The Prodigy (pv)

14h02. L'allée des embrumes. Il doit bien y avoir un mois que je n'ai pas mis les pieds à Londres. L'odeur des rues. Quelques bruits de pas qui se hâtent sur les pavés gras et humides. Bien moins qu'autre fois je dois dire. Le gouvernement que j'ai aidé à mettre en place a fait le ménage. Sans faire le tri sans doute mais on ne peut pas demander à ce genre d'institution de traiter les problèmes à l'échelle individuelle. Un homme marche droit devant. L'air contrarié. Il ne prête attention à rien. Trop centré sur lui. Aveugle qu'il est. Cet homme je le connais... ce bon professeur Owens. Il s'en faut de peu pour qu'il me percute au passage. Mon épaule se disperse pour éviter le choc. Owens traverse. Il ne se serait rendu compte de rien n'eût été cette sensation de froid qui le glace jusqu'à l'os. L'écho sinistre des corbeaux invisibles que je traîne dans mon aura lui perce les méninges. Il se fige. Fait volte-face.

Pr. S E A M U S - O W E N S ► "Monseigneur..."
Y O N - W I N C H E S T E R ► " Ce genre de titre moyenâgeux ne font que trahir un esprit sclérosé. Mon pauvre Seamus vous êtes voués à vous éteindre, dépassé..."

Il baisse les yeux. Ne sait plus par quel moyen dérisoire me témoigner son respect. Rictus moqueur. S'il n'avait par ailleurs quelques qualités remarquables je ne me serais même pas arrêté. Question de principe. Je le jauge. Le juge. Il le sait. Il s'écrase devant ces deux disques bleu antarctique qui le sondent. Jusqu'à l'âme. Jusqu'à cette petite chose qu'il cache honteusement derrière un air guindé. Gentleman.

Y O N - W I N C H E S T E R ► " La peur, n'est-ce pas Seamus..."
Pr. S E A M U S - O W E N S ► " Monsieur il y a des semaines que je voulais solliciter une entrevue. "
Y O N - W I N C H E S T E R ► " Sclérosé...", me moquai-je un peu, ... je vous reverrai plus tard Seamus. Je n'aime pas être en retard."

Il s'excuse. Docile. Il ne prendra pas le risque de me retenir. Sclérosé mais avisé donc. Sans plus d'égard je file droit. Invisible car c'est mon bon vouloir. Je suis bien là pourtant. Mes épaules. Mes bras. Ils se dissolvent à chaque obstacle et se reforment d'eux même. Je l'aperçois enfin. Un fin sourire à la commissure de mes lèvres. Ponctuelle. Et pourtant comment aurait-elle pu savoir que nous avions rendez-vous. Encore à bonne distance. Je ressens l'influence du pendule qui irradie d'elle. Ce n'est pourtant pas lui qui m'intéresse. Mais bien elle. Caelan Ethel Midnight. Kaprice autrefois. Le nom importe peu. C'est vrai que la lignée est prestigieuse mais ce qui est d'autant plus remarquable c'est que, comme le reste de ceux qui retiennent mon attention, la plus précieuse, elle s'est faite seule. Sans avoir besoin d'un nom. Ni même du plus puissant artefact magique que l'Angleterre ait connu.

Y O N - W I N C H E S T E R ► " Vers qui volent de si lugubres pensées Caelan?"

14h06. La chaise en face d'elle s'écarte. Je m'assois. Silence. Autour de nous, les gens poursuivent leur train train quotidien. Pourtant mon visage leur est connu. Alors...

Assise, seule, à une table, à 14 heures, la jeune Caelan Midnight ne se doutait pas de ce qui est sur le point de se produire. Loin de là. Jeune. Ce qualificatif la fit tristement sourire à la tasse de café qui lui tenait lieu et place de compagnie. Elle ne se sentait pas jeune. Elle se sentait vieille, tellement plus que la plupart des grands adolescents se prenant pour des adultes qu'elle côtoyait au quotidien, sangs purs comme sangs mêlés. Ils parlaient de la vie comme s'ils en détenaient toutes les clefs, comme si tout le malheur du monde était leur, et comme s'ils savaient ce que c'était. La plupart d'entre eux en ignoraient tout. Ils n'étaient guère sortis de leurs cocons douillets, faits d'argent, de titres, de maisons, de facilité. D'autres avaient connu quelques galères, cela était indéniable, mais pour la plupart, ce n'étaient que futilités. La différence avec elle ? Elle ne pensait pas porter le malheur du monde sur ses épaules. Certes, sa vie n'avait au final jamais réellement été aisée. Ou plutôt, elle l'avait été un temps, le temps de l'ignorance qui avait duré très, très longtemps, quasiment toute la durée de sa vie actuelle. Elle avait pris des gifles, évidemment, mais celles qu'elle avait encaissées récemment étaient très douloureuses. Elle savait pertinemment qu'elle n'était pas la plus à plaindre, malgré la difficulté de sa position. Et c'était sans doute ce qui la différenciait des autres, du moins de son point de vue à elle. Reposant la cuillère avec laquelle elle jouait depuis quelques minutes déjà, elle soupira, et, lentement, passa deux mains fatiguées dans ses longs cheveux blonds. Elle essaya de faire le point sur la situation. Une fois de plus.

Elle n'était pas l'orpheline qu'elle avait toujours pensé être. Ses parents étaient en vie, et leur nom était Midnight. Un nom connu dans le monde des sorciers, faisant frissonner même les plus braves Aurors, du temps où ils avaient une réelle fonction. Elle avait donc une nouvelle identité, difficile à assumer en ces temps troublés, que ce soit parce que cela changeait radicalement son image, ou par rapport à son amie Jocelyne, qu'elle avait promis d'aider à venger la mort de ses parents, dont le meurtrier n'était nulle autre que sa nouvelle tante, ou vis à vis des personnes qui étaient maintenant censées être ses égales, et qui la regardaient de haut, car cette histoire, peu étaient ceux qui ne la remettaient pas en cause, en réalité. Dans la foulée, elle s'était retrouvée fiancée à Luke, son ami de longue date et nouvellement cousin, qui s'était vu fait enfermer à Azkaban sous prétexte d'homophobie. Et, pour finir, Heath lui avait finalement dit qu'il était arrivé à une conclusion à propos d'eux deux, sans dire laquelle, mais en lui annonçant qu'il partait à la recherche de Sunny, car rien ne pouvait être tant qu'elle n'était plus. Fort bien. Regardée avec suspicion par ses anciens amis, snobée par ceux qui devraient être les nouveaux, elle ne pouvait même pas se tourner vers ceux qui étaient devenus les deux hommes de sa vie. Il n'y avait plus qu'elle. Elle, une tasse de café, des sautes d'humeur incessantes. En même temps, elle mettait quelqu'un au défi de trouver une position à adopter dans sa situation. Caelan, Kaprice, qui était-elle ? Et pourquoi, oh, pourquoi y avait-il falku qu'Il parte ? Elle avait tant compté sur lui, elle s'était dit qu'en regardant au fond de ses yeux, elle trouverait la réponse à ses questions, qu'elle saurait. Elle n'avait eu droit qu'à un au revoir aux airs d'adieu, dans une lueur d'inquiétude pour une autre qu'elle. Qu'elle se débrouille seule. Comme d'habitude.

Vers qui volent de si lugubres pensées Caelan?

14h06. Les yeux de la jeune fille quittèrent la surface de son café pour se poser sur le visage de l'homme qui venait de s'asseoir, interrompant le cours de ses pensées. Elle crut un instant avoir une hallucination, mais une voix au fond d'elle lui dit qu'après tout, pourquoi pas ? Sa vie n'était à présent qu'une suite d'événements plus incroyables les uns que les autres, alors, pourquoi l'homme le plus en vue, le plus recherché et le plus demandé de l'Angleterre ne s'assiérait-il pas simplement en face d'elle, l'appelant par son prénom, comme s'il s'agissait de la chose la plus normale du monde ? Oui, pourquoi pas. Se redressant doucement, elle pencha la tête sur le côté, avant de répondre à sa question :

Vers des hommes, vers qui d'autre ? Il paraît que c'est la seule et unique préoccupation des filles de mon âge …

Bonne réponse ? Elle ne le savait pas, mais c'était la sienne. Si elle aurait du être impressionnée ? En fait, curieusement, elle ne l'était pas tant que cela. Il était venu à elle, en simple homme, sans se faire annoncer par fanfare, tambours, trompettes ou suiveurs complaisants, murmurant son nom d'une voix mielleuse. Alors, après tout, pourquoi réagir comme si elle devait se prosterner à ses pieds ? Elle n'en voyait pas l'utilité. Cependant, l'ironie de la situation lui fit quand même faire cette remarque :

Yon Winchester … L'homme le plus occupé du moment vient partager mon café. Mon oncle m'a dit que vous étiez très occupé, et que je ne pourrais sans doute pas vous rencontrer avant très longtemps. Il semblerait finalement que le patriarche ne soit pas omniscient.

La dernière remarque lui avait quelque peu échappée, mais elle pensait chaque mot, et n'en regrettait aucun. Elle porta sa tasse à ses lèvres, buvant une longue gorgée. Il commençait à être sérieusement froid, cela lui apprendrait à se déconnecter des réalités simples. Espérons simplement que pour le sieur Winchester, son calme et son impassibilité face à son apparition ne fassent pas partie de ces réalités simples ...

Simplissimement calme. Mon intuition ne m'aurait donc pas trompé et c'est tant mieux. J'ai horreur de perdre mon temps. Pire encore qu'on me le fasse perdre. Ses yeux se lèvent sur moi et je pourrais presque chuchoter les mots de sa réponse. Presque. Car elle n'est que trop évidente. A cet âge, je me rappelle Arya. Ma vipère. Petite image de moi-même dans ce corps de fille qui écoutait encore un peu trop les extravagances de son coeur pour pouvoir trouver le sommeil... à cause d'un homme. Toujours un homme.

C A E L A N ► "Vers des hommes, vers qui d'autre ? Il paraît que c'est la seule et unique préoccupation des filles de mon âge …"

Un fin sourire. Je ne réponds pas. Pas encore. Je l'observe. Ne juge pas. Pas encore. Je ne suis pas là pour l'accabler. Peut-être pour la relever mais mon rôle à moi ne sera que minime. Si elle doit s'élever ce ne sera que par et pour elle-même.

C A E L A N ► "Yon Winchester … L'homme le plus occupé du moment vient partager mon café. Mon oncle m'a dit que vous étiez très occupé, et que je ne pourrais sans doute pas vous rencontrer avant très longtemps. Il semblerait finalement que le patriarche ne soit pas omniscient."
Y O N - W I N C H E S T E R ► "Loin s'en faut en effet.", rictus moqueur. Sa perspicacité et son audace rencontrent mes attentes. "Je connais peu de gens qui le sont par ailleurs."

Simple remarque. Mes yeux clairs se posent sur ce café. Il est froid.

Y O N - W I N C H E S T E R ► "A trop penser à ces hommes qui ne te méritent certainement pas tu négliges jusqu'à tes plaisirs les plus simples. Profite du jour tant qu'il t'es donné d'avoir des jours..."
S E R V E U S E ► "Mademoiselle? Excusez-moi, votre café est froid il me semble...", interrompt une jeune femme cintrée dans sa tenue de travail. Il semble qu'elle ne fasse absolument aucun cas de moi. Soit elle est inconsciente, soit ... " Je vais vous en ramener un autre. Vous désirez autre chose peut-être?"

Mes yeux ne quittent pas Caelan. Cette serveuse ne m'intéresse pas. Tout au plus sert-elle d'agrément dans ce café. Au moins apporte-t-elle de l'eau à mes invitations. Je ne compte pas faire de cette entrevue un échange froid et lapidaire. Je prendrai le temps qu'il faudra.

Y O N - W I N C H E S T E R ► "Je n'accorde que peu de mon temps, il m'est précieux. C'est sans doute ce qui explique que ton oncle ait tant de mal à obtenir une entrevue. Ça ne m'intéresse pas de m'occuper des querelles et des sensibilités froissées des uns et des autres. ", par là même je parle de ce pauvre Luke Midnight qu'on a jeté à Azkaban pour des motifs... ridicules soyons honnêtes. Je sais bien de quoi voudraient m'entretenir Aodh Midnight... mes yeux ne mentent pas. Ils laissent déchiffrer sans mal cette idée qui me hante. Je ne reverrai pas l'ordre de mes priorités pour répondre aux suppliques de son oncle, si bien présentées fussent-elles... " Mais pour certaines personnes, je peux trouver du temps. Il suffit qu'elles en vaillent vraiment la peine. Tu souhaitais me voir donc... "

Loin s'en faut en effet. Je connais peu de gens qui le sont par ailleurs.

Son regard ne fuit pas celui de l'homme face à elle. Au contraire, il le recherche, sans se faire trop insistant. Elle a entendu nombre de choses sur son compte, certaines sans doute vraies, d'autres visiblement erronées, mais elle souhaite avant tout se faire sa propre opinion. Depuis toujours, il en allait de la sorte, mais, à plus forte raison, depuis qu'elle était entrée dans ce monde de poudre aux yeux qu'était celui des Sangs Purs, elle avait pris pour habitude de remettre en cause toutes les idées reçues, et de penser par elle-même. Un restant de Kaprice en elle, sans doute. Stupide pensée. Elle était Kaprice, autant qu'elle était Caelan, même si cela n'était pas évident à doser. Pour l'instant, elle ne pouvait pas dire grand chose de lui. Sauf qu'il ne semblait pas calculer quoi que ce soit, alors qu'il lui répondait. Il n'avait pas réfléchi, il n'y avait pas eu cette ombre dans son regard que la plupart des gens avaient, pesant les conséquences, analysant les raisons. Il parlait sans doute comme il pensait. Mais il était trop tôt pour tirer des conclusions définitives.

A trop penser à ces hommes qui ne te méritent certainement pas tu négliges jusqu'à tes plaisirs les plus simples. Profite du jour tant qu'il t'es donné d'avoir des jours...

Chacun de ses mots sonnait juste. Ses yeux se baissèrent sur son café, le plaisir de la vie qu'elle avait négligé. N'en valaient-ils vraiment pas la peine ? Elle avait tenté de s'en convaincre, pour Heath, à la fin de l'année précédente, après ce qu'il lui avait fait endurer, gamin égoïste car blessé. Et au final, ne venait-il pas de lui prouver, en lançant une nouvelle partie, avec sa déclaration qui n'en était pas une, avant de lui dire qu'il la laissait pour Elle ? Quant à Luke … elle pensait qu'il était digne d'elle, mais après tout, ne l'avait-il pas laissée, au final, faire face à ses deux meilleurs amis, seule, même s'il avait au début tenté de la défendre ? Elle n'avait pas la réponse à cette question, même si Yon lui en fournissait une. Il fallait vivre, car elle était en vie. Elle allait répondre quand soudain, la serveuse qui l'avait regardée des pieds à la tête avec un drôle d'air quand elle était entrée se tenait à ses côtés, avec un sourire commercial sur les lèvres ;

Mademoiselle? Excusez-moi, votre café est froid il me semble... Je vais vous en ramener un autre. Vous désirez autre chose peut-être?

Les yeux de Caelan se plongèrent dans ceux de Yon, tentant d'y déceler si oui ou non cette intervention était de son fait. C'était plus qu'hautement probable, en réalité. Illustrait-il ses propos ainsi ? Si tel était le cas, c'était réalisé avec brio, elle était forcée de l'admettre. Rompant le contact visuel, elle se tourna vers la serveuse, juste le temps de pousser sa tasse vers elle :

Merci. Et un cookie, avec cela. Un de mes plaisirs les plus simples …

Elle ne la regardait déjà plus, la fin de la phrase n'était évidemment pas pour elle, mais pour son interlocuteur. Considérez ceci comme sa réponse. Que les hommes allaient sortir de son esprit, au moins pour cette entrevue, et qu'elle prendrait le temps de méditer les paroles de Winchester. Peut-être lui aurait-elle demandé, au final, si un homme en était digne, selon lui, au final ? Mais cette interrogation lui déplaisait. Cette question, elle seule serait en mesure d'y répondre. Il fallait juste qu'elle découvre comment le faire.

Je n'accorde que peu de mon temps, il m'est précieux. C'est sans doute ce qui explique que ton oncle ait tant de mal à obtenir une entrevue. Ça ne m'intéresse pas de m'occuper des querelles et des sensibilités froissées des uns et des autres.

Le message était plutôt clair, et elle n'avait nul besoin de sous titres pour le déchiffrer. Et, quelque part, même si cela signifiait que son cousin ne bénéficierait d'aucune aide pour sortir d'Azkaban, et que son oncle allait devoir faire preuve de beaucoup d'imagination pour étouffer cette affaire, ou en tous cas, faire retomber Luke en grâce quand il reviendrait. Car il reviendrait, un jour, elle en était persuadée.

Mais pour certaines personnes, je peux trouver du temps. Il suffit qu'elles en vaillent vraiment la peine. Tu souhaitais me voir donc...

Si les circonstances et son humeur avaient été autres, elle aurait sans doute noté que cela faisait un pour elle, et zéro pour son oncle. Mais la Caelan qui avait besoin de rabaisser le patriarche n'était pas de la partie, ce jour-là. Elle se contenta simplement de noter qu'elle avait éveillé l'attention de Yon Winchester. Malgré le fait que l'homme ne l'impressionne pas, ou tout du moins non pas à cause de son nom, il n'empêchait que, quelque part, en elle, quelque chose avait souri. N'allez pas croire qu'elle se sous estimait, mais de là à susciter l'intérêt d'un homme visiblement occupé et côtoyant des personnalités d'importance, de valeur et de talent chaque jour, peut-être pas. Pour l'instant, à ses propres yeux, elle était simplement une âme perdue, ayant un potentiel certain, mais ne sachant qu'en faire. En quête d'identité. Donc, répondre à la question de Winchester ne fut pas aussi simple que cela le paraissait. Elle fut honnête.

Au départ, j'avais dit à mon oncle que, quoi qu'il se passe, je voulais une place dans ce qui arrivait. Regarder la pièce se jouer des coulisses n'a jamais été une option pour moi. Et on m'avait dit que vous pourriez faire quelque chose pour moi. Cependant …

Cependant, entre temps, beaucoup de choses s'étaient produites. Sa vision des choses avait passablement changé, comme son humeur du moment, pour tout dire. La serveuse arriva à ce moment, et elle ne leva même pas les yeux vers elle, la remerciant d'un signe de tête. Elle attrapa la cookie, et en coupa un morceau, avant de finir :

… je ne suis plus sûre de ce que je désire réellement. Un rôle m'attend, quelque part, mais soit il n'a pas encore été écrit, soit je ne l'ai pas encore trouvé. Alors je ne souhaite pas vous faire davantage perdre votre temps, monsieur Winchester.

C A E L A N ► "Merci. Et un cookie, avec cela. Un de mes plaisirs les plus simples …"

Sourire. Nous nous comprenons donc. La serveuse, rendue à sa liberté, cille. Déboussolée. Elle ne s'explique pas ce commentaire de sa cliente. Ni exactement ce qui l'a poussée à offrir une double consommation. Alors elle repart comme elle est venue, sans même se douter que je puisse être là. Un regard par dessus son épaule. Une jeune fille parle seule. Elle mettra ça sur le compte de sa fatigue. Les gens sont ainsi. Ils vont au plus simple. Du moins la plupart...

C A E L A N ► "Au départ, j'avais dit à mon oncle que, quoi qu'il se passe, je voulais une place dans ce qui arrivait. Regarder la pièce se jouer des coulisses n'a jamais été une option pour moi. Et on m'avait dit que vous pourriez faire quelque chose pour moi. Cependant …"

Une place. Pas celle d'un pion. Si tu étais venue me voir l'avant bras découvert tu n'aurais pas même entraperçu l'éclair d'acier de mes yeux Caelan. Mais tu vaux bien mieux qu'une marque. Un collier cran d'arrêt tout au plus. Non ce ne sera pas pour toi. Du moins je n'en serais pas l'agent. Mais je te laisse poursuivre. Je n'interromps pas

C A E L A N ► "… je ne suis plus sûre de ce que je désire réellement. Un rôle m'attend, quelque part, mais soit il n'a pas encore été écrit, soit je ne l'ai pas encore trouvé. Alors je ne souhaite pas vous faire davantage perdre votre temps, monsieur Winchester."
Y O N - W I N C H E S T E R ► "J'apprécie cette attention, mais si tu y réfléchis bien Caelan, qui de toi ou de moi est venu à l'autre?", par simple déduction logique, elle saura qu'elle ne me fait pas perdre mon temps, ou du moins que si les minutes s'égrainent c'est que je leur lâche la bride de plein gré, "Pour être tout à fait honnête, je ne me serais pas déplacé pour te donner un siège à côté de ton oncle. Ce n'est pas un rôle qui te sied. Tout au plus te servirait-il de présentoir, un écrin d'ébène où ce désir sur lequel tu ne mets pas encore de nom aurait tout loisir d'étouffer. Je ne pense pas que les choses soient toujours écrites d'avance, c'est à toi d'écrire le rôle que tu voudras bien te donner. A toi de prendre confiance en cet exceptionnel instinct de survie et d'indépendance qui t'as menée là où tu es aujourd'hui. Qui a fait de toi quelqu'un d'intéressant, d'unique à mes yeux."

Mes yeux qui dévorent sur leur passage et transpercent jusqu'à l'âme sans jamais se cacher.

Alors qu'elle portait son morceau de cookie à ses lèvres, elle observait l'homme en face d'elle, tout comme lui le faisait, mais différemment, évidemment. La demoiselle avait beau penser, en tous cas, être un bon juge de la nature humaine, il n'en restait pas moins qu'au vu des derniers événements, elle ne se fiait plus autant à son jugement. Et surtout, elle observait les gens différemment. Tête légèrement penchée, ses yeux effleurent les moindre mouvements, moindres gestes. Elle se sent observée, également, mais le feu du regard de Yon ne la dérange pas outre mesure. Il n'est pas inquisiteur, ou scrutateur, ou déplaisant, ou hautain. Juste curieux, et avide de savoir. Savoir quoi ? Si elle était digne de confiance ? Digne de son temps ? Elle n'aurait su le dire. La réponse vint de lui, de vive voix :

J'apprécie cette attention, mais si tu y réfléchis bien Caelan, qui de toi ou de moi est venu à l'autre?

La réflexion était juste, une fois de plus. Cependant, ce qui embêtait quelque peu Caelan était qu'avant sa visite, quand elle avait demandé plus ou moins indirectement à le rencontrer et que cela n'avait pu se faire, elle savait ce qu'elle voulait, ou tout du moins, pensait le croire. Elle voulait entrer dans les rangs, comme son oncle le désirait, mais pour des raisons différentes. Comme si marquer son bras l'aurait aidée à se sentir plus à sa place. Mais au Bal donné pour la victoire de leur nouveau Ministre de la Magie, elle avait compris qu'elle n'en voulait pas. Se marquer comme l'égale que tous ces abrutis ? Elle valait mieux, elle valait bien mieux. Si c'était de l'orgueil ? On pouvait le voir comme ça. Mais c'était avant tout une volonté. Celle de devenir quelqu'un de meilleur. Dans le Bien, dans le Mal ?La dissimulation, la vérité ? L'amour, la haine ? Magie blanche, magie noire ? C'était à cette question qu'elle n'aurait su répondre, et justement ce qui lui faisait dire qu'il perdait peut-être son temps. Elle n'était pas sûre de vouloir de ça, ou de quoi que ce soit d'autre. Elle allait répondre, finissant d'abord sa bouchée, mais il la devança pendant ce court instant.

Pour être tout à fait honnête, je ne me serais pas déplacé pour te donner un siège à côté de ton oncle. Ce n'est pas un rôle qui te sied. Tout au plus te servirait-il de présentoir, un écrin d'ébène où ce désir sur lequel tu ne mets pas encore de nom aurait tout loisir d'étouffer. Je ne pense pas que les choses soient toujours écrites d'avance, c'est à toi d'écrire le rôle que tu voudras bien te donner. A toi de prendre confiance en cet exceptionnel instinct de survie et d'indépendance qui t'as menée là où tu es aujourd'hui. Qui a fait de toi quelqu'un d'intéressant, d'unique à mes yeux.

C'était incroyablement agréable, une conversation avec quelqu'un parlant de façon mesurée, franche, à n'en point douter, en ces temps où elle n'était entourée surtout que d'adolescents braillards, sûrs de leur valeur alors qu'à ses yeux, ils n'en avaient que peu ou prou. Écrire sa propre histoire ? Elle en rêvait. En avoir les moyens était autre chose. Déjà, il aurait fallu qu'elle sache qui elle était. Et entre Kaprice l'orpheline et Caelan l'héritière, elle s'y perdait un peu. Surtout quand elle se rendait compte que la majorité de sa vie avait tourné autour d'Heath, et qu'il venait d'en disparaître. Quand elle l'avait vu tourner les talons, quelque chose en elle lui avait soufflé que cette fois, c'était pour de bon. Il partait chercher Sunny, plutôt que de lui dire enfin les mots qu'elle avait toujours attendus. Alors … ? Alors, il fallait qu'elle retrace sa route, seule. Mais pour l'instant, elle n'y parvenait pas. Et surtout … surtout, le pouvait-elle réellement ? Son oncle lui avait passé une chaîne autour du cou, et tirait dessus dès qu'il pouvait. Depuis que Luke avait été incarcéré, c'était encore pire qu'avant. Alors comment … ? buvant une gorgée de son café, elle posa cependant la question différemment de ce qu'elle avait prévu.

Pourquoi ? Pourquoi vous intéresser à moi, si vous me dites, si je vous ai bien compris, que vous n'avez jamais au l'intention de me marquer ? Je ne dis pas que je n'ai aucune capacité, j'en ai, ce serait mentir que de le nier. Mais je ne vois aucun moyen, pour le moment, de les exploiter. Premièrement parce que, comme vous l'avez dit, mon oncle a mainmise sur moi. Il me tient, et ne me lâchera pas. Je voudrais écrire mon histoire, mais il ne m'en laissera jamais la liberté. Pour lui, c'est à lui de le faire.

En témoignait la bague de fiançailles qui ornait son doigt, sur laquelle ses yeux descendirent. Elle s'était dit que ce ne serait pas le bout du monde, Luke et elle s'entendant plutôt bien, et qu'ils pourraient entretenir une étroite complicité, se permettant même d'aller voir ailleurs s'ils le désiraient. Ils s'étaient soutenus, c'était clair, il avait même tenté de prendre sa défense face à ses amis. Tenté. Et puis il avait été envoyé à Azkaban. Cette bague était quasiment devenue un fardeau. De son amitié avec Luke, qui lui avait été arrachée, elle était passée représentante de la laisse de son oncle autour de sa gorge. Et elle lui déplaisait souverainement. Que Luke lui soit rendu, que cette image disparaisse enfin … Se rendant compte qu'elle s'était perdu en route quelques secondes, elle releva le visage vers Yon.

Veuillez m'excuser. Je ne demande pas mieux que de tracer ma propre voie. Mais les cartes ont été brouillées dernièrement, et je ne me sens pas maître de mon destin. Il s'est joué de moi, et s'il est vrai que cela m'a permis de me construire, il apparaît également que je ne sais plus réellement qui est la personne que je suis devenue.

Elle se sentit soudain quelque peu ridicule. Elle était en train de raconter ses états d'âme à un inconnu, pour ainsi dire, un homme d'une puissance infinie, à faire pâlir n'importe quel homme sur Terre. Il allait finir par la rembarrer en lui disant qu'elle n'était qu'une adolescente nombriliste et qu'il lui faudrait se secouer plutôt que de pleurer sur son sort, non ? Elle ne l'espérait pas. Chacune de ses paroles semblait vérité, et elle avait envie d'en entendre plus.

Je l'observe. Posé. Ses doutes. Ses incertitudes. Tout cela vibre en elle d'une même musique. Pas de dissonance. Pas de discordance qui n'émane véritablement d'elle.

C A E L A N ► "Pourquoi ?" , sans doute la seule véritable question que l'on puisse poser à ce moment précis et elle est juste s'il en est, " Pourquoi vous intéresser à moi, si vous me dites, si je vous ai bien compris, que vous n'avez jamais au l'intention de me marquer ? Je ne dis pas que je n'ai aucune capacité, j'en ai, ce serait mentir que de le nier. Mais je ne vois aucun moyen, pour le moment, de les exploiter. Premièrement parce que, comme vous l'avez dit, mon oncle a mainmise sur moi. Il me tient, et ne me lâchera pas. Je voudrais écrire mon histoire, mais il ne m'en laissera jamais la liberté. Pour lui, c'est à lui de le faire."

Nos regards se rencontrent en un point précis. Un anneau. Une alliance comme un bague à la patte d'un oiseau sauvage. Une gêne. Du moins c'est ce qu'elle est pour l'instant. Ne suis-je pas le mieux placé pour savoir qu'il ne faut s'attacher qu'à des oiseaux aussi libre que soi? Qu'on ne convole bien que par choix. Par amour osai-je dire. Mais amour n'est pas un mot qui tolère une minuscule à l'initiale. Et ce n'est pas un compagnon que l'on peut choisir lorsque l'on choisit la voie qui est la mienne. Mais la route de Caelan ne suit pas cette direction. A quoi servirai que j'en endosse la responsabilité sinon?

Ma main se pose sur la sienne. Sans ambiguïté. Pas de ces choses là avec moi. Du moins plus aujourd'hui. Doucement l'entrave qui lui tient l'annulaire lui échappe. Un regard appuyé. Il faut que tu aies confiance Caelan. Je glisse l'anneau dans la poche intérieure de ma veste et la laisse poursuivre.

C A E L A N ► "Veuillez m'excuser. Je ne demande pas mieux que de tracer ma propre voie. Mais les cartes ont été brouillées dernièrement, et je ne me sens pas maître de mon destin. Il s'est joué de moi, et s'il est vrai que cela m'a permis de me construire, il apparaît également que je ne sais plus réellement qui est la personne que je suis devenue."
Y O N - W I N C H E S T E R ► " Pas maître de ton destin...?"

Une main de fer tombe sur son épaule. La mienne. Une serre de freux qui répand en elle son froid glacial. Un instant. Et nos deux corps implosent en une nuée de corbeaux sans âme ni contour. Le souffle laissé derrière nous renversera le mobilier du café. Quelques cris qui se soulèvent. Je ne m'en formalise pas. Nous sommes déjà loin.

Y O N - W I N C H E S T E R ► "Maintenant que tu marches sur Londres contemple ce que peut être ton destin et sois-en maître qui que tu sois. Un nom n'est qu'un nom. Caelan. Kaprice. Qu'importe. C'est à ton essence que tu dois tout. Vole de tes propres ailes maintenant."

Ma main se desserre. Relaxe son épaule. La sensation de froid pénétrant semble te quitter. Pourtant tu la sens toujours en toi n'est-ce pas? Cette énergie si particulièrement qui émanait de moi l'instant précédent. Cette puissance noire. Encore trop grande pour toi. Mais n'est-ce pas grisant? Terrifiant aussi peut-être de voir tout Londres s'écraser à tes pieds? Toi qui trône à mes côtés sur l'une des tourelles du pont de Londres. Hauteur vertigineuse. Plus peut-être que ça ne l'est réellement. Un regard. Et moi le traître voilà que je te pousse dans le vide. Pleine de mon propre pouvoir. Je te l'accorde momentanément. Alors vole. Révèle toi. Et tu n'auras plus jamais peur. Plus jamais de doute.

Ces mots tu les entends dans ta tête. Livrée au grand vide. Grisant et cauchemardesque à la fois. Le monde t'appartient.

La bague avait glissé du doigt de Caelan sans qu'elle ne fasse un geste pour empêcher Winchester de la lui prendre. Pourquoi l'aurait-elle fait ? Elle n'était que le symbole des chaînes qui la rattachaient à ce que certains appelaient sa famille, ce dont ils osaient se réclamer alors que tout ce qu'elle avait de commun avec eux n'était rien d'autre que du sang. Elle ne se sentait liée à aucun d'autre eux. A part à Luke. Parce qu'elle l'avait choisi, bien avant cela. Mais ce nouveau lien avait des allures de croix à porter. Aussi ressentit-elle une vague de soulagement quand il quitta son annulaire. Elle la suivit du regard jusque dans la poche de Winchester, avant de remonter jusqu'à ses yeux. Les siens n'exprimaient pas de surprise. Pas de peur. Pas de reproche. Mais quelque chose semblant s'approcher de la gratitude. Le geste qu'il venait d'effectuer était le plus libérateur, le plus constructif qu'on ait jamais fait pour elle. Était-ce pour ça qu'il était venu à elle ? Pour la libérer de ces entraves qui la clouaient dans de profondes abysses au fond desquelles elle ne voyait aucun espoir, aucune échappatoire ? Cela ne répondait pas à sa question. Elle continua, achevant de lui exposer ses doutes. Jusqu'à ce qu'il n'intervienne.

Pas maître de ton destin...?

Etait-il en colère ? Était-il surpris ? Elle n'eut pas le teps d'analyser sa réaction car sa main, surgie de nulle part, s'abattit sur son épaule. Un froid glacial se répandit en elle, la glaçant jusqu'au plus profond de ses entrailles. Un long frisson remonta le long de sa colonne vertébrale, alors qu'elle sentait le froid gagner du terrain, comme s'il cherchait à prendre complètement possession d'elle. Jusqu'à ce qu'elle se sente imploser. Dire qu'elle n'avait pas eu peur serait mentir. Mais sa respiration revint rapidement à la normale alors qu'ils se matérialisaient au sommet d'une des tourelles du pont de Londres. Au sommet du monde, quelque part. Hypnotisée par le spectacle de la vie se déroulant à ses pieds, elle en avait oublié la main de Yon sur son épaule. Et n'en reprit conscience que sa voix s'éleva :

Maintenant que tu marches sur Londres contemple ce que peut être ton destin et sois-en maître qui que tu sois. Un nom n'est qu'un nom. Caelan. Kaprice. Qu'importe. C'est à ton essence que tu dois tout. Vole de tes propres ailes maintenant.

Caelan. Kaprice. La Sang Pure. L'Orpheline. Elles étaient une seule et même personne, aux deux visages différents, mais semblables. Elle s'était perdue à mi-chemin entre les deux oubliait une chose essentielle : elle était les deux. Le courage de Kaprice, le cynisme de Caelan. La blondeur de l'une, l'ébène des cheveux de l'autre. C'était elle, tout simplement. Une palette haute en couleurs, qui pouvait, si elle trouvait la force et l'inspiration, lui permettre de peindre tout un futur. Un futur qui ne serait qu'à elle, qu'elle se serait choisi. La question n'était pas ce qu'elle pouvait faire. Aucune limite n'était sienne, que celles qu'elle se fixait elle-même. Le regard perdu vers l'horizon, plutôt que sur la ville à ses pieds, embrassant le paysage dans la globalité, elle intégrait, doucement, le message que Winchester cherchait à lui faire passer. Les mots ne lui venaient pas, mais il y avait fort à parier qu'il n'y en ait pas systématiquement besoin avec cet homme. Elle avait une fois de plus occulté sa présence à ses côtés. Sa main se détacha doucement de son épaule. Lentement, le froid commença à refluer, alors que la jeune femme fermait délicatement les yeux, se coupant du monde extérieur quelques instants, un léger sourire sur ses lèvres. Elle sait, maintenant. Ce qu'elle a à faire. Être. Vivre. Respirer. Exister. Pour elle. Et pour personne d'autre. Tout simplement. Peut-être est-ce cette chose qu'elle sent en elle qui la grise. Le pouvoir. On dit qu'il peut faire perdre la tête à n'importe qui. Mais elle reste à sa place. Il n'est pas sien. Elle l'effleura, doucement. Curieuse. C'était intriguant. Doux. Fort. Hypnotisant. Terrifiant, également. Et pourtant, un calme olympien régnait dans son être tout entier. Jusqu'à ce que soudain, elle bascule.

Ses yeux s'ouvrirent, sous l'effet du choc. Son corps entier fut projeté en avant, vers le bas, par la main même qui l'avait amenée jusqu'ici. Cela n'avait aucun sens. Pourquoi Yon se serait donné toute cette peine si son but était se débarrasser d'elle, il ne se serait pas donné tout ce mal. Aussi … n'avait-elle pas si peur. Tout juste l'appréhension naturelle due à l'insctinct de survie. Mais elle ne se débattait pas plus qu'elle ne paniquait. Surtout quand la voix de Yon résonna dans son esprit.

Vole. Révèle toi. Et tu n'auras plus jamais peur. Plus jamais de doute.

Ses yeux captaient chaque détail avec une précision effarante. Tout s'imprimait sur sa rétine, et elle ferma les yeux, alors qu'elle se dirigeait avec toute vitesse vers le sol. Ce n'était pas la vue qui était importante. C'était les mots de Yon, résonnant en elle, et cette énergie qu'elle sentait palpiter dans chacune des fibres de son être. Il ne l'avait pas poussée par hasard. Elle avait à faire. A comprendre. A oser. Des images se succédaient, qu'elle identifia comme les moments marquants de sa vie. L'orphelinat. Poudlard. Ses vacances. La révélation. La rentrée. Les fiançailles. Ce foutu Bal. Lui en rappelant un autre. Le départ d'Heath. La quête du Pendule. Il n'y avait pas de chronologie. Aucun sens dans chacun de ses événements. Aucun le temps qu'elle ne leur en donnait pas. En quelques secondes, celle qui la séparaient du sol, elle comprit. Chacun avait sa propre lecture des événements. Il fallait qu'elle arrête de partir en tous sens. Qu'elle se recentre. Sur elle. Sur ce qui ressortait de chaque expérience. Faire le point. Un bilan. Pour repartir. Et devenir celle qu'elle souhaitait. Le danger ? Les limites ? Comme par exemple le sol se rapprochant à vive allure ?

Deux ailes se déployèrent soudain dans son dos, alors que simultanément, ses paupières s'ouvrant, absorbant la réalité. D'un battement, elles la sauvèrent d'une mort certaine, lui faisant survoler la Tamise à quelques millimètres à peine. Faites de plumes noires et blanches, elles étaient apparues sans même qu'elle y pense. Elles devaient juste être. Et elles avaient été. Prenant son envol, Caelan survola un moment l'étendue d'eau, profitant du spectacle, et surtout, de l'incroyable puissance qui courait dans son organisme. Elle n'était pas sienne, elle le savait bien, mais ça n'avait pas la moindre importance. Si elle voulait, si elle le choisissait, elle pourrait peut-être un jour effleurer du bout des doigts une sensation pareille. L'égaler ? Elle n'osait en rêver. Mais y goûter. Tout du moins. Apaisée, elle toucha du bout des doigts le miroir naturel, appréciant l'image qu'il lui renvoyait. Blanc, noir, Kaprice, Caelan … Pourquoi cataloguer ? Pourquoi penser de façon binaire ? La vie était infiniment plus complexe. Finalement, elle prit de la hauteur, et retourna d'où elle venait. En paix. C'était sans aucun doute le but de l'exercice. Alors qu'elle reprenait pied sur la plate forme, les ailes se rétractèrent, et disparurent, alors que son regard, prugé de tout trouble, se posait sur Yon. Un simple mot valait mieux que de longs discours.

Merci.

Simple. Efficace. Elle sentait petit à petit la puissance d'Yon la quitter, mais n'en sentait aucune peine ni frustration. Si un jour un tel don était sien, elle voulait avoir tout fait pour le mériter. Celui-ci n'était qu'usurpé. Une illustration. Dont le but avait été atteint avec brio. Cependant … alors que son regard éprouvait de nouveau l'homme qui lui faisait face, la même interrogation persistait.

Mais … pourquoi ?

Elle avait compris, le pourquoi de la démarche, dans son sens à elle, ce n'était pas le souci. Ce qui la laissait songeuse était ceci : pourquoi un homme de l'envergure de Yon prendrait la peine et le temps de la remettre sur les rails, de la faire se retrouver, sans vouloir qu'elle rejoigne les rangs des gens travaillant pour elle. Par pure bonté d'âme ? Elle n'y croyait pas réellement. Pour elle, rien n'était gratuit dans ce monde, on le lui avait appris très jeune. Trop grande méfiance, ou clairvoyance ? La réponse de Yon l'intéressait, en tous les cas. Sa reconnaissance lui était déjà acquise, mais elle voulait comprendre pourquoi cet homme s'intéressait réellement à elle.

Elle vole l'enfant perdue. Pas si égarée que cela finalement. Voilà qu'elle déploie les ailes de son audace. Petit prodige à la hauteur de ce que j'attendais d'elle. Elle revient se poser devant moi. A nouveau elle. Et comme cette part de moi même la quitte pour ne pas la glacer...

C A E L A N - M I D N I G H T ►Merci.

Simple. Aucune digression inutile. Juste le naturel. Il aurait été inutile de faire autrement avec moi. Mais ce n'est pourtant pas l'attitude que tous adopte face à moi. Bien trop accoutumé à voir les échines se courber. Les sourires se forcer. Tant de faux semblants. Il m'est si facile de séparer le grain de l'ivraie de cette manière là.

C A E L A N - M I D N I G H T ► Mais … pourquoi ?
Y O N - W I N C H E S T E R ► Parce que j'avais besoin de reconnaître le prodige en toi.

Mes yeux bleu antarctique ne cachent toujours rien. Direct. Je n'ai pas de raison de mentir. Je ne suis pas n'importe qui. Et je n'ai pas besoin de dissimuler mes dessins.

Y O N - W I N C H E S T E R ► Il y a parmi nous des sorciers de tout sang qui pourraient s'ils le voulaient vraiment tenir le monde dans leur main. La plupart d'entre eux s'endormiront dans leur routine médiocre et ne feront jamais rien de ce qui est à leur portée. Il ne s'agit pas de ce qu'ils peuvent acquérir pour devenir puissant..., le sous entendu est clair. Ce pendule n'a pas de valeur à mes yeux. Du moins pas en comparaison de ce qu'elle a en elle... ... il s'agit de ce qu'ils sont pour eux, au delà de tout le reste. Ce sont ces gens là qui retiennent mon attention car selon moi c'est à eux que l'avenir appartient. A des gens comme toi, comme d'autres. Mais si on les laisse s'égarer...

Parce que j'avais besoin de reconnaître le prodige en toi.

Prodige. Le mot était fort, très fort, et la jeune fille ferma les yeux sous l'impact de celui-ci. Non qu'il la blessât, bien au contraire, mais elle avait besoin de le méditer. Qu'entendait-il par là ? Elle ne parvenait pas à saisir le sens exact de ses paroles. Si elle avait survécu, si elle se tenait là, devant lui, c'était simplement parce qu'il avait fait son pouvoir sien. Il parlait sans doute de sa réaction. Il était vrai qu'elle ne se sentait pas son obligée, ou tout du moins, pas comme on pouvait l'entendre, pas comme tous s'aplatissaient devant lui. Était-ce ce qu'il voulait dire ? Étaient-ce ses valeurs, sa morale, sa pensée qu'il avait cherché à éprouver. Elle lui offrir de nouveau ses prunelles, ne semblant absolument pas se dérober, bien au contraire. Elle ne souhaitait qu'absorber, que retirer des leçons, mais de sa propre initiative de cette conversation. Elle ne savait pas quand et si il y aurait une prochaine fois, et le personnage lui plaisait, énormément. Il était vrai, quoi que certains en disent. Et sa parole n'était pas tranchée de démence, et respirait une pensée bien plus profonde que celle des gens qui régnaient sur le monde actuel, sans partage, alors qu'il les soutenait.

Il y a parmi nous des sorciers de tout sang qui pourraient s'ils le voulaient vraiment tenir le monde dans leur main. La plupart d'entre eux s'endormiront dans leur routine médiocre et ne feront jamais rien de ce qui est à leur portée. Il ne s'agit pas de ce qu'ils peuvent acquérir pour devenir puissant,. il s'agit de ce qu'ils sont pour eux, au delà de tout le reste. Ce sont ces gens là qui retiennent mon attention car selon moi c'est à eux que l'avenir appartient. A des gens comme toi, comme d'autres. Mais si on les laisse s'égarer...

Le silence succéda à ce flot de paroles de Yon. Caelan les méditait, doucement, face à lui. Elle n'avait en aucun cas compris son sous entendu, étant donné qu'elle n'avait pas la moindre idée de l'artefact qui dormait en elle. Si elle en avait eu conscience … elle aurait acquiescé. Elle aimait à penser que le Poète et elle avaient beaucoup en commun. Alors … cette association n'avait rien d'étrange. Ce discours résonnait avec ce qu'elle pensait de lui. De tout sang, avait-il dit … Sa tête se pencha légèrement sur le côté. Son optique était … passionnante, en réalité. Et rejoignait la sienne, quelque part. Même si elle ne se serait sans doute jamais incluse dans ces personnes, sans doute parce qu'elle n'y aurait pas pensé. Mais maintenant qu'il l'avait poussée, maintenant qu'elle se voyait dans ses yeux … et pourquoi pas ? Elle ne voulait pas dominer. Régner ne l'intéressait pas. Mais comprendre la voie du futur, ouvrir pour que tous les gens de valeur, sans exception aucune due à un quelconque préjugé, pour qu'ils s'épanouissent, et montrent le chemin à leur tour …

… alors leur lumière sera perdue.

Elle ne savait pas s'il fallait qu'elle complète cette phrase, mais les mots lui étaient venus naturellement, tant dans le choix des termes que dans l'intonation, légèrement pensive. Elle hocha la tête.

Cette vision est … intéressante, indéniablement.

Elle était sincère.

Et … y a t-il d'autres sorciers que vous avez déjà contactés ?

Qu'elle pourrait peut-être contacter à son tour. Pour parler. Se poser. Échanger des points de vue de qualité. Parler d'avenir. Échanger. S'unir. Au-delà du sang, au-delà des préférences.

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