Sous le cerisier il y avait une jeune fille pâle comme la mort. Pas la mort décharnée aux effluves putrides, mais une mort plus romantique. Douce et mélancolique. Une mort que William Blake ou Lord Byron auraient sans doute su illustrer en mots mieux que personne. Elle était belle Huyana sous l'arbre où une nuit, Zenshou et elle avait célébré le retour du soleil. Belle et féminine pour une fois. Peut-être était-ce ses cheveux blonds un peu plus longs que d'ordinaire qui lui balayaient le front et les tempes avec élégance, ou simplement les rivières de diamants qui traçaient ses joues en longs fleuves interminables... Les larmes d'une fille de l'eau sont dit-on l'eau la plus pure qui soit. On oublie, à leur désavantage, de dire comme elles sont magnifiques.
Il y a des années qu'elle n'avait plus pleuré. Des années que le flot de ses émotions est resté gelé par le chagrin, par le froid de la peau de Chu'a la dernière fois qu'elle l'avait serré dans ses bras. Sa maîtrise de l'eau et au delà, du sang, en avait souffert mais là, au pied du cerisier, elle pleurait sans retenue, une longue écharpe de feu enroulée tout contre elle. Shima, la belle lampade avait elle aussi double raison de se sentir le coeur contrit. Mais sous cette forme de panda roux peu de personne aurait pu deviner qu'il se cachait une nymphe malheureuse.
Les doigts graciles de Huyana se perdirent dans son pelage, la caressant comme Zenshou avait pu le faire lui aussi. Elle la mordrait sans doute... par habitude mais sans doute pas comme avant, par jalousie. Elles avaient toutes les deux perdu un ami et un amour. Huyana ne s'en rendait pas vraiment compte, elle ne constatait que l'absence douloureuse. Et au delà de ça, elle avait l'esprit à la vengeance plus qu'à l'amour.
Un brin de vent vint les tirer de leur quiétude mélancolique amenant avec lui les feuillets d'un cours qui venaient de s'échapper des mains de leur propriétaire. Huyana décolla les feuilles qui étaient venues se plaquer sur son t-shirt, relevant les yeux...