- Toi, toi et toi! Corvées de puits., intima la voix d'un des sbires de la Directrice.
- Vous n'allez pas envoyez ses enfants au puits! C'est inhumain!!, se fâcha Mélisande d'ordinaire si douce.

La délicate jeune femme dardait l'homme en face d'elle d'un regard terrible. Bien sûr, elle ne faisait pas bien peur. Trop douce pour impressionner qui que ce soit même si elle s'était montrée ferme. L'homme la toisa, un sourire goguenard sur les lèvres.

- Ne venez pas me parler à moi de ce qui est humain et de ce qui ne l'est pas milady...

Les pommettes de la jeune femme s'empourprèrent puis elle fronça les sourcils. Elle ne pouvait rien dire, il avait raison. Elle était plutôt mal placée pour parler d'humanité au sens strict du terme. Elle baissa les yeux un bref instant avant de se ressaisir.
Vu de loin, la petite scène avait quelque chose de parfaitement anodin. On était au tout début du mois de septembre et l'été s'attardait encore sur les jardins de Poudlard, comme pour se dédommager des longs mois de nuit éternelle que le Poète avait traîné derrière lui à sa sortie du tombeau. On entendait même les chardonnerets qui pépiaient dans les chênes centenaires. Un petit groupe d'élèves avaient été envoyés là dehors et, si on n'avait rien su de ce qu'il se passait à Poudlard, on aurait tout à fait pu croire qu'il s'agissait de travaux pratique de botanique. On se serait simplement demandé pourquoi la douce Mélisande se mettait en colère, et on aurait suspecté que c'était sa trop bonne éducation qui été en cause. Mais à la vérité, le tableau était loin d'être aussi charmant.

Les élèves étaient de corvée d'orties. Il n'était pas question que les nés moldus assistent au cours, à moins qu'on leur ait fait explicitement savoir que leur présence était souhaitée. En lieu et place de cela, on leur distribuait des corvées toutes plus ingrates les unes que les autres et le seul bouclier qu'ils avaient pour les protéger du pire, c'était la douce et frêle Mélisande qui semblait pouvoir insuffler un peu de compassion même dans le coeur des brutes épaisses qui leur servait de maton. On ne savait pas d'où procédait un tel miracle mais le fait été qu'elle arrivait parfois à se faire entendre.

- S'il vous plait. Je vous en prie ayez un peu de coeur...

Pauvre petit naïve. L'homme détourna une seconde le regard, visiblement agacé. Puis finalement il céda et n'emmena avec lui que deux élèves. Des septième année, les deux seuls du groupe d'ailleurs. Mélisande dut se contenter de ça et c'est le coeur tout contrit qu'elle les regarda s'éloigner, pensant aux petits première année qui restaient un peu en arrière comme s'ils avaient craint que le ciel ne s'abatte sur leur tête.
Elle soupira, se rappelant à quel point son humeur déteignait sur les gens qui l'entouraient. C'était le don qu'Abaddon lui avait fait en la créant. Aussitôt, elle coiffa un sourire sur ses lèvres et essaya de se réjouir de la belle journée qui s'offrait à eux... Elle s'accroupit près d'un garçon vraiment minuscule, et l'aida à ajuster ses gants.

- Faites bien attention les enfants, je ne voudrais pas que vous vous retrouviez les mains pleines d'épines ce soir., elle jeta un coup d'oeil par dessus son épaule, pour vérifier que personne ne les surveillait plus et avança vers un buisson de roses particulièrement beau. Venez un peu par là, vous n'allez pas travailler le ventre vide quoiqu'en dise Lady Grey.

Lady Grey, la directrice qui leur imposait tous ces mauvais traitements et le pire d'entre tous aux yeux de Mélisande était encore de priver les enfants d'un repas correcte. Mais ils n'avaient droit qu'aux restes des restes, alors autant dire que ce n'était vraiment pas grand chose. Par chance, Mélisande avait quelques amis parmi les elfes de maison. Elle plongea les mains dans le rosier et en ressortit des petites brioches encore tièdes, qu'elle avait enveloppée dans un grand torchon. Un sourire pour chacun, un oeil toujours attentif à ce qu'il se passait autour. Mieux valait rester prudent.