Ça c'était une journée éprouvante ! À vrai dire, Aurore était un peu dubitative quant au fait qu'ils réussissent à s'installer en une seule journée. Et pourtant, à force d'huile de coude et de coups de baguette bien placés, ils l'avaient fait. Ils l'avaient fait ! C'en était exaltant. Aurore était très fière du travail que Raphaël et elle avaient accomplis. Certes, il restait encore quelques cartons à déballer ici et là, dans la cuisine et dans leurs chambres respectives notamment, puis il faudrait penser à la décoration, mais le gros du boulot était fait. On pouvait dire qu'ils étaient chez eux lorsque, sur le coup de dix-neuf heures, ils s'affalèrent d'un même mouvement sur le canapé. Ils étaient en nage, mais heureux, et surtout, ils avaient faim. Bien entendu, il n'était absolument pas question d'intégrer la cuisine pour mijoter un petit plat, pas ce soir, pas dans l'état où ils se trouvaient. Alors ils jouèrent à béozard – parchemin – athamé (le pierre-papier-ciseaux sorcier) pour décider lequel des deux devrait se lever pour aller chercher quelque chose au take-away en bas de leur immeuble. À son plus grand plaisir, Aurore gagna, et après avoir poussé un cri de victoire, mis son colocataire à la porte avec un peu d'argent et son trousseau de clefs.
À peine fut-il parti qu'elle se rua vers la salle de bain. Pour en ressortir aussitôt pour se ruer dans l'une des chambres. Pour en ressortir au bout d'une fraction de seconde pour aller dans l'autre chambre. L'explication ? Elle comptait prendre une bonne douche, sauf qu'il lui fallait prendre des vêtements de rechange auparavant, pour éviter d'avoir à traverser l'appartement à demi nue et toute dégoulinante d'eau devant Raphaël. Pas qu'elle serait vraiment contre, mais c'était pour le principe. Et pourquoi elle était entrée dans les deux chambres ? Baaah... Elle s'était trompée. -_____- Tout simplement ! Bon, pour le moment elle avait une bonne excuse pour rentrer dans la chambre de Raph, ils venaient à peine d'emménager, et elle aurait parié qu'il serait bien en peine de retrouver le placard où étaient rangés les accessoires ménagers moldus du genre de l'aspirateur ou de la planche à repasser. (oui, oui, elle essayait de se donner bonne conscience pour éviter de penser qu'elle se serait tapée la honte s'il y avait eut un quelconque témoins !)
La jeune femme finit donc par regagner la petite salle de bain de leur appartement, posa ses affaires propres à l'abri de l'eau, et se déshabilla rapidement en laissant tomber à terre vêtements et sous-vêtements. Puis elle se glissa sous l'eau chaude, enfin... Un soupir de soulagement s'échappa de ses lèvres, aussitôt couvert par le bruit de l'eau. Se délasser, prendre un peu son temps après cette folle journée... Cela lui faisait du bien, vraiment. Après une brève hésitation, elle décida de se laver les cheveux également, et envoya l'élastique qui retenait encore ses cheveux en une queue de cheval valser au dessus du rideau de douche. Oui, du coup la salle de bain pouvait sembler quelque peu « en bordel », pour reprendre une expression populaire, mais ils ne s'agissait que de choses qui ne prendraient pas longtemps à être rangées, juste avant de sortir. De toutes les manières on ne vivait pas pendant sept ans en communauté à Beauxbâtons sans savoir à la fois profiter de son désordre et le ranger vite pour ne pas importuner le prochain qui passerait par là. C'étaient de bonnes bases pour toute vie en colocation, même celles décidées sur un coup de tête avec un collège/ami/type par lequel on est attiré sans vouloir l'avouer. Non, mais c'était vrai, franchement, si on lui avait dit il y a deux ans encore qu'elle irait vivre à Londres comme ça, elle ne l'aurait pas cru. Elle aimait trop la France... Mais bon, personne alors n'aurait pu prédire la situation politique française ni du coup l'attrait du London Calling (The Clash, un de ses groupes préférés ! Il faudrait qu'elle passe au Hard Rock Café, tiens...).
De l'eau coulant en continu sur sa tête, Aurore n'entendit pas le « pop » caractéristique d'un transplanage. Et le début d'éternuement de Raphaël se confondit avec le grincement caractéristique du robinet de la douche se fermant. Parce que oui, elle avait fini de se doucher. Normal, elle avait calculé pour avoir fini à peu près au moment où Raph' devait rentrer avec les plats Thaï... Miam, elle en salivait d'avance.
Sa main se glissa entre le rideau de douche et le mur, effleura l'épaule du jeune homme sans s'en rendre compte, avant de tâtonner pour attraper une première serviette, destinée à devenir un turban dans ses cheveux. Elle était en train de se le faire, quand...

Raph - HIKKKS !!

Aurore - Qui est là ?!

Elle ouvrit grand le rideau, écarquilla les yeux et poussa un cri plus instinctif que raisonnable dans la foulée, avant de brusquement s'entourer le corps du rideau. Provoquant ainsi la chute de la barre mal fixée qui le tenait... Fort heureusement, elle était plutôt légère, et Aurore, si elle dût batailler pour garder l'équilibre, parvint à rester debout sur ses deux jambes. On pourrait penser qu'elle serait d'autant plus affolée par cet enchainement d'actions, mais étonnamment cela lui fit plutôt reprendre ses esprits, et elle se trouva stupide de s'être laissée allée à crier. Se retenant à grand peine de se mordre la lèvre, elle se contenta de regarder son colocataire dans les yeux et de lui demander, sur un ton plutôt calme :

Aurore - On peut savoir ce que tu fais là ?

Son regard parcourut la petite pièce un instant, avant de s'arrêter sur les plats à emporter.

Aurore - Et avec ça en plus ?

Sa surprise était plus que palpable. En réalité, elle s'en servait pour masquer sa gêne...

Raph - Bon allez on va manger ? Je meurs de faim ! Habille toi Aurore voyons, ce n’est pas décent de trainer à poil dans l’appart, je pourrais te voir !

Mais qu'est ce qui lui avait pris d'accepter d'emménager avec lui, déjà ? C'était la seule pensée à peu près cohérente qu'Aurore était capable de formuler intérieurement en cet instant, tant elle était choquée. Non mais franchement... Il débarquait comme ça pendant qu'elle prenait sa douche, la voyait se prendre la barre du rideau dans la gueule, et considérait ça comme tout à fait normal ?
Bref. Se calmer, retrouver son souffle, poser la barre sur le sol et prendre une serviette... La jeune femme effectua ces actions dans l'ordre et plutôt rapidement, ce qui lui permit de retrouver un semblant de contenance. Mais à peine eut-elle entouré son corps que la porte s'ouvrit de nouveau, pour laisser passer la tête de Raphaël...


Raph - Ah et au passage : Superbe poitrine. Tu devrais mettre plus de décolletés je trouve ! Bon, allez. BIERE !

Le sang d'Aurore ne fit qu'un tour, et elle eut le réflexe de prendre la première chose qui lui tombait sous la main pour la lui lancer à la figure, dans un geste sans doute un peu plus violent que voulu, mais bon, il venait quand même de lui faire une réflexion sur ses seins quoi... Cela justifiait qu'il se prenne un gel douche dans la tête, non ? Non ? Bah, trop tard... Et puis en plus ça se trouve il ne se l'était pas vraiment pris, puisque maintenant qu'elle regardait, la tête de son colocataire n'était plus là mais le gel douche était resté de ce côté de la porte, alors...
La sorcière poussa un long soupir, puis enjamba le rebord de la douche pour en sortir et aller se saisir de sa baguette. En quelques sortilèges bien placés, elle arrangea l'état de la salle de bain et se sécha, avant de la reposer pour s'habiller. De manière très simple : boxer et soutien gorge, bien sur, puis, directement par dessus, un pull en mohair tout doux, et un jean si usé qu'il en était devenu ultra agréable à porter. Après tout ce n'était pas comme s'ils avaient prévu de sortir ce soir, il ne s'agissait que d'une soirée tranquille devant la télé... Bon, avec un type envers lequel elle se sentait beaucoup trop attirée par moments, sans doute, mais elle allait devoir en faire abstraction. Ça allait être dur, compte tenu que rien qu'à la pensée qu'il l'avait vue nue ou presque, le rouge lui montait aux joues, mais elle y arriverait.
D'ailleurs, pour commencer, elle sortit de la salle de bain et se dirigea comme si de rien n'était vers le salon, où Raphaël l'attendait devant la télévision, les plats posés sur la table basse devant lui. Avec autant de naturel qu'il lui était possible d'avoir après une scène pareille, elle s'assit sur le canapé à ses côtés, les jambes repliées sous elle.

Aurore - ça a l'air bon...

Phrase banale, neutre mais importante tout de même. Déjà parce qu'elle avait faim ! Et ensuite parce que cela signifiait « surtout ne parlons pas de ce qui vient de se passer et faisons comme si de rien n'était ». Très important, donc. Aurore se pencha légèrement pour attraper à manger, et adressa un sourire gêné à Raph en se relevant. La cohabitation promettait d'être difficile sur certains points, mais elle était persuadée que cela en valait la peine.
Sur le téléviseur, les différents logos de sociétés de production commençaient à apparaître. Car oui, tous les objets moldus de l'appartement n'étaient pas seulement là pour faire illusion ; la jeune femme, en bonne « sang-de-bourbe », comme on l'avait parfois appelée, se servait couramment de tout un attirail électroménager. Bon parfois elle le reconnaissait, c'était plus dangereux et inutile qu'autre chose, et rien ne valait un bon vieux coup de baguette. Mais de temps à autre, pour regarder des films et jouer à des jeux surtout, les moldus étaient meilleurs.
La musique d'Eddie Vedder retentit dans la pièce de leur petit appartement. Into The Wild, un de ses films préférés, commençait...

[c'est chinois ou c'est Thaï ? XD décide toi ]

Alors qu'Aurore allait commencer à porter une bouchée du plat à emporter jusqu'à sa bouche, Raphaël commença à parler, ravivant le souvenir de la scène gênante qui s'était déroulée quelques minutes auparavant à peine. Elle reposa ses baguettes pour l'écouter, dubitative. Ses premières paroles la firent d'ailleurs tousser, et lever les sourcils. Puis c'est un fin sourire ironique qui se dessina sur son visage alors qu'elle l'entendait s'expliquer et s'excuser. Enfin, elle prit la parole :

Sans le faire exprès, hein ? T'as eu ton permis dans un chocogrenouille ou quoi ? Rappelle moi de ne jamais te donner rendez-vous devant Big Ben, tu risquerai de te retrouver tout en haut du Tower Bridge...

Maintenant qu'elle avait décidé de laisser couler, elle pouvait bien le taquiner à son tour. S'ils s'entendaient si bien, ce n'était certainement pas parce qu'ils prenaient des pincettes chaque fois qu'ils devaient interagir, mais bel et bien parce qu'ils échangeaient sans se prendre la tête. Le sourire qu'arborait Aurore à cet instant montrait bien que, la gêne passée, elle ne lui en tenait pas rigueur. Et pour appuyer cela, elle reprit ses baguettes chinoises en main, avec l'objectif de se remettre à manger.
Sauf qu'à cet instant, il lui tapa dans le dos. Pas bien fort, mais tout de même. Ce geste très masculin la laissa perplexe, bien qu'elle ne doutât pas un instant qu'il fut amical. Ses yeux glissèrent jusqu'au visage de Raphaël, inquisiteurs, mais il se retourna à cet instant vers l'écran, si bien qu'elle ne put rien y déceler. Elle ne savait comment considérer cette attitude envers elle qu'elle trouvait étrange. Mais, une fois de plus, elle décida de laisser couler. Il serait bien temps d'y réfléchir plus tard... Alors, comme elle avait faim, elle commença à manger pendant que son tout nouveau colocataire lui racontait brièvement les quelques fois où il s'était déjà rendu dans le restau en bas de chez eux. Très souvent avec une fille d'ailleurs... Elle nota cela machinalement, tout en suivant à la télévision la manière dont Christopher McCandeless quittait sa famille. Quand il eut fini, elle lui répondit tranquillement, le taquinant de nouveau mais sans animosité aucune :

C'est vrai, j'ai tendance à oublier que tu connais aussi bien l'Angleterre, ou devrais-je dire les anglaises...

Elle avait toujours un sourire aux lèvres, sentant confusément que malgré la manière dont elle avait commencé, la soirée allait très bien se passer. Et non, elle n'était même pas jalouse de ces filles. Il parlait au passé, c'était ce qui comptait. Et quant à l'éventualité qu'il en rencontre une nouvelle dans un futur proche... Et bien elle s'en occuperait à ce moment là, pas avant. En attendant, elle se tourna vers lui et, rattrapant ses pensées :

Au fait, il faudrait dire à Maëlan de venir faire un tour par ici, un de ces quatre pendant les vacances scolaires...

La jeune femme aimait également beaucoup l'autre jumeau, et pas seulement pour son physique non plus ! Elle l'avait connu lors de sa dernière année à Beauxbatons, alors qu'il venait d'avoir le poste de bibliothécaire.
Ses pensées vagabondaient, ne l'empêchant pas pour autant de manger ni de suivre le film, qu'elle avait déjà vu plusieurs fois mais qu'elle visionnait encore avec plaisir. Quand Raph lui proposa une bière, elle lui sourit de nouveau et hocha la tête en signe d'acquiescement.

Bien sur... Lafaélu.

La malice se lisait sur son visage alors qu'elle tentait d'imiter l'accent du traiteur asiatique. Et non, elle ne se troublait plus quand il l'appelait « Belle Aurore », se contentant de savourer en silence ces sonorités.

Collectionner les fleuves des capitales... Tss y'avait bien que Raphaël pour avoir des idées de ce genre. Aurore eut toutes les peines du monde à dissimuler le sourire qui lui vint aux lèvres en cet instant, et préféra reporter brièvement son attention sur la télévision. Mais c'était entre autre pour cela qu'elle adorait la compagnie de Raphaël : il ne se prenait pas au sérieux et avait cent fois par jour des idées qui pouvaient aussi bien être qualifiées de « de génie » ou de « à la con ».
La conversation suivit son cours, légère. Il ne se défendit pas à sa remarque sur les jolies anglaises : en même temps comment aurait-il pu ? Tout en Raphaël criait qu'il était un charmeur, un collectionneur mais attention, gentleman. Bref le genre de type que l'on pouvait sans crainte avoir comme ami ou comme amant d'un soir, mais de qui il valait mieux éviter de s'enticher... Pas comme ce qu'elle était en train de faire, quoi.
Enfin bon. Ils partageaient un excellent moment, autour de ce repas chinois et devant ce film qu'ils aimaient tous les deux. Un si bon moment qu'Aurore en oubliait ce qui se passait dehors... Les démons, le couvre-feu, les routes fermées... La vie n'était vraiment pas rose en ce moment en Angleterre. La jeune femme médita sur cela un instant, faisant tourner doucement ses baguettes entre ses doigts. Elle devait être un peu dingue quand même. Des tas de gens tentaient de fuir ce pays, et elle venait s'y installer... Mais ce n'était pas sa faute : cela faisait des années que dès qu'elle pensait à Londres, la chanson de The Clash résonnait dans sa tête. Et pas « Should I stay or should I go », hein, mais bien « London Calling ». Ce n'étaient pas quelques démons qui allaient l'empêcher d'exercer le métier qu'elle voulait où elle voulait. Au contraire même, quelque chose lui disait qu'elle trouverais d'autant mieux sa place en ces temps de crise. En tous cas qui vivrait verrait...
Aurore avait l'intention de vivre le mieux possible le plus longtemps possible. C'est pourquoi elle leva sa bière à la suite de Raph, et s' exclama en choeur avec lui, une mine plus que réjouie sur le visage :

- A la nôtre !

Les deux canettes s'entrechoquèrent dans un petit bruit métallique, puis l'ubiquiste porta la sienne à ses lèvres pour en boire une gorgée, les yeux toujours plantés dans ceux de son nouveau colocataire. C'était solennel : ils étaient installés. Ils en avaient pour au moins un an à vivre dans cet appartement tous les deux. Ce ne serait pas facile tous les jours (surtout si Raph continuait à entrer de cette manière dans la salle de bain -____-*) mais elle avait comme l'intuition que cela allait se révéler génial. En tous cas elle allait faire tout son possible pour.

La soirée continua tranquillement, et quand ils eurent fini de manger et que la conversation s'essouffla c'est tout naturellement que leurs regards se tournèrent vers le petit écran. Aaah Emile Hirsh. Aurore l'aimait beaucoup dans ce film, mais elle appréciait encore plus le voyage initiatique, et les références à Thoreau. Enfin elle avait beau adorer, il restait tout de même qu'elle l'avait déjà vu deux fois, et qu'elle était fatiguée par le voyage et surtout l'emménagement... Alors ce qui devait arriver arriva : peu à peu, elle sombra dans le sommeil. Les bras de Morphée étaient si doux...
Au début elle dormit tête baissée, menton contre le torse. Puis, naturellement, son corps se mit à rechercher une position plus confortable... Elle se décala alors de manière à poser sa tête sur l'épaule de Raphaël, puis finit par se blottir carrément contre lui.
Dans son sommeil, elle sourit. Rêvait-elle déjà, ou ne faisait-elle qu'apprécier la réalité ?