Une lettre arriva à la volière de Poudlard quelque jour avant la rentrée des élèves.
Chère Lady Grey,
J’ai pensé chaque jour à votre proposition depuis que nous nous sommes quittés. Il se trouve néanmoins que je pense chaque jour à beaucoup trop de choses en ce moment et que cet accaparement intellectuel ne m’a pas laissé le temps de prendre la plume jusqu’à aujourd’hui. Cette lettre vient donc tard et je m’en excuse. La ponctualité est pourtant mon fort d’ordinaire ; bien heureusement pour moi vous m’aviez donné, lors de notre rencontre, un alibi qui rendrait toute sujétion à une quelconque culpabilité impossible : la décision que je m’apprête à prendre ne peut être prise à la légère.
Suis-je vraiment fait pour enseigner à de si jeunes gens ? Une question qui me taraude encore à l’instant où je vous écris. Pour tenter d’y répondre, je me suis laissé aller à une chose que je fais rarement : je me suis retourné. J’ai regardé le passé et je me suis rappelé l’élève que j’avais été à leur âge. Je me suis demandé quels professeurs avais-je appréciés, détestés, lesquels m’avaient inspiré, appris, désolé. A mon grand étonnement, il m’est apparu évident que les professeurs qui m’avaient apporté le plus de choses étaient ceux que j’aimais le moins à l‘époque. Un paradoxe qui me pousserait à croire que je peux tout à fait accepter votre offre. A ce propos je serais curieux de savoir votre conception de ce qu’est un bon professeur ? Vos critères pourraient m’aider à balayer les doutes que j’ai à mon égard – ou bien au contraire à les renflouer – et, ainsi, à prendre une décision, quelle qu'elle soit.
Car, oui, je dois bien vous l’avouer Lady Grey, j’hésite encore.
Je me suis procuré l’Histoire de Poudlard, histoire de me faire un idée des lieux. J’ai été également confronté, sans les avoir demandées celles-là, à un certain nombre de rumeurs à votre égard. A dire vrai, je ne pensais pas qu’une personne vivante pouvait en engendrer autant.
Autre chose, puisque je serai éventuellement amené à enseigner les défenses contre les forces du mal à Poudlard, il m’intéresserait d’avoir votre opinion quant à la situation actuelle en Grande-Bretagne. Bien que je ne sois pas ignorant des évènements passés dans leurs grandes lignes, une analyse contemporaine me fait, hélas, défaut. Comme je vous l'ai déjà dit, je ne suis pas d'ici.
Correspondre avec vous m’est d'ores et déjà un plaisir,
Kellen.