sourire un peu timide. Un silence pesant s’installa entre le papa et son fils et elle. Etait-elle sensée répondre quoique ce soit d’autre ? A vrai dire, Anna Lisa avait énormément de mal lors des rencontres aussi spontanées que celle-ci. Elle qui préférait être dans son petit monde à faire ses trucs… Le contact avec la réalité n’était pas une mince affaire. Les joues de l’italienne avait pris une légère teinte rosée, surement dû à sa gêne. Elle faisait tourner son fusain entre ses doigts tandis qu’elle finissait pas se complaindre en excuses ce rendant compte que l’homme dont elle avait posé les traits sur sa feuille ne semblait pas vraiment content de l’avoir vu faire. Sinon il ne lui aurait pas fait cette remarque, et il devait avoir raison, cela avait été vraiment peu correct de la part de la jeune femme de se permettre de le dessiner ainsi/

« Désolée, c’est vrai que je vous regarde depuis tout à l’heure mais… Je vous dessinais. J’espère que cela ne vous dérange pas. J’aurais dû vous demander avant, c’est très malpoli de ma part. »

Elle baissa la tête, un peu honteuse et nerveusement elle remit une énorme mèche de cheveu derrière son oreille. Parler avec des étrangers, ce n’était pas vraiment son truc, elle était bien toute seule. Dans quelques secondes elle serait de nouveau en tête à tête avec son cappuccino, quoi demander de mieux ?

Anna Lisa regarda le petit bout avec un léger sourire aux coins des lèvres alors qu’il s’approchait d’elle visiblement tout content et avec quelque chose de très important à lui dire. Alors quand il fut enfin en face d’elle, l’italienne posa son carnet à dessin sur la table en face d’elle, elle déplia les jambes et s’avança pour monter que oui, il avait toute son attention.

« R’garde m’dame ! Ca fait pshchit-pschit ! »
« C’est vrai ca ? Ca fait pschit pschit sur la langue ? Ah oui. Ca a l’air bon ca. »

Son sourire s‘agrandit tandis qu’elle disait cela. Anna Lisa adorait les enfants… Enfin les enfants gentils et qui disait des trucs adorables comme ce petit là. Parce que les enfants qui étaient turbulents et qui défiaient l’autorité… Bah n’aimant pas le bruit et n’ayant aucune autorité… C’était moins facile de les aimer. Son père le rappela à l’ordre, pensant peut être que le petit bout la dérangeait, ce qui n’était clairement pas le cas. Du moment que ca faisait que pschit pschit et que ca tirait pas les cheveux, ca ne la dérangeait pas. Elle le regarda repartir et ce dit qu’il était vraiment bien éduquer celui là, puis son regard se posa sur le père dont venait surement l’éducation. Il le regardait avec cet air bienveillant qu’elle n’avait jamais eu de la part du sien. Cela lui fit conserver son propre sourire à elle. Elle trouvait ca beau.
Quand elle lui parla de son dessin, elle aurait pu s’attendre à LA question. Pourtant non, elle n’y avait pas pensé, elle n’était pas habituée à montrer ses esquisses, et surtout pas spontanément. Mais elle ne refusait jamais quand on le lui demandait, c’était bien normal.

« Je peux voir ? »
« Oui bien entendu que vous pouvez voir, c’est la moindre des choses. »

Elle abandonna son cappuccino et se leva avec son dessin pour l’apporter au père de famille. Elle lui tendit la feuille dans un geste lent et gracieux, ce qui reflétait toute sa personne. Parce que toujours elle avait l’air à l’ouest, et toujours elle répondrait avec cette voix posée, plus basse que la moyenne et fondamentalement douce.

« … euh, quel est ton nom ? Oh, tu as un accent ravissant… d’où vient-il ? »
« Merci… Je viens tout juste d’arriver en Angleterre, je suis italienne à vrai dire, je ne pense pas pouvoir un jour me débarrasser de mon accent et je ne le souhaiterais pas, ca fait exotique je trouve. Et je m’appelle Anna Lisa. »

« Regarde, c’est toi et moi… Mets pas tes doigts dessus ils sont pleins de glace ç_ç . Tu as un talent remarquable… c’est tout à fait Audran et moi. »
« Je vous le laisse, gardez le… Vous deux je veux dire. »

Bien rattrapé Anna Lisa. Allez savoir, c’était peut être parce que de toute évidence l’homme auquel elle faisait face était papa qu’elle n’arrivait pas à le tutoyer. L’italienne était vraiment trop branché convenance et tout ca. Mais c’était seulement parce qu’elle avait cru qu’il était plus âgé, et père de surcroit, et qu’elle devait se comporter ainsi. Cependant, elle allait vite perdre ses façons si Maëlan gardait ce ton amical et spontanné.

« Hm tu parles très bien anglais pour une italienne fraîchement débarquée. »
« J’apprends l’anglais depuis que j’ai 7 ans, mon précepteur trouvait que c’était très important. Je ne peux plus lui donner tort maintenant. »

Et pour cause, pour passer l’ensemble de sa dernière année dans une Ecole de Magie anglaise… Il lui fallait au moins ce niveau-là dans la langue de Shakespeare. Bien entendu, elle ne comprenait pas toujours tout ce qu’on lui disait, parfois elle faisait des erreurs aussi, mais la jeune femme avait toujours réussi à limiter les erreurs. De toute manière, elle n’avait jamais été une grande bavarde, si bien que cette conversation avec le British et son fils qui faisait pschit pschit était une sorte de première du genre pour elle. Et pourtant, ca avait quelque chose d’agréable. Mais tout de même, elle parlait bien plus avec le regard qu’avec des mots. D’ailleurs, elle ne quittait pas des yeux ce Maëlan, qui avait quelque chose d’hypnotisant. Maintenant qu’elle le regardait mieux, il avait l’air fatigué, bien qu’il ait l’air d’être tout à fait à sa place ici. Un peu bizarre, surtout ses grands yeux bleus qui retenaient l’attention. Elle aimait beaucoup son regard.

« Ne te débarasse jamais de ton accent, il est remarquable. Enchanté Anna Lisa, je suis Maëlan, et lui c’est Audran. »
« Je suis tout aussi enchantée de vous rencontrer. »
« Je t’invite à t’assoir ici, si en échange tu peux dessiner un… un éléphant à Audran. »
« Un ouistiti ! »
« Un ouistiti. »
« Un ouistiti ? Et bien, je pense que c’est dans mes moyens. Un ouistiti pour Audran alors. »

C’était tout à fait sympathique, purement à l’initiative de Maëlan certes, parce que si on n’avait compté que sur Anna Lisa, elle serait assise à la table voisine en train de dessiner, encore et toujours. D’ailleurs le jeune papa faisait maintenant léviter ses affaires à leur table, tandis qu’Anna Lisa se posait, tout en grâce, à leur table, posant son carnet sur ses genoux alors qu’elle commençait à y tracer quelques lignes singesques. Mais être assise à côté de Maëlan et Audran, cela lui procurait un drôle de sentiment. Une sensation simple, comme si de petites rencontres on pouvait être heureux. Anna Lisa regardait Audran du coin de l’œil, qui lui regardait le dit dessin du coin de l’œil. Un sourire ravi venait se dessiner sur le visage de la belle italienne.

« Tu as quel âge Audran ? Non, non, attends. Laisse-moi deviner. Tu dois bien avoir 5 ans toi non ? »

Elle savait gonfler les chiffres pour rigoler.

« Et bien, merci beaucoup. Et tu sais j’ai 18 ans. »
« Oh… 18 ans. Désolé, tu fais plus vieux. »

Quelque part le fait de savoir qu’il avait 18 ans mit tout de suite Anna Lisa un peu plus à l’aise. Non pas qu’avant elle ne l’ai pas été, mais c’était toujours plus facile d’être avec des personnes de son âge. Anna Lisa se contenta de lui adresser un léger sourire tandis qu’elle se remettait à dessiner un ouistiti pour Audran. Alors qu’elle lui demandait son âge, elle finissait déjà le chimpanzé, et s’attaquait à l’arbre et à des bananes qui semblait être la cible du héro du dessin. Tout ca version cartoon, ca qui plairait surement au ptit bout d’homme qui la regardait faire avec un intérêt palpable.

« J’ai 3 ans ! Tu es ma nouvelle maman ? »

Sous le choc de la question, Anna Lisa arrêta son trait. Sans détourner son regard du dessin, la jeune femme tenta vainement de se repasser ce que venait de dire Audran. Elle avait beau repensait les paroles, elles arrivaient chaque fois à la même chose. Est-ce qu’elle était sa nouvelle maman ?
L’italienne se tourna vers Audran, un tendre sourire aux lèvres. Après tout il n’avait que 3 ans, et si il n’avait plus sa maman pour quelques raisons que ce soient, Anna Lisa n’allait pas lui blâmer de poser une question dans ce genre. A cet âge, il était fréquent de mettre les pieds dans le plat de cette manière. Enfin, c’était ce qu’elle se disait en tout cas. Alors la blondinette lui répondit avec sa douceur et sa patience caractéristiques.

« Hé bien. Audran tu sais, on ne devient pas maman en 5 minutes. Pour ca il faut se connaitre depuis très très longtemps. »

Son sourire se fit un peu plus grand, et elle retourna à son dessin, finissant les traits de l’arbre. Elle rajouta quelques lianes de ci de là, et quelques oiseaux rigolos. Il ne fallait pas croire, ce n’était pas parce qu’elle était une artiste accomplie qu’elle ne savait pas descendre de son piédestal. Au contraire, elle trouvait cela encore mieux de dessiner pour Audran, ça devait vraiment lui faire plaisir au moins. Une fois fini, l’italienne tendit le dessin au petit garçon. C’était un cadeau de non-maman, mais un cadeau tout de même.

« Tiens ton ouistiti bonhomme. »

Les grands yeux bleus d’Anna Lisa se tournèrent ensuite vers Maëlan.

Anna Lisa, avec sa sensibilité artistique hors de propos, regardait Maëlan et ne put que trouver que son regard avait une tristesse hypnotisante qu’elle aurait voulu mettre sur papier. Mais cela aurait été très vulgaire de sa part que de couper court à la conversation pour se jeter sur son fusain et tracer les traits qui lui plaisait tellement chez ce jeune homme. Alors qu’il s’excusait de la question de son fils, Anna Lisa, elle, attrapait son cappuccino pour en prendre deux courtes gorgées.

« Mh… Je suis réellement désolé, Audran n’a pas de présence féminine depuis… longtemps. »
« Ce n’est rien. »

Elle n’osa pas en demander plus. En réalité Anna Lisa n’était pas spécialement curieuse, et elle ne voulait pas demander quoique ce soit sur la vie d’un parfait inconnu, le jugeant forcément au passage. Et puis, ce ne serait surement pas une bonne idée de demander où était la vraie mère d’Audran alors que celui-ci était encore occupé à regarder son dessin juste à côté d’eux. Et puis, clairement, ce n’était pas ses affaires. Alors oui, ce n’était rien.

« Tu es une vraie artiste, tu vis de ça ? »
« Non, c’est juste une passion. »

Anna Lisa, toujours très concise, n’avait jamais vraiment été du genre à étaler de sa personne. Ainsi elle aurait pu dire qu’elle était encore étudiante, qu’elle était en 7ème année, et que oui un jour elle aimerait vivre de son art… Mais elle n’en fit rien, se contentant de reprendre un peu de son cappuccino. A vrai dire, ce n’était pas qu’elle ne voulait pas s’étendre, à vrai dire cela ne la dérangeait pas d’en dire un peu plus sur elle, c’était juste que ça ne lui venait pas à l’esprit. Elle était vraiment dans son monde.
D’ailleurs, elle était bien trop occupée à regarder Maëlan pour s’occuper de son sac qui trainait aux pieds de sa chaise. L’air de rien, un grand gaillard passa à côté d’elle et prit l’objet si précieux pour une jeune femme telle qu’Anna Lisa pour finir par partir en courant. Les yeux curieux d’Anna Lisa le suivirent alors qu’il partait. Elle prit quelques secondes à comprendre. Mais lorsque cela fut fait elle ne put que s’écrier et se leva soudainement.

« MON SAC ! »

La jeune femme, maintenant debout à regarder son sac s’enfuir aux mains du voleur, vit soudainement, en périphérie de son regard, Maëlan s’élancer aux trousses du délinquant. Anna Lisa, elle, voyait la scène comme de très loin, encore une fois hors du cadre. Elle resta là, en compagnie d’Audran, sans pouvoir faire autre chose que de regarder Maëlan coller une bonne droite au voleur, tout ça pour récupérer son sac à main. En fin de compte c’était futile, parce que ce n’était qu’un sac, un sac avec tous ses trésors à l’intérieur, mais des trésors remplaçables. Pourtant elle avait beaucoup d’affection pour chacun des dits trésors qu’elle trouvait impensable de changer contre un autre. C’est pour ça que lorsque Maëlan revint avec son sac, Anna Lisa était vraiment reconnaissante envers lui d’avoir joué les héros. Lorsqu’il lui tendit son bien, l’italienne arborait un sourire sincère et elle lui dit, dans sa langue d’origine par automatisme.

« Grazie. »

Ses grands yeux posés sur le jeune homme la jeune femme tend une main pour attraper la anse de son sac. Sans savoir pourquoi elle n’arrive pas à détacher son regard de lui. C’était stupide, mais quand on faisait un acte pseudo-héroïque comme ce que venait de faire Maëlan, il planait sur le héros de la scène une espèce d’aura envoutante. Anna Lisa, plus que sensible à ce genre de chose, s’en retrouvait presqu’hypnotisée.

« On ferait mieux de partir. »

Ces paroles la firent revenir à la réalité. Elle qui partait très rapidement dans un monde parallèle revenait tout aussi rapidement, comme c’était le cas à l’instant. La jeune femme déposa son regard plein de tendresse sur Audran, comme si en à peine 10 minutes elle s’était attachée au petit garçon plus que de raison. Et alors qu’elle allait dire au revoir, les paroles de Maëlan la ramenèrent une nouvelle fois dans une tout autre réalité.

« Je peux…. t’inviter à dîner ce soir ? On a pas eu de réelle discussion et… je ne connais rien sur toi, j’aimerais bien apprendre à te connaître. »

Anna Lisa, sincèrement étonnée par la demande du jeune homme, resta silencieuse le temps de trouver une quelconque réponse à lui donner. A vrai dire elle n’était pas vraiment le genre à faire des repas au restaurant en tête à tête. Généralement un silence, qui pouvait être pesant pour la personne en face d’elle, s’installait rapidement. En plus, elle ne connaissait presque rien de l’anglais… Mais elle pouvait dire de ces 10 minutes qu’il était sympathique mais aussi courageux. A vrai dire, elle avait très envie de garder le contact avec lui. Et rien que cela était presqu’incroyable de la part d’Anna Lisa Della Guerardesca.

« Et bien… Oui, ce serait avec plaisir. »

Et parce qu’Anna Lisa n’était qu’Anna Lisa, juste après avoir répondit oui, elle ne s’occupa ni du lieu de rendez-vous, ni de l’heure. Parce qu’elle était comme ça, ce genre de détails lui passaient littéralement au-dessus de la tête. La jeune femme attrapa son sac de livre, et se redressa de nouveau avec un sourire aux lèvres. Elle était, en fait, vraiment contente de pouvoir le revoir le soir même, allez savoir où, allez savoir à quand.

« Je dois y aller aussi, je suis en retard. Au revoir Audran, à très bientôt. »

Et en une seconde, elle fut partie.