Matthias regardait la grande bâtisse devant lui, avec un petit air perdu. Était-ce au moins ce qu'il désirait, revenir auprès d'eux, maintenant qu'il n'était plus rien? Il avait perdu tout ce qui était important à ses yeux. Plus de croix autour de cou, plus de ses grands yeux qui brillaient encore hier d'une foi inébranlable. L'enfant était devenu une faille, alors qu'hier, il était une forteresse. Jéricho avait chuté, et il ne restait plus qu'à ses pieds que les cicatrices de sa chute dernière. Des ruines de son ancienne foi. Et les prémices du péché, comme des fleurs du mal, grimpantes dans les fissures. Il avait tout perdu, et il devait maintenant affronté la réalité : il allait perdre Reynar, son regard bienveillant, et peut être même Keith. Quel regard porterait le brun en voyant que l'ange était tâché de noir, que cet enfant n'avait jamais été aussi pur qu'il disait l'être, qu'il le faisait croire? Enfant du péché. Matthias regarda les hautes pierres de l'entrée, et finalement tourna les talons. Non, il ne pouvait pas. Pas faire face à ce visage tordu de dégoût. Il l'imaginait déjà, le détestant, le repoussant. Il ne le supporterait pas.
« Tout ça n'est pas très sincère. » Matthias sursauta, et regarda l'ange qui guettait, à l'entrée du château. « Pas une seule lettre en une semaine... à personne. Pas même à celui que tu considères comme plus qu'un frère. Où est passé ton coeur et ta confiance, Matthias? Ta foi s'ébranle, mais toi... »
« Je ne peux pas. » Sa voix s'étrangla au fond de sa gorge, comme il serrait son nouvel habit, une chemise sous une veste lourde. « Je... »
« Tu ne peux pas, ou tu ne veux pas? » L'ange souriait doucement, tendre. « N'aie aucune crainte, Matthias. L'amour ne s'éteint pas aussi vite qu'une bougie au vent. Il faut bien plus plus ébranler un sentiment si fort. »
Comme l'ange parlait, Matthias le regardait, perplexe. Était-ce bien vrai, ou seulement un mensonge pour le mettre face à Keith? … Mika'il ne mentait jamais. Matthias hocha la tête, pas vraiment rassuré, et finalement poussa les lourdes portes. Quoi que. Mika'il avait omis de dire qu'avant de venir ici, Matthias avait envoyé un billet à l'adresse de Keith, lui disant qu'à neuf heures – du soir – il serait devant les portes, pour rentrer. Sans rien. Pas une explication. Il avait juste dire ça, comme ça. « Je rentre ce soir, à neuf heures. » Ce n'était pas digne de Matthias, lui qui écrivait toujours tout un tas de truc inutile, comme la beauté d'une journée ou encore le nombre d'étoile qu'il avait pu nommé. Là, rien. Juste une phrase, assez explicite pour lui. Il avait perdu une partie de sa foi. Il croyait en Dieu. Il ne croyait plus au Vatican. Et pour la première fois de sa vie, les deux institutions étaient dissociables, scindables. L'une pouvait aller sans l'autre, et ça, ça lui plaisait. Cette idée de prier, d'adorer en silence, sans avoir de compte à rendre. Excommunié, dénué de croix, les ailes de son ange, tout ça n'avait pas de sens pour lui. La seule chose qui comptait, c'était le regard de Mika'il, sa voix, douce et caressante, qui lui disait que Dieu les aimait, tous. Dont lui. Si Dieu l'aimait, alors le regard de tous les hommes ne pouvait rien changer à ce sentiment rassurant qui l'habiter, qui emplissait son esprit et son âme, et la réchauffait. C'était une sensation confortable. Vraiment agréable.
Il entra dans le hall. Il y avait là quelqu'un qui attendait... Mika'il eut un sourire, et s'effaça dans le décor. Juste au moment où il avait le plus besoin de lui. Sale ange ingrat et incapable... Matthias soupira, et s'approcha un peu, le regard fixant ses pieds.
« Je suis vraiment désolé Keith... vraiment. »
On aurait dit un chiot revenant vers son maître, après une bêtise. Sans doute que c'en était une. Mais une du genre qui vous ouvre la porte de quelque chose d'autre, de mieux peut être.