« A qui d’autre ? »
« Toutes.les autres. »

Elle fit la moue, comme une enfant, mais ne rajouta rien de plus. Après tout, « à qui d’autre », ça sous-entendait que c’était oui. Enfin, oui… Elle ne comprenait rien. Elle eut un sourire doux et se laissa faire, ronronnant comme un chaton, le regardant, laissant sa main relevait son menton sans un mot, un petit sourire de renard sur les lèvres.

« Reste avec moi cette nuit, je me suis ennuyé de ta présence ces deux dernières semaines. »

Elle le fixa, et eut un petit rire, posant sa bouche sur la sienne, son dos s’électrisant. Elle n’était pas « chaude » comme d’habitude. Elle qui se décrivait comme enjôleuse était plutôt sage dans les bras de Lester, chat quand en temps normal elle était un véritable seigneur russe. Son cœur battait, et pulsait dans ses veines son sang vénimeux.

« J’ai même pas fait l’amour ces deux dernières semaines. »

Elle frottait son nez contre le sien, soufflant sur ses lèvres, amusé, avant de lever le nez et de poser un baiser sur son front :

« Tu me manques, Lester. »

Elle eut un petit sourire sournois et rusé, sa main droite se levant, frôlant la joue de Lester, retraçant tranquillement son rebondis. Elle était bien là, mais elle n’oubliait pas qu’il était partit deux semaines – ou tout du moins qu’elle n’était pas venue le voir au bar – et pour le coup, elle le darda de ses prunelles :

« Tu as une cigarette ? »

« J’ai même pas fait l’amour ces deux dernières semaines. »

Il ne répond rien mais cette phrase fait son petit effet. Il ne pourrait en dire autant, pas parce qu’il a vu qui que ce soit d’autre mais parce que c’est plus ou moins une habitude pour lui de ne pas consommer à outrance depuis sa sortie d’Azkaban. Alors que la demoiselle, elle, fait là une entorse à ses habitudes.

Il la laisse l’embrasser et pour lui s’est un peu comme trouver en elle son Walhalla, un lieu de repos qui n’est accessible que par le biais de quelque chose de divin.

« Tu me manques, Lester. »
Il la serre un peu plus dans ses bras, suit du regard sa main qui le caresse sans trembler. Combien de personnes ont touché à Lester Grey sans qu’il ne les menace de son célèbre compte jusqu’à six ? Peu. Peut-être même trop peu mais ce n’est qu’un détail à ce moment là.

« Tu as une cigarette ?
- Dans la poche intérieure de ma veste.»

Il se relève et lui tend la main. Clochardiser dans la salle du banquet ce n’était pas le mieux qu’ils avaient à faire. Ses yeux suivent une direction puis l’autre. L’escalier qui mène à l’étage et la baie vitrée qui les sépare du balcon . Mais d’après ce qu’il a compris, Rudyard lui a réservé l’une des meilleures chambres, c’est à dire avec un balcon.

« Viens. »

Il passe devant, direction les appartements qu’on lui a réservés, lui ouvre la porte et la laisse passer devant.

« Tu as une cigarette ? »
« Dans la poche intérieure de ma veste .»

Elle le fixe, mais finalement il se lève, alors elle se pousse, tombe sur les fesses à côté, et attrape sa main pour se relever. Elle remet en place sa robe noire, relève ses yeux vert sur lui et elle le suit, petit animal docile. Elle n’a pas peur ; Lester est un protecteur, enfin, c’est comme ça qu’elle le conçoit ce soir, en espérant que demain ça sera la même histoire.

« Viens. »

Son regard le détaille dans la nuit, et si elle est ivre – elle a depuis longtemps dépassé le stade d’être pompette – elle ne dit rien. Ses yeux observent les portes qui défilent sous ses yeux, et elle sourit en coin en se disant que derrière l’une d’entre elles se cache sans doute sa mère, et derrière une autre Samuel. Elle a un sourire amusé, se colle contre le dos de Lester comme il s’arrête, et finit par s’en décoller remarquant qu’il vient d’ouvrir une porte. Elle entre, balaye du regard la chambre magnifique. Un regard au lit, mais elle ne s’y arrête pas. Elle se retourne et vient se coller doucement à Lester, ses mains glissent sur sa veste et en extirpe le paquet de cigarette. Elle tourne les talons et repart avec, ouvrant la baie qui donne au balcon. Là, elle s’y accoude, sort une cigarette et la sort du paquet, l’accrochant à ses lèvres. Elle se penche, voit les balcons sous eux et sourit. Elle glisse sa main dans son soutif et en sort un briquet ; elle allume la clope, tirant une longue latte en respirant l’air du pays, la bise fraîche qui la réveille mais ne la dessaoule pas.

Lui la suit du regard comme un prédateur déjà repu tapi dans la pénombre de la chambre. Azkaban lui a fait perdre le goût du luxe, aussi, pour lui ce qu’il y a de plus appréciable ici hors la présence de Joleene Black, c’est l’intention. Il se serait accommodé d’un lit moins bon pourvu qu’il fut juste bon. Doucement il tend la main faire l’édredon . Elle s’y enfonce mollement. Du duvet de cygne à coup sûr.

Lord Lester Grey se pose alors sur le bord du lit, bras tatoués croisés sur son torse pour observer la silhouette vaporeuse de Joleene Black. Il se demande encore si demain, lorsque l’alcool aura perdu toutes ses vertus, elle ne se braquera pas à nouveau contre lui. Il n’y a aucun moyen de le savoir. Tout ce que Lester peut faire c’est profiter de l’instant, un petit sourire goguenard sur les lèvres. La fatigue commence à se faire sentir mais pas assez pour qu’il tombe. Tout au plus se laissera-t-il tanguer lorsque la douce torpeur s’abattra sur ses épaules d’ici une petite heure…

Sans la quitter des yeux Lester commence à se défaire de sa veste, puis de sa chemise, près malgré tout à se mettre au lit ou du moins à se défaire de cette tenu dans laquelle il n’est pas aussi à l’aise que dans celles qu’il porte habituellement. Face à lui, un petit témoin rouge dans le noir, la cigarette de Joleene. Il ne dit rien. Savoure ce moment de silence absolu devant un tableau à l’encre de chine. Et tout semble si calme.

Lentement elle aspire, goûte, respire. Sa vie a pris un drôle de tournant ce soir, parce que si aujourd’hui elle peut être jalouse, Lester aussi. Et la réciprocité, elle n’a jamais vraiment goûté. Elle clos les yeux à un moment, inspire profondément, puis écrase sa cigarette et la jette par dessus le balcon. Elle se retire, ferme la baie pour que le froid ne s’engouffre pas dans la chambre et pose ses yeux sur Lester qui attends là, torse nu. Elle a un sourire amusé et satisfait et se rapproche, féline, du lit. Elle s’arrête juste avant d’y entrer, le fixe avec un fin sourire de renard. Doucement elle glisse ses doigts sur ses épaules, repousse doucement les bretelles de sa robe.

Le tissu glisse le long de sa peau comme une étoffe sans poids, jamais stopper et tombe sur les chevilles de la jeune fille. Elle s’affiche là, nue devant lui, un soutient-gorge noir de fine dentelle et de longues porte-jarretelles. Elle se penche, retire ses talons puis son soutient-gorge. Elle dégrafe la pièce de tissu qui tenait jusqu’alors ses bats, et les retire, les roulant en boule et grimpe finalement dans le lit.

Elle ronronne comme un chat, son quatrième verre lui faisant tout l’effet qu’il faut. Elle se glisse sous les draps et se colle délicatement contre Lester, venant embrasser sa bouche. Sa main se lève et caresse du bout son torse, ses tatouages et… quelque chose. Elle s’arrête, relève le nez. Ses iris verts cherchent dans la pénombre, mais il n’y a rien. Doucement ses doigts se rappliquent sur le cœur du mangemort et elle penche la tête, retraçant la cicatrice qui s’y trouve.

« C’est… ? »

Il a un petit sourire en la regardant se dévêtir. Il ne va pas la regarder à la dérobée de toute manière et à ses yeux ça ne peut qu’être flatteur d’être ainsi regardée. Une pointe de lubricité sur le tapis sombre de ses yeux noirs. Elle se glisse tout contre lui et Lester ouvre un bras pour lui prêter son épaule.

Il répond à son baiser avec tendresse et effleure sa main avant qu’elle ne s’échappe, plus caressante. Par hasard, elle découvre l’une de ses scarifications. Comme il s’y attend elle tique, ce n’est pas une de ses petites idiotes qui voient sans rien voir, ne se pose pas de question ou du moins pas les bonnes.

« C’est… ?
- Une scarification. Six façons de te débarrasser de moi quand tu en auras marre. Je te laisse chercher les autres…»

Il a un sourire et l’embrasse sur la tempe. Sa main caressant doucement cette épaule nue contre lui. Un spécialiste aurait expliqué toute la symbolique, relier tout ça à cette fameuse phrase fatale qu’on associait à raison à Lester. Lui avait tendance à aller au plus simple lorsqu’il parlait de lui même. Et à y réfléchir, ce n’était même pas là la marque la plus étrange de son corps. Que dire du labyrinthe chaotique qui lui recouvrait tout un avant bras au point de perdre celui qui s’y serait penché de trop près.

« Une scarification. Six façons de te débarrasser de moi quand tu en auras marre. Je te laisse chercher les autres…»
« C’est un peu tenter le diable que de me faire un plan… » Elle le fixe, puis rigole : « …sauf si c’est uniquement pour me faire faire le tour de tout ton corps… »

Elle a un petit sourire espiègle et sa main glisse sur le torse de Lester, sa main caressant sa fine musculature, effleurant sa peau avec délice. Elle ferme les yeux, douce comme un chat alors que sa main s’arrête sur la ceinture de Lester. Sa langue fine glisse sur son oreille, alors qu’elle a un petit rire charmant et pose finalement un baiser juste à côté de son oreille. Elle s’arrête, souriant en sentant un autre chiffre sous sa bouche, se décalant doucement pour finalement passer sa langue sur le chiffre, ronronnant comme un chat : :

« Un de plus. »

Elle a un petit sourire en coin, sa main glissant à peine plus bas que la ceinture du mangemort. Elle a encore un petit rire ivre mais joyeux, frottant son nez contre son visage, soufflant à voix basse, amusée :

« J’ai vraiment vraiment envie de toi Lester… »

Elle a ce minois de renard, rusée et espiègle, mais ses yeux mentent : elle n’est qu’une vipère qui se faufile et vous entoure, jusqu’à vous broyer entre ses écailles. Plus vous respirerez, plus elle serrera. Parce qu’on ne défit pas Joleene VI Black.

« C’est un peu tenter le diable que de me faire un plan…
- Il y en a beaucoup qui s’y sont essayé avant et le plan ne leur a été d’aucun secours…, assure-t-il en toute confiance
- …sauf si c’est uniquement pour me faire faire le tour de tout ton corps…
- ça c’est tout à fait envisageable. »

Lester lui adressa un petit sourire plein de malice.

« Un de plus.
- Si tu continues je n’aurais plus de secret pour toi tu vas t’ennuyer.

Il lui releva le menton pour pouvoir la regarder dans les yeux. Il lit dans ses yeux ce qu’elle a dire ensuite et ça le fait sourire. Et si quelque part au fond de lui il sait que la divine succube finira par cracher du venin, peut-être demain matin, peut-être juste après, il n’a malgré tout pas envie de lui dire non.

« J’ai vraiment vraiment envie de toi Lester…
- Vraiment à ce point ?, souffle-t-il pour la faire languir un brin. »

Son doigt retrace lentement le profil de son visage. La pointe de son nez, la pulpe de ses lèvres. Ce petit menton qu’il pourrait percher sur son index. Ses épaules déjà dénudées et le galbe de ses seins. Le lord se courbe au dessus d’elle, ses lèvres avides de ce corps. Alors elles retracent ce même chemin à l’envers. Mordent de toute leur souplesse dans ce sein tandis que de ses mains libres il redescend sur son ventre comme pour leur apprendre un doux ressac simulacres des mers plus tumultueuses qu’ils s’apprêtent à soulever. Un ouragan. Un dragon qui dévorerait tout sur son passage. Sa main se glisse un peu plus bas et elle connaît toutes les caressent qui sauront amadouer le rebondi d’une cuisse, de l’autre, et éveiller ce frisson électrique juste avant de suivre plus naturellement une pente plus douce, ruban de soie noire qui croit pouvoir encore défendre le jardin des délices.

Pendant un bref instant, il pourrait faire d’elle son cantique des cantiques mais il a déjà chuté, peut-être est-ce aussi pour ça qu’il l’aimera toujours si ardemment. Que dans l’étroitesse de son jean noir, trop parfaitement coupé, il sent grimper en lui une petite fureur qui ne demande qu’à être exorcisée en elle.

Sa bouche capture celle de Joleene. Bouche de démon. Bouche de damné qui bientôt s’en va donner le suprême coup de grâce à cette femme dont il est en train de tomber amoureux. Alors sa langue se fait aussi versatile que sa main tout à leur. Elle parle le langage du plaisir et il suffit des petits gémissements et soubresauts qui échappent à Joleene pour aggraver encore d’avantage le mal qui le taraude. Ses hanches fermement tenues entre ses mains, il ne précipite pourtant rien mais dans le plus immoral des baisers, il la brûle et la consume presque déjà jusqu’à l’orgasme.

« Vraiment à ce point ? »
Elle le fixe, pose un nouveau baiser sur ses lèvres comme pour lui faire comprendre qu’elle brûle littéralement, et que la seule et unique chose qu’elle veut, c’est lui, lui et maintenant si possible. Ses yeux suivent doucement sa main, sage comme une image, mais déjà quelque chose s’allume dans son regard, et c’est là les premières gouttes de l’orage qui se prépare. Elle ouvre la bouche quand ses doigts glissent sur ses lèvres mais ils s’échappent, et elle gronde quand la main s’échappe et s’évade sur les vallons que dessine sa peau et ses formes.
Elle se tends quand sa bouche se pose sur sa poitrine, ferme les yeux et s’abandonne aussitôt comme elle ne l’aurait jamais fait. Elle se pince les lèvres mais malgré tout, la main pernicieuse lui tire un gémissement sur les lèvres. Elle plaque elle-même sa main sur Lester, ses doigts retraçant l’orage en préparation. Elle en ressent toute la décharge électrique, et quand sous l’influence de la bouche du mangemort elle ne ressent non plus des étincelles mais tout un feu dans le bas de son ventre, elle cambres ses reins et se dévoile, se laisse avoir et s’enfermer, un sourire triomphant au bord des lèvres comme dans la chambre sa voix commence à s’élever dans un drôle de concerto, à base de « Lester » et d’affirmation.
Ses doigts glissent dans les cheveux du criminel, son index frôle jusqu’au chiffre scarifié de son oreille, et elle se mord la langue, ondule et étire ses hanches sous le tonnerre qui s’abat dans ses jambes, jusqu’à les engourdir et les alourdir. Elle ne lutte pas contre la poigne de Lester, elle l’appelle juste, pour qu’il cesse de jouer avec elle. Tout ce qu’elle veut, c’est coucher avec l’orage, en sentir le picotement et le brasier, le vrai.
Elle chute, elle le sait, mais la chute ne lui fera pas mal. Pas aujourd’hui, quand l’orage semble si chaud et si doux, râpeux mais divin. Une Némésis à goût de délivrance.

Les cantates de Joleene sont une musique aphrodisiaque pour Lester et quand il se délecte d’elle, de sa substance. Il finit par céder à ses suppliques et comme sa langue, gourmande, passe sur ses lèvres fines d’homme, il se revient à elle et comme deux semaines auparavant, se fait impatient quand il la conquit. Il y met une fougue de guerrier tendre et amoureux. Un paradoxe qui ne cède qu’aux soupirs des deux amants. Lui en râle elle en souffle de nymphe.

Alors l’orage éclate, il embrase les corps. Fait le jour en pleine nuit. Une éclipse de terre. Un miraculeux désastre. Désastre miraculeux. Et les corps se font eaux, souples et fluides. Torrents qui s’entrelacent, se mêlent et se mélangent, indistincts l’un de l’autre comme ils se combattent, s’embrassent, se touchent, s’épousent même jusqu’à la fusion. Il gronde comme il sent son corps s’électriser. Il va se consumer et puis comme une étoile décliner, vider de ses forces pour un temps. Alors sans doute sombrera-t-il dans le sommeil.

Il suffit du temps d’une nuit pour oublier les jours où le soleil séchait la terre pour en faire un désert, et il suffit de Lester pour verser un peu de pluie sur la terre trop sèche. Joleene découvre lentement les sentiments qu’elle aurait cru faux ou tronqués ; peut-être les siens sont-ils d’ailleurs tronqués ? Non. Ils ne le sont pas. Ses frissons et ses gémissements, ses soupirs langoureux et amoureux, tout ça, ça n’est pas du mensonge, c’est juste quelques éclairs de plus sur le ciel orageux de leur couche. Ensemble ce soir, entre les draps, Joleene est électrisée, pendue aux lèvres de son amant, se nourrissant de chaque coup de tonnerre pour abreuver sa soif. Quand enfin elle est étanchée, elle se calme, et vient délicatement se coucher près de Lester, reniflant sa nuque puis s’oubli, fermant les yeux pour un rêve sans images et sans son ; le sommeil absolu.

Le lendemain, aux premières lueurs, Joleene ouvre les yeux. La sombre Hébé ne cille pourtant pas dans le lit, clignant des yeux. Allongée sur le ventre, la trace d’oreiller lui barre la joue gauche. Ses grands iris vert d’écume se posent dans les deux lunes azur qui la fixent et doucement elle se rappelle. Elle le fixe, rougit doucement sans vraiment savoir pourquoi, puis finalement le pousse du bout de la main, son bras tout du moins :

« Arrêtes de me regarder… »

Elle s’étire comme un chat et relève le nez de sur l’oreiller, regardant autour d’elle. Rien à bouger. Elle repose ses yeux sur Lester, se redressant sur ses coudes pour finalement se taire et le regarder, le fixer avec ce regard qui pour l’instant n’accuse pas. Après tout, n’a-t-il pas dit qu’il ne l’emprisonnerait pas ?

« Arrêtes de me regarder… »

Il n’est pas contrariant, retourne les yeux vers le plafond où ses pensées se sont arrêtées un instant pour la regarder dormir. Il a dormir d’une traite comme ça ne lui arrive pas souvent. Généralement, il a le sommeil trop léger pour ne pas bondir au moindre bruit, son fameux vif argent sous l’oreiller. Pas vraiment le genre de chose qui mettrait une jeune femme en confiance d’ailleurs. C’est à ça qu’il pense et à sa tapisserie.

Mais très vite un sourire de chat s’étend sur ses lèvres. Il garde le cap sur le plafond plus par jeu qu’autre chose.

« Mademoiselle a-t-elle bien dormi au moins ? »

Ses iris clairs suivent un instant le dessin estompé du pied de marbre du lustre au dessus du lit puis ils glissent finalement sur Joleene, tout ce qu’elle a de plus naturel au matin et elle lui plait comme ça avec sa trace d’oreiller sur la joue.
Alors Lester se redresse dans le lit déjà prêt à le quitter pour le petit déjeuner. Il saute dans son jean et ne la quitte pas des yeux tandis qu’il se rhabille.

« Les Donovan sont très à cheval sur l’heure je ne ais pas si tu as remarqué… »

Il sourit en remettant son col en place puis ses boutons de manchettes mais sa chemise encore ouverte laisse voir d’autres tatouages et trahit un peu l’ex-taulard.

« Mademoiselle a-t-elle bien dormi au moins ? »
Elle le regarde, mais il regarde le plafond. Elle a un petit sourire qui se transforme rapidement en petit rire bête comme elle remet une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle ronronne doucement, sans un bruit, comme un chat qui se sentirait justement coupable de se sentir bien d’être bien.

« Parfaitement. Et vous, messire ? »

Elle s’étire à nouveau, glisse sur le dos mais déjà Lester sort. Elle pince les lèvres, se redresse et l’observe qui se rhabille. Un instant le regard vert de la jeune fille se fixe sur le Lord et le dévore littéralement, mais bien vite le désir redescend, crescendo, comme elle remarque l’heure. Elle fait la moue. Trop tard.

« Les Donovan sont très à cheval sur l’heure je ne ais pas si tu as remarqué… »
« Tant qu’ils ne sont pas à cheval sur autre chose, entre nous… »

Joleene avait déjà retrouvé son esprit lubrique et cynique. Elle s’extirpa du lit, tirant avec elle le drap comme une longue traîne derrière elle, formant autour d’elle une robe immensément longue. Elle marcha ainsi, pied nus et le visage redevenu fier et hautain. Ses yeux détaillèrent rapidement Lester, puis elle souffla :

« Une douche et je serais en bas. »

Elle hocha la tête pour elle et disparais dans la salle de bain. Il ne lui faut que quinze minutes pour se laver. Elle ressort les cheveux encore humides et le corps entouré d’une serviette de bain serrée. Elle se penche, ramasse son porte-jarretelles qu’elle enfile, et ragrafe son soutient-gorge. Lester n’est pas là, mais après tout, le Lord doit déjà être à la table avec les Donovan. Et Cécilie. Elle se ravise de gronder bêtement, mais à l’intérieur, ça fait l’effet d’une bombe. Elle secoue doucement la tête, remet son bracelet et chasse cette simple pensée. Elle avance dans le couloir, descend les marches dans le silence. Ses mains effleurent cette rambarde qu’elle a escaladé avec Lester Grey. Ses iris vert acide balayent le couloir silencieux. Elle pousse la porte, passe dans la salle où une longue table s’allonge. Les amis de Lester, puis Lester. Son regard s’accroche sur lui, et sur la place à sa droite, puis glisse sur l’autre table où Jack parle avec Samuel. Le regard de Joleene se pose sur le jeune Donovan, mais ce dernier détourne aussitôt le regard. Elle fait la moue, mais ce matin, elle n’a pas envie de se prendre la tête. Alors c’est à côté de Lester qu’elle s’assoit, silencieuse. En face d’elle il y a Cécilie. Un large sourire de renard, cynique et mauvais se dessine malgré elle. Elle regarde ailleurs.

« Parfaitement. Et vous, messire ?
- D’une traite. Ce qui est plutôt rare.»

En effet le Lord a des nuits agitées remplies d’inquiétudes et d’échos désagréables qui reviennent en réminiscences infectes de ces jours plus sombres où il n’était qu’un asticot dans la pourriture d’Azkaban. Même ce temps révolu, il garde le sommeil léger.
Mais pas cette nuit là. Comme si Joleene encore une fois produisait cet effet bénéfique sur lui. Une potion de quiétude n’aurait jamais pu faire mieux.

« Les Donovan sont très à cheval sur l’heure je ne ais pas si tu as remarqué…
- Tant qu’ils ne sont pas à cheval sur autre chose, entre nous…
- Oh ne t’inquiète pas pour eux… »

Il a un petit rire en repensant à sa jeunesse un peu gaspillée à ce genre de connerie avec Duncan, Rudyard et d’autres. Il repense au sourire en coin des Donovan à leur procès et Virgil qui faisait clairement de l’œil à l’une des membres du magenmagot se sachant condamné d’avance. Ce n’est que la vision d’une Joleene en blanc qui fait tilt dans son cerveau et le tire définitivement du passé pour le projeter dans l’avenir. Cette fois-ci à son tour de l’observer d’un œil lubrique mais ce n’est pas seulement ça. C’est un feu tout autre qui l’anime. Il vient l’embrasser et la laisse à sa toilette quand lui compte rejoindre ses amis derechef.

« Regarde donc qui voilà Neil !
- Lester et la mine reposée je vous prie.
- Est-ce là encore un de tes secrets de jouvence Lester ?
- J’hésite à te répondre que non Cécilie mais je vois qu’il n’y a pas que moi qui met la nuit à profit pour garder la forme. »

Un petit regard entendu à Rydyard. Après tout ils les a vu monter les marches ensemble la veille au soir et ce n’est un secret pour personne que ces deux là sont un petit peu plus que cul et chemise avec le temps qui passe.

« Comme quoi il n’y a pas que le vin qui se bonifie avec l’âge…
- De là à dire que tu ne mourras pas imbécile Neil… »

Silence. Puis tous les quatre éclate de rire et vont se placer à table sans rompre la conversation. Lester réserve une place à côté de lui mais puisqu’il ne dit rien on n’ose pas lui poser vraiment de question quoique les frères Donovan ne manquent pas d’échanger quelques regards.
Aussitôt qu’elle apparaît à l’escalier, Lester tourne son regard vers Joleene, toujours aussi belle et un sourire taillé à la lame de rasoir s’installe sur ses lèvres comme il la voit venir s’installer auprès de lui. Voilà qui officialise quelque chose et si certains lèveront un sourcil ils n’oseront pas chuchoter de peur de se retrouver au menu en sot-l’y-laisse aux prochains bancs que l’on publiera chez les Grey.
Lester attend avec son cynisme naturel ce moment où quelqu’un, sans doute quelqu’un de la famille de Joleene d’ailleurs, osera faire ne serait-ce qu’une remarque. En attendant il affiche un calme olympien :

« Du thé ?, propose-t-il à la jeune femme comme il s’apprête à se servir. »

Jack et Joe haussent un sourcil lorsque leur sœur s’assoit à côté du Lord. Ensemble, et comme un seul homme, leurs visages se ferment et ils froncent les sourcils. Ce n’est pas tant qu’elle ne soit pas assise à côté d’eux qui les dérange, c’est qu’elle s’affiche vers Lord Grey. Si Jack reste silencieux, de ces colères noires qui se contiennent par la peur des représailles, Joe se lève de sa table, tourne les talons et s’en va sous le regard de Joleene qui le suit tout le long de son chemin. Elle cligne des yeux quand Lester lui parle cependant, posant dans ses yeux d’azur, ses iris de vipère :

« Du thé ? »
« Oh… oui, merci. »

Elle lui sourit, ses lèvres s’étirent dans un sourire espiègle, et finalement, elle le regarde la servir. Elle en oublierait presque qu’elle est la plus jeune à table, à voir Lester aussi beau. Son regard même la trahit quand elle détaille son profil, elle le sait ; elle détourne les yeux, amusée, levant sa tasse pour la boire, ses yeux cherchant ceux de Jack, mais son frère a déjà décampé avec Samuel.
Elle fixa sa tasse. Elle ne prendrait pas peur. Il avait promis.