La blondine n'avait rien écoutait de tout le cours mais cette fois si elle avait une excuse. Une vraiment excuse vraiment valable, pas seulement la flemme ou l'ennui. Bon elle voulait bien l'admettre, peut-être que même sans sa bonne raison elle n'aurait pas suivit. Ils étaient tous au milieu du champs de citrouille qui d'ordinaire était un vrai bac-à-boue. Là leurs bottes en caoutchouc crissaient sur bien quatre-vingt centimètres de neige et le sujet du cours était "comment utiliser ce que vous prodigue la nature pour protéger votre jardin l'hiver". D'ailleurs les Konstantine auraient bien vu ce genre de choses en botanique, à croire que Lilith Grey avait serré la vis aux jumelles Staniera pour qu'elles revoient la teneur de leurs cours. Si certains s'en satisfaisaient d'autre, comme Ella, aurait dit "hélas". Mais là Ella avait autre chose en tête que l'utilité des limaces de feu dans les pataugeoires boueuses gelées de l'Ecosse. Elle faisait au mieux pour attirer l'attention sur elle. C'était d'ailleurs curieux. Elle levait la main, répondait aux questions mais il y avait quelque chose qui la chagrinait, comme si elle n'était pas totalement satisfaite.

Le cours se termina sans qu'elle n'ai pu obtenir satisfaction. Mais ce n'était pas grave. Elle avait comme un plan de secours. Elle ne les lâchait pas du regard et malgré tous les efforts de Kheeva et Lheena, elle savait bien qu'elles l'avaient remarquée. Elle ne pouvait pas vraiment leur en vouloir. Après tout elle leur avait fait vraiment beaucoup de mal, elle avait failli tuer Lheena et ça c'était impardonnable. Bien sûr on ne voyait plus rien du tout. Ni l'hideuse plaie à la gorge de la douce Lheena, ni épaule luxée ni genou retournée. Mais toute la magie de Kirill n'effaçait pas la culpabilité, ni la responsabilité de la blondine. Elle avait attaqué ces deux femmes qui avaient toujours veillé sur elle comme sur une petite soeur. Pourtant elle ne pouvait pas se résoudre à ne plus jamais leur parler. Elle voulait au moins encore une fois le leur dire:

Ella - Pardon! Je suis désolée, je suis désolée!

Elle avait un peu crié, sans vraiment le faire exprès. Puis sa voix s'était étranglée dans sa jolie gorge de cygne et son malheureux petit jappement de détresse s'était noyé dans l'écho. Les autres élèves s'étaient envolés à la vitesse de l'éclair, ravi de retourner bien au chaud à l'intérieur et de quitter les bottes ridicules du cours. Les yeux saphir de la jolie Konstantine criblait les jumelles de leurs foudres insoumises. Elle n'était pourtant pas arrogante, elle était même penaude et surtout... profondément malheureuse.

Encore un nouveau cours éprouvant pour les deux louves. si ce n'avait été que devoir supporter les regards assassins de Roman, elles s'en serait accommodées... Mais voir Ella leur donner la chasse de cette manière, les rendaient folles. Elles devaient prendre énormément sur elles pour tenir bon et ne pas répondre aux appels du pieds de la petite louve. Elles avaient convenues que, au vu des derniers évènements, le meilleur moyen pour elles de protéger Ella, était de la maintenir loin d'elles. Ce qui ne faisait qu'attiser la volonté d'Ella qui ne comprenait, ni ne semblait vouloir accepter ce soudain revirement. Pourtant elles faisaient tout pour la décourager. Regards vides, voix neutres, jusqu'aux "mademoiselle Konstantine" dit d'un ton poli mais dénué de tout autre sentiment. Le cri d'angoisse d'Ella cloua les deux louves surplace. D'un regard noir ells firent déguerpir les retardataires qui étaient rester là par curiosité en entendant le cri d'Ella.

Ella - Pardon ! Je suis désolée, je suis désolée !

Kheeva détourna les yeux, presque honteuse, elle se maudissait de devoir agir ainsi quand Lheena elle tremblait imperceptiblement. Le désespoir de la petite blonde faisait tellement mal à voir...

Lheena - Ella... arrête ça... arrête, ok ? Ca rime à rien...', croassa-t-elle d'une voix étranglée.

Lheena - Ella... arrête ça... arrête, ok ? Ca rime à rien...

Autant Ella pouvait être l'adolescente enjouée, une enfant à qui l'on aurait donné Merlin sans confession. Autant elle pouvait être cette ambitieuse gamine qui ne se laissait rien refuser qu'importe le prix qu'il faudrait pour arriver à ses fins. La fin, justifie les moyens. Aussi s'entendre dire ça par Lheena, la plus douce, celle dont elle n'attendait pas de froideur, du moins pas de froideur aussi affirmée, ne fit rien pour laisser la blondine montrer son meilleur visage. Elle était tout simplement furieuse à l'intérieur... contre elle même. Mais aussi furieuse de se voir refuser toujours une affection qui lui avait bêtement semblé acquise. Qu'avait-elle cru? Kheeva et Lheena n'étaient pas sa famille, elles n'étaient pas tenues de l'aimer aveuglément comme pouvait l'être Roman ou Erène leur mère.

Ella - Ça ne rime à rien?!', elle les fixait maintenant sans plus de faiblesse, avec ce quelque chose de la louve impétueuse qu'elle avait été à la dernière pleine lune,' C'est vraiment ce que tu penses? C'est vous qui ne rimez à rien! Je peux bien comprendre que tu ne puisses pas me pardonner, ni toi Kheeva. Je regrette. Mais au moins ayez le cran de me dire en face à quel point vous êtes en colère. Dites moi que je vous insupporte maintenant, ce n'est pas la peine de faire comme si rien ne c'était passé parce qu'il s'est EFFECTIVEMENT passé quelque chose.

Mauvaise réponse...

Ella - Ça ne rime à rien?! C'est vraiment ce que tu penses? C'est vous qui ne rimez à rien! Je peux bien comprendre que tu ne puisses pas me pardonner, ni toi Kheeva. Je regrette. Mais au moins ayez le cran de me dire en face à quel point vous êtes en colère. Dites moi que je vous insupporte maintenant, ce n'est pas la peine de faire comme si rien ne c'était passé parce qu'il s'est EFFECTIVEMENT passé quelque chose.

Les jumelles regardèrent Ella avec l'air de deux mères compréhensives et compatissantes, sans manifester la moindre trace d'un quelconque énervement. Comment auraient-elles pu lui en vouloir de réagir ainsi ?

Kheeva - Tu te trompe, Ella...
Lheena - Nous ne sommes pas en colère...
Kheeva - Ou que tu nous insupporte...
Lheena - Simplement...
Kheeva - Tu n'es pas en sécurité auprès de nous...
Lheena - La dernière lune l'a amplement prouvée...
Kheeva - Tu crois que tu es la seule fautive ? Le tue-loup n'a pas eu le temps d'agir sur nous non plus cette nuit là...
Lheena - J'ai promis... Nous avons promis à Kirill de veiller sur toi...
Kheeva - Mais on ne peut pas te protéger de nous même.

Elles avaient l'air si tristes, si pitoyables à la regarder comme ça, elles se retenaient de la prendre dans leurs bras et de la serrer contre elles pour lui murmurer que c'étaient fini, qu'elle n'avait rien à se reprocher. Ella n'était pas en faute, du moins pas entièrement. Pour les jumelles l'acharnement de Phyllis envers elles mêmes y était pour davantage que la volonté de la petite louve à ne pas prendre ce poison.

Elle écouta se calmant derechef. Elle n'avait pas vraiment envie d'être mauvaise, ni de trop laisser parler sa douleur. Elle préférait savoir que ce n'était pas parce qu'elles ne pouvaient pas lui pardonner. Elle savait que ce n'était pas oublié et elle passerait encore beaucoup de temps à s'excuser mais pour l'heure:

Ella - Non c'est faux! Peut-être qu'aux pleines lunes mais là... quelle raison auriez vous de me faire du mal? Ce n'est pas parce qu'on doit s'éviter une fois le mois qu'on doit s'éviter tous les jours. On ne peut pas faire comme si on ne se connaissait pas c'est ridicule. Je suis inoffensive la journée et... et vous aussi. Vous voyez bien que ça n'a pas de sens ce que vous dîtes?

Elle les regardait droit dans les yeux. Elle savait que Kirill désapprouvait leur amitié mais elle savait aussi qu'elle avait raison. Kirill l'aurait dit lui aussi. Elle ne risquait rien face à ses deux femmes. Et elle ne représentait pas non plus un danger pour les jumelles. Elle avait envie de se serrer dans leurs bras comme pour leur faire comprendre à quel point elle les aimait mais pourtant, elle ne le ferait pas, pas plus qu'elle ne l'avait fait toutes les autres fois où pourtant elle en aurait eu l'occasion. Si elle était expressive avec Kirill ou Roman, elle ne l'était pas envers d'autres, simplement parce que c'était déplacé. Surtout en la situation. Et pourtant, elle ne manqua pas d'ajouter un:

Ella - Pas vrai?

...de petit chiot repenti.

Ella - Non c'est faux! Peut-être qu'aux pleines lunes mais là... quelle raison auriez vous de me faire du mal? Ce n'est pas parce qu'on doit s'éviter une fois le mois qu'on doit s'éviter tous les jours. On ne peut pas faire comme si on ne se connaissait pas c'est ridicule. Je suis inoffensive la journée et... et vous aussi. Vous voyez bien que ça n'a pas de sens ce que vous dîtes?
Lheena - Ella...

Elle les regardait droit dans les yeux. Elles n'arrivaient pas a se soustraire à ce regard. Elles n'arrivaient plus vraiment à fermer les yeux certaines nuits en repensant à ce qui devait se passer bientôt. Si Ella apprennait la véritable raison de leur présence, leur véritable identité, les verraient-elles encore de ce même regard empli d'une affection sincère ? D'une triste colère à les voir la repousser ?

Ella - Pas vrai ?
Kheeva - Ella...

Elles auraient aimer pouvoir lui dire oui, abonder dans son sens... Peut être... Peut être après tout lui devaient-elles au moins la vérité, au risque de perdre la seule amie qu'elles avaient ici.

Lheena - Suis nous. Tu ne sais rien, après tu...
Kheeva - Tu ne voudra plus nous voir. Mais tu as bien le droit de le savoir.

Elles se détournèrent pour rentrer dans leur cabane, la petite louve à la remorque. Rien n'avait changer depuis son dernier passage, la même ambiance chaude et feutrée, qui rappelait un peu l'atmosphère d'une tanière. De l'eau frémissait au dessus d'un feu mourant.

Lheena - Suis nous. Tu ne sais rien, après tu...
Kheeva - Tu ne voudras plus nous voir. Mais tu as bien le droit de le savoir.

Ella fronça les sourcils un peu hésitante. Pourtant dans son coeur il y avait ce petit côté candide qui se réjouissait de bientôt se retrouver assise sur le canapé de la cabane du garde chasse, une tasse brûlante entre ses doigts fins à écouter les jumelles comme au bon vieux temps.
Elle les suivit, légèrement derrière elles. Elle les regardait sans rien dire s'asseyant enfin, comme elle l'aurait imaginé, sur le canapé confortable mais simple de la cabane qu'elles avaient parfaitement investie.

Elle les regardait avec un petit sourire, quelque chose d'incrédule dans le regard:

Ella - Tu sais Kheeva il faudrait que vous ayez fait un truc vraiment énorme pour que je ne veuille plus vous voir. Et d'ailleurs vu ce que moi j'ai fait... je crois pas être bien placée pour juger mh... Il faudrait... il faudrait que vous ayez tué quelqu'un sans aucune raison, par pur plaisir', elle rit d'un joli rire naturel et cristallin... ... c'est bête qui pourrait faire ça? C'est pas comme si on vivait toujours au douzième siècle.

Elle trempa les lèvres dans son mug de thé, déjà réchauffée à l'intérieur de pouvoir à nouveau parler avec Kheeva et Lheena.

Voir Ella retrouver ce petit sourire joyeux était agréable. Qu'allaient-elles faire là ? N'était-ce pas là un nouveau crime, peut être plus grand encore, que de lui ôter cette joie enfantine ? Lheena s'était assise à côté d'Ella dans le canapé, alors que Kheeva, après avoir sceller la pièce contre les yeux et les oreilles indiscrètes, venait s'assoir en face d'elles en retournant la chaise. Les vieux réflexes ont la vie dure...

Ella - Tu sais Kheeva il faudrait que vous ayez fait un truc vraiment énorme pour que je ne veuille plus vous voir. Et d'ailleurs vu ce que moi j'ai fait... je crois pas être bien placée pour juger mh... Il faudrait... il faudrait que vous ayez tué quelqu'un sans aucune raison, par pur plaisir', elles n'eurent pas le cœur à répondre à son rire, baissant simplement la tête attristée... ... c'est bête qui pourrait faire ça? C'est pas comme si on vivait toujours au douzième siècle.

Kheeva échangea un simple regard avec sa sœur, comme pour se donner le courage de vider son sac. Et elle se maudit de peut être briser l'innocence de sa jeune amie.

Kheeva - Que sais-tu de nous Ella ? Que sais-tu vraiment ? Que t'as dit Kirill à notre propos ? Car tu lui as bien parlée de nous, pas vrai ?

Lheena semblait plonger dans sa tasse de café, comme hypnotisée.

Kheeva - Que sais-tu de nous Ella ? Que sais-tu vraiment ? Que t'as dit Kirill à notre propos ? Car tu lui as bien parlée de nous, pas vrai ?

Elle se laissa un instant le temps de la réflexion. Qu'est-ce que c'était que cette question? Que savais-t-elle d'elles c'était vrai...

Ella - Eh bien. Oui. Je lui ai parlé de vous. Il a dit, il a dit qu'il ne voulait pas que je m'approche de vous parce que vous étiez de la Meute, celle de son père. Il a dit qu'une guerre se préparait et que je ne devais rien en savoir. Mais, si ce n'est qu'une histoire de Meute... enfin c'est ridicule. On n'a pas parlé de ces histoires de meutes depuis... la première fois où on s'est parlé, et, je n'y comprends rien de toute façon.

Elle se sentait presque comme une gamine privée de dessert et elle avait horreur de ça. Elle n'était pas de leur Meute. Elle n'entendait pas en être un jour. Elle n'avait même pas encore eu le temps de se faire à l'idée qu'elle n'était plus tout à fait la même qu'avant Kirill. On ne pouvait donc pas dire que les jumelles avaient réellement une influence néfaste sur elle.

Kheeva - Que sais-tu de nous Ella ? Que sais-tu vraiment ? Que t'as dit Kirill à notre propos ? Car tu lui as bien parlée de nous, pas vrai ?

Elles la laissèrent réfléchir un court instant, l'air neutre. Qu'avait-il pu dire d'elles ? Les avaient-il dépeintes avec un luxe de détail, dans cette palette de rouge qui semblait entacher leur vie ? Ou s'était-il contenté d'une vague mise en garde en voulant la surprotéger ?

Ella - Eh bien. Oui. Je lui ai parlé de vous. Il a dit, il a dit qu'il ne voulait pas que je m'approche de vous parce que vous étiez de la Meute, celle de son père. Il a dit qu'une guerre se préparait et que je ne devais rien en savoir. Mais, si ce n'est qu'une histoire de Meute... enfin c'est ridicule. On n'a pas parlé de ces histoires de meutes depuis... la première fois où on s'est parlé, et, je n'y comprends rien de toute façon.

Lheena secoua la tête négativement, comme vaguement agacée. Ou attristée.

Kheeva - Il ne t'as rien dit d'autre ? Rien que cette vague mise en garde ?
Lheena - Kheeva peut être que...
Kheeva - D'accord...', elle sembla un moment cherchée ses mots avant de poursuivre,'C'est une... une très longue histoire, Ella... et pour comprendre vraiment il faudrait l'entendre du début...
Lheena - Tu sais que, comme toi, nous ne sommes pas nées ainsi... Mais à ton avis quel âge avons nous ?

Kheeva semblait ne pas cautionner l'économie de mot de Kirill. Pourtant Ella ne s'en formalisa pas pour une fois. Si un autre jour elle aurait défendu bec et ongle ce que disait Kirill comme le reste de ce qui venait de lui, comme parole d'évangile, aujourd'hui elle ne voulait pas déjà, pas encore, se disputer.
Il y avait sans doute beaucoup à dire sur la Meute mais puisque la moitié du monde se passait de le savoir pourquoi elle n'en ferait pas autant...

Lheena - Tu sais que, comme toi, nous ne sommes pas nées ainsi... Mais à ton avis quel âge avons nous ?
Ella - Comment veux tu que je le sache, je n'en sais rien', elle ne pouvait pas vraiment cacher qu'elle n'aimait pas tourner autour du pot comme ça, à regarder Kirill elle n'aurait pas pu lui donner un âge qui ne soit pas risible si elle n'avait pas su quel âge il avait effectivement, comment aurait-il pu en être autrement des jumelles,' est-ce que c'est vraiment important l'âge? Vous n'allez pas mourir et moi non plus d'ailleurs, alors, je ne pense pas que ça compte. Vous n'êtes même pas plus vieilles que Kirill, ça ne compte pas. Où est-ce que vous voulez en venir?

Ella - Comment veux tu que je le sache, je n'en sais rien ! Est-ce que c'est vraiment important l'âge? Vous n'allez pas mourir et moi non plus d'ailleurs, alors, je ne pense pas que ça compte. Vous n'êtes même pas plus vieilles que Kirill, ça ne compte pas. Où est-ce que vous voulez en venir?

Kheeva eut un timide sourire amusé alors que Lheena ulula bassement en une sorte de rire de loup étrange et ironique.

Kheeva - Tu veux déjà connaitre la fin avant d'avoir entendue le début de l'histoire... C'est bien des gens de ton siècle ça.
Lheena - Patience, à chaque chose un début. Tu veux savoir qui nous sommes, alors écoute notre histoire, enfant.

Kheeva renversa la tête en arrière comme absorbée par de vieux, très vieux souvenirs... et à voir l'étrange grimace crispée, pas forcément des plus agréables...

Kheeva - Nous sommes nées dans la campagne de ce qu'on appelait à l'époque la république de Venise, en 1424 à peu près... La grande peste noire qui avait fait tant de ravage secouait encore les campagnes de ses recrudescences désastreuses et ce qu'on appelle aujourd'hui l'Italie n'était qu'un vaste champ de bataille où s'affrontait les riches cité-états...
Lheena - Peux tu seulement l'imaginer, Ella ? Ces campagnes boisées, magnifiques que l'Homme n'avait pas encore eu le temps de défigurer ? L'air si différent, loin de ses vapeurs qui empestent et te pique les narines ? C'était une époque terrible, où atteindre la trentaine était un exploit, mais une époque d'une beauté austère et sauvage qui ferait chavirer ton cœur de louve.
Kheeva - Nous vivions dans un petit village d'une trentaine d'âmes et notre famille était la plus nombreuse et aussi la plus heureuse. Notre père était un forgeron, sais-tu comment les moldus les percevaient à l'époque ? Ah on disait encore de ces artisans qu'ils commerçaient avec le diable qui habitait dans leur forge... respectés et craints. Maman était une rebouteuse comme grand mère. Ce sont elles qui nous ont transmit leurs pouvoirs, comme à nos sœurs, je ne me souviens plus si un de nos frères à jamais eu le moindre talent pour la magie...
Lheena - Ca te fait sourire peut être, mais cette vie simple, c'est la meilleure et la plus heureuse partie de notre existence... On devait peut avoir six ou sept ans quand... quand ils sont venus... I diavoli.

Kheeva - Plus tard peut être, viendra tu avec nous la visiter ?
Ella - C'est bientôt les v...
Kheeva - Ah... oublie ça.

Ella fronça les sourcils. Elle refusait aux jumelles le droit de lui retirer aussi cette joie. Elle n'avait pas Kirill. Elle n'aurait même plus elles, ses amis. Elle ne le tolérait pas. Elle était trop impérieuse pour ça. Trop capricieuse, sans doute.
Pourtant au fil du récit que lui faisait les jumelles, la blondine ne savait plus vraiment quoi penser.
Elle écoutait, essayant de ne pas interrompre, de ne pas juger, de ne pas crier qu'on arrête. Tout de suite. Cette histoire là elle ne voulait pas l'entendre. Pourquoi? Parce qu'on ne pouvait pas l'entendre. Parce qu'il était plus facile d'aimer quelqu'un d'aimable que quelqu'un de détestable. Plus facile d'aimer un bon samaritain qu'un assassin, un meurtrier ou même simplement quelqu'un de froidement abjecte. Il était plus facile de pardonner une broutille que de pardonner à quelqu'un qui ne le méritait pas. Et quelque part, celui qui parvenait à faire cela, se plaçait indiscutablement au dessus de tous. Mais Ella, elle, n'était pas de ces gens là, pas encore. Quand Kirill l'avait trouvée, elle n'était rien de pus qu'une gamine arrogante, beaucoup trop prétentieuse pour avoir pu respecter un vulgaire couvre feu. Elle c'était plus intéressé à une jolie robe qu'au reste, une robe qui lui aurait paru vulgaire aujourd'hui. Elle avait changé. Beaucoup. Elle voyait désormais au delà des apparences, du moins elle commençait. C'était déjà un bien mais ce n'était pas encore suffisant. Tout juste si elle se hissait à hauteur du commun des mortels depuis la masse de ceux qui se croyaient mieux que tous le monde et qui au final ne valait pas grand chose qui en vaille vraiment la peine.

Lheena - Pour eux, nous avons été des soldats, des espionnes, parfois même des assassins. Nous avons tuées, menties, trahies. Voilà ce que nous sommes, Ella. Si quelqu'un ici à du sang sur les mains c'est bien nous.

Ella fronça les sourcils. Elle leur cherchait une excuse, quelque chose pour pouvoir leur pardonner ça... mais qui était-elle pour juger de toute façon.

Ella - Mais...mais c'était il y a longtemps. Vous ne pouvez pas mourir, ou presque pas. Vous avez l'éternité pour ... pour laver vos mains de ce sang. Vous ne faites plus ça maintenant pas vrai?

Elle n'était que moyennement convaincue par sa propre excuse mais elle n'avait rien d'autre, c'était sa toute dernière, sa toute petite lumière au bout du tunnel...

La tasse de thé tomba comme tombe une épée de damocles. Dans un fracas de céramique et de liens brisés. Ella s'était levée d'un bond. A cause du thé qu'elle ne voulait pas voir éclabousser sa robe? A cause des révélations qui venaient d'être faites?
Ses yeux clairs restaient braqués sur les jumelles avec cette expression figée qu'on les biches dans la forêt quand elles voient en face d'elle l'immense loup noir qui sonnent pour elles le glas. Ses petits doigts blancs étaient serrés dans les paumes de ses mains. Elle était raide, réticente. Elle aurait voulu dire quelque chose mais les mots ne sortaient pas de sa bouche. En un instant, elle en apprenait plus qu'elle n'aurait voulu sur les jumelles, sur Wolfgang, sur... sa famille. Et ça lui faisait peur, et c'était impardonnable. C'était plus qu'elle ne pouvait laisser faire et pourtant une par d'elle même ne pouvait pas rejeter tout ça en bloc. Elle ne pouvait pas.

Pas seulement parce que cette famille, c'était celle de Kirill. Pas seulement parce qu'elle n'était rien comparée à chacun de ceux qui devaient former cette meute. Face à des gens qui pouvaient concevoir et exécuter des projets aussi noirs. Oh elle n'était pas toute blanche, pas aussi virginale que cette fourrure unie de lune qui avait surpris même Vitaly. Non. Elle avait ses défauts, ses faiblesses, ses erreurs. Mais c'était sans commune mesure avec ça. Il était trop difficile pour elle de pardonner pour l'instant. Il fallait que ce soit pardonnable et ça ne l'était pas. Elle sentit les larmes lui monter alors, sans plus rien ajouter en fin de compte, elle fit volte face , courant hors de la petite cabane autrefois chérie,, autrefois si douillette et accueillante, et elle courut sans plus s'arrêter jusqu'à être arrivée dans sa chambre, où elle s'enferma pour pleurer sur une longue longue lettre qu'il lirait en toute hâte. Elle voulait des réponses. Elle ne voulait plus de question.