Morrigan n’aimait pas les gens. Sa morale douteuse l’avait déjà d’ailleurs poussée à certaines extrémités qui ne lui attiraient pas que la sympathie. Notamment, lors de certaines de ses aventures rocambolesques qui avaient, avec une malheureuse régularité, tôt fait de se terminer dans des endroits sombres, maudits et humides. Ma foi, tout le monde ne pouvait se targuer de bosser en freelance et ne pas prendre de risques. Tout ça pour dire qu’ils la faisaient bien marrer les aurors avec leur grand principe. Ce n’était, selon son avis, foncièrement pas avec un balai dans le fondement et des grands principes qu’on arrivait à ses fins. Et pour ce qui était des grands principes, Morrigan s’en carrait royalement et préférait faire passer sa mauvaise conscience pour une petite voix boudeuse qui lui donnait la nausée. Pire qu’une gueule de bois un lendemain de beuverie avec son copain cul-de-jatte de L’Anguille Frétillante, bouge d’Oxford connu pour son odeur sulfureuse (qui n’était pas uniquement due aux allumettes craquées au cours de la soirée). Nonobstant son manque d’éducation, rejetonne de mère « apprend ta vie comme une sauvageonne », on lui reconnut dès ses jeunes années un talent inné pour la survie et pour savoir se fourrer dans la bouse de dragon jusqu’à la racine de ses longues mèches ébènes. C’est peut être pour cela qu’elle se trouvait à perpète les chapignoles en proie avec une de ses futures recrues.

« C’est Merlin qui m’a envoyé ! »

La jeune femme haussa un sourcil sardonique et grimaça vers son compagnon le plus à gauche. Un abrutit fini rencontré dans un sinistre pub de Norfolk. Dans le pur style « chevalier-dans-son-armure-brillante-je-me-suis-planté-de-siècle-bonsoir », il se posait là mais comme il était assez courtois pour la supporter et qu’il ne maniait pas trop mal sa baguette (c'est-à-dire qu’il ne se la plantait pas dans l’œil), elle avait gracieusement accepté sa contribution à l’aventure.

« C’est à ce moment qu’on recule doucement et qu’on fait demi tour. »

Susurra- t-elle à la cantonade. Bah malheureusement le patron avait été clair, l’hurluberlue devait faire partie de l’aventure. Heureusement que son physique n’était pas trop ingrat, peut être qu’elle trouverait le temps de s’amuser un peu si la mission lui permettait. Toutefois, si elle avait su, elle aurait abandonné le quidditch à Poudlard et aurait un peu plus travaillé son étude des runes.

« Bon, si on pouvait laisser de côté le vieux brisquard et en revenir à nos Sinistros. On a été chargé de ramener des cendres d'un barbecue millénaire. Elles sont gardées par quelques quidams et sortilèges plutôt retors. Vous, la sœur, vous allez nous permettre de passer les glyphes de protection. Monsieur Muscle s’occupera des bestioles qui nous tomberont dessus, tandis que je me chargerai de faire sauter les pièges magiques qui pourraient potentiellement entraver notre chemin. A entendre, nous brûler, bouffer, exploser, geler et autres morts toutes plus stupides les unes que les autres. Avant toute chose, je ne veux pas de question sur notre commanditaire, ni sur le pourquoi du comment. On va déterrer ce putain de cendrier, on le ramène et on garde le vase s’il nous plait. On est des mercenaires par Merlin ! Est-ce que c’est compris ? »

Après avoir ajusté la sangle de son sac à dos et fourré ses mains dans ses gants, la jeune femme avait mis le pied dehors. Pied qu’elle sentit se contracter dans ses bottes fourrées alors que des bourrasques chargées d’une neige lourde se fracassaient sur l’esquif de son visage aux traits parfaits. Inhumain. Elle glissa finalement une paire de lunette sur ses yeux mordorés et parti à la conquête de la banquise. Oui parce qui disait relique secrète, disait forcément « endroit-tout-pourri-niché-sous-les-cercles-polaires-ou-en-pleine-moldavie… »

…

La mission avait été une véritable réussite…Si on omettait qu’elle s’en était sortie avec des brûlures multiples (due à sa rencontre Ô combien fortuite avec un dragon), une légère commotion cérébrale et un bras cassé. Monsieur Muscle s’était fait gober comme un dragibus et l’hallucinée lui collait au basques depuis qu’elle avait eu le malheur de lui proposer sa couche. En attendant, elle était bien heureuse d’avoir quelqu’un pour veiller sur sa carcasse pendant qu’elle sombrait une énième fois dans un profond sommeil. Elle rêva de la petite fille studieuse qu’elle était, toujours sagement assise auprès de son acariâtre de mère. Cette vieille carne finirait par les enterrer tous. Elle lui avait appris qu’il valait mieux ne pas se préoccuper du matériel et que l’attachement n’était qu’un leurre…que les hommes et les femmes n’étaient que denrées périssables et qu’on pouvait en user à loisir avant de les jeter à la poubelle. Jusqu’à tard, Morrigan ignora tout des notions d’amour et d’amitié. Sa mère enseignait. Elle était bonne élève. Elle apprenait vite. La désobéissance engendrait une punition. Ce système fonctionna très bien jusqu’à son entrée à Poudlard. Classée à peine le chapeau posé sur sa tête chez les Serpentards car elle était rusée comme un chat sauvage, la jeune fille fit rapidement ses armes, aiguisa ses crocs et fit subir aux importuns les justes sanctions. Elle fut rapidement considérée comme la « pire des garces de la planète ». C’est peut être pour cette raison et pour son individualisme hors norme qu’elle excella au poste d’attrapeur. Isolation. Concentration. Souplesse. Légèreté. Elle connut également les premiers émois bien qu’elle jugea bon de se sauver avant que le parti opposé ne lui soit trop important. Son dévolu se jeta sur les membres de son sexe, sans que ça ne soit pour elle un problème puisque n'ayant été entourée que de femmes depuis sa tendre enfance. Elle brisa des cœurs et le sien déjà bien dur, se fissura malgré elle. Morrigan regretta les années d’enfance où rien d’autres n’existaient que les animaux de la forêt où elle vivait. Après avoir obtenu ses ASPICS avec les félicitations du jury, elle s’engagea dans la filière DFCM avant d’abandonner la jugeant trop moralisatrice même en magie noire avancée. L’étudiante d’alors fit son paquetage et partit vers de plus vert horizon. Ce qui signifiait s’embarquer sur le plus proche cargot et voir le monde. Après quelques mois, et grâce à son caractère remarquable ainsi que son don certain pour les embrouilles, elle rencontra son premier commanditaire. Depuis, c’est au plus offrant. Qui dit du meurtre, qui dit du vol ou du rapt, peut lui importante tant que la solde est bonne. Cependant, depuis peu, son comportement semble s’être quelque peu modifié et elle sélectionne avec plus de raisons ses missions.
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