Il fait sombre sur Londres, mais ce n’est pas à cause des démons. Mais ce matin n’est pas comme les autres. Parce qu’autour de la table, il n’y a que la tête blonde de Matthias de Salamine, les yeux cerclés de rouge. Ses yeux verts ont peut-être pleuré, mais maintenant ils sont secs. Il attends. Peut-être que ce matin, le soleil se lèvera? Peut-être que le soleil est mort. Il n’en sait rien, et il ne veut pas savoir. Son esprit est ailleurs. Il divague, le regard vague dans le noir de son café. La radio en fond. La télé marche pour rien, parce que personne ne la regarde plus. Assis à la petite table de la cuisine, l’ange blond attends la sentence. Il le sait : il n’a que trop péché.

“Rising with the morning sun, I turn to greet the dawn,

Knowing I must face another day, Sleepless night behind me,

Just a memory of pain, My heart has always been a cross to bear”

La porte craque, mais il ne cille pas. Tout son être écoute la musique de fond. Qui est-ce qui chante? Il ne reconnaît pas cette voix, il ne connaît pas cet air. Ce qu’il connaît, c’est le regard de Keith à ce moment-là. C’est les larmes après avoir réaliser que ce n’était pas une bonne idée. Que dès le début, ça ne l’avait pas été. Il aurait du la laisser repartir. Peut-être que ça aurait fait moins mal à l’intérieur. Peut-être que ça aurait été mieux s’il n’avait pas su qu’il ne pouvait pas avec une fille. Il est maudit, maintenant. Quelque chose comme ça. Et il a eut beau pleurer pour Mika’il, l’archange n’est pas venu. Si c’est une autre épreuve, alors c’est la plus cruelle. Il y a quelque chose qui s’est cassé, quelque part. Il ne sait pas quand, mais il arrive à en voir les bouts sur le sol. Un verre ou une tasse? Il ne sait plus vraiment s’il est assis ou s’il est debout. Ce qu’il sait, c’est que devant ses yeux, c’est noir. C’est comme des vagues d’encre. Du café? Ou de l’encre? La porte de la cuisine s’ouvre, et il réalise. Il réalise qu’il en avait oublié la lumière. Que le noir, c’était l’obscurité. Il avait espéré le soleil, mais rien n’est venu. Il avait espéré s’échapper de ce sentiment, mais rien n’est venu. Il avait espéré, et rien n’est venu.

Rien.

“Hey...”

C’est tout ce que peut dire Keith pour commencer. Parce que quelque part il s’en veut d’avoir surpris son meilleur ami et c’est aussi pour ça qu’il rentre si tard. Tel qu’il connait Matthi, après le coup de théâtre de ce matin il ne s’est plus rien passé mais quelque part, le brun a eu besoin de se mentir et de se dire que si. Peut-être que sa meilleure amie a su être assez experte pour rattraper le coup mais... honnêtement il en doute. Il pose les clés sur le plan de travail et il lui semble que ça fait un bruit d’enfer. Peut-être qu’il devrait encore s’excuser. Peut-être qu’il ferait mieux de se la fermer.

“ Ecoutes Matthi... pour ce matin je suis vraiment désolé.”

“ Désolé...? ” Matthias ne comprends plus. Mais ça fait longtemps qu’il n’a plus rien compris.

Est-ce du sarcasme dans cette économie de mots? Keith n’en sait rien, il doute quelque part. Il ne sait plus très bien non plus.

“ J’aurais dû frapper c’est juste que... enfin c’est de ma faute et je suis désolé voilà.”, conclut l’exorciste sentant que la conversation tournerait court. D’un autre côté il pouvait comprendre. Et quelque part en lui... il n’avait tout simplement pas envie de savoir.

“ Tu n’es pas fâché alors? ”

Matthias le regarda, un sourcil arqué. Quelque part, c’était peut-être ça qui l’avait tourmenté. Pas vraiment le fait d’être avec une fille et de sa voir que “ça” ne marcherait pas. Non. C’était même plutôt logique dans son esprit. Ce qui lui avait fait le plus de mal, c’était d’avoir cru un instant blesser les sentiments de Keith. Lui avoir dit je t’aime pour mieux avoir Jewel dans son lit, ça aurait fait de lui un vrai salaud, et... Et Keith s’excusait pour l’avoir interrompu? Il y eut quelque chose à l’intérieur de lui. Un petit éclair, peut-être. Plus douloureux que les autres.

“ Fâché?... Non. Non j’crois pas...”

Mais ça le faisait chier, ça le faisait chier il ne savait même pas pourquoi. Il s’était toujours dit que le jour où Matthi s’afficherait avec quelqu’un, fille ou garçon peu importait dans le fond, c’aurait été une victoire. Et finalement... ça le faisait chier.

“ Je... ah. ” Il eut un petit rire, nerveux. Il posa sa main, tremblante, sur sa tempe, et recula d’un pieds : “ J’suis trop con. J’ai cru que... ah... ” Se reprendre. Il devait se reprendre. Il inspira, et tourna le dos. Ne pas perdre la face. Tout, mais pas ça. “ Tant mieux alors. ... tu veux un café? ”

“ Ouais j’veux bien.”

Sa voix le trahissait. Matthias avait beau avoir l’air d’un gros dur depuis que sa croissance lui avait permis d’être plus viril, il n’en restait pas moins Matthias de Salamine, le petit garçon blond qui pleurait quand il tombait dans les marches du Vatican, ou encore ce petit garçon qui n’avait d’yeux pour Keith, qui hurlait quand il ne pouvait pas le voir. Ce petit garçon qui s’était retrouvé du jour au lendemain à devoir ouvrir les yeux sur ce qui avait été longtemps un amour de frère. De son côté Keith et son air inhabituellement neutre laissait clairement percevoir que de son côté aussi quelque chose clochait. Il regardait sans vraiment regarder Matthias lui faire un café, et en mettre un peu à côté. Le blondinet devait être nerveux. Peut-être que pour lui aussi tout ne tournait pas rond avec cette histoire. Keith porta la tasse à ses lèvres, l’air pensif. L’espace d’un instant on aurait cru qu’il avait complètement zappé Matthias. Puis finalement...

“ ... en fait ça me fait chier Matthi.”

Keith posa sa tasse devant lui, posant un regard plutôt sérieux, un peu dur sur son meilleur ami. Dur parce qu’il ne voulait rien laisser passer plus qu’autre chose. Matthias se retourna lentement. Ne plus y penser. Ignorer. Fuir. Tasser. Cacher sous un beau sourire. Dire qu’on fera mieux la prochaine fois. Le blond cependant ne fit rien de tout ça. Ses yeux verts fixaient Keith, sans trop savoir quoi penser. Ses mains s’étaient juste resserrés sur sa tasse alors qu’il était encore debout, près de plan de travail. La radio tournait toujours. En fond. Lancinante; comme la douleur.

“Lord I know the sunshine, But, I feel the tears of rain

Falling down to wash my sins away, I'll try hard to remember”

Son regard lui avait échappé, comme sa colère. Tout ressortait. Matthias l’ange blond? La blague. Il avait toujours été le plus faible d’entre eux, celui qui avait besoin d’être protégé et ne pouvait rien faire d’autre que jouer le sacrifier. Alors quand ce connard de David chantait ses psaumes pour panser ses blessures, Matthias n’aimait pas entendre qu’il avait pêché. Oui. Il l’avait fait. Et il pêcherait par la colère. Sa main attrapa la radio et la jeta par la fenêtre. Et son regard, terrible comme celui de Metatron a quelque chose prêt, se posa sur Keith. Ses pupilles vertes formaient deux cercles coupés au coin de ses yeux, comme il ne lui faisait pas face. Il n’aurait pas pu, même s’il l’avait voulu.

“ Pas autant que moi. ” souffla t-il, sans s’en rendre compte.

Malgré tout Keith ne bougea pas d’un pouce, pas au début du moins. Pour lui ce “pas autant que moi” ça n’élucidait rien. Il ne savait même pas lui même ce qu’il avait envie d’entendre. La colère de Matthias ne l’avait pas surpris, elle l’avait juste empêché de se mettre en colère lui-même. Par empathie ou quelque chose dans le genre. En fait peu à peu il prenait conscience de ce qui l’énervait dans toutes ces conneries, mais il se rendait aussi compte que son agacement était moins légitime que celui de son meilleur ami. Il se leva donc, calme...

“ Je vais me coucher Matthi. Bonne nuit.”

... et prit le chemin de sa chambre. Matthias le regarda faire, un instant. Parce qu’il était furieux. Parce que la douleur, ça rends fou. Enfin, c’est ce qu’on dit. Il fit quelques pas, rapides, et son bras s’étendit. Inconscient. Il ne savait même pas ce qu’il faisait. Pour la première fois, ce n’était plus la raison qui lui disait de se taire, mais le corps qui parlait. Comme il avait voulu le faire tant d’années durant. Son poing épousa le mur, à quelques centimètres à peine du visage de Keith. Comme dans les films qu’ils regardaient. Sauf que généralement, le garçon faisait ça à une fille, et il souriait avec des dents blanches. Le visage de Matthias, lui, était fermé, dur, violent. Et ses yeux ne cherchaient que ceux de Keith.

“ Ca te fait chier que j’ai touché à ta meilleure amie? ”

Le sourire de Matthias était dédaigneux. Un peu dégoûté. Il ne l’avait pas touchée. Effleurée, peut-être. Il n’avait jamais été tendre avec les autres, et encore moins avec les filles. Il n’était pas Serpentard pour rien et Keith non plus quoique sur le coup, sa réaction se révéla être typiquement impulsive. Il n’aimait guère les attaques et s’il avait été calme jusque là c’était uniquement parce que la colère était restée sous-jacente, mais bien présente. Un coup de poing de Matthi dans le mur, juste devant son nez, et Keith se retrouvait à repousser son meilleur ami le plaquant au mur de son avant-bras. Inutile de dire qu’il avait l’air mauvais.

“ J’en ai rien a foutre de ça!”

Ce qui l’énervait le plus c’était peut-être que Matthi cherche à justifier son “ça me fait chier”. De toute façon il tombait à côté. Toucher à sa meilleure amie? Non c’était trop futile pour Keith ça. Et pour Matthias, trop évident. C’était la bonne excuse. Sinon pourquoi il chercherait à se défiler? Après cette fille, après Mascha... Il pouvait toujours y avoir Jewel. Il y en aurait toujours une pour Keith. Toujours une qui le ferait enrager, qui le ferait se mettre en colère. Qui le ferait agir bêtement, pour se retrouver dos au mur, les mains posés sur le col de Keith, violent et brutal. La tendresse n’a pas lieu d’être quand on ne comprends pas ce qui se passe. L’ignorance rends toujours mauvais.

“ Alors pourquoi ça te fait chier?! ”

“ Lâche-moi tu veux!”

“ Pas tant que tu te seras pas expliquer...! ”

“ Y a rien a expliquer. Je vais me coucher.”

Sur quoi il le relâcha et lui tourna une fois de plus le dos. Matthias resta furieux au milieu du couloir, et s’il avait envie de pleurer, rien ne sortit de ses yeux. Rien qu’un regard blessé. Il inspira, serra les poings.

“ M’ignore pas comme ça... ”

Sa voix? Non. Un murmure. Un reproche, sans doute, d’enfant. Il avait tellement mal. Ca aurait été tellement plus simple si Keith avait été dégoûté. Mais alors se faire ignorer, comme si tout ça n’existait pas. Comme si le sentiment n’avait jamais existé. C’était pire que tout. C’était l’enfer. Keith eut un long soupire. Il avait toujours regarder Matthias comme un petit frère et si le rapport avait changé depuis quelque temps, ça ne changeait pas qu’il n’aimait guère l’idée de ne pas répondre ou de prendre la tangente à ce moment-là. Finalement il se retourna, l’air vraiment lassé:

“ Ecoutes, je dis de la merde là je suis fatigué. C’est tout. J’ai rien contre toi et Jew... au contraire... c’est... ouais c’est bien.”, mais ça sonnait quand même faux.

“ Mais y a rien entre Jewel et moi! ” Matthias avait hurlé, peut-être plus qu’il ne l’aurait voulu. “ Y a rien, et y aura jamais rien... C’est... C’est... ” Il frappa dans le mur, une nouvelle fois. Il fallait qu’il frappe, il le fallait. “ J’y suis même pas arrivé!... J’y suis... ” Mais sa voix s’était déjà essouflée dans sa gorge. Il posa sa main sur ses yeux, reculant d’un pas. “ C’est grotesque. Je... ” t’aime, toi.

Sur le coup Keith resta con. Sa sensation d’agacement ne s’évaporait pas pour autant mais... mais il restait perplexe. C’était ça? Ca qui rendait Matthias à moitié fou? Keith pouvait comprendre et en mettant ce qu’il pensait de côté, il avait aussi le bon goût de ne pas insister sur la révélation de Matthias, qui en soit...

“ Te mets pas dans cet état pour ça, ça peut arriver à tout le monde tu sais... ça m’est déjà arrivé si tu veux tout savoir. Ca dépend de ce que t’as dans la tête au moment où... fin... mon arrivée surprise à pas dû arranger de toute manière.” Matthias grogna.

“ C’est pas ça le problème. ” Il fixait ses pieds, comme un enfant qui n’ose pas dire ce qu’il pense, car dieu sait que c’est embarrassant. “ J’aurais pu y arriver très facilement, c’est... pas... hmfr, il aurait fallu que ce ne soit pas Jewel. C’est tout. ” Il serra les poings, un rire bête, nerveux. “ Ce qui est ridicule, en faite, c’est que j’ai cru un instant, un infime... petit ... moment... un truc idiot. Vraiment idiot. ”

Il recula encore d’un pas.

Keith fronça légèrement les sourcils. Quelque chose lui disait qu’il n’avait pas envie d’avoir cette conversation. Mais soit, il l’aurait. L’idée qui lui vint c’était “il aurait suffit que ce soit moi” mais rien que l’idée lui donnait à lui aussi l’envie de cogner. Mais il ne fuyait pas.

“ Tu as cru...?” Matthias eut un rire idiot. Idiot et sarcastique à la fois.

“ J’ai cru que tu étais fâché. J’ai cru que tu m’en voulais. Et c’est bête, mais ça m’aurait tellement fait plaisir que... ouais, que tu sois en colère, que tu hurles sur Jewel.. Mais ça n’est pas toi. Et en plus de n’être pas toi, tu n’étais pas en colère... ” Matthias tourna le dos, agacé. “ J’abandonne. J’ai pas envie d’en parler. Bonne nuit... ”

A ce moment précis, Keith avait de option. La facilité: laisser Matthi aller se coucher et enterrer l’affaire. Ou alors le choc frontal.

“ Pourquoi tu ne cognes pas alors que t’en meures d’envie Matthi? Je crois pas que le mur aies senti quoique ce soit.”

Délibérément provocateur ou purement salaud? A vous de juger.

Et ça, ça ne passait pas. Matthias s’arrêta, se retourna très lentement, les poings déjà serrés. Qu’est-ce qu’il avait, lui? Pourquoi est-ce qu’il lui parlait encore? Le regard de Matthias s’était rétracté, en deux cercles verts, si petits que dans l’oeil blanc, elles semblèrent ridicules. Mais on ne cherchait pas De Salamine impunément. Sa colère, il l’avait gardé en fond de lui depuis quinze ans. Il l’avait ensevelie, la traitant d’impure, l’aborant. Et il la détestait plus encore quand il y avait le regard constant du Cardinal sur lui. Aujourd’hui, il n’y avait plus rien. Il y avait bien Keith, mais son regard n’était en rien réprobateur. Il attendait le coup, peut-être. Et aujourd’hui, il fallait bien que ça éclate. Au moins aujourd’hui.

Alors il fit quelques pas, à peine, et ses deux mains attrapèrent le vêtement de Keith et le plaqua violemment au mur, le soulevant sans peine. Matthias avait toujours été fort, mais d’une force inconsciente. D’une force qui ne servait que lorsqu’il avait peur. D’une force inutile. Elle ne servait qu’à faire mal, et là encore, en tenant Keith contre le mur, il montrait bien l’étendu de son malaise. Il voulait le broyer. Voilà. Le broyer, l’encastrer dans ce mur. Qu’il souffre comme lui souffrait. Matthias serra davantage ses mains sur son vêtement.

“ Tu veux vraiment me foutre en colère, Keith? Tu veux vraiment me foutre en colère pour que j’te cogne, bordel de merde?! ” Si Matthias était déjà en colère, il pouvait plonger encore plus profond. Il pouvait faire tellement plus pour le broyer... le broyer.

Keith eut un grand rire un peu moqueur, mais c’était de la nervosité à la vérité. Il n’essayait même pas de pousser Matthias, sans doute par pur provocation.

“ Ouais j’aimerai bien voir ça. Vas-y cogne. Montre moi ce que t’as dans le ventre au lieu de me la jouer... tsss je sais même pas à quoi tu joues”

Et il n’en fallait pas plus pour mettre Matthias encore plus en colère. Une droite partie, violente. Il ne se retenait plus. Il n’en avait ni l’envie, ni la capacité. La lèvre de Keith se mit à pisser le sang directement mais ce n’était pas pour refroidir le préfet de Serpentard qui en retourna une à son meilleur ami. Matthias recula, posant sa main sur sa joue aussitôt, pas surpris, mais encore plus furieux. Il jeta à nouveau son poing contre Keith qui encaissa en repoussant Matthias sans ménagement, sachant très pertinemment qu’avec le mur qui arrêterait sa chute, il reviendrait directe à la charge. Matthias s’écrasa contre le mur. L’impact fut violent. Et la contre-attaque aussi rapide et violente. Matthias se jeta sur son meilleur ami, se retrouvant à genoux sur le sol sur lui, levant le poing pour le rabattre sur son visage, le ratant. Une main venait d’arrêter son poing, ce qui n’empêchera pas le second poing de Matthias de chercher lui aussi le contact avec le visage de Keith. Un contact brutal. Mais malgré tout ce qu’il se prenait dans la gueule, ça n’empêchait pas Keith de se marrer et de jouer plutôt violemment des coudes et des poings. Ils ne s’étaient jamais battu et quelque part ça avait quelque chose de libérateur sans doute pour les deux. Keith envoya Matthi valser à nouveau contre le mur, le tenant comme tout à l’heure la gorge coincée sous son avant bras. Tous deux à genoux dans le couloir.

“ Ca y est t’es calmé?!”, mais lui ne l’était pas du tout. Et d’ailleurs son ton arrogant et son sourire insolent ne serait qu’un peu plus d’huile sur le feu si jamais Matthias avait réussi à se calmer avec ça.

“ Calmé?! Tu blagues?! ” Et sa main happa la tignasse brune de Keith, le tirant en arrière, relevant le menton comme sa gorge lui faisait mal. Il n’avait qu’une envie, le crever. Sincèrement. Le tuer. Il n’avait pas le droit de lui demander s’il était calmer. Pas avec ce regard là. Qu’il le lâche...!

“ Eh ben alors qu’est-ce que t’attends? T’as qu’une envie c’est de me tuer. Hésite pas trop longtemps ou c’est moi qui relance”.

Dans le fond pourquoi insistait-il comme ça? Juste pour le faire souffrir? Bien sûr que non, pour se faire souffrir lui, plus probable déjà. Il y avait à l’intérieur cette saloperie de vipère qui lui avait empoisonné le coeur et qui le rendait mauvais à chaque nouveau battement alors ouais. Ca allait se règler comme ça. Il lui asséna un crochet dont Matthias se rappelerait et s’essuya la lèvre du revers de sa manche.

“ C’est facile de me dire, “j’espère que t’es pas fâché mais en fait j’aurais voulu que tu le sois”, c’est facile de dire blanc et de jouer noir, de ... et merde Matthi! Cogne!”

Et il cogna. Une fois. Sa bouche était remplie de sang qu’il cracha en un filet épais et rouge. D’une main forte - puisqu’il ne s’arrêterait plus - il l’attrapa au col, et son poing, qui aurait du le frapper, lui attraper le visage. Autre chose. Le poing fit autre chose que ce qui était prévu. Répondant à l’appel plus bestiale de Matthias. C’était autre chose que de la violence. Il allait dire blanc, et il allait jouer blanc.

Alors c’est contre le mur que Keith se retrouva, plaqué, et c’est les lèvres de Matthias qui épousa sa bouche, pour le faire taire. Sa voix était un véritable supplice. Et c’est un peu con, mais le blond cru entendre la voix horrible de David Coverdale venir lui assener un coup traite dans le dos. Le coup était dur. Mais il l’embrassait toujours, le tenant fermement. Mais pas pour très longtemps. Keith eut comme un grognement et il le repoussa plus violemment encore que les autres fois. C’était quoi le problème? Il n’était pas question de ça. C’était peut-être pour ça qu’il lui en coller encore une avant d’attraper son visage et de l’embrasser vraiment. De l’embrasser comme Keith embrassait. Avec sa fougue. Sa colère aussi. Mais ce fut bref, et quand il se détacha de Matthias il avait un regard noir et le souffle court... mais il était calmé. Apaisé même. Il grimaça de douleur en passant les doigts sur sa lèvre explosée. Puis son regard changea, sans pour autant dévier de celui de Matthias. Il y avait quelque chose à l’intérieur qui avait changer. A l’intérieur de Matthias. Quelque chose d’infime.

“ Je... ” Ne rien dire. Il venait de perdre la parole, peut-être. “ Tu aurais du me frapper le premier. ”

C’était tout ce qu’il avait à dire. Tout ce qu’il pouvait dire. Il lui avait déjà dit qu’il l’aimait. Il ne le dirait pas une seconde fois. Il n’était pas assez confiant. Trop nerveux. Ses mains tremblaient. Il avait peur, aussi. En face Keith ne bronchait pas non plus. Il tenait plus de la statue de marbre, pas perplexe, pas non plus choqué, simplement de marbre.

“ Si c’était à refaire... je ferais la même chose et je m’excuserai pas. Maintenant... tu devrais aller te coucher si t’es calmé.”

Sa voix était à nouveau douce, et quoiqu’il avait l’air gêné, il émanait toujours de lui cette impression de stable et de sain, tellement rassurante. Mais elle ne rassurait pas Matthias qui ne comprenait toujours pas. Pourquoi l’avoir embrasser? Il rougit à cette pensée, se remémorant ce qu’il venait de faire. C’était sûr, maintenant, il allait être maudit jusqu’à la fin. Il le fixa, mais ses yeux tremblaient, alors il détourna le regard, un peu honteux sur le moment.

“ Je comprends plus rien...ça me fatigue. ”

Keith le connaissait bien, presque assez pour mettre sur ses lèvres les mots qui ne passaient pas le stade de la pensée.

“ Ecoutes... ça m’a fait chier que tu me dises que tu m’aimes pour te retrouver le lendemain avec Jew’. C’est ... débile. T’as le droit d’avoir une vie aussi mais ça m’a fait chier c’est tout.”, Keith soupira, “ Laisse tomber, je crois que c’est moi le plus con dans l’histoire. Toutes ces conneries, Mascha, nous, tout... je sais pas trop où j’en suis en ce moment.”

Mais la seconde partie de sa phrase ne l’intéressait pas du tout. Il ne l’avait pas écouté. Il avait juste sentit son coeur ratait un battement dans sa poitrine, douloureux, mais tellement bon en fin de compte. Peut-être était-ce ça, la flèche d’Eros? Une douleur pour un bien. C’est bête, mais Matthias était juste heureux, tellement heureux que ça le fasse chier. Il n’en avait pas fait exprès. Absolument pas. Et ça avait marché. C’était comme ce rêve qu’il faisait sans cesse, où on lui disait qu’un jour, il y arrivera. “Tu peux y arriver”. A quoi, il n’avait jamais su, mais si il pouvait réussir ça, juste ça, ça lui suffirait amplement.

“ J’pensais que ça servirait à rien de m’entêter, alors j’ai cru que coucher avec une fille changerait. Peut-être que je me trompais, que je ne t’aimais comme un frère, et... mh, ça n’a pas du tout marché. Ça a même été pas mal foireux... ” Il tends sa main, frôle du bout des doigts la joue de Keith. “ Mais... ça n’aurait pu marcher que si c’était toi. C’était une évidence à laquelle je ne pouvais me résoudre. ”

Et sa main resta en suspens. Il ferma les yeux ; tout ça ne voulait rien dire. Il n’allait pas profiter de ce moment pour abuser de Keith, et se faire jeter quand le bébé serait arriver, et que tout irait mieux entre Mascha et Keith. Non... Plutôt crever que d’avoir à vivre cette humiliation. Pour Keith c’étai différent. Pour une fois, comme il l’avait dit, c’était lui qui ne savait pas où il en était. Il ne s’écarta pas quand Matthi le toucha mais son coeur se serra. Il flippait un peu de ce qui pouvait se passer, sans qu’il ait pu mettre ses idées au clair, mais ce n’était pas le genre de Matthias. Keith recula un peu, une fois les derniers mots de son meilleur ami tombés.

“ Je crois que cette fois je vais me coucher.”

“ Je... je vais aller dormir, aussi. ”

Matthias se releva, réalisant à peine ce qui avait pu se passer ce soir. Mais une chose était sûre : il allait être encore plus infernale que d’habitude. Tranquille en apparence, Keith prit le chemin de la douche, puis de sa chambre. Cette nuit là, il ne dormit pas.