AKS ▬ et si je me faisais tatouer ?
MAMAN ▬ non. pas de tatouages.

Évidemment, le lendemain, le jeune Asher Karl Sleeman (quinze ans et trois quarts) rentrait chez lui, le bras gauche couvert de tatouages. Dans les deux prochains mois suivraient l'autre bras, puis le cou et la poitrine, et les jointures des doigts. Il faut dire que l'argent que son père lui laissait en banque lui permettait ces petits artifices permanents sur sa peau. Son père ... tout un personnage. Asher ne l'avait vu que quatre ou cinq fois dans sa vie. " Trop occupé à l'étranger " disait toujours sa mère, mais il savait bien que ce n'était pas vrai. Trop fière. Il faut dire que fier et plein d'ego, le jeune Asher l'était tout autant. Jamais il n'aurait fait rire de lui. Et ses poings ne permettaient à aucun sorcier de se moquer de sa personne. Il se battait encore plus qu'il ne se servait de sa baguette magique. Il avait la tête pleine de rage, et voyait facilement rouge. Il était violent. Il lui arrivait de frapper sa chère et tendre maman, qui y avait d'ores et déjà été habituée par un mari identique à son fils, et des frères semblables. Sinon, à Poudlard, Asher était un élève brillant, quoiqu'un peu différent des autres, rejeté socialement par une masse à laquelle il refusait de se conformer. Cheveux longs, maigre comme un pic, tatouages et piercings, la rébellion dans les yeux, la cigarette à la bouche et les idées à mille kilomètres de la tête, au milieu de nulle part, une bouteille de whisky cachée quelque part dans les valises. " ASHER SLEEMAN A TUÉ MON CHAT " c'est bien possible ouais, il m'énervait hier soir et j'ai décidé de le brûler. Il avait, et ce depuis sa tendre enfance, un problème certain avec l'autorité. Cependant, une chose avait toujours été certaine : quiconque savait gagner la confiance d'Asher Karl Sleeman trouvait en lui un puissant allié, quelqu'un d'une grande générosité et d'une patience infinie. Quelqu'un qui irait pèter les dents à n'importe qui ne respecterait pas ses amis. S'il avait apprit à se battre, s'il savait ce qu'était du valium à quinze ou seize ans et s'il s'était fait tatouer si tôt, c'était bien à cause de l'entourage dans lequel il avait grandi : ce quartier pauvre de Grays, Essex, en Angleterre, qui l'avait vu naître mais ne le verrait pas mourir - il se l'était juré - , où marijuana et même cocaïne sont choses plus courantes que livres d'école. Dès la maternelle, Asher avait compris qu'il était différent des autres enfants, non seulement parce qu'il aimait les pantalons serrés et le rock, mais aussi parce qu'il pouvait ordonner, mentalement, à une corbeille de papier de se vider. Quelle n'avait pas été sa surprise lorsque sa mère lui avait dit qu'elle avait exactement le même talent ! À partir du moment où il entra à Poudlard, " faire ses preuves " devint une obsession. Défier l'autorité. Prendre de la drogue. Boire. Se faire tatouer. Et pourtant, garder une moyenne acceptable en classe. Devenir langue-de-plomb devint un but obsessif. Ça, et aussi se faire cette jolie jeune demoiselle, Candice Johnson. Il l'avait d'abord observée longuement, lentement, dans le noir. Il lui avait ensuite parlé. Un peu. Puis, elle était tombée enceinte d'un imbécile. Et maintenant, elle l'obsédait plus que jamais, à l'aube de cette sixième année à Poudlard qui s'annonçait plus barbante que jamais. Il voulait être présent pour elle. Mais il n'avait aucune idée de comment faire, elle qui était toujours entourée d'un million et demi de personnes, dont cet énergumène étrange qui disait l'aimer. De toutes façons, il n'avait rien à perdre. À Poudlard, il avait plus d'amis que d'ennemis. Mais ce n'était pas l'important. L'important c'était bien qu'on parle de lui, en bien ou en mal. Que les gens savent qu'il était là. Parce qu'après tout, une vie vécue dans l'anonymat ne servirait à rien. Mais au fond, une vie passée à chercher à décevoir sa mère par tous les moyens, à écouter du métal et s'ouvrir les veines comme tous les autres petits emokids juste pour attirer l'attention d'un père absent, et adorer en silence une fille qui ne le regarderait jamais, ne servirait jamais à rien non plus. Sauf que ça, il s'en était rendu compte bien trop tard. Quand on a un pied dans la porte, il est bien trop tard pour changer d'avis. Ne jamais se retourner. Ne jamais les bras. C'est d'ailleurs ce que son chestpiece, un de ses nombreux tatouages, dit. Il y a deux flèches rouges, qui pointent vers le ciel, puis c'est écrit : " The arrows mean you control who you are by moving forward. We never look back. " Ce sont les mots de son personnage fictif préféré, Joe Pike, présent dans les romans d'un auteur américain qu'il a lu par hasard, parce qu'il ne lit jamais. Voilà ce que le futur réserve à Asher : de l'adversité, des défis. Il faut vivre avec les erreurs du passé. Comme le dirait le chanteur de The Offspring, nice work you did... you're gonna go far kid.