Il était tard. Peut être un peu trop pour ce qu'elle comptait faire, mais ce n'était pas comme si elle avait vraiment le choix. En fait le choix elle l'avait fait il y avait déjà plusieurs semaine en acceptant la proposition du professeur Van Hellsing. Rabattant machinalement sa capuche sur sa tête et resserrant les pans de sa cape sur elle, Gaëlle se faufilait dans les rues en suivant les indications d'un petit bout de parchemin, trainant derrière elle une Tao geignarde qui râlait après elle... et une sorte de félin de la taille d'un petit berger allemand dont les yeux améthystes suivait avec intérêt les moindres gestes des deux jeunes femmes en trottinant à leur côté. Avec un nouveau regard inquiet pour sa protégée à quatre pattes, Gaëlle s'assura pour la vingtième fois que son sortilège de désillusion face bien effet. Bon jusqu'ici, personne n'avait bronché, ni semblé constater la présence du félin. Mr Yu serait mécontent de les voir arrivées si tard... mais il le serait plus encore de voir Gaëlle débarquer avec un nouvelle animal, qui cette fois ci tiendrait à peine dans la petite chambre que les deux amies se partageait.

Gaëlle - Regarde, c'est ici ! Tu vois je t'avais dit qu'on étais pas perdues !

S'enthousiasma la petite irlandaise en montrant la devanture de la boutique. C'était une drôle de boutique... plutôt différente du Boutefeu avec sa devanture tout en bois, on aurait dit comme la cabane d'un jardinier dans une riche propriété, mais à dire vrai, Gaëlle lui trouvait plus de charme qu'aux autres bâtiments alentours... Avec un temps d'hésitation, elle frappa plusieurs fois à la porte avant d'ouvrir et d'entrer timidement, aussitôt rejointe par Tao et Nora qui s'ébroua pour chasser l'eau de son pelage. Avec un regard désespéré autour d'elle pour voir si quelqu'un avait remarqué quoique ce soit d'étrange, Gaëlle resta peu à peu interdite devant l'intérieur du bâtiment... Qui de fait ne ressemblait absolument pas à la définition d'un "intérieur". Un jardin dans le salon peut être ? Qui d'autre qu'Aelys aurait pu avoir l'idée de faire de son jardin dans sa maison après tout ? Complètement sur le cul, la petite rousse ne prit pas garde à la personne qui s'approchait d'elles en silence.

Mais lyncher moi quoi... T-T

Aelys n'avait eu que fort peu de clients depuis qu'elle s'était installée là. Il y en avait même qui étaient uniquement entrés pour "voir si l'intérieur était aussi rustique que l'extérieur". Mais elle le prenait en souriant contrairement à un autre commerçant qui aurait pensé à aller se jeter dans la Tamise. Mais Aelys elle trouvait cela plutôt drôle et elle passait le temps dans l'arrière boutique à jouer de la harpe en attendant d'entendre cette satanée porte grincer. Oh elle avait bien supplier qu'on ne lui mette pas de porte mais il paraissait que c'était la règle ici de s'enfermer chez soi. Si elle n'avait pas un peu connu les habitudes des autres, elle se serait demandé comment les gens allaient donc savoir qu'ils pouvaient entrer. Une porte ça n'avait rien d'accueillant. Si Hafgan avait du tenir la sienne fermée, sans doute tout le village aurait-il succomber à une vulgaire grippe.
Il y eu un petit tintement. Aelys sauta de son tabouret, pied nu dans l'herbe qui tenait lui de sol, pour aller accueillir l'éventuel client. Mais en fait ce n'était pas du tout un client.

Aelys- Feasgar math ! Que puis-je... Gaelle? Oh comme ça me fait plaisir. Je ne pensai pas que tu viendrais si vite. Enchantée!, fit-elle à l'intention de Tao en imitant parfaitement bien le salut traditionnel mandarin. L'asiate regarda sa meilleure amie un peu surprise. Elle n'avait jamais vu que Monsieur Yu faire ce genre de chose et encore seulement quand il faisait ses exercices. Tao eut envie de rire mais elle évita de peur que quelque chose ne lui tombe sur le nez. Et puis ce n'était pas poli.

Les yeux bleus de la celte se posèrent sur le troisième invité.

Aelys - Feasgar math...

Elle avait une autre voix. Un mumure doux qui ressemblait presque à un souffle, puis elle tendit le dos de sa main sans crainte vers la truffe de la jolie tigonne dont elle ne voyait encore rien.

Aelys - Quel bon vent alors ?

Cela fit tout drôle à Gaëlle de voir Aelys saluer Tao comme ça, de voir Tao tout aussi surprise lui tira un sourire rayonnant l'air de dire "c'est ma tante !" Elle parcourut prestement la distance qui la séparait d'Aelys pour la prendre dans ses bras et la serrer contre son cœur. C'était si bon d'avoir une famille à soi. Elle allait faire les présentations et lever le sortilège quand sa jeune tante fit quelque chose qui scotcha littéralement la petite irlandaise.

Aelys - Feasgar math...

Elle se tourna par instinct vers la petite tigonne pour vérifier que le sortilège n'avait pas fini par s'épuiser tout seul au final, mais non, le voile était toujours en place alors comment ?

Gaëlle - Comment tu as fait ça ?!', demanda-t-elle en regardant tour à tour l'animal et sa tante.Gaëlle secoua la tête complètement perdue, elle pouvait voir Noîrîn malgré la désillusion ? Ou bien la percevait-elle à la manière d'une aveugle, à travers d'autre sens qu'elle ignorait ?

Aelys - Quel bon vent alors ?
Gaëlle - C'est justement pour elle', s'interrompit-elle en désignant du doigt la tigonne,'que nous sommes là. J'en ai héritée de sa garde jusqu'à ce qu'elle puisse se débrouillée seule, mais tu as vu la petite boutique dans laquelle nous habitons et le grand père de Tao n'acceptera pas. Tu veux bien l'héberger chez toi le temps des vacances ? Je t'en prie...

Sa nièce sembla surprise puis plutôt fière de son coup et il fallut quelques minutes à Aelys avant d'identifier la cause de tout ces changements. Non pas qu'elle fut idiote mais elle avait tendance à considérer énormément de choses comme allant de soi. Qu'elle salue l'amie de sa nièce de cette façon n'était pour elle que pure politesse et non démonstration de quoique ce soit, mais visiblement à Londres les gens n'avaient toujours pas changés: ils s'obstinaient à n'agir que selon leur propre culture. C'était une bizarrerie qu'Aelys constatait sans vraiment la comprendre à vrai dire. Elle serra sa nièce contente de voir qu'il n'y avait déjà presque plus de distance entre elles. Ca aussi c'était encore une invention de ce que l'on appelait "les gens civilisés". Chez les celtes, on ne prenait jamais personne avec distance, hormis pour quelques énergumènes aux caractères un peu spéciaux qui se plaisaient à se croire supérieurs, son ennemi même on l'embrassait au premier sens du terme pour lui taper dessus, alors la distance... c'était encore un concept curieux.

Gaëlle - Comment tu as fait ça ?!'
Aelys - Oh ça!, répondit-elle après un petit instant d'hésitation,... et bien je suppose que j'ai utiliser mes cinq sens. Tu sais la vue à souvent tendance à aveugler les autres sens mais ce qui est important ça ne se voit pas avec les yeux, ou du moins rarement..., expliqua-t-elle le plus simplement du monde.

Aelys était comme ça, bizarre pour les civilisés, mais d'une extraordinaire simplicité. Pour elle, les sortilèges de dissimulation n'étaient rien de plus qu'un peu de poudre aux yeux mais ils n'enlevaient pas l'ouïe, l'odorat, le toucher, ni le goût et moins encore le coeur. Aelys n'aurait jamais parlé d'âme ou alors elle en aurait parlé pour le coeur, comme elle parlait du coeur pour l'esprit et de l'esprit pour l'âme. Dans sa langue il n'y avait qu'un mot pour ces trois choses, parce qu'elles n'avaient rien de distinct pour un celte.

Aelys - Quel bon vent alors ?
Gaëlle - C'est justement pour elle que nous sommes là. J'en ai héritée de sa garde jusqu'à ce qu'elle puisse se débrouillée seule, mais tu as vu la petite boutique dans laquelle nous habitons et le grand père de Tao n'acceptera pas. Tu veux bien l'héberger chez toi le temps des vacances ? Je t'en prie...
Aelys - C'est d'accord. Mais il faudra que je puisse l'emmener quand... je rentre chez moi.

Elle ne prononcerait pas le nom de Brocéliande devant une non celte, c'était la règle et elle la respectait. Il avait été tellement difficile de sauver le petit bout de forêt qu'ils leur restait, même si aux yeux du monde ce petit bout aurait paru gigantesque, ça n'était rien comparé à ce que les celtes avaient pu connaître de leur Brocéliande.

Aelys - Est-ce que vous avez faim?

Utiliser ses sens ? Elle devait les avoir sacrément affûtés pour pouvoir se rendre compte de la présence de Noîrîn malgré la désillusion, elle avait toujours cru que seul une personne aveugle l'aurait pu. Quelque part c'était plus rassurant que d'imaginer sa tante possédant des pouvoirs tels que ce genre de sortilège ne puisse altérer ses perceptions. En y repensant... elle mit fin au sort aussitôt, après tout il lui était assez pénible de maintenir un tel sort en place. Noîrîn se mit à éternuer en secouant la tête comme agacée par les effets inverse du sortilège, faisant éclater de rire sa jeune maîtresse de son rire silencieux de muette.

Aelys - Quel bon vent alors ?
Gaëlle - C'est justement pour elle que nous sommes là. J'en ai héritée de sa garde jusqu'à ce qu'elle puisse se débrouillée seule, mais tu as vu la petite boutique dans laquelle nous habitons et le grand père de Tao n'acceptera pas. Tu veux bien l'héberger chez toi le temps des vacances ? Je t'en prie...
Aelys - C'est d'accord. Mais il faudra que je puisse l'emmener quand... je rentre chez moi.

Gaëlle hocha de la tête pas vraiment sur de ce qu'impliquait un tel voyage, respectant le silence tacite quand à la véritable demeure de sa tante. Au moins, se dit-elle, si celle-ci lui était inconnue, ce serait toujours mieux pour Noîrîn que de vivre encloitrée dans un espace clos, toujours plus ou moins captive et surveillée à devoir vivre sous divers sortilèges. Un jour elle aussi verrait la terre de ses aïeux, une terre qui lui semblait bien mystérieuse pour ses jeunes yeux et à laquelle elle avait encore du mal à donner une réalité propre et tangible.

Aelys - Est-ce que vous avez faim?

Elle interrogea du regard Tao avant de se reporter indécise face à sa tante, c'est qu'elle n'avait pas vraiment prévenue Mr Yu de leur petit détour... Allez savoir comment réagirait ce vieux dragon en les voyants rentrées tardivement et repues... Brr, de quoi vous flanquez un cauchemar.

Gaëlle - He bien...

Elle aurait bien aimé ajouter à propos de Brocéliande "oh c'est juste là ne t'en fais pas", mais elle ne pouvait pas le faire devant Tao. A la vérité si le sol de la boutique d'Aelys était tapissé d'herbe ce n'était pas qu'elle avait fait mettre du gazon, comme la plupart des gens le pensaient. C'était parce que Brocéliande avait toujours tendance à s'étendre, si Aelys l'avait laissé faire, toute le bitume de la rue et les pavés auraient bientôt été couverts d'herbe mais ce n'aurait pas été très discret. Il fallait qu'elle reste bien sage dans l'arrière salle, derrière la tenture. Là il suffisait de suivre la rivière et sans vraiment se l'expliquer, on se retrouvait en Brocéliande. C'était vraiment "juste là".
La jolie celte n'avait guère eu l'occasion d'expliquer à sa nièce à quel point Brocéliande pouvait se trouver partout et nulle par à la fois. Il y avait tant de choses qu'elle avait à lui dire, mais pas pour le moment. Il faudrait attendre l'instant propice.

A défaut elle leur proposa de rester manger, en toute hospitalité, oubliant un instant qu'Owen l'attendait peut-être elle. Elle était beaucoup trop libre pour penser à ce genre de chose et elle en serait sans doute désolée s'il l'avait effectivement attendue. Mais à en juger par les petites mines qu'échangeaient Gaëlle et son amie...

Aelys - Oh je comprends très bien. Ce sera pour une prochaine fois alors, j'oublie que les rues ne sont guère sûres passer une certaine heure. Filez vite et revenez me voir vite. Cette fois nous mangerons ensemble.

Elle ne remarqua pas vraiment les yeux ronds de la petite asiate malchanceuse qui semblait estomaquée par l'esprit de déduction d'Aelys McNamara. Elle, vous aurait dit que ça n'avait rien à voir avec de l'esprit de déduction. C'était simplement être attentif à ce que l'on voulait vous dire même si bien sûr dans ce cas là, rien n'avait clairement été dit. Elle les raccompagna à la porte et avec un sourire les regarda disparaître dans le noir. Noîrîn tout à côté d'elle.