"Fais cccchh... commence à me les geler ici...".

Oui, par politesse, Veniamin avait tué cette espèce d'arrière pensée qui pourtant, vu la situation, lui aurait fait un bien fou. L'Ecosse ! Mais quelle idée de l'envoyer là-bas franchement ? L'Ordre n'avait-il pas autre chose à lui donner de mieux comme... incendier l'Atrium par exemple ou déclencher une prise d'otages chez Gringott's histoire de ramasser un bon petit butin ? Eh bien non ! Voilà ! Sous prétexte qu'il s'était un peu trop fait remarquer dans la presse ces temps-ci, le jeune Veniamin Siatko, alias "V" pour les intimes... et les moins intimes, était désormais coincé ici, à surveiller un immense manoir aux fenêtres allumées, et ce depuis déjà quatre bonnes heures. Il se trouvait très précisément à Hillbury, village sorcier, inconnu de moldus. Et pour cause ! Déjà, aucune foutue carte ne l'indiquait (bien sa veine ça... il avait galéré pour trouver !) et en plus n'importe quel moldu passant dans le coin se retrouvait immédiatement télétransporté chez lui, dans son lit, frappé par un profond sommeil. Ainsi, il se réveillait donc en croyant avoir rêvé cette excursion ! Brillant stratagème !

De ce fait, Ven n'était là que pour une seule et bonne raison... euhh... quoique... Mais venons-en au fait ! Surveiller cette étrange bâtisse, qui n'avait rien à envier à celle de Frankenstein, afin de vérifier les allées et venus d'un certain membre haut placé du Magenmagot. Le but ? Confidentiel. Et sa mission ? Classée secret défense. Que trafiquait l'Ordre, bordel de... ?
Les plans de Veniamin, quant à eux, s'éloignaient quelque peu de ces prérogatives... Il aurait bien aimé que l'éminent juge Dodson sorte de chez lui, avec femme et enfants, pour venir faire un petit tour dans la baraque, histoire de... oui, c'est ça ! Contempler cette belle architecture sorcière de plus près, exactement !
Du coup, et à mesure que le temps passait (oh ! Il n'était jamais que deux heures du matin...), Siatko commençait fermement à se renfrogner et à songer amèrement que l'autre gros cul de sang-pur ne bougerait pas ce dernier de sitôt... Et lui qui devait absolument tout noter et tout rapporter...

La nuit se faisait plus dense encore et le froid plus intense tandis qu'il soufflait sur ses doigts comme un forcené. Il n'était d'ailleurs pas très bien équipé : un gros pull, un blouson, des gants en laine, un pantalon, un caleçon, des chaussettes de montagne... non, vraiment pas équipé du tout ! Eh bien, il lui manquait la couverture, le sac de couchage et un radiateur, voilà tout ! Et il les avait oubliés à la maison... quelle déveeeinnne ! Il n'avait vraiment pas de chance alors !
Pour en revenir à un sujet plus sérieux, de là où il était placé, il gardait une vue imprenable sur le salon des Dodson. Un immense salon dans lequel il aurait pu construire un stade de foot sans craindre de manquer de place pour les buts et les gradins. C'est ainsi qu'il suivait, bien calé dans un arbre, le va et vient perpétuel des époux Dodson qui, manifestement, parlaient à bâton rompu. Mine de rien, il aurait bien aimé être de la fête pour entendre ce qui se disait... Le pauvre ne lisait que trop mal sur les lèvres et, bien qu'il eut essayé au tout début, cela ne donnait guère autre chose que "demain... aller à la pêche... sans train... la monnaie". Donc non, il ne pouvait pas s'agir d'un tel discours, sauf si l'un d'entre eux avait pris une dose de coke un peu trop forte...

Veniamin se prit à bailler. Passionnante, cette mission... Il se serait écouté, il aurait placé toute une installation de petites bombinettes, là, dans les arbres, histoire qu'elles explosent toutes en même temps rien qu'en agitant sa petite baguette personnelle, hihihihi ! Mais que diable disait-il ? Ca, il l'avait fait déjà ! Hihihihiii...
Les Dodson auraient alors une bien belle surprise en sortant de chez eux et en voyant toute cette rangée de pins prendre feu, VWOUF!!, comme ça...
Ah non mais y avait pas de raison ! Il ne repartirait pas les papattes vides !
A cet instant, et tandis qu'il souriait comme un bienheureux, Ven crut entendre un bruit, juste derrière lui... un craquement, cependant assez feutré.
Il retint son souffle...
Se pourrait-il qu'on l'ait déjà repéré ?

- Hillbury? Ca c'est un truc pour toi ma Luciole...
- Fais voir...? Dodson. Un peu que c'est pour moi Eli. T'en n'es pas je suppose?

Eli avait toujours appelé Aelys "luciole" depuis la première fois qu'ils s'étaient parlé à Poudlard, dans le couloir en attendant le Directeur de l'époque. Ce bon monsieur Scylence. Luciole parce qu'elle était insignifiante de prime abord. Une gamine, un feufollet aux boucles blondes qui était bien à sa place dans son herboristerie, bien sage, inoffensive. Mais dans le noir, on ne voyait qu'elle. L'étincelle qui accouche d'un brasier. Si Londres est en feu pourtant ce n'est pas qu'à cause d'elle. Le feu qu'Aelys entretient est un bon feu. Le feu de Beltaine dont elle avait parlé à Vitali...

Elle pensait à lui parfois, comme aux quelques autres qui avaient disparu dans la nature au nom des valeurs qu'ils défendaient tous dans l'Ordre.

Eli prit un air absent. Eli était typiquement le jeune homme un peu bohème mais qui aimait avoir son petit confort. Pourtant dans l'ordre, Eli était celui qui prenait le plus de risque inconsidéré. Mine de rien de là à aller se peler dans un coin paumé de l’Écosse que personne ne connaissait... très peu pour lui. Aelys le connaissait assez bien pour le savoir.
Elle leva les yeux au ciel et transplana.


L'air frais de la nuit lui accrocha un sourire aux lèvres. Cela faisait quelques bonnes heures qu'elle s'était mise en planque en face d'une des fenêtres de chez les Dodson. Elle se fondait bien évidemment dans la nature ou plutôt n'était ce pas la nature qui la couvrait? Sans doute que si.
Elle avait changé plusieurs fois de place avant de se rendre compte qu'elle n'était pas seule. Il ne pouvait pas lui venir à l'idée que ce quelqu'un ait pu faire partie de l'Ordre lui aussi. D'une parce qu'elle connaissait tout le monde (du moins tout ceux qui venaient s'assoir à la table de Lexham Gardens). Elle ne pouvait pas non plus se figurer qu'elle allait retrouver là un vieil ami...

A pas de velours, elle contourna l'ombre suspecte comme un félin prédateur. Une capuche rabattue sur sa tête d'ange empêchait ses boucles blondes de la trahir dans le noir. Elle ne pouvait pas se permettre de laisser la moindre petite chose au hasard. Elle était recherchée par le ministère, son visage était placardée à travers le pays donc il n'était pas question pour elle de faire comme si de rien n'était...
L'homme sembla se figer un peu. Repérer. Voilà que tout allait se compliquer. Aelys se mordit la lèvre, s'immobilisant dans le noir comme si elle avait espérer se faire complètement oublier.

Il n'y avait aucun doute, il n'était pas seul ! Maintenant, de qui cela pouvait-il s'agir ? Se pouvait-il qu'il ait été retrouvé par quelque domestique de la maison, ou le propriétaire lui-même ? Se pouvait-il qu'il y ait un gardien et qu'il ne l'ait pas vu ? Se pouvait-il qu'une milice spéciale ait été appelée exprès pour lui ? Se pouvait-il... ?

*Quoi qu'il en soit, tu n'as pas à tergiverser pendant des heures, songea-t-il amèrement, peu importe de qui il s'agit, tu sais ce qu'il te reste à faire...*

Oui, dans un sens, le jeune homme le savait et c'est d'ailleurs ce qu'il détestait par-dessus tout, et redoutait d'autant plus : de porter si bien le statut de terroriste. Tandis que certains étaient conscients de la nécessité des pertes humaines en période de troubles, lui-même gardait ce que l'on aurait pu appeler un esprit naïf, innocent, trop jeune hélas pour se rendre compte qu'il est parfois des chemins que l'on ne peut éviter.
Du reste, il était en plein dedans désormais et tandis qu'il glissait de son arbre, atterrissant sur le sol détrempé et amortissant ainsi le bruit de ses pas, Ven' sortit immédiatement sa baguette. Il retint son souffle, sonda les vents...
La personne était juste derrière lui.
Il fit violemment volte-face, pointant sa baguette sur elle, sourcils froncés, regard sombre avant que l'éclat de la lune ne vienne à baigner silhouettes comme visages de ces deux nouveaux "inconnus". Veniamin ne put retenir une exclamation de stupeur.

Il connaissait ces yeux, ces traits fins de poupée, encore un peu potelée, et ces longs cheveux blonds... il les avait déjà vu quelque part là, dans ce pays lointain où s'arrêtait sa mémoire d'adolescent pour laisser place à celle de l'adulte. Veniamin se raidit, sa baguette toujours au clair, braquée sur elle, sans vraiment savoir quelle position adoptée. Il se sentait encore un peu comme épié puis découvert finalement... Il osa néanmoins articuler, même si son coeur manquait le lâcher à tout moment :

"Qu... que fais-tu là ?".

Une lueur inquiète et fugitive passa dans son regard. Tant d'années les séparaient qu'en un si grand laps de temps tout avait pu se produire chez l'un comme chez l'autre. Aelys se doutait-elle qu'il avait fini cambrioleur, qu'il avait passé des mois et des mois à Azkaban dans l'attente d'un procès ? Se doutait-elle de ce qu'il était devenu ou avait-elle gardé en tête l'image d'un Gryffondor, certes turbulent, mais pas méchant ni ambitieux pour un sou ?
Veniamin décida de ne pas se laisser attendrir et raffermit sa poigne davantage dans l'attente d'une réponse. Non, il ne voulait pas blesser la petite blonde mais sa vie, ainsi que sa mission, lui incombaient plus que tout, mine de rien...

Désolée pour le délais mais j'ai pas été trop dispo finalement au retour de vacances. Mais là c'est bon je suis de nouveau sur les rails <3

Dans le cours laps de temps que la silhouette s'accorda avant de se décider à faire volte-face, Aelys eut cette drôle d'impression de...

"Qu... que fais-tu là ?".

... déjà vu. Sa baguette avait jailli aussi promptement que celle qui était en face d'elle, prête à lancer un expelliarmus. L'un des rares sortilèges dont Aelys pouvait dire qu'elle les réussissait très bien. Elle pratiquait la magie autrement même la baguette restait malgré tout bien pratique parfois...

" Ven?"

Elle n'en revenait pas. Ses yeux bleus détaillaient ce visage familier. Depuis combien de temps ne s'étaient-ils plus revu? Une éternité ou quelque chose comme ça. Elle se rappelait très bien l'adolescent turbulent. La bête noire de la directrice de Serpentard, aujourd'hui Directrice de Poudlard d'ailleurs. Un garçon vraiment gentil.
D'instinct et contrairement à lui, elle abaissa sa baguette. Ce n'était pas qu'elle était si naïve que ça... Mélian lui avait appris à oublier cet aspect de sa personnalité. Mais elle restait perspicace et sa sensibilité de celte ne l'avait encore jamais trompée jusque là.

Elle étouffa un petit rire comprenant directement que Ven ne pouvait être que ce fameux...

" Où peut-être que c'est "V" tout court maintenant?"

Elle ne voulait pas prendre plus de risque que ça. Une erreur aurait pu être fatale à ce petit jeu. Il n'y avait que peu de membres de l'ordre qu'Aelys n'avait jamais croisé. Le mystérieux V en faisait partie.