Il clignota des yeux, cherchant à rester concentrer sur l’écran. Les mantes religieuses, pourtant, n’étaient pas ses insectes préférés. Il avait déjà vu ce reportage, ou tout du moins il remarquait qu’il y avait eut des découpes dans les plans et qu’ils avaient été recollé. La traduction de l’allemand était différente. Ses yeux bleus fixèrent l’écran, et peu à peu il commença à perdre pieds, se sentant partir en arrière. « La mante religieuse femelle dévore le mâle tout de suite après l’accoupl… » Et voilà. Gagné. Déjà il dormait. D’un sommeil sans mouvement, sans rêve non plus. Ezechkiel Scylence ne rêvait pas. Il cauchemardait, au mieux, mais jamais il n’avait réussi à vivre sa vie la nuit. Il resta endormi, la tête penchée légèrement sur le côté, le corps statique. Comme il ne rêvait pas, il ne bougeait pas. Il était bien. Juste bien. Il se sentait libéré du poids sur ses épaules. Ses moments de non existence lui permettait de ne plus réfléchir à son existence, son existence qui ne tournait plus vraiment rond, ou alors que trop parfaitement. Son esprit maniaque n’arrivait pas à se faire à ce tournant inattendu de la situation. Son cœur, lui, avait eut raison de sa conscience. Il allait être père.
Il ouvrit lentement les yeux. Sa tête était lourde, et il avait chaud, un peu. Il bougea les doigts et sentit la couverture sur lui. Il eut un sourire en coin, moqueur finalement comme elle osait le materner, lui qui aurait du être le patriarche des familles nobles, tapant du poing sur la table quand quelque chose n’allait pas. Là, il ne faisait rien. Il émergea doucement, posant ses yeux sur la télévision qui était devenue finalement un assommoir pour lui. Il bailla discrètement, posant sa main devant sa bouche, comme pour préserver cette maison aseptisée de ce qui aurait pu être fatale ; autant pour lui que le future bambin. Ezechkiel avait déjà pensé à tout, comme par exemple ne pas embrasser le visage de son enfant pendant au moins un mois, afin de ne pas le contaminer de tous les germes (bien qu’il se lavait pour le coup à la javel diluée dans l’eau) que lui-même transportaient. Ce genre de chose, en somme tout à fait normal.
Il se tourna sur le côté, s’étira calmement, et zappa. Une pub whiscat passait à la télé au même moment, agitant un magnifique maine coon argenté comme si c’était un bon argument de vente pour les croquettes de ses horribles nids à puces et autres maladies. S’il y avait bien un animal qu’Ezechkiel détestait parmi tous, c’était les chats. Ces sales bêtes qui traînaient sur les toits, perfides créatures de la nuit qui n’hésiterait jamais à l’attaquer, lui ! Avec ce culot des bêtes enragées, sifflant à son passage, intrigué par cette odeur d’homme et de javel. En fixant ce chat à l’air idiot, il repense à Zachk. Il fronça les sourcils, serrant les dents en se disant que son abruti de petit frère était aujourd’hui qu’une pédale en rut aux bras d’un meurtrier. Un complexe mal assumé, sans doute, ou justement un transfert vis-à-vis de leur père. Ezechkiel gronda en se rappelant qu’il partageait cinquante pourcent de son patrimoine génétique avec cette petite lavette. Franchement, ça le mettait dans tous ses humeurs, et ce n’était pas le moment.
Quelque chose se préparait dans la maison, et il savait qu’il n’aurait le droit de se concentrer que sur le superbe évènement. La naissance de l’enfant, dont il ne savait toujours pas si c’était une fille ou un garçon – pour la surprise, sans doute. Il était convenu que si c’était une fille, elle s’appellerait Sunshine, et que si c’était un garçon, il s’appellerait Isaïe.
Ezechkiel se leva, s’écartant du sofa chaud de son ancienne présence, et se dirigea vers la cuisine, l’air calme. Il poussa la porte et se rapprocha de cette petite chose qui lui servait de femme et d’alter ego unique. Si la légende voulait qu’il n’y ait qu’une seule personne qui ne s’accorde avec soi-même dans le monde, Ezechkiel n’aurait jamais pu s’accorder avec personne d’autre que Marla pour de vrai.
Il se voûta derrière elle, devenu plus câlin avec les mois qui s’étaient passés, plus sage aussi. Les crises d’angoisse de Marla s’étaient calmées, elle avait pris de l’assurance ; en échange les colères d’Ezechkiel s’étaient espacées et finalement, elles étaient rendues à un presque néant. Cela faisait deux mois qu’il n’avait pas hurlé à tout casser dans la baraque. Depuis qu’il avait découvert que Zachk couchait avec Seth, en réalité. Il renifla sa gorge, ronronnant un petit : « ça va toi ? », l’air de rien.