HJ : Il aurait été bien peu sage de sa part de les conduire à l’Eglise des Augustins, collège des Patriarches, avec ces derniers à leur trousses.
Un grognement de douleur. Lukas se retourna sur le dos. Erreur.
- AAARggh ! hurla-t-il. Nan, surtout ne fais rien, tes méthodes de guérison me condamneraient à marcher à quatre pattes comme une chèvre.
Le sarcasme passé, toutes les pensées du Chercheur de Sorts se tournèrent vers Balto. Si bien qu’il ne réagit d’aucune façon lorsque Samuelle l’agrippa. Ses yeux étaient déjà fermés, sa respiration si faible, presque inexistante, émettait le bruit d’un vieil aspirateur essoufflé. Il rouvrit furtivement les yeux lorsqu’il entendit la main de Samuelle frapper la pierre du parvis. Puis ils coulèrent dans la pierre, ou bien la pierre coula autour d’eux, Lukas ne put réellement le dire.
Dans un espace exigu et sombre, Lukas vit Samuelle avancer. Il resta, là, allongé sur la pierre, à regarder sa silhouette. Il l’avait attrapée, elle, plutôt que Balto. Entre Samuelle et une partie de lui-même, il avait choisi la métisse. Un choix qu’il ne s’expliquait guère. Les battements de son cœur s’accélérèrent pendant quelques secondes. A cet instant même, il avait peur. Si l’endroit n’était pas aussi noir, Sam aurait pu voir les yeux du Viennois s’écarquiller, son torse danser alors que son cœur battait la chamade, et sa chair tout entière être parcourue de frissons. Puis, il fut poussé à sortir de sa contemplation par la douleur de son dos brûlé.
- Sam, dit-il avec une certaine chaleur dans la voix tout à fait inopinée. Nous devons être dans les combles de la voûte de l’esplanade principale du collège.
Il donna des grands coups de pieds dans les pierres d’un des pans de mur. Celles-ci basculèrent vers l’extérieur faisant entrer une lumière bleutée dans les combles. Lukas passa la tête par le trou qu’il venait de faire. C’était bien l’esplanade principale avec ses cristaux bleus incrustés dans la voûte et une trentaine de mètres plus bas le parvis avec ses grandes colonnades.
Il se tourna vers Samuelle.
- N’oublie pas les illusions Sam, dit-il sur un ton préoccupé. Et désolé pour ça…
Lukas attrapa la métisse et la poussa à travers le trou. Puis il se jeta à sa suite.
Au lieu d’une chute vertigineuse d’une trentaine de mètres au moins, les deux sorciers roulèrent immédiatement sur les pavés de l’esplanade. La chute assurément mortelle s’était avérée n’être qu’une simple culbute de quelques centimètres.
- Tu m’en veux probablement d’avoir fait ça, mais je pense que même si je t’avais expliqué tu n’aurais pas sauté, dit Lukas sur un ton nonchalant en se relevant.
L’immense esplanade, pourtant silencieuse, était bondée de monde, des sorciers enveloppés dans des toges blanches, quelques unes noires et parfois une ou deux rouges. Ils semblaient bien réels et pourtant Lukas attrapa la main de Samuelle et l’entraîna dans une course à travers les sorciers, littéralement à travers.
Le Collège des Magiciens de Vienne était immense ; une véritable cité souterraine. Un labyrinthe d’avenues, antichambres, cryptes et autres salles étranges. La particularité de ce panorama résidait dans la présence en de nombreux endroits de cristaux de couleur qui, outre leur propriété d’ornement, semblaient également faire office d’éclairage. Bien que tout soit taillé dans la pierre, il n’y faisait pas froid ; il n’y faisait pas chaud non plus, juste ce qu’il fallait. Chaque bruit résonnait inlassablement et même le silence semblait se répercuter comme un doux souffle, un éternel murmure.
Une fois l’esplanade quittée, Lukas et Sam se dirigèrent vers un large couloir. Un énorme cristal rouge émergeait du sol quelques mètres devant eux. Lukas le toucha du bout des doigts et murmura quelques mots.
VVZZIOUU !
Les deux sorciers se retrouvèrent dans un autre couloir en tout point similaire au précédent. Sur leur droite se trouvait une porte en bois partiellement calcinée et enfoncée, comme si on avait essayé de l’enfoncer à l’aide d’un bélier rutilant. Lukas eut un petit rire. Puis il alla près du mur à gauche de la porte et sembla poser sa main dans le vide. En réalité sa main s’enroula autour d’une poignée alors qu’une deuxième porte apparut dans le mur. Il l’ouvrit mais derrière celle-ci ne se trouvait qu’un autre mur. Il répéta le même mouvement et fit apparaître une autre porte donnant sur un autre mur. Et ce, six fois. La septième fois il regarda le mur attentivement.
- Oui, elle doit être là, dit-il avec un air satisfait.
Il pointa sa baguette sur le mur, murmura quelques incantations et la pierre disparut dans un Plop !
Il invita Sam à entrer dans sa Loge de Liseur.
La pièce n’était pas bien grande. Il y régnait une forte odeur de renfermé. Elle était faiblement éclairée par des pierres précieuses incrustées dans les murs de pierre brute qui luisaient. Il y avait un lit, défait, une grosse male, deux fauteuils, un large bureau, où trônait un bordel organisé monstrueux, et quasiment tous les murs étaient parsemés d’étagères contenant des livres, des objets étranges et une pensine d’où s’échappait une lumière bleutée. Lukas se dirigea vers celle-ci après avoir pris soin de bien fermer les portes derrière lui.
- Voilà mon chez-moi, mon véritable chez-moi, ajouta-t-il.
Il porta la pensine sur son bureau et s’assit.
- Nous allons bientôt quitter Vienne Sam et nous retournerons en Angleterre. Là-bas, je comprendrai tout à fait si tu ne veux plus qu’il y ait de ‘nous’ justement.
Puis le Chercheur de Sorts se mura dans un long silence, uniquement perturbé par le bruit visqueux des filaments argentés qu’il extirpait de la bassine de pierre posée devant lui et qu’il forçait à pénétrer sa tempe gauche comme l’on fourrerait un boudin. L’expression de son visage indiquait clairement que le processus trop rapide lui donnait mal à la tête. Une fois toute la pensine ingurgitée, Lukas se releva et manqua de s’écrouler au sol. Il était sonné.
- Allons-y, dépêchons-nous ! dit-il en titubant vers la porte. Nous ne pouvons transplaner que du centre de l’esplanade principale.
Il venait de récupérer ce pourquoi il était venu: des recherches précieuses qui dataient et qui avaient encore besoin d'être étudiées, néanmoins elles lui permettraient de survivre.
Après avoir fait le chemin inverse, Lukas et Sam se retrouvèrent aux abords de l’esplanade principale. Ils traversèrent l’illusion de foule jusqu’à ce que Lukas ralentisse le pas et fit signe à Samuelle de s’arrêter.
- Il y a un probl…
Le Chercheur de Sorts eut à peine le temps de finir sa phrase que l’illusion disparut laissant place à trois sorciers en toge rouge et en chair et en os les encerclant. Trois sortilèges incendiaires fondirent sur le couple de sorciers. Lukas attrapa Samuelle dans ses bras et la serra fort contre lui. Il murmurait une incantation dans le creux du cou de la métisse alors que le feu crépitait tout autour d’eux. Il travaillait sans baguette. Une sphère protectrice les enveloppait et Lukas faisait son possible pour l’agrandir le plus possible. Une fois assez grande, il relâcha tout, sauf son étreinte avec Samuelle et CRACK !