" La stupéfixer ne ferait qu'aggraver les choses."

Huyana recula ostensiblement, montrant à Shima, le panda roux de Zenshou, qu'elle abandonnait l'idée de la toucher. La blonde la regarda lui tirer la langue avec un petit sourire amusé. Elle avait dompter une hydre géante - bon il lui avait fallu quatre ans de travail - mais impossible d'ausculter un malheureux panda roux.

" C'est la première fois de toute ma vie que je dois m'avouer si vite vaincu mais mieux vaut ne pas la contrarier. On n'a qu'à l'emmener sur le chemin de traverse, je connais quelqu'un de très compétant."

Elle se leva d'un bond, déjà prête à partir. Elle mettait toujours la même énergie dans tout ce qu'elle faisait comme s'il y avait en elle quelque chose d'intarissable, une source d'on ne savait quoi qui la faisait se soulevait comme l'océan se soulève, légère et tout le contraire de ça à la fois. L'eau. L'élément en mouvement perpétuel. Bienveillant et changeant. Lui, Zenshou, le feu. "Son ennemi naturel" comme il l'avait souligné lors de leur première rencontre. Intense, féroce. Son ami naturel comme elle s'était plu à le corriger plus tard.
Il n'avait pas fallu bien longtemps pour que les deux djinns se retrouvent sur le chemin de traverse. A Ealdwic c'était les vacances et avec le semblant de calme qui régnait sur la Grande-Bretagne grâce aux efforts des aurors et des lycans conjugués, tout le monde en avait profité. Il ne manquait plus que le soleil et ces vacances là auraient été parfaites. Le soleil et la lune. L'astre de la nuit manquait cruellement à la jeune fille de l'eau, et d'ailleurs, sa peau déjà si blanche d'ordinaire avait pâli au point de rappeler la nacre. Ses yeux bleu cyan n'en ressortaient que de trop et ses cheveux autrefois blondis par la caresse du soleil étaient presque blanc. Mais elle restait jolie malgré tout, ou plutôt étrange de joliesse, avec son physique atypique et délié et ses bracelets inuits en cuir de phoque, peints de curieux hiéroglyphes bleus. C'était tout ce qu'elle gardait de son costume traditionnel mais si vous étiez rentré dans sa chambre à l'université, peut-être auriez-vous pris peur en voyant le grand lit couvert d'une seule et immense peau de Nanuuq sur laquelle elle dormait, et les ustensiles de cuisine, la vaisselle, en bois flotté et ivoire d'Aivik. Ses draps bleus outremer restaient relégués dans le placard: il faisait trop chaud dans ce pays pour qu'elle ne les sorte.

Elle avait projeté d'emmener Zenshou et Shima directement chez Ravi, un rebouteux pakistanais chez qui elle avait fait plusieurs stages d'études, mais quelque chose attira son attention. Un jongleuse de rue qui avait rassemblé une dizaine de personnes autour d'elle. Huyana adressa un regard à Zenshou. La jeune femme jonglait mais ce qui attirait l'attention d'Huyana c'était les balles d'eau qu'elle faisait virevolter au dessus d'elle.

" Un autre maître? Ici?"

Et surtout occupé à ça?!! La blonde se rapprocha, intriguée. Le visage de la jongleuse lui semblait familier et elle était de loin plus typé qu'elle et plus proche de ce que l'on pouvait attendre d'une enfant issue des tribus de l'eau. Où l'avait-elle rencontrée?

" Sans doute une étudiante en enchantements. Je serais curieux d'apprendre à quoi tient ce tour de passe-passe...", faisait remarquer un homme à côté de Huyana.
" Ca n'est pas un tour de passe-passe...", répondit-elle plus pour elle même,... c'est..."

Elle chercha Zenshou du regard, mais ses yeux s'arrêtèrent sur d'autres. Ici un garçon, là une fille. Un autre garçon. Tous dégageaient la même aura. Quelque chose de familier. Huyana semblait destabilisée...

" l'eau bienveillante, la terre forte, le feu intense...", souffla-t-elle tout bas pour elle même, comme elle se remémorait de vieilles histoires inuites ." Zenshou?!"

Il n'y avait pas d'autres mots, Lak' prenait son pied. Jongler, elle adorait ça, c'était plus qu'un métier ou une manière de pratiquer sa magie sans trop attirer l'attention, c'était avant tout une passion. Bon il fallait bien reconnaître que ça lui permettait de vivre comme elle l'entendait. Vivre de sa passion, le pied total ! Même si elle ne le montrait pas et qu'elle ne l'aurait reconnue pour rien au monde, elle aimait cet instant, quand elle posait son sac contre un mur avant de se tourner vers la rue. Elle adorait voir les badauds se casser les dents à trouver le truc, à percer son petit secret, son petit mystère qui immanquablement faisait toujours s'attrouper tout une foule.

Un simple sac usé adossé au mur, une jeune femme aux allures de vagabonde et une simple bouteille d'eau dans les mains et c'était parti. Il y à toujours des curieux qui vous observent à la dérobée, voir ouvertement, quoi de mieux pour les attirer que de verser un demi-litre d'eau dans votre main sans même en faire tomber une goutte sur les pavés ? Et hop, c'est parti ! Trois coup sec du poignet et trois trait d'eau fusent en l'air avant de les rattraper de l'autre main et la voila qui se met à jongler. La bouteille n'était qu'un truc pour attirer l'attention des gens, ça elle aurait pu le faire rien qu'a partir de l'humidité ambiante, plus difficile mais moins spectaculaire... Du coin de l'œil elle note l'attroupement qui se forme autour d'elle avant de se reconcentrer sur ses gestes. Bien, bien, Lakhyi leur laissa le temps de comprendre avec quoi elle jonglait, restant sur une simple figure de base, puis se mit à propulser ses balles improvisées en cascade, accélérant peu à peu le rythme. Une. Deux. Trois. Une. Deux. Trois. Puis hop, elle en ralentit une la gardant dans sa main, projetant les deux autres en l'air et relançant la troisième avant qu'elles n'amorcent leurs descente et à nouveau le rythme. Une. Deux. Trois. Une. Deux. Trois. Avant de compliquer les choses en se mettant à croiser les bras, déplaçant son axe en un mouvement de vague. Puis d'un coup sans crier gare, deux nouvelles balles venues de nulle-part se joignent à la danse, sans même qu'elle ne ralentisse son rythme, reprenant une nouvelle fois sa cascade.

En général elle en serait rester là, se contentant d'enchainer de nouvelles figures avant de rassembler toute l'eau. Et c'est là que les choses dérapèrent. Au moment où elle croisa son regard, elle en fut si choquée qu'elle en loupa sa réception, rattrapant sa balle in extremis pour la renvoyer par dessous sa jambe, tirant de son public qui n'y vit que du feu, une série d'applaudissements. Troublée, elle s'interrogea sur la conduite à adopter. Faire comme si de rien et prendre la tangente discrètement ensuite ou bien tout laisser tomber et déguerpir au plus vite ? Il était tout seul et semblait si jeune... elle devrait n'en faire qu'une bouchée, à moins que ce ne soit un piège ? Trop tard pour fuir, l'arrivée de deux nouvelles présence lui coupa toute retraite. Zut... Elle allait devoir jouer serrer pour se tirer de là sur la pointe des pieds. Trois djinns au même moment ? Ce n'était plus de la coïncidence. Pas ici, à Londres. Et puis merde, perdue pour perdue... autant se faire une belle sortie. Les cinq balles qui virevoltaient dans les airs furent tour à tour rejointe par une sixième, septième balles, sans que personne - à part les djinns- ne comprenne le truc. Huit. Neuf. Dix. Onze. Douze balles ! C'était sa limite, jongler avec autant de balles étaient problématique à souhait. Et compliquait d'autant les figures. Un défi intéressant à relever, non ? On tente ? Ben tiens ! Elle du tout de même en escamoter trois avant de pouvoir se caler un rythme propice, mais la démonstration fut brillante, la jeune femme multipliant les chorées et les enchainements, jusqu'à ce qu'elle ne lance tout en l'air plus rattraper les balles les unes après les autres, les laissant se fondre en deux uniques balles. Une dans chaque main, paume vers le ciel, la main à plat. Du lancer, Lakhyi passa au contact, faisant rouler, glisser et se stopper les deux boules sur tout son corps, créant une atmosphère aérienne, une dans exquise et légère dont elle seule percevait la musique. Paume. Poignet. Coude. Nuque, on se penche. On rattrape en enveloppant sans jamais bloquer le mouvement. Poignet. Coude. Et hop lancer sur l'autre coude, fusion des boules. Poignet. Paume. On conclut en lançant la balle en l'air dans le même mouvement... et on la vaporise en fine gouttelettes, comme un mini feu d'artifice liquide qu'elle nimba de reflets bariolés de toute les couleurs pour en renforcer l'impression. Un petit truc d'illusionniste. Avant de saluer d'une courbette gracieuse. Toujours saluer, c'est faire preuve de politesse et de respect envers les autres. Et puis les quelques mornilles et le rare gallion que les gens glissèrent dans le chapeau à côté du sac valait bien ça. Quand aux trois autres que devait-elle faire ? Prendre l'argent et partir en vitesse ?

Shima avait été très clair : elle ne voulait pas entendre parler de djinn d’eau, et encore moins de Huyana. Ennemie naturelle en tant que Lampade, elle se nourrissait de chaleur et de soleil quand la djinn d’eau ne lui inspirait qu’une mort prématurée totalement stupide. La nymphe des flammes se blottit alors tout contre Zenshou en s’hérissant, sifflant comme un chat en agitant sa grosse patte de petit ours contre Huyana qui tentait tant bien que mal de l’approcher. Cela faisait plusieurs jours que la jolie nymphe ne mangeait plus, et parce qu’elle ne mangeait plus elle ne pouvait plus se transformer, et Zenshou ignorait tout de cet état. La première chose à laquelle il avait pensé, c’était qu’elle était en train de mourir à petits feux. Elle allait mourir comme elle vieillissait et qu’elle n’avait pas remis les pieds sur l’île asahi depuis plus de dix ans. Tous les deux étaient les tristes exilés d’une terre qui les avait vu pourtant naître. Elle parce qu’elle était l’une des plus faibles de sa famille, lui parce que son père et sa mère n’avaient jamais baissé la tête face à l'oppresseur, parce qu’ils avaient défendu leur idée et qu’ils en étaient morts, sans vraiment se soucier de leur enfant au final. Ils avaient été égoïste. Il ne leur en voulait pas. Zenshou n’en voulait que rarement aux gens qui suivaient leurs idéaux. Il était quelqu’un d’implacable, d’inflexible. Une masse qu’on aurait fait bouger pour rien au monde. Et pourtant, Huyana, encore une fois, le traînait dehors par la seule force de ses beaux yeux et de ses paroles. Shima frisonna, coincée contre le torse de Zenshou et bien agrippée à lui. Longue de cinquante cinq centimètres, la masse rousse ne dépassait pas de son manteau de feutre noir, et se tenait blottit tout contre lui, parce qu’elle avait froid, terriblement froid, et ce depuis plusieurs jours. Elle ne devait pas avoir froid, parce que sinon elle allait mourir. Elle ne devait pas avoir froid car elle était Lampade, nymphe du feu, de celle qui guide le pauvre voyageur perdu. Le panda roux frisonna mais ne dit rien. Elle savait que c’était pour son bien, pas pour le plaisir. Zenshoui suivit sans un mot Huyana au travers des rues et des ruelles de Londres, la température relativement basse pour un mois de juillet et pire encore, un temps humide. Shima cependant pointa le bout de son nez en sentant que Zenshou n’avançait plus. Elle l’observa, puis tourna lentement la tête vers quelques boules d’eau qui tournillaient ici et là et siffla, comme un animal furieux. L’eau. Ennemi par nature. Elle se recroquevilla bien à l’abris, et Zenshou posa ses yeux sur Huyana, pas le moins du monde intrigué. Juste ennuyé. Comme d’habitude.

" Un autre maître? Ici?"
“Ce n’est pas un maître” souffla Zenshou, un poil agacé “un singe, ou une guenon. Ou alors un babouin...?”

Ca ne pouvait pas être un “maître”, parce qu’elle ne faisait que jongler avec quelques boules d’eau. le regard de Zenshou balaya la foule hallucinée, et lui soupira un peu bruyamment sans le vouloir, parce qu’il n’aimait pas ça. Gaspiller son don à jouer, ce n’était pas une bonne chose. On devait le travailler pour soi, mais pas pour amuser. Et ça, ce n’était même pas vraiment émerveiller le public, mais là encore, tout juste - au plus - faire la manche, quémander quand il lui sufissait de trouver un travail. Zenshou eut une mine dégoûtée, et ce malgré la beauté du spectacle. A ses yeux, il n’y avait rien de noble ou de beau là dedans. C’était ignoble à la vue. C’était se moquer du monde, et ce, ouvertement.

" Zenshou?!"
“C’est une guenon d’eau.” siffla t-il, sarcastique, alors que le tour cessa devant ses yeux.

Zenshou regarda le jeune homme qui avait l’air d’être sortit d’un désert et de se rendre compte que, omg! la vie existait en dehors! Ou un truc du genre. De toute façon, il n’aimait personne ici. Personne sauf Shima et Huyana. Et c’était déjà pas mal quelque part. Zenshou détourna le regard, sifflant d’un air agacé :

“On a vraiment besoin de les fixer comme des merlans frits? Ça va les attirer et on va devoir leur parler.”

Question un peu stupide, mais ce n’était pas dans les habitudes de Zenshou d’attendre comme un con sur le trottoir. Juste comme ça, hein.

“Ce n’est pas un maître...un singe, ou une guenon. Ou alors un babouin...?”

Typique. La blonde se retourna vers Zenshou qui faisait encore une fois preuve d'une patience et d'une philanthropie hors-norme. Elle leva les yeux au ciel, un sourire contenu croyant déjà l'entendre dire ce qu'il pensait de ce spectacle de rue. Le petit Zenshou sur son épaule lui mimait à la perfection combien il était indigne et ridicule de se donner en spectacle comme le faisait l'autre maître de l'eau. Il ne changerait donc jamais. De son côté elle ne lui en demandait pas tant, elle avait appris à l'aimer comme ça, avec son sale caractère et son air suffisant. On ne demandait pas à l'eau de ne pas mouiller, ou au vent de ne pas souffler non?
Pour sa part, ce qu'elle appelait "maître" c'était simplement une personne qui détenait l'une des quatre maîtrises. C'était le cas là. Les yeux d'eau d'Huyana retraçait les contours de ce visage.

" Je suis sûre de l'avoir déjà vue quelque part..."
“On a vraiment besoin de les fixer comme des merlans frits? Ça va les attirer et on va devoir leur parler.”
" Bien sûr qu'on va devoir leur parler."

Elle ne lui demandait même pas s'il trouvait ça bizarre. Si c'était bizarre, mais tant que ça ne le touchait pas directement il s'en foutait. Zenshou dans toute sa splendeur. Huyana observait les gens, les autres. Ceux qui donnaient quelques piécettes et reprenaient le cours normal de leur vie alors qu'eux, restaient interdits - sauf Zenshou - à s'observer en chien de faïence. Du haut de son mètre soixante-quinze, Huyana observait les lèvres scellées, anticipant un malaise évident.

" D'où est-ce que je te connais maître de l'eau?", finit-elle par dire, agacée elle aussi par le vide intersidéral qui s'installait dans cet étrange tableau.

Elle n'avait pas le ton impérieux et méprisant de Zenshou mais pour autant quelque chose chez Huyana qui s'imposait naturellement. Elle ne se présentait pourtant jamais autrement qu'en tant qu'Huyana. Simplement Huyana.

Pendant longtemps Meghan c’était pensé unique, tirant même une certaine fierté d’être l’une des rares personnes sur taire à pouvoir se vanter d’être un Djinn. Puis elle avait rencontré Vitali qui avait le même pouvoir qu’elle et fait la connaissance de Vlad qui pouvait utiliser l’eau pour son plus grand drame, elle qui détestait tant cet élément. Elle avait déjà bien du mal à s’habituer à la présence du jeune homme qu’elle n’aurait jamais songé se retrouvé en présence d’un autre Djinn Ondin ni même d’autre Djinns tout cour. Hors alors que la belle brune se trouvait sur le chemin de traverse, une légère pression lui comprima la poitrine et elle posa une main sur son cœur. Cette douleur elle la connaissait bien qu’elle était beaucoup moins intense que d’ordinaire. Elle en était sure et certaine : il s’agissait de Vlad ! Elle le chercha du regard se préparant déjà à déverser son venin sur lui et l’incendiait pour le simple fait de son existence qui dérangeait la sienne quand elle vit une chose qu’elle la surprit et pas des moindres. Une fille jonglait avec des boules d’eau. Nul doute par la belle Djinn Salamandre que cette demoiselle était comme elle capable d’utiliser un élément bien que le sien n’avait rien à voir avec la grandeur de feu. Le regard de la jeune Chase se noircit quelque peu, elle ne l’appréciait déjà guère. Elle faut dire que sa première rencontre avec un Djinn d’eau avait faillit se solder par sa propre mort et que l’eau était en soit un liquide qu’elle détestait de tout son être. De ce fait elle ne pouvait qu’être méfiante… Elle n’était pas seule à observer la jeune fille qui jouait avec l’eau, un garçon faisait de même ainsi qu’un couple plus loin qui semblait très complice. Etrangement elle se sentit lier à eux sans être capable de pouvoir s’expliquer pourquoi. Comme toujours quand elle était en présence d’eau la belle brune sortit son briquet et fit glisser son doigt sur la roulette pour faire naitre une flamme juste pour la rassuré. Un sourire naquit sur ses lèvres alors que son regard noir ébène tomber sur son élément dont elle trouvait toujours la beauté infime et fascinante. Si l’eau l’attaquait elle aurait au moins de quoi se défendre…

L'arrivée d'une quatrième nuisance bloqua tout accès de fuite, situation contre laquelle la jeune femme tempêta intérieurement. Plus question de s'échapper sans combattre dans ses conditions ! D'un certain côté toutefois, c'était flatteur, envoyer quatre djinns juste pour vous, c'est une manière de vous accorder une certaine attention. Une de celle dont on se passe aisément. Les deux gamins ne l'inquiétait pas outre mesure, en revanche l'autre ondine pouvait être un soucis, quand à l'autre... Lui était d'un tout autre calibre. Comme s'il avait "dangereux" inscrit sur le front en rouge clignotant. Lakhyi glissa les pièces dans son sac avec un soupir. Mauvaise journée en perspective. La blonde semblait la dévisager curieusement, aussi lui rendit-elle son regard, affichant un air neutre et inexpressif.

Inconnue - D'où est-ce que je te connais maître de l'eau ?

Tiens... Elle ne put s'empêcher de se fendre d'un sourire sardonique avant d'ajouter nonchalamment.

Lakhyi - Il n'y à qu'aux Dhaarmika que l'on se montre si obséquieux dans ces formulations...

Donc, cela confirmait ses soupçons, la fille au moins venait de là bas. Elle était partie loin pour couper court à toute complication... et voilà que ça la rattrapait. Devait-elle frapper la première et prendre l'avantage ? Attendre peut être une meilleure occasion de fuir plus tard ? Mauvaise journée, vraiment...

“On a vraiment besoin de les fixer comme des merlans frits? Ça va les attirer et on va devoir leur parler.”
" Bien sûr qu'on va devoir leur parler."

Il y eut un “humpfr” de la part de Zenshou alors qu’il détournait son regard, sur un troisième djinn d’eau. C’était facile de deviner à son niveau d’expérience, parce qu’il avait travaillé pour pouvoir en arriver là, et se retrouvait devant des jeunes qui ignoraient encore l’existence même d’autres djinn qu’eux, c’était un peu comme avoir des gamins de sept ans devant les yeux : Zenshou détestait ça. Un enfant, ça pose trop de question, ça parle trop, c’est chiant, et ça bave. Zenshou prit un air renfrogné en regardant la jongleuse, alors que tout autour de lui, il sentait d’autres énergies, basiques certes, mais des énergies. Aucun ici n’avait dépassé le simple stade de son élément de base. Sauf elle. Il le savait, c’était une certitude au plus profond de lui. On ne maîtrise pas l’eau de cette façon sans savoir en maîtriser sa mère. Zenshou ferma les yeux, patient malgré Shima qui lui mordillait le torse dans le manteau chaud.

“ D'où est-ce que je te connais maître de l'eau ? ”

Le crissement d’une pierre et l’odeur d’une flamme. Le regard d’encre de Zenshou se posa sur la jeune fille aux cheveux bruns qui le fixait au même moment, mais son regard se détourna presque aussitôt; Pendant un instant il avait cru qu’elle avait été une asahi, peut être même une personne qu’il avait connu, mais l’espoir venait de mourir dans l’oeuf, étouffé un peu plus devant l’évidence que le peuple entier ne le regretterait pas, et qu’il voulait au plus le voir crever comme son père avant lui. Au mieux, ne plus jamais le voir revenir. Zenshou fronça lentement les sourcils.

" Il n'y à qu'aux Dhaarmika que l'on se montre si obséquieux dans ces formulations ... "

Zenshou allait exploser. Qu’est-ce que c’était que ces conneries à deux balles? Son pouls frappait dans son crâne, une veine saillant alors sa tempe, comme il semblait de plus en plus fermé. Zenshou serra les poings. Ils étaient quoi, là? Six? Et aucun ne bougeait sauf les deux djinns d’eau? Il roula des yeux, exaspéré par ce manège qui n’avait ni queue ni tête.

“ Vous me faîtes perdre sérieusement mon temps. Toi. ” Son pas s’était retourné vers la jongleuse. “ Tu devrais avoir honte de gagner ta vie comme une mendiante quand avec ton don tu pourrais mieux faire de tes journées. Et vous... ” siffla Zenshou “ vous attendez quoi? Le déluge? Ma carte d’identité où y a écrit djinn? .. non, aucun ne réponds, c’est pas écrit dessus. ”

Le djinn du feu avait le tempérrament chaud et impulsif. Un vrai sanguin. Il secoua la tête.

“ Si par un curieux hasard mes sens ne me trompent pas, on est six djinn, au milieu d’une rue, à se regarder comme si le temps était suspendu. Alors sois vous faîtes quelque chose, même un truc con, soit j’me casse. J’ai pas que ça à foutre. Soit, vous ne me retenez pas, mais je supporte pas qu'on regarde sans rien dire. Si vous avez rien à dire, bougez. ”

Son regard se reposa sur Huyana, avec cette envie horrible de partir. Il n’aimait pas les autres. Surtout pas les autres éléments. Surtout pas l’eau, en réalité. Pas par peur. Juste que ça lui rappelait de mauvais souvenirs, et il n’était pas encore prêt à dire que sa mère avait été de ce peuple froid et changeant quand son père avait été les flammes même au sein d’une tribus inconnue. La grande blague, quoi.