- Tu ne m'aideras donc pas Ixion?, demanda la jeune fille le coeur gros.

Le centaure souffla doucement sur son visage, un pauvre sourire navré sur les lèvres.

- Nous sommes trop peu Aelys. Si j'engageai les miens dans cette bataille avec toi, je nous condamnerai. Le ministère a déjà réduit pour beaucoup notre territoire.
- Je comprends Ixion ne t'en fais pas. Je comprends...

Aelys resta un instant pensive, assise sur la mousse, sous l'oeil attentif du chef des centaures. S'il ne lui avait pas été difficile de comprendre que ce n'était qu'en s'écartant du chemin de la légalité que quelque chose pourrait être fait, sa mission se révélait être un chemin semé de buissons. D'abord le ministère qui faisait d'elle à tord une hors-la-loi. Et puis le mal fou qu'elle avait a trouver des alliés à sa cause. Il fallait sans cesse faire attention à ne pas se faire prendre par les aurors, mais il fallait ranimer la flamme dans le coeur des hommes et des femmes qu'elle visitait et bien trop souvent hélas, il ne restait déjà plus qu'un tas de cendres froides là où aurait dû s'allumer un brasier. Le courage. La volonté. La justice. Autant de bonnes vertus qui avaient sombré, endormies dans les coeurs par de longs siècles de confort et de tranquillité. Son coeur de celte à elle se souvenait à quel point la guerre est nécessaire, parce qu'elle purge le peuple de ses vices et de ses peurs, parce qu'elle tient la conscience et l'instinct éveillé. Que restait-il de l'instinct dans ce monde là?
Son coeur se serra et comme elle se sentait prêt d'abandonner, elle posa son front sur ses genoux repliés contre elle et les larmes coulèrent sur son visage. Avait-elle le droit elle aussi de faire comme tout ceux qui lui avaient dit non. De s'assoir sur le bas-côté en attendant que ça se passe? D'être là juste pour regarder avec l'excuse qu'elle n'était pas la mieux placée, qu'elle avait d'autres chats à fouetter? Le centaure s'allongea près d'elle, pour poser sa main sur son épaule, en maigre réconfort. Quelle étrange scène pour qui aurait surpris une jeune femme en larmes et un centaure compatissant, quand on sait que ces créatures sont réputés violentes et peu antropophiles...

Dans l'opaque noir de la nuit qu'avait jeté les démons en s'échappant de la gueule béante de l'enfer, il n'y avait bien que dans la forêt interdite que l'on pouvait encore être surpris.