Voilà qu'elle se retrouvait de nouveau devant cette boutique miteuse, et non sans quelques griefs d'ailleurs. Elle n'avait pas bougé physiquement, ni mentalement d'ailleurs - du moins pas qu'elle sache.
Elle avait consulté ici il y avait moins de deux semaines, et comme de bien entendu on l'avait redirigée ailleurs. Non contente d'avoir eu l'impression de s'être faite prendre pour une imbécile lors de sa première visite, elle s'était vu poliment éconduite en Louisiane lorsqu'elle s'était présentée de la part de Monsieur Oleivera.

Awa - Oh Enrique. Le brave petit.
Lily - Oui, enfin je ne suis pas vraiment venue vous parler de Monsieur Oleivera si je puis me permettre...
Awa - Ah bon?', avait rétorqué la mama noire américaine avec un certain piment
Lily - Euh non, en fait...', avait commencé la métisse, visiblement surprise que Madame Mayfair affiche cet air dubitatif quand elle lui annonçait qu'elle n'était pas venue parler du jeune hispanique qui avait brièvement étudié son cas...
Awa - alors je ne peux rien pour toi fille.
Lily - Mais vous ne savez même pas pourquoi..

L'obeah la tira à l'intérieur pour lui montrer une vieille écuelle rouillée dans laquelle attendait une patte de coq noir toute desséchée qui trempait dans un épais liquide rouge douteux. Et il y avait aussi... Asphodèle approcha pour mieux voir... des dents humaines.

Awa - Mayfair blanche tsss...
Lily - Pardon?', demanda-t-elle un peu courroucée.

Awa la regarda avec un espèce de sourire arrogant. Une autre fois on aurait pu se dire que ce sourire arrogant ressemblait pour beaucoup à celui d'Asphodèle. Mais ce n'était pas vraiment le jour pour se faire cette réflexion. Aussi nous ne dirons rien du tout.

Awa - Va régler ton problème avec lui. Je sais que tu n'as pas 17 ans Asphodèle. Oh mes orishas pourraient bien y faire quelque chose mais j'ai parlé hier avec Papa Legba. Retourne voir le gitan. C'est ta voie. Retourne.

Et voilà comment Asphodèle, grandement sceptique, retournait dans cette boutique. A contre coeur bien sûr mais avec dans l'idée qu'elle pourrait peut-être se venger du crétinisme du gérant. Elle entra et se planta au milieu, les bras croisés sur sa poitrine.

Lily - Monsieur Oleivera? Il semblerait que vous vous soyez...grossièrement trompé en m'aiguillant vers votre amie obeah. Soit disant que ce serait vous ma voie, figurez vous', raconta-t-elle avec cynisme tout en sachant qu'il l'entendait très bien de là où il était,' d'après votre amie vous seriez tout à fait capable en ce qui me concerne alors, au travail si vous le voulez bien. Il va de soit que je vous dédommagerai à hauteur du service rendu.

La déflagration la fit légèrement sursauta - tellement légèrement que.... - mais ce fut surtout le comique de situation qui lui fit notablement hausser un sourcil. Deux hommes propulsés devant elle comme des boulets de canon, et même pas un petit rire, c'était typique d'elle. Trop bien élevée pour ça. Dans une autre circonstance elle aurait sûrement ri cela dit.
Elle avisa rapidement qu'il s'agissait de monsieur Oleivera - dont décidément les entrées étaient toujours plus fracassantes - et d'un autre jeune homme. Un instant elle se dit qu'il s'agissait d'un de ses élèves à en juger par sa tenue, mais elle constata que non avec soulagement.

Cruz- Aïe, putain de merde...
Enrique - Bonjour, je peux vous aider ?
Lily - J'avoue que je commence à en douter.

Elle le regarda se lever, l'air complètement sonner. Eh bien. Autant espérer que l'obeah ne s'était pas moquée d'elle sinon elle risquait d'avoir purement et simplement perdu son temps. Tout de même, elle eut un espèce de demi-sourire en coin à les regarder. On se serait cru dans une de ses animations moldus aux images saccadées.
Mais elle ne fit aucun commentaire, préférant de loin entrer dans le vif de ce qui la ramenait.

Cruz - Une femme qui propose dédommagement ? Petit coquin va...

Elle haussa à nouveau un sourcil sévère, ses lèvres prenant un pli légèrement outrée mais dans le fond ça ne l'étonnait pas d'un gamin de son âge. Enfin, quel âge avait-il déjà? Elle avait tendance à se méfier des apparences plus encore qu'avant depuis qu'elle même avait physiquement l'air d'avoir 17 ans. Enfin elle ne lui donnait guère plus de la vingtaine surtout pour faire ce genre de commentaires immatures. Mais ne se contentant pas de la chance qu'il avait eu jusque là qu'elle le laisse dire sans rien répondre, l'inconnu crut encore bon d'ajouter:

Cruz - Beau petit lot...
Lily - On peut savoir qui est votre ami si charmant monsieur Oleivera?', demanda-t-elle en décidant de zapper l'autre ad vitam eternam dès cet instant.

C'était aussi sa façon de répondre au sourire un petit peu trop charmeur du gérant. Elle se redressa bien, fronçant très légèrement les sourcils. Elle n'avait pas l'air contente.

- Votre voie, hein ? Je me demande bien ce qu'elle veut dire...
Lily - Je pensais que vous sauriez mieux que moi.
Enrique - Je ne vois vraiment pas ce qu'elle a bien pu vouloir vous dire... Comment s'est passé votre entretien ? A-t-elle fait quelque chose ?...
Lily - Rien du tout. Elle s'est contentée de me congédier après m'avoir montré une écuelle de sang contenant un certain nombre de... d'ingrédients je dirais. C'était censé me prouver clairement que vous étiez ma voie. Enfin le vaudoo est un type de magie assez fermé j'avoue n'y avoir pas été initiée alors...
Enrique - ça m'étonne de votre grand-mère... D'habitude, elle se montre un peu plus... Elle est plus facile à comprendre...
Lily- Ma grand mère? Vous voulez dire VOTRE grand mère?

Peu probablement m'enfin. Elle voulait bien reconnaître qu'elle partageait des allèles négroïdes avec la bonne vieille femme mais quand même! C'était aller un peu vite en besogne vous ne trouvez pas.

- Non... La votre.

Elle fronça ostensiblement les sourcils. Et pourtant ce n'était pas voulu. Elle ne supportait tout simplement pas cette façon qu'il avait de vouloir la contredire à chaque fois et d'ailleurs... sa réponse était absurde! comment cela aurait-il pu être sa grand mère? La pique qu'elle avait dans les cheveux, et qui avait jusqu'alors maintenu la longue cascade nacre de ses cheveux en un chignon assez stricte, tomba au sol. Elle sursauta en l'entendant. Ses cheveux lui tombèrent sur les reins, noircissant à une vitesse impressionnante avant de raccourcir en petites cornes de démon sur sa tête, la laissant avec une si charmante coupe à la garçonne dont elle n'avait pas l'habitude.
Elle releva le nez vers Enrique, avec ce même petit air gêné/vexé qu'elle aurait eu s'il était entré dans la salle de bain pendant qu'elle prenait sa douche. Comprenez, elle n'avait plus fait de dérapage meta depuis belle lurette. Du moins plus pour des broutille de ce genre. A croire que cet homme avec le don...

- Visiblement, sous vos airs supérieurs de je suis sûr de moi, vous ne savez pas grand chose... Sur vous même.
- Vous avez le don de me mettre les nerfs en pelote Monsieur Oleivera.', elle ne le quittait pas des yeux, visiblement radoucie pourtant. Peut-être avait-elle décidé à l'instant qu'il ne fallait pas la peine d'avoir des réactions si épidermique pour si peu... Mais soit. J'admets que vous n'avez pas tords sur tout.
- J'ai bien l'impression que votre père ne vous ne dit pas tout... Quelque chose me dit également que ce n'est pas votre vrai père.
- Ca j'aurais aussi bien pu vous le dire. Est-ce bien dérangeant?

Elle savait très bien d'où elle venait. A peu de choses près c'était vrai. Mais elle savait qui été son père, le vrai, quel était son rang, et quelle vie il avait choisie de mener. Elle s'assit tranquillement, avisant qu'il serait bientôt l'heure de déjeuner mais sauter un repas ne l'avait jamais spécialement effrayée. Elle était intriguée par cet homme, cela l'avait fait revenir auprès de lui pour 50% et ça la ferait sans doute revenir encore.

- La famille Mayfair... C'est ta famille, Asphodèle.
- Saint- Ange. Mais il est vrai que j'ignorai jusqu'alors l'ascendance de ma mère. Vous m'y avez envoyée sciemment en sachant que je reviendrai bredouille et furieuse contre vous... enfin contre toi? Toi qui me devines dans tes flammes tu devrais savoir que je n'aime guère
qu'on m'en remontre. C'est sans doute prétentieux mais c'est mon caractère, et je te prie de croire qu'à 17 ans c'était bien pire...
- Que veux-tu savoir... D'autres ? Je peux répondre... A presque toutes tes questions. Du moins... Je le crois.
- Mais j'aurais plus de questions à poser sur toi que sur moi. Je ne sais peut-être pas entièrement d'où je viens mais je sais qui je suis. C'est tout ce qui compte tu ne crois pas?

Elle avait quitté sa superbe et son maintient rigide. Un bras appuyé sur son genou, elle était assise comme à la table du professeur Midnight, à Bombay. Dans ses prunelles améthiste, une nouvelle lueur avait éclos, celle du plaisir simple de la conversation pour peu que ce soit une conversation intelligente.