▬ As-tu peur de mourir ? C'est la première et la seule chose qu'il m'a demandée. Moi, oui. J'ai l'impression que mon cœur bat à cent mille à l'heure et que du bout des doigts je serais capable de toucher les étoiles. Ou de les rejoindre. C'est comme si le temps n'existait plus, comme si mon corps était en chute libre et que je retenais mon souffle dans l'attente de l'effroyable impact entre ma vie et la mort. J'ai peur d'avoir mal, Eschyle. Tu ne seras même plus là pour me dire que tout ira bien, que je n'aurais pas à m'en faire. Je ne pourrais plus voir tes yeux ni ton sourire, je ne sentirais plus jamais tes mains sur mon visage, en train d'essuyer mes larmes. Je n'entendrais plus le souffle de ta voix dans mon oreille, les battements de ton cœur contre ma main. Sans toi, je perds mon courage, je redeviens le petit garçon qui avait peur du noir. Et des ombres. Il doit y avoir tellement d'ombres là où je vais. Et tu ne seras pas là pour me tenir dans tes bras. Pour me protéger de la douleur et de moi-même. Oui, j'ai peur de mourir. Parce que je t'aime beaucoup trop pour partir ...

Ce sont ses derniers mots, adressés à moi. Je ne les oublierais jamais. Il est parti beaucoup trop tôt. Je n'ai même pas eu le temps de lui dire à quel point je l'aimais, mais je crois qu'il le savait déjà. Je l'espère de tout mon cœur. C'était il y a deux ans, jour pour jour, lors de cette douce journée de novembre où son âme s'est envolée pour retrouver les étoiles.

***

Ils étaient étendus sur le sol, côte à côte, main dans la main. Seuls devant l'immensité du ciel qui s'ouvrait à eux, témoin de leurs confidences et de leurs promesses, comme si rien ne pouvait les séparer. Autour, les grands arbres restaient immobiles, droits et fiers, se moquant du vent qui voulait jouer avec eux. C'était une de ces belles nuits d'été, celles qui faisaient rêver les poètes et pleurer les étoiles. Le chant d'un merle brisa le silence, véritable ode à l'amour, les notes mélodieuses aux accents clairs et flûtés résonnaient en écho à la recherche d'un être à qui délivrer son message porteur de tendresse et de désir.

▬ Tu entends ? On croit qu'il chante son amour, mais il pleure. Il pleure parce qu'il aime, mais maintenant il n'aime plus. Il est trop faible, trop fragile, elle ne voudra jamais de lui et il le sait. Alors il crie son désespoir qui parvient à nos oreilles sous la forme d'une chanson d'amour, mais personne ne comprend qu'il souffre. Sauf moi, peut-être. Parce que je ressens sa douleur, semblable à la mienne, elle est vive, dure, impitoyable. On préférait mourir que de l'endurer.
▬ Mais tu sais que je suis là, n'est-ce pas ? Aussi longtemps que je serais à tes côtés, je te promets que tu n'auras jamais mal. Alors tu n'as pas le droit de mourir si tu ne souffres pas.
▬ Tu vois la lune ? Elle est si loin et si proche à la fois. Brillante comme un diamant, elle se plaît à être admirée par les étoiles, mais elle est seule. Terriblement seule dans un univers de noirceur, d'une solitude à en couper le souffle. Mais elle continue à briller, elle continue à nous sourire même à 380 mille kilomètres de la terre. Et tu sais pourquoi ? Parce qu'elle a un soleil pour la réchauffer et lui murmurer des mots d'amour qui savent détruire ses peurs.
▬ Je te dirais tout ce que tu veux si ça peut te rassurer. Si ça peut éloigner tes craintes ou même la mort, le temps d'un baiser. Je ne veux pas que tu sois seul comme la lune, si tu me le demandes, je serais ton soleil et je resterais là, dans ton cœur, pour toujours. Parce que je t' ...
▬ Eschyle. Ils ont dit que j'allais mourir. Que c'était trop tard, que les traitements n'avaient pas marché.

On fait quoi quand la personne que l'on aime nous annonce qu'elle va mourir ? On la prend dans nos bras et on pleure avec elle ? On maudit la vie de nous arracher notre bonheur, on crie notre colère comme les oiseaux qui chantent ? Ou on reste immobile et on ne fait que serrer sa main un peu plus fort, un peu plus longtemps ? Il ne savait pas quoi lui répondre. Il aurait aimé le rassurer comme les mille autres fois avant, trouver la force de l'embrasser, de le regarder dans les yeux et de lui promettre ses éternels mensonges. Parce qu'ils le savaient bien, tous les deux, que c'était des mensonges. Et ils aimaient y croire parce qu'au moins, ça leur donnait de l'espoir. Il lui semblait que quelqu'un avait pesé sur le bouton ''pause'' du film de sa vie et que tout s'était arrêté dans l'attente de sa réaction. Réaction qui ne sortit jamais si ce n'est que sous la forme d'un long soupir et de quelques phrases entrecoupées de sanglots.

▬ Oui, j'entends ce petit oiseau chanter. Et comme lui, j'ai envie de hurler ma détresse, de crier à la mort qu'elle n'a pas le droit de t'amener avec elle. J'ai envie d'éclater en sanglots, de supplier je ne sais quel Dieu de te laisser ta vie en échange de la mienne. Mais je ne le ferais pas. Ce serait égoïste et je ne voudrais pas que tu te souviennes de moi de cette façon. Oui, je vois la lune. Elle me rend malade de jalousie parce qu'elle sera toujours là, tout en haut, pour me rappeler que son soleil veille sur elle. Et que moi, je ne serais pas là pour toi.

J'ai essayé d'être fort, de te montrer malgré ma propre douleur que c'est beau de vivre. Je ne sais pas si j'ai réussi, mais pour toutes ces fois où tu m'as souri et murmuré à l'oreille que j'avais redonné un sens à ta vie, j'ose le croire. Mais aujourd'hui, j'abandonne, je ne suis plus capable de continuer à sourire alors que mon monde s'écroule sans que je puisse y faire quoique ce soit. Je suis las de chercher des réponses inexistantes à des questions qui n'en valent plus la peine, épuisé de marcher sur le chemin de l'incertitude sans savoir si j'en verrais la fin. Je veux juste que tu me promettes une chose : ne pleure pas. Tu crois que tu en seras capable ? Parce que si je vois des larmes au bout de tes yeux, si j'entends des sanglots s'échapper de ton corps, je n'y survivrais pas. Je veux te voir rire et être heureux, durant chaque jour jusqu'au dernier. Que ça soit demain ou dans trois mois, promet-moi de ne jamais tomber ... Parce que je t'aime, Liam.

TOBECONTINUED.