Traversant les allées pavées des couloirs de Poudlard, Karly continuait à feuilleter son livre de Métamorphose sans prêter grande attention à ce qui l’entourait. Seule la voix désagréable et haut perché de la Grosse Dame lui fit relever le nez de son bouquin. Etrange, non ? Quoiqu’il en soit, la jeune fille réussit à se débarrasser du papotage intempestif et irritant de la Grosse Dame en robe rose bonbon afin de pouvoir rentrer dans sa salle commune où, elle le pensait, allait enfin pouvoir se reposer un peu et terminer de potasser cette Métamorphose qui embrouillait ses méninges. Déjà qu’à l’ordinaire, rien n’était simple mais, devoir rattraper six mois de cours… c’était l’horreur. Se laissant choir sur son fauteuil rembourré préféré, elle adressa un sourire éclatant, quoiqu’un peu terni par la fatigue, à sa meilleure amie qui lisait le dernier Sorcière Hebdo tout en mâchouillant une plume en sucre. Cette dernière ne répondit à son sourire que par une moue étonnée. Rétablissant les pans de son uniforme tout en décroisant les jambes, elle se pencha en avant en vue d’une confidence. Etonnée, Karly fit de même.

« Tu as oublié ? » Le sourire narquois de Willara fit grandir l’intérêt de la demoiselle. Que pouvait-elle donc bien avoir oublié ? Ne pas s’asseoir sur ce fauteuil ? Une dispute entre elles ? Un pari stupide comme elles peuvent en avoir l’habitude ? Et puis, où était Kassy ? Non, cela ne pouvait pas avoir un lien avec elle où Karly aurait eu un rôle direct. Hum, un rendez-vous ? Au bout de plusieurs secondes d’interrogation, elle finit par lui demander : « Oublié quoi ? »
« Tu sais que tu vas finir par perdre ta tête à force ? » Perdant légèrement patience, Karly lui demanda d’accélérer un peu. Non parce qu’à cette vitesse, Willara allait avoir le temps d’oublier elle-même ce qu’elle devait ne pas oublier. Se recalant tranquillement au fond de son fauteuil, Willara fit semblant de retourner à sa lecture tout en lâchant la bombe : « Ce soir, tu es collée avec le professeur Grey dans les serres. »
Un énorme et bruyant « Shiiiit !! » retentit dans toute la salle commune et c’est au pas de course que la jeune McGregor se précipita vers la sortie en oubliant toutes ses affaires sur place. Comment avait-elle pu oublier cette retenue ? Dans un lieu qu’elle n’aimait pas, pour une raison abjecte et inutile et avec un professeur qu’elle n’aimait pas ! Ce n’était pas sa faute si depuis la mort de sa mère, elle était devenue très répulsive à tout ce qui pouvait toucher de loin ou de près à la botanique.

Courant à travers les milliers de dédales possibles de l’école, Karly n’avait pas vraiment envie de se faire coller plus longtemps par la Grey. Franchement, rien que d’y penser, les poils de son dos se hérissaient en grinçant eux-mêmes des dents. Oui, ils avaient peur. Cependant, une fois arrivée sur place – la dernière il va s’en dire – la jeune Gryffonne n’aurait pas du se faire autant de film. La punition était des plus simples mais surtout des plus ennuyeuses : arroser toutes les plantes de la serre. Franchement, c’était quoi cette punition ? La professeur de Botanique ne pouvait-elle pas lancer un sortilège d’aqua tout simplement ? Bien entendu, certaines plantes ne se nourrissaient pas d’eau mais apparemment, pour celles-ci, l’usage de la baguette n’était pas proscrit. Regardant tour à tour ses compagnons d’infortune – que des Gryffondors, il fallait le faire remarquer quand même. Et après, on dit que les professeurs punissent et notent équitablement chaque élève et maison, tsss. – Karly se permit de soupirer ouvertement lorsque le professeur les laissa seuls, face à la centaine de plantes qui leurs faisaient face. Se passant une main dans son cou afin de masser doucement ses cervicales, elle proposa à ses collègues de maisonnée : « On se sépare les zones pour en finir au plus vite ? » Son ton était nonchalante et peu enclin au travail mais bon, ils n’avaient surement pas envie tous les trois de terminer leur nuit ici. Rien que le fait d’y penser faisait frissonner la jeune fille. Par Merlin, mais que fichait-elle dans la serre botanique ? Ils voulaient qu’elle se remette au billiwig ou quoi ? Les souvenirs de ses petits tournis qui vous entrainent dans des horizons tous plus lointains et colorés les uns que les autres lui firent remonter des envies qu’elle n’avait pas eues depuis longtemps. Se reprenant fortement et rapidement, elle se pinça le bras jusqu’à en avoir un bleu qui fait bien mal afin de ne pas y penser. Et surtout, de ne pas y repenser et d’être retentée.

Après avoir laissé les autres se diriger de part et d’autre vers les allées, elle s’empara de sa baguette et marcha, se cramponnant au bois de la baguette magique comme à un radeau. Intérieurement, elle se répétait mentalement que tout irait bien. Physiquement, elle ne laissait rien paraître mise à part un léger raidissement de ses jambes. La première plante qu’elle nourrit fut un figuier abyssinien. Assez simple jusque là. Un peu plus loin et après plusieurs plantes plus tard, une belle plante finit par se présenter à Karly. Assez grande, elle l’a dépassé de quelques mètres mais sa fleur redescendait jusqu’à sa tête. Elle semblait si délicate que la Gryffone se mit à sourire étrangement, comme si une simple fleur pouvait la toucher. Son rose bonbon éclatant laissait penser à ses bonbons délicieux que l’on peut trouver à pré-au-lard ou sur le chemin de traverse. Ses larges feuilles lui donnaient un aspect plus majestueux et irréprochable. Touchant ses feuilles en faisant glisser son doigt dessus, elle sourit légèrement comme si cela la chatouillait. Attrapant le petit arrosoir, elle fit glisser l’eau à ses racines jusqu’à ce que le drame finit par arriver. Tout en se relevant afin de passer à la plante suivante, sa tête apparut à travers un petit nuage vert qui finit par se dissiper dans toute la serre, grâce à un simple geste de sa main. Toussotant légèrement, Karly n’arriva pas à retrouver sa voix. Toussant plusieurs fois de suite, elle finit par reprendre son souffle, sourire aux lèvres. Un petit incident, rien de plus. Arrosant la plante suivante, elle finit par remarquer que lorsque l’eau touchait les racines, les pétales s’ouvraient laissant entrevoir une multitude de petits tâches rouges, semblables à des pois. Soudainement, un vieu rire s’empara d’elle et c’est entrechoquée par les sursauts de rire, qu’elle lâcha sans crier gare dans la serre :
« Hihi, regardez celle-ci ! Hahaha, avec ses pois haha on dirait… Hahahahaha, on dirait Madame hahahaha l’infirmière Dunnaway hahaha… »

Vraiment Karly ? N’est-ce pas parce que l’infirmière avait contracté un mauvais sortilège au détour d’un couloir et que d’horribles gros boutons rouges lui avaient poussé sur le coin du nez ? Bien entendu, le coupable fut sévèrement puni mais, la ressemblance était tout de même minime… Et en rire pour si peu, voyons cela ne te ressemble pas…