Smile like you mean it.

L

’irréductible besoin d’assouvir ses pulsions de curiosité insatisfaite. Jamais, elle ne se souvenait avoir connu pareille sensation. C’est avec ce fourmillement désagréable, qui lui parcourrait le corps et l’esprit, que Velvet s’était réveillée ce matin même. Si ses songes avaient été peuplés de sombres silhouettes et de funestes murmures, son réveil lui, très étrangement, c’était révélé doux, comme après une longue nuit sans rêve. Lentement, elle ouvrit les yeux et eut quelque peu du mal à s’habituer au clair-obscur de la chambre. Recroquevillée sur elle-même, l’autre côté du lit lui semblait désespérément froid, tandis qu’elle agrippait du bout des doigts la toile en soie du matelas. Elle cherchait à tâtons cette chaleur humaine significative et réconfortante, comme lorsque petite elle dormait à côté de ses cousins. Mais bien sûr comme chaque matin depuis des années, elle était seule. Irrémédiablement seule. Le seul contact chaud et rassurant qu’elle trouva alors fut la duveteuse fourrure de son chat, roulé en boule à ses côtés. Allongée sur le lit, ses longs cheveux blonds éparpillés comme de légers fils d'or semblaient créer une lumineuse auréole autour de sa tête tandis que ses grands yeux bleus perdus dans le vague scrutaient l'éperdue lenteur du temps qui s'écoulait. Combien d'heures exactement était-elle restée là à fixer le plafond jauni de cette chambre depuis son entrée à Poudlard ? L'étouffant emprisonnement de ces quatre murs aux tapisseries vieillottes semblait lui voler son entière liberté, mais déjà elle s'imaginait toute l'effervescence de l'école. C’était sans doute l’heure du petit-déjeuner dans la grande salle. Pendant un instant elle ferma les yeux et survola cette prison pour adolescents. Elle voyait distinctement le réfectoire et ses repas animés par une foule de conversations indistinctes, les différentes salles communes avec leurs fidèles boute-en-train ou encore le silence presque réconfortant de la bibliothèque qui laissait le temps aux doux rêveurs de dormir entre deux livres. Et lorsqu'elle ouvrit les yeux à nouveaux tout disparu, il ne lui restait plus que sa seule ombre, se reflétant sur les murs, en guise de compagnie. Mais, bercée par le rythme régulier des ronronnements, Velvet plongea à nouveau dans un sommeil intermédiaire.

I

l fallait qu’elle sache. La jeune fille s’était de nouveau réveillée, mais cette fois –ci en sursaut. Ses pieds nus touchèrent rapidement le plancher froid de sa chambre pour venir se blottir directement dans ses chaussons. La sorcière se redressa et attrapa d’un geste sûr sa montre à gousset posée sur la table de chevet. L’aiguille indiquait midi pile. Les cours du matin étaient déjà terminés. Peu importe, elle dirait simplement aux professeurs à quel point elle s’était sentie mal en se réveillant et bien entendu dans leur toute crédulité, ils acquiesceront gentiment sans faire de vague. Après tout Velvet Blackheart était l’élève parfaite. Intelligente et polie. On ne pouvait pas lui en vouloir pour si peu. Mais pendant qu’elle se préparait à sortir de la salle commune de la maison vert et argent, ce n’était pas l’excuse qu’elle allait donner pour les cours manqués qui la tracassait, non. C’était autre chose et il fallait absolument qu’elle sache. Elle avait même décrété que c’était le moment parfait de la journée pour découvrir ce que cachaient ces imbéciles de Gryffondor. En effet à cette heure-ci tout le monde serait en train de déjeuner. Et par la suite, comme toujours, tout le monde allait regagner ses cours sans pendre le temps der de faire un détour dans sa salle commune. Elle avait eu le temps d’observer les petites habitudes de chacun depuis ces dernières années. Rien ni personne n’aurait dut venir entraver son plan.

L

e plan en question : entrer en toute discrétion et sortir sans se faire repérer. C’était un jeu d’enfant pour celle qui avait l’habitude de se faufiler dans les trous de souris. Mais cette fois-ci pas question d’utiliser son don d’animagus. Elle avait besoin de son apparence humaine pour pouvoir fouiller dans les dortoirs. Entrer ne fut pas bien difficile, puisqu’elle connaissait les mots de passe de chaque maison et se tenait régulièrement au courant au cas où on en changerait certains. Scrutant la salle commune au couleur des Gryffondor, Velvet sentit un peu perdu. Passer de la froideur des cachots aux hauteurs du septième étage, pouvait être assez déconcertant.

V E L V E T Ϟ « Si j’étais un cahier d’une importance considérable pour ces idiots…où me cacherait-on ? »

C’était une bonne question mais pour l’instant, elle n’en n’avait pas la moindre idée. Après avoir consciencieusement passé au peigne fin le cœur de la salle commune, Velvet décida de monter dans les dortoirs. De l’encre, des parchemins en pagailles, des livres de cours en veux-tu en voilà, des amas de vêtements, des souvenirs de pacotilles amassés le long de sa vie. C’est à peu près tout ce qu’elle avait trouvé lors de sa visite dans les dortoirs. Une seule fois, elle avait souri en trouvant un exemplaire de son journal bien caché en dessous de l’oreiller d’un garçon. Comme quoi ce genre de choses n’était pas réservé uniquement aux petites langues de vipères comme beaucoup de mâles s’exténuaient à le crier haut et fort comme pour affirmer leur virilité. Malheureusement cela ne réglait pas son problème : le fameux carnet était toujours manquant. Énième et dernière supposition pour le moins embêtante: il devait sûrement se trouver entre les mains d'un sale Sang-Impur.

A

ssise sur un des sofas de la salle commune, Velvet laissa échapper un soupir un fendre l’âme. Tandis qu’elle regardait par la fenêtre l’amoncellement de nuage grisonnant marbrant le ciel d’un aspect lugubre, elle se remémorait la scène qu’elle avait vu quelques jours plutôt. Kassy et Danny en caché dans un recoin du sixième étage faisant des messes-basses à propos d’un mystérieux cahier. Du moins assez énigmatique pour que Danny n’ose pas prononcer à voix haut le nom de l’auteur. Mais Velvet en était sûre, cela concernait les Gryffondor alors ça ne pouvait être que l’un d’entre eux. Mais peu importe celui qui l’écrivait, le plus important était le contenu de ces écrits. Et son instinct ne la trompait jamais, cela devait être quelque chose d’énorme. Vraiment. S’il arrivait à mettre la main dessus, ça serait là son coup le plus génial. Et avec un peu de chance cela déboucherait sur le plus gros des scandales. Alors qu’elle fantasmait sur la suite fictive des événements, un bruit de pas la sortit de sa torpeur. Face à elle, la dernière personne qu’elle aurait cru voir ici : Roman Konstantine. Et apparemment vu ses sourcils froncés et son ton un brin cassant, il était aussi heureux de la voir, qu’elle de le rencontrer ici. Il n’allait sûrement pas lui faciliter la vie, cela tombait bien : elle non plus.

V E L V E T Ϟ « Sais-tu pourquoi un corbeau ressemble à un bureau, toi ? »

Elle accompagna sa réponse d’un large sourire énigmatique avant de se lever par pure politesse pour son interlocuteur. Après tout, elle n’avait l’intention d’en faire un ennemi. Au contraire s’il avait pu garder le silence, cela l’aurait fortement arrangé. Elle ne comptait pas argumenter sa réponse d’avantage, après tout c’était suffisant. Il lui avait simplement demandé « comment » pas « pourquoi ». Et la réponse à sa question était simplement : par la porte comme tout le monde. Elle jouait beaucoup sur les mots, certes.

L

a posture droite, le visage avenant et amical, Velvet s’avança vers le jeune homme d’un pas léger et serein. De toute façon, elle s’était préparée à tous les scénarios possibles et inimaginables. Enfin, peut-être pas celui où elle rencontrait le célèbre porté-disparu de la maison or et rouge. Vu sa tête on aurait plus dit le retour d’un revenant que celui d’un héros triomphal. Mais cela n’empêcha pas la demoiselle Blackheart de lui parler normalement comme si de rien n’était.

V E L V E T Ϟ « Certains se languissaient de ta présence. Depuis le temps, tu es un peu en retard pour la rentrée. A cause de ça certains ont même cru que tu avais déserté… »

Elle aurait voulu ajouter : « d’autre on dit que tu étais mort…c’est dommage qu’ils aient eu tort ». Mais bien entendu elle se retint vivement de cette petit pique de mauvais gout. Après tout elle était en territoire ennemie. Mais elle n’était pas la seule :

V E L V E T Ϟ « C’est étonnant de te voir ici, par ailleurs. Je ne sais pas si tu es au courant mais désormais ton dortoir n’est plus ici… »

Encore une remarque détournée qui tentait de lui faire comprendre qu’il n’était pas la bienvenue ici. Toujours sur le même ton doucereux, elle continua à faire des ronds de jambe, espérant s’en sortir grâce à sa fameuse courtoisie.

V E L V E T Ϟ « Mais peu importe...comment dit-on déjà ? Ah, oui …bienvenu à la maison. »

A cet instant dans la pénombre de la salle on distinguait sans mal la blancheur du sourire carnassier de mademoiselle Blackheart.

Poor unfortunate soul.

A

nnoncer les mauvaises nouvelles était un de ses passe-temps favoris. Il n’avait vraiment rien de mieux que de voir en temps réel la déconfiture sur le visage d’une personne heureuse et sereine, tout en se disant qu’on était finalement très bien à notre place. C’était tellement fort que c’en était presque jouissif. Et encore plus lorsqu’il s’agissait de Roman, populaire capitaine de Quidditch, sûr de la supériorité de sa maison. Au début elle avait cru qu’il jouait un rôle, qu’il se trouvait ici pour défier l’autorité, mais il fallait croire que là où il était, les informations ne lui étaient pas parvenues correctement. La jeune sourcière avait pourtant bien essayé d’être un tant soit peu gentille avec lui mais vu qu’il refusait toute forme de politesse, elle n’allait sûrement pas y aller avec le dos de la cuillère. Le petit sourire accueillant de Velvet s’effaça pour laisser place à un air faussement outré.

V E L V E T Ϟ « Bien, très bien. J’essayais juste de t’accueillir convenablement mais bon…si tu n’en a rien à faire tant pis. Et…si tu veux tout savoir, Poudlard est entré dans comme qui dirait….nouvelle ère.»

Tout en se rasseyant, elle fit une pause dans ses explications pour laisser un peu de mystère et de tentions planer dans la conversation.

V E L V E T Ϟ « Une ère de coercition je dirais. Certains disent que notre très chère directrice a perdu la boule...c’est peut-être pas faux. Enfin tout ça pour dire que les dortoirs des quatre maisons sont maintenant réservé au Sang- Pur. Que tes semblables de Sang-Mêlé, si je ne me trompe pas, sont relégués au sixième étage et qu’enfin tes petits amis Nés-Moldus et autres traitres à leur sang croupissent au fond des cachots. Tu peux désormais dire adieux à ta maison. A toutes les maisons d’ailleurs. »

S

a dernière réplique avait été aussi sèche que le désert du Sahara en pleine canicule comme pour asséné le coup de grâce. Un petit sourire de satisfaction s’étira sur ses lèvres. Simple, clair, efficace. Elle était plutôt fière de son petit résumé de la situation dans laquelle toute l’école était plongée. Oui, ils y étaient tous. Plongés jusqu’au cou, précisément. Même pour les Sang-Pur, ce n’était pas l’endroit idéal. Le monde magique était devenu très incertain, en réalité. C’était du moins l’avis personnel ne notre jeune Serpentard, qu’elle s’abstiendrait de dévoiler. Car après tout, elle tenait à son illusion parfaite de pur bonheur. Velvet fit une petite moue en détournant le regard de son interlocuteur pendant un bref instant :

V E L V E T Ϟ « Je pense que ça répond à ta question du « où sont-ils tous passés ? »….n’est-ce pas ? L’ambiance à Poudlard n’est pas au beau fixe. Les élèves ne font que des allés-retours entre leurs nouveaux dortoirs et les salles de cours. C’est qu’on oserait presque plus s’amuser de peur de devoir se retrouver trois semaines aux cachots…»

Peut-être qu’elle en faisait un peu trop pour l’effrayer. Ou peut-être pas. Après tout l’ambiance était devenue très étrange entre tout le monde. Moins d’éclat rire et plus de messes basses. Moins d’amis que d’alliés. Plus de stratégie que d’amitié. C’est du moins ce qu’elle avait ressenti en parcourant les couloirs depuis les folles interdictions de la direction. Ça ne tournait plus vraiment rond à Poudlard. Et il n’y avait rien à faire car tout le monde était fou.

V

elvet espérait vraiment qu’il oublierait sa question sur le pourquoi de sa venue dans la salle commune or et rouge. En même temps elle avait déjà évité le pire. C’était déjà mieux qu’il la trouve assise dans un sofa qu’en train de retourner les dortoirs à la recherche d’un objet qui ne lui appartenait pas et dont elle ignorait complètement le contenu. Elle balaya du regard la salle richement décoré aux couleurs chatoyantes à la recherche de ce qui pourrait bien être un cahier. Bien que la jeune fille continuait de s’adresser à Roman, elle avait l’air bien plus préoccupée par les moindres recoins et cachettes de la pièce susceptible de cacher un carnet.

V E L V E T Ϟ « Dis-moi…mais où étais-tu passé tout ce temps pour ignorer les…nouveaux décrets de la directrice…c’est étr…. »

Les sourcils froncés et la bouche entre-ouverte, Velvet pensait avoir aperçu une parfaite petite cachette juste derrière Roman. Se penchant un peu plus vers la droite pour mieux observer le petit bout de pièce, elle faillit perdre l’équilibre et basculer sur le côté en tentant de regarder derrière le garçon qui lui bouchait la vue. Velvet se rattrapa de justesse sur l'accoudoir du canapé en souriant et se rassit correctement comme si de rien était :

V E L V E T Ϟ « C’est étrange, oui. »

Le regard fuyant, la Blackheart n’espérait qu’une chose : qu’il ne remarque pas à quel point son comportement était bizarre. Et en vue de ce qui venait de se passer ce n’était sûrement pas gagné.

She's a liar & a bit more.

V

elvet venait d’être piquée au vif dans son orgueil. Infâme torchon, qu’il disait. S’il trouvait cela si ridicule pourquoi en possédait-il un exemplaire ? C’est sûrement ce qu’on devait appeler la psychologie masculine inversée. Elle voyait déjà le genre. Je suis un mec, un vrai je n’ai nullement besoin de lire les cancans pour fillettes désemparées qui rêvent d’une vie par procuration. Tandis qu’elle continuait son petit raisonnement contre ce qu’elle avait cru être du machisme, la jeune fille ne s’était même pas aperçu que Roman était désormais adossé au seul endroit où il n’aurait pas dut être. Comme un embêtant fait exprès. Pris d’un doute, elle se demandait désormais, s’il n’avait pas compris le pourquoi du comment de son comportement étrange. Elle balaya ce doute quelques secondes plus tard. Non c’était impossible, il ne pouvait pas être aussi intelligent et observateur que cela ; surtout après la nouvelle aussi choquante qui venait de lui tomber dessus de manière si impromptue. Se pinçant discrètement les lèvres, Velvet tenta d’analyser la situation pour trouver le meilleur moyen de le faire bouger. Cela ne s’annonçait pas de tout repos.

S

e levant, la demoiselle attrapa au vol l’exemplaire de son journal, qui venait d’être négligemment lancé sur la table basse. Elle fit mine de parcourir les quelques lignes du premier article comme si elle en prenait connaissance pour la première fois. En réalité, elle connait chaque ligne, chaque phrase et chaque mot. Après tout elle l’avait rédigé avec une attention toute particulière. Il fallait dire qu’elle excellait dans l’art de pourrir la vie d’autrui. Relevant le regard vers son interlocuteur, elle se mit à rire spontanément :

V E L V E T Ϟ « Je vois c’est pour ça que tu es si en colère… Je comprends après tout, ce genre de chose c’est toujours plus drôle quand ça ne parle pas de nous. Mais, tu sais, si ça ne te plait vraiment pas tu n’es pas obligé de le lire… »

Petit sourire ironique. Presque méprisant. Elle roula le journal qu’elle tenait entre les mains avant de reprendre de plus belle en se rapprochant dangereusement de Roman. Il fallait qu’il bouge de là. Coûte que coûte :

V E L V E T Ϟ « Mais c’est vrai que cette personne ferait mieux de s’intéresser aux vraies actualités de Poudlard plutôt que d’aller chercher la petite bête dans les affaires privées des autres, si tu veux mon avis. »

Vous ne pouvez pas à savoir à quel point elle se faisait du mal en disant cela. Mais il fallait tenir bon. Posant la main sur l’épaule du jeune homme, elle prit un air faussement compatissant :

V E L V E T Ϟ « Enfin je conçois tout à fait ta réaction : tu reviens d’une chasse complètement déboussolé, tu n’es plus le bienvenu dans ta maison, tes histoires de cœurs vont mal. Tout ça est si compréhensible. »

Compréhensible tu parles. Velvet avait autant de compassion pour la race humaine qu’une charogne en avait pour la carcasse d’un animal en putréfaction. Oui dans le fabuleux monde des animaux, elle aurait sûrement été un vautour se nourrissant des restes.

S

’il avait été se poser cinq centimètres plus loin, elle aurait sans doute plut analyser discrètement la petite fissure qui fendillait le bas du mur. Oui cinq centimètres et elle n’aurait pas été obligé de jouer cette mascarade.

V E L V E T Ϟ « Tu sais ce que je pense. Tu devrais commencer par t’assoir, après tout le choc a dut être rude. Ou mieux encore ! Tu devrais peut-être aller prendre l’air ou aller à l’infirmerie …. Oui... qui sait ce que tu as pu attraper comme maladie en Hongrie. C’est important de vérifier je trouve…. »

Velvet s’accrocha au bras du garçon dans un ultime geste désespéré. Mais en vue de sa force comparable à celle d’un enfant de six ans, il y avait peu de chance pour qu’elle arrive à le décoller du mur. Elle lui sourit alors gentiment en le regardant fixement de son regard azuré. Elle comptait désormais sur l’unique efficacité de ses yeux de biche. En tant que faible femme, il lui fallait utiliser tous les subterfuges possibles et inimaginables. Roman n’était sûrement pas au bout de ses peines, parole de Blackheart.