« Je t'aime. Depuis longtemps en réalité, mais je ne l'ai compris que maintenant. … Et je ne sais pas comment on fait pour aimer quelqu'un correctement. … Tu ne me laisseras plus, hein? … Mais t'es complètement dingue ou quoi ? Si tu te fais prendre, t'es bon pour Azkaban ! … Que ceci scelle toutes nos promesses et qu'il consume le parjure. … S'il te plaît... Arrête. Si tu continues à faire ça, je vais pleurer ou alors je vais crier, dans un cas comme dans l'autre, tu ne vas pas aimer ça, alors s'il te plait, Matt. … Tu sais, t'es complètement tordu... mais j'crois que j'adore ça. … Tu es parfait. Digne de mon idolâtrie. … monsieur. »

Monsieur. Le géant irlandais rouvrit les yeux, et posa son regard sur la magnifique psyché de sa chambre à Ealdwic, cette appartement qui aurait du être le nid protecteur de son secret, de son couple, et qui n'était plus alors qu'une chambre terne et froide, aseptisé de tout sentiment. Matt secoua doucement la tête pour chasser cette image de Luke, celle-ci, et les autres ; celle à l'infirmerie, celle où il avait du le frappé, et celle avec Caelan, et dans la fosse, et... Il sentit ses genoux fléchir mais resta droit. Ce n'était pas le moment. Ce n'était absolument pas le moment. Il passe ses doigts sur ses tempes et remit en place ses cheveux sombres. Il avait un peu maigri, ses joues s'étaient creusées, mais c'était infime. Ce n'était pratiquement rien, il ne pouvait pas s'en plaindre. Il tourna les talons, attrapa sa matraque et la fit glisser à sa ceinture, prenant sur la table sa baguette. Il y avait une photo vieillie et jaunie sur la table, une photo d'eux trois, à l'âge de sept ans, la gueule rougie et retournée pour s'être tous pris un arbre en faisant de la luge. C'était une bonne époque. Mais elle était révolue.

Il transplana.



Chain était déjà là, en habit également, et il attendait avec un sourire son vieil ami. Travailler à Azkaban n'avait jamais été, chez aucun des deux, un métier d'avenir. Duncan Hemmington était dans les finances – comme la plus part des rentiers sangs-purs – et Matt lui succèderait un jour, ou alors il aurait fini au Magenmagot, comme il l'avait toujours cru. Au final, ils étaient gardiens de prison. Si ça c'était pas le rêve.

« C'est bon, tout est prêt. » sourit Chain en remettant en place son brassard. Matt jeta un oeil à sa montre, et hocha la tête. Ils avaient encore cinq minutes avant que l'attaque ne commence.
« Chain, j'ai un service à te demander. » L'irlandais releva le nez, réajustant cette fois-ci son col.
« Mh? Ça dépend. Si tu me demandes de sortir avec Caelan juste pour avoir Luke, sache que c'est ok mais je me ma... »
« Non. C'est... » Un instant d'hésitation. Matt posa ses yeux sur la bâtisse sombre au loin. « Si je reviens pas, tu diras rien à Luke de tout ça, d'accord? Dis-lui que j'étais qu'un bâtard qui vous a trahi, que je l'aimais pas, et que je l'ai balancé au ministère parce que je pouvais pas le saquer. » Chain se pinça les lèvres, grattant sa nuque.
« Pourquoi tu veux que... » Il s'arrêta, comme Matt le fixait, aussi sérieux que la mort elle-même. « ...d'accord. »

Aucun des deux n'étaient assez bêtes pour croire qu'ils pouvaient s'en sortir facilement. Le plan était parfaitement ficelé, mais il y avait des failles possibles, tout le monde en était bien conscient. L'humain est imprévisible, il fallait bien prendre cette variable en compte. Matt inspira profondément, et Chain grommela :

« Mais si toi et moi on revient pas? » Matt le fixa, et eut un petit rire, un sourire franc déchirant son visage.
« Bah on aurait l'air con. »

Chain le fixa, et eut un petit rire également, secouant la tête. Matt regarda à nouveau sa montre, et c'était l'heure.


Le plan était clair.
Azkaban était actuellement six hautes tours, neuves et reconstruites. Des cercles de transplanage avaient été placé au pied de chaque bâtiment d'Azaban. Chaque bâtiment possédait une fonction : bâtiment des créatures, des hommes, des femmes, des déviants, bâtiment de l'administration. Des passerelles s'élevaient tous les trois étages entre chaque bâtiment, forment un sceau de Salomon alambiqué.
Pour pouvoir activer les cercles de transplanage, il fallait détruire le coeur de l'Administration, le « sceau anti-transplanage ». C'était la mission de Matt qui avait reçu un pierre-enchantement de la part du professeur Van Hellsing, le temps que ce dernier ne puisse rejoindre Azkaban et le relever de ses fonctions. Il n'aurait qu'à poser la pierre à côté du sceau pour le désactiver – ce qui permettrait à tous les membres de l'ordre de venir et repartir.

Chaque petit groupe s'était vu un bâtiment à attaquer, avec les horaires de garde, les codes des portes, ainsi que des uniformes offerts. Les clefs des cellules se trouvaient à chaque bureau de contrôle, une petite salle de repos où un grand tableau offrait toutes les clefs – pour permettre à ceux qui avaient perdu leur trousseau d'en refaire une par exemple, et cette salle de repos se trouvaient à chaque milieu d'étage. Le plan était simple, rapide, concret : libérer les prisonniers, et partir. Il ne s'agissait même pas de détruire la prison où il n'y avait, de toute façon, à cette heure, quasiment personne.

Chain leva les yeux et soupira.
« Tu reviens, pas vrai Matt? »
« Quand je peux. On se retrouve à Lexham. » Une pause. « Considère que je suis mort si je ne suis pas revenu dans les vingt heures après la mission. »
« Bonne chance. »

Matt avança. Il sortit son badge, pénétra dans le bâtiment de l'Administration sans difficulté – il n'y avait pas un chat dans les bureaux. Possiblement, Clash était encore là pour fignoler quelques papiers, mais ça ne l'intéressait pas encore. Son heure viendrait, plus tard. Il descendit les escaliers, rentra le code d'accès aux archives, et referma la porte derrière lui. Il fit quelques pas, calme, croisa le balayeur qui partait après l'avoir saluer, et s'enfonça jusqu'au troisième sous-sol, après avoir descendu les marches. Là une porte rouge indiquait « ACCES RESERVE », et il entra. Un tableau d'un ange cachait le coffre, mais il n'avait pas besoin de l'ouvrir. Il sortit de sa poche une petite pierre et la cacha dans un coin du cadre du tableau.
Dehors, l'Attaque commençait.

Les premiers transplanages, impatients pour certains, se firent. Chain eut un sourire en voyant Huyana, puis Shima à côté d'elle, sous sa forme humaine cette fois-ci. Aelys, Eli et les autres s'entassaient petit à petit sur la côte d'Azkaban, se regroupant sous forme de petit paquet d'hommes. Chain rejoignit le groupe qui devrait attaquer la tour des déviants. Sa mission à lui était simple : sauver les prisonniers...et surtout Luke en réalité, puisque sinon Matt l'étriperait à la sortie.

Le professeur Van Hellsing débarquait avec Vaeceslav Crosshaven et Seamus Asher, têtes découvertes. Aucun des deux n'avaient après tout à craindre, puisqu'ils étaient déjà soupçonnés d'appartenir à l'Ordre. Pour Abaddon... un simple masque illusoire lui servirait aussitôt, affichait alors le même visage que Seamus. Il jeta un regard à ses amis, et partit aussitôt rejoindre Matt.

Chain avança avec son groupe, silencieux dans la nuit. Des badges subtilisés aux autres gardiens feraient facilement taire les alarmes, au moins le temps de l'aller.

Le jour était arrivé. Huyana l'avait longuement préparé avec Matt. Tout deux mus par le même objectif, plus personnel que les autres, ils avaient travaillé d'intelligence, tissant des liens que la djinn d'eau aurait appelé "amitié", ce dont l'ancien mangemort ne voudrait sans doute pas entendre parler.

La jeune femme ouvrit les yeux s'extirpant du cocon aquatique de sa baignoire. Elle revenait de l'antarctique où on avait accueilli la nouvelle de sa décision tièdement. Nayati s'était emporté. Ils s'étaient disputés plus violemment que d'habitude, le prince ne pouvant décemment accepter que sa petite soeur, sa princesse, prenne autant de risque pour un fils du feu qui ne le lui revaudrait jamais. Et si elle mourrait? C'était un possibilité. Elle l'avait envisagé et ça ne l'avait en rien fait fléchir. C'était peut-être comme ça qu'elle avait fini par comprendre en quoi aller sortir Zenshou de ce trou maudit c'était si important.

Elle sortit de la salle de bain, le visage marqué d'une large bande outremer foncé, presque noir. Les yeux soulignés d'or. Le corps cintré dans un uniforme des tribus de l'eau du même bleu outremer. Avec ses cheveux blonds qui lui tombaient sur les épaules en cascades désordonnées, elle avait l'air d'une barbare du grand nord! Elle en était même méconnaissable.

« Tu es prête Shima? »

La voix de Huyana transpirait de détermination. Elle ne lui demanderait pas si elle était sûre. Elle aussi avait ses raisons. Les mêmes que Huyana sans aucun doute. Un regard échangé. Un autre regard à l'heure. La djinn transplane avec la lampade.

La première chose qu'elle voit en arrivant dans l'imprenable Azkaban, c'est un sourire. Celui de Chain. Mais si elle le lui rend, elle n'attend guère. Elle disparaît dans un couloir qu'elle a arpenté du regard des milliers de fois et qu'elle ne parcourt pourtant que pour la première fois.
Un frisson lui tient le coeur mais ses lèvres restent scellées. Tout autour, la clameur de l'océan qui chante à la lune donne un coup de fouet à son allant. L'humidité tout autour lui assure un avantage mais un regard se coule vers Shima, pour sûr, la lampade ne se trouve pas dans son élément ici. Mieux vaudra qu'elle ne traîne pas de trop.

Un concert de rires gras lui glace le sang. Par réflexe, son bras barre le passage à Shima et la plaque avec elle contre le mur. Silence. Quelques minutes passent dans l'angoisse puis Huyana s'avance de rien. La voie est libre. Il faut tracer, ne s'attarder nulle part car ici le temps ne joue pas pour elles deux.

En passant devant les cellules aux yeux suppliants, Huyana prend sur elle. Non. Non elle doit avancer. Ce sera lui et tous les autres ensuite. Elle n'est là que pour lui, jusqu'à ce qu'il soit libre. Ensuite... ensuite advienne que pourra. Une alarme indique qu'il est l'heure de se rendre à la fosse. Les bottes battent les pavés à un rythme militaire soutenu. Voilà qui fera leur affaire.

La djinn profite de la voie libre devant elles et court droit vers là où elle sait. Dans ce labyrinthe, elle sait qu'il sera forcément dans une cellule d'isolement. Matt le lui a assuré et s'il s'est trompé alors Huyana n'aura plus qu'à compter sur sa chance et à Azkaban mieux vaut avoir des appuis plus solides que ça.

L'air s'assèche autour des deux femmes. Huyana tique. Cette chaleur elle la reconnait. C'est celle qui lui manque dans son appartement depuis quelques mois. Cette chaleur étouffante qui lui était insoutenable à son arrivée à Ealdwic. Un regard à Shima. Dans le bleu outremer, les yeux de Huyana ont l'air de deux pierres maléfiques qui irradient d'une ferveur surnaturelle.

Huyana s'arrête enfin devant une porte d'acier gravée d'étranges arabesques. Elle ferme les yeux comme pour mieux prêter oreille à son instinct. Matt leur a parlé d'une salle de repos. Ce sont les clés qu'il leur faut. Les deux femmes se dirigent vers la petite pièce qu'elles savent se trouver deux couloirs plus loin. Mais dans leur plan, elles n'y trouvaient personne. La réalité est toute autre.

« Séduis-le Shima, tu es beaucoup plus belle que moi... enfin... tu plais aux hommes. », souffle Huyana si bas qu'on l'entend à peine.

Elle attend que la lampade s'avance, qu'elle capte toute l'attention, puis entre à sa suite. Derrière une flaque d'eau qui glisse comme un démon argenté. Silence. Lorsque Huyana passe devant l'homme, il est pris dans la glace. Elle hésite un instant. Sa bonté naturelle lui dit de le laisser vivre. Sa logique lui dit...

Un grand bris de glace se perd dans les couloirs désertés. Les deux jeunes femmes sortent courent retrouver l'immense porte d'acier. Les arabesques se contorsionnent à chaque tour de clé jusqu'à ce que les gonds grincent libérant une chaleur étouffante...

Eli et Aelys étaient arrivés dans le même crac sonore. Un sourire triomphait sur le visage d'enfant de la blonde, quand le dandy arborait un air moins sûr de lui. Les deux amis avaient toujours été le jour et la nuit, ils se complétaient, se protégeaient l'un l'autre.

Eli n'avait jamais été pour ce projet d'Azkaban. Trop dangereux à son goût. Mais il était là malgré tout, pour elle sans doute. Elle lui sourit et rallume la flamme dans son coeur. La flamme du phoenix. Leur mission est simple ce soir: sortir un maximum de monde en un minimum de temps et si possible sans attirer l'attention, sans déclencher d'alarme non plus. Le plan était un peu utopique mais il avait été longuement étudié et réétudié.

Avec quelques autres, ils prennent la direction des cellules les plus récentes, celles qui ont le plus de failles. Ils laissent derrière eux Hemmington et sa clique, Huyana aussi. Tout repose sur la confiance qu'ils peuvent avoir en lui mais... mais c'est une confiance fragile.

Une alarme sonne. Tout le monde se fige. Cinq minutes affreusement longues s'écoulent avant qu'on ne se rende compte que ce n'est que l'alarme qui annonce le rendez-vous hebdomadaire préféré des gardiens: la fosse. Les combats de prisonniers, ce genre de choses...

Aelus se redresse et reprend, tout droit devant jusqu'à ce qu'ils arrivent dans un couloir qui n'en finit plus d'aligner les barreaux et les visages émaciés. C'est là que leur travail commence...

Quand on est enfermé dans le noir depuis deux mois ou quelque chose comme ça, sans voir un brin de soleil, sans autre repères que les aller-et-venues des geôliers, on finit par perdre la notion du temps. Des mots comme nuit ou journée perdent complètement leur sens. Et puis que c'est toujours le même gruau qu'on vous jette comme à un chien au milieu de la cellule - une gamelle pour deux une fois par jour c'est la prescription - autant dire que se raccrocher à une quelconque notion de temps c'est une idée illusoire.

Ce jour là - à moins que ce ne fut la nuit - Kelso adressa un petit sourire à Luke Midnight. L'alarme qui annonçait les départs en fosse venait de les tirer d'un sommeil léger. Ce qu'il y avait de réjouissant à ce tintamarre assourdissant? Rien que l'idée que cette semaine ce n'était pas leur quartier qui faisait le show. Sympa pour les autres taulards direz-vous, oui mais si vous y étiez vous apprendriez vite à fermer les yeux sur la souffrance des autres pour peu que vous soyez épargné.

Le brun soupire et étend ses jambes devant lui. Il n'y a rien à faire ici. Mais c'est peut-être mieux que quand on vient les chercher pour quelque chose. Kelso baille et par habitude sa main vient masser sa retorse. Il n'y a pas assez de lumière pour qu'il ait pu vraiment voir de quoi ça avait l'air mais rien qu'au toucher il sait qu'il y a un truc de mal fichu.
Ca n'est pas si important après tout, il n'y a que pour lever le bras que ça le gêne vraiment et pour l'instant, il n'y a que son compagnon de cellule qui a remarqué.

Si c'était arrivé ailleurs, Kelso aurait sûrement pensé au Quidditch, parce avec ce genre de trucs, pas moyen de frapper un cognard correctement. Mais le Quidditch... c'est loin tout ça. Il n'y a même pas réfléchi en fait.

« C'est quoi notre programme par ce beau weekend d’automne? »

Il faut bien rire un peu non?

Seul dans sa prison de flamme, le fer rougissant tellement Zenshou l'a attaqué ces dernières heures, le djinn ne dit rien. Après tout, il n'a jamais craint la chaleur, pas plus qu'il ne craint les gardes. Ils n'entrent pas pour tout dire. Ses cheveux ont repoussé par la grâce du temps. Il ne sait pas cela fait combien de temps qu'il est enfermé ici, mais au final, ce n'est pas si mal. Ça aurait pu être bien pire. Là, seul dans sa cellule, assis en tailleur au milieu de la pièce, Zenshou médite. Parfois des piques d'électricité viennent frapper la parois de fer, parfois c'est des flammes qui se propagent hors de sa vue. Tantôt il a chaud, tantôt il a froid. Il n'y fait plus attention. La seule chose qui le passionne aujourd'hui, c'est le silence, le simple crépitement des flammes et rien d'ailleurs. Juste le silence. Magnifique et délicat. Et il réfléchit à comment il va sortir d'ici, à quelle ruse il va pouvoir mettre en œuvre, et son esprit bien vite se perd, il sourit amoureusement dans son sommeil décalé, rêvant d'arracher une à une les têtes de ses maudits gardiens qui l'endorment pour le laver et le remettre dans sa foutue cage à chien. Qu'importe! Il se vengera.

Les gonds grincent. Il hausse un sourcil. D'habitude on n'ouvre pas la porte sans qu'il ne soit anesthésié. Il a un petit grondement, sensiblement proche de celui d'un dragon qu'on aurait dérangé en pleine sieste, mais la petite frimousse de Shima qui entre aussitôt dans la fournaise pour saluer son maître lui tire un sourire amusé. Un instant. Car aussitôt que la lampade est contre lui, il voit Huyana, et alors il comprend, il sait qu'elles toutes les deux venues et que ce n'est pas avec un papier du ministère. Folles. Enfin. Ce n'est pas le moment de faire le rabat-joie. Zenshou se redresse, sa colonne craque, et si ses mains sont électriques, c'est par habitude. Il s'étire, affichant un simple pantalon de toile de lin blanc devenue gris poussière, noircie parfois par les flammes – son unique habit. Sur ses épaules, les flammes de ses colères crépitent encore, comme des feu follets qui ne veulent pas mourir. Il a un sourire qui s'étire, doucement, alors qu'il s'approche de la sortie et de la belle Huyana. Il se racla la gorge, faisant claquer sa langue sur son palais.

« J'imagine que... » sa voix se sert, comme il ne s'en ait pas servi depuis longtemps, et il tousse, crache ses poumons en se pliant en deux, un long instant, avant de se redresser « ...Je te suis, Princesse. »

Il a un sourire amusé, mais ses yeux sont déjà sur le couloir. Paranoïaque? On le devient, à force. Ses mains s'électrisent aussitôt, d'un beau bleu qui piquerait n'importe qui y mettrait la main. Pas besoin de le porter, il saura marcher. Il est peut-être le moins amoché de tous les prisonniers.

Chain sait qu'il doit faire vite, aussi vite que le voudrait n'importe qui. Derrière son uniforme de geôlier, il est remarquable, un bon acteur, né pour faire ça sans aucun doute, mais au delà, il est juste heureux que ça se finisse, parce que les cauchemars, lui, ce n'est pas son truc. S'il a suivi Matt, c'était parce que le plan semblait bien, mais à la longue, c'est toujours assez dur de voir un de ses meilleurs potes finir dans le rôle opposé – vous savez, celui qui devant la matraque, pas celui qui la tient, non, ça, c'est vous. Il passe les portes sans croiser personne, Aelys et Eli un peu derrière. Puis quand il passe le quartier G, il se stoppe. Alarme. Dans sa tête, ça fait « fuck! », mais quand elle s'éteint, il reste un instant statique. Ah. Oui. Cette alarme là... Il l'aurait presque oublié. Quartier Z. Quartier Z. Il s'enfonce dans les dédales sombres de la sombre maîtresse de la nuit, passe dans la salle de repos où un homme dort. Chain entre, a un petit rire quand l'homme se redresse et le fixe. « Hey! Je cherchais les clefs de la cellule IV du secteur R. J'ai perdu la clef de mon trousseau... » L'homme le fixe, le détaille, pose ses yeux sur son badge. Chain Backdown. Gardien. Tour III. Bon. Il se retourne. Chain change aussitôt de visage, et un sort dans le dos, un filet vert, et déjà le corps retombe mollement sur le sol. L'ancien serpentard a un sourire froid sur le visage et attrape les clefs des quartiers dont il doit s'occuper avec son binôme. Qu'importe. Il sort dehors, et marche tranquillement – ou presque – sur le Quartier Z. Là, il remonte un à un les quartiers. Ça ne prend pas beaucoup de temps, d'autant plus qu'il n'a rien à craindre pour la fosse – cette semaine ça doit être les quartiers C, D et E. Autant dire deux étages sous lui. Il glisse la clef dans une cellule, lève les yeux et pose son regard sur Knut, qui le fixe en retour. Bordel de merde. Ce mec lui foutra toujours une trouille royale. Le jeune Backdown se racle la gorge alors que le géant gronde. « C'est pas à nous cette semaine... » « Ouais, j'sais Knut » Chain aun petit sourire d'excuse, mais franchement, ça ne se fait pas de laisser les gens derrière, pas vrai? « ...c'est un plan d'évasion. » L'oeil du géant s'allume. Évasion. Ce mot qui aurait fait jouir n'importe qui dans cette prison de pédale.

Chain recule, la porte grince, s'ouvre, et Knut sort, immense colosse comparé à l'irlandais qui pourtant n'est pas si petit que ça. Enfin! Sang de géant, ça n'aide pas. Quelques pas plus loin, Chain s'arrête, prend le pas sur le groupe qui se forme derrière lui. Un garde s'approche. « Hey Stekkins! » Stekkins relève le nez, rigole. Tourne la tête. Chain la lui attrape et l'éclate contre le premier mur qui passe. Le gardien se voit la tempe rouge sang, et glisse contre le mur. Un de moins. Après tout, personne ne lui a dit, à lui, de ne pas tuer, pas vrai? C'est tellement plus rapide. La progression va vite, car elle est facile, fluide. Qui m'aime me suive! Dirait-il, mais encore, il aurait trop peur de se faire violer par le grand balèze à barbe. Quartier R. Super. Le dernier sur la liste, après, direction cercle de transplanage, et bonjour la belle vie de fugitif! La voie royale. Chain passe les clefs, et chacun y met du sien. Lui, il court un peu, se faufile, et s'arrête. Cage IV. La meilleure, la bonne! « Devinez qui à une bonne nouvelle...! » Et là, forcément, alors qu'il entre à peine la clef dans la serrure, Knut s'arrête derrière lui. Vu la gueule de Kelso et Midnight, ça aide pas. Chain relève le nez, pose ses yeux sur Knut. « Non, Knut, s'teu'plaît, rends pas la situation plus compliquée... » Il roule des yeux, alors que tous les prisonniers commencent à s'entasser derrière lui. « C'est une évasion, allez, venez... viens Luke. » Il laisse passer Gregory, et sa main rattrape celle de Luke. Si seulement il pouvait lui dire qu'il en a rêvé de ce moment, de ce moment où il pourrait être le héros qui sauve tout le monde...ou juste lui, parce que quand même, c'est son pote. À la vie à la mort.

« C'est bon Matt, tu peux y aller. Je le maintiens. » Le sourire serpentin d'Abaddon Van Hellsing était rassurant. Matt lui jeta un dernier regard, puis tourna les talons et sortit du bâtiment administratif. Il grimpa les escaliers et déboucha sur le hall, entourée de vitres claires. Les rescapés du premier étage regagnaient déjà les cercles de transplanage, et il n'y avait toujours pas d'incendie – donc c'était que tout allait bien. Il resta un instant dans le hall, et ses yeux allèrent sur la gauche, se posant sur les marches qui grimpaient jusqu'à cinquième étage. Il eut un sourire malsain, et s'y dirigea doucement, sa baguette glissant hors de sa manche. Il poussa la porte des escaliers et commença à les grimper... arrivé en haut, il déboucha sur un petit couloir. Le sol était en moquette pourpre, pour cacher les traces de sang se disait-il toujours. Mais aujourd'hui ça ne cacherait rien. Il releva le nez. Deux grandes portes lui faisaient face, en ébène.

Elle laisse Shima passer devant, plus peut-être parce qu'elle même ne saurait pas quoi faire exactement. Avec lui il y a des fois où tout semble compliqué, comme si tout ce qui était de l'allant de soi devait subitement vous laissez perplexe et indécis. Comment retrouve-t-on Zenshou Suru quand on est pas Shima? Huyana n'en a strictement aucune idée sur l'instant et elle est trop tendue pour laisser parler sa spontanéité naturelle. Derrière le petit garçon à connerie il y a aussi une princesse comme il dit et ça implique beaucoup de responsabilités.

Elle s'écarte pour le laisser sortir, un petit sourire point derrière ses longues mèches blondes et sa peau marquée de bleu.

« Je crois qu'il vaut mieux que tu suives Shima. Vous assurerez l'avant et moi l'arrière. Je ne veux pas qu'ils puissent nous rattraper si jamais... »

Comme elle dit ça, elle referme la porte. Le mécanisme se met en branle comme si de rien n'était puis elle presse le pas vers le point de garde pour remettre les clés exactement là où elles les ont trouvées. Un coup de baguette les auraient débarrassés des petits morceaux du gardien mais utiliser la magie pourrait s'avérer vraiment risquer alors...

Alors elle pousse tout ça dans un coin sous le bureau, là où on ne regardera pas avant de vouloir faire le ménage à fond ou avant qu'en décongelant l'eau ne libère une puanteur suspecte, et elle ressort.

Après il lui suffit de remonter le couloir, juste derrière Zenshou et Shima. Le crépitement de l'électricité lui assure qu'il n'est pas en si mauvaise forme qu'elle l'aurait pensé et peut-être même que s'ils doivent rencontrer quelqu'un...

Son estomac se vrilla comme le cercle de transplanage . Où était Matt? Déjà passé? Que faisait-il? Ca n'était pas dans leur programme ça. Du moins pas dans la partie qu'il avait bien voulu partager avec elle. Merde. Elle fit un pas en avant pour échapper à la téléportation mais trop tard. Un crac sonore et voilà qu'elle réapparaissait, l'air inquiet à côté de Zenshou et Shima. Ils étaient dans le grand salon de Lexam Garden, QG de l'Ordre. Pas de Matt. Des dizaines de visages émaciés mais heureux étaient déjà là. D'autres arriveraient bien assez tôt.

Huyana tiqua. Elle ne pouvait pas y retourner. Mais elle ne pouvait pas partir tant que Matt n'était pas là lui aussi.
Une fille de l'ordre apporta un bol d'on-ne-sait-trop quoi à Zenshou, avec un sourire. Ca avait au moins le mérite d'être chaud et appétissant.

La djinn d'eau reporta longuement son regard sur le djinn de feu et à cet instant, même si elle semblait préoccupée, elle était heureuse. Fatiguée, plus moralement qu'autre chose, elle soupira et passa le revers de sa manche sur son visage pour retirer le masque de bleu dont elle s'était peinte. Sa mission à elle était terminée.

« Rentrez. Je sais que votre appartement doit vous manquer. Moi il faut que j'attende Matt Hemmington. »

Là dessus, elle eut un signe de tête comme pour signaler que tout était ok.