Matthias leva la tête. Un éclair venait de traverser le ciel, dessinant dans le ciel une marbrure dorée. Le petit blond eut un sourire en coin, un sourire attendri. Dieu était partout. Oh, vous auriez bien pu penser que c'était peu de dire ça, de penser ça. Que c'était enfantin, presque trop naïf, mais Matthias aimait à croire que Dieu se manifestait en tout, et si ce n'était pas du fanatisme, c'était tout simplement une certaine sensibilité. Matthias était sensible. Tout le monde le savait. Et pour parer à toutes douleurs inutiles, il se braquait quand on l'approcher. Une technique de défense rapide et agressive. Il s'en foutait bien que l'on le prenne pour un petit prêtre, frustré et coincé, ingénu aussi. Lui, il n'aimait pas l'adolescence d'aujourd'hui, et il se contentait de cette virginité réelle. Cette virginité qu'il appréciait le plus en lui. Un autre éclair déchira le ciel, et cette fois-ci, Matthias sursauta. Les éclairs étaient de plus en plus proche. Matthias haussa un sourcil.

Il était juste venu en ville pour voir les appartements. Pour les vacances, il avait décidé de ne pas repartir au Vatican. Il voulait prendre un nouveau départ. Il voulait s'éloigner du Cardinal Sirius. Oh, bien sûr, il ne le lui aurait pas dit ainsi. C'était signer son arrêt de mort. Mais il avait besoin de respirer, un peu. De reprendre son souffle dans un environnement qui l'étouffait depuis déjà dix sept années. Bien sûr, ce n'était pas une question de déchéance et de fornication. Il voulait tout au plus dormir dans un lit, seul, dans un appartement, seul. Seul. Le mot était bien choisis. Parfois, la solitude était bonne. Oh, il y aurait toujours Keith pour venir chez lui, et Matthias n'aurait jamais fermé la porte. Keith serait toujours le bienvenu. Il serait même prié de venir. Mais les autres... oui, les autres. Le regard de Nicolas, son sourire. Il en avait tellement peur aujourd'hui. Peur qu'un jour cette main ne se pose sur lui et ne touche sa peau d'une façon que les voix saintes condamnaient. Encore aujourd'hui, il tremblait de rêver la nuit de quelques âmes malsaines qui l'approchaient en silence, avec pour seul but de masser ce corps encire vierge. Il aurait préféré mourir que d'imaginer un seul instant une main sur lui, autre que celle de Keith. Celle de Keith ne serait jamais une main douteuse, qui touche plus qu'il ne le faut, alors il pouvait la poser sur lui. Il pouvait caresser sa peau. À cette idée, Matthias eut un sourire en coin. Il se montrait si... niais, parfois. Il roula des yeux, et un autre éclair déchira le ciel, plus proche encore. À croire que l'orage le suivait.

Dans sa soutane noire étriquée, serrant son corps longiligne, le petit vaticanais leva la tête et regarda le ciel. Deux éclairs et deux tonnerres qui emplirent le silence divin d'une colère toute aussi divine. Ou pas. Quelqu'un approchait au loin, et elle semblait si lumineuse. Un ange? Ses cheveux blancs, habillée d'une robe, la silhouette était belle d'ici. Belle, mais il y avait quelque chose qui clochait. Un ange avait des ailes. Non? Matthias sentit un souffle dans son dos, et quand il fit volte face, Mika'il se tenait là, habillé dans son armure couleur d'argent, marqué d'une tête de lion. Le visage fier et haut, il avait le visage des jours de colère. Ses boucles blondes encadraient un visage fin et beau, ressemblant à quelques traits près à celui de Matthias. Mika'il posa son regard bleu-vert sur Matthias, une main sur la garde de son épée.

« Ce n'est pas humain, Matthias. C'est démoniaque. »

De l'autre côté de la rue, elle s'arrêta dans un rire strident. Le ciel sembla implosait sous l'impulsion des nombreux éclairs, qui marbrèrent le ciel d'une trentaine de branches dorés, donnant une impression d'armagedon. Mika'il passa devant Matthias et déplia ses six longues ailes, exhibant là la fierté qu'ont les Archanges, les plus purs d'entre eux. Mika'il dégaina lentement son épée. Elle était belle, longue, claire. D'une lame de nacre, ou plus claire encore.

« Sunshine, démon de foudre. Cela fait... longtemps. »

La blonde avait cessé d'avancer et avait étendu sa main. Un éclair la frappa de plein fouet, laissant dans sa main une longue épée jaunie, quoi que la lame fut ternie de quelques tâches de sang. Le regard ambre de la démone se posa sur l'ange aux yeux verts d'eau. Derrière lui, Matthias regardait, curieux et apeuré à la fois, l'étrange chose qui faisait tombé les éclairs sur le sol.

« Tu n'as pas changé, Mika'il. »
« Je prends ça comme un compliment. » L'ange eut un sourire moqueur.
« Tu es seul, contre moi? N'as-tu donc rien appris des Batailles, mon pauvre Archange? »
« Au contraire, j'ai beaucoup appris Sunshine, et j'ai également trouvé ma voie. Celle de la Sainte Lance du Destin. »

L'épée de Mika'il se changea en une longue lance. Un éclair explosa le béton, proche de Mika'il et Matthias, mais l'ange ne cilla pas. Les éclairs, la terre, la nature en elle même n'aurait jamais de prise sur lui. Matthias, oui, mais il avait la bénédiction divine. Ce soir n'était pas son heure.

Dans l'obscurité de la nuit, une opale blanchâtre passait, sans se soucier des alentours. Cette étrange forme, comme il fallait qu'elle s'appelle puisqu'elle n'avait pas encore de nom, se déplaçait langoureusement. Androgyne aurait été le mot parfait, si son visage n'était pas si faim et sa chute de reins si longue. Une étrange femme, mais belle. Quelque part. Des cheveux blancs de neige et des yeux ambrés, aux reflets de souffre, elle dégageait quelque chose... d'électrisant. Quelque chose qui prenait au corps et à l'âme, et qui vous rendait tendu au point que vos os et vos muscles ne se bandent à vous en faire mal. Un seul regard. Elle était là, au milieu de la rue, et avançait d'une démarche lente. Elle était bien, là. Avec un sourire en coin. Un sourire qui laisse présager les pires débordements. Un sourire de diable.

Enrobé dans ce que l'on aurait pu appelé une robe si elle n'était pas déchirée à de nombreux endroits, la blancheur immaculé du vêtement ne choquait en rien, tellement la peau de l'étrange créature était translucide. Comme si elle n'était pas tangible. Comme si elle n'était qu'un fantôme, ici, planter au milieu de la rue et qu'elle regardait, un peu absente, les alentours. Sans doute qu'elle n'était déjà plus des autres. Elle n'était plus rien ici. Elle était une ombre à présent, et pour l'avoir mis dans cette position de disgrâce, pour lui avoir mener la vie dure, elle les ferait tous payer. Tous autant qu'ils étaient. Il ne resterait rien sur le passage de la foudre. Elle le jurait.

« Raiden, Raiju... mes amours. »

Au même moment, une ribambelle d'éclairs traversèrent le ciel dans un fracas divin et en regardant le ciel noir marbré de dorures électriques, elle eut un sourire heureux, et dément à la fois. Elle se sentait prête. Enfin. Maintenant qu'elle avait l'appuie du monde, de l'éclair avec elle, rien ne pourrait l'arrêter. Elle pointa du bout du doigt un immeuble et un éclair traversa l'air, à une vitesse effrayante, et alors que l'immeuble implosait sous la décharge, le son vint après. C'était ça qui était le plus beau. On avait beau voir l'éclair, il ne frappait qu'après. C'était comme... si une plume d'ange glissait vers vous, et qu'en levant la tête, seulement, vous pouviez voir l'ange. L'ange était le son. L'ange était toujours second. Elle eut un sourire moqueur à cette idée et leva la tête, un instant. Un éclair surgit de nul part. Non par sa volonté, mais celle de son supérieur – sans doute. Quelque chose du chose. Elle arqua un sourcil. La créature se remit en route, lentement, avec un sourire aux lèvres. Ainsi, c'était donc cela qu'il cherchait... ?

« Cherche Rokubi, cherche démon de foudre. Cherche, mon amour. »

Le ciel se déchira d'une nouvelle secousse, plus terrible encore, et une belette dorée apparue sur le sol. Elle regarda la créature, pencha la tête, et dans un éclair, avança dans la rue. Elle fit un bond sur le sol, et éclata en une myriade de petits éclairs jaunâtres. Le sol brûlé, le béton explosait, indiquait une flèche. Il fallait donc faire demi-tour. Le démon fit volte face et reprit sa marche, aussi silencieuse qu'explosive. Il y avait quelque chose en l'éclair, car le dicton est bien faux. On ne connaît rien de l'orage en l'éclair. On connaît l'orage quand on a sentit la brûlure sur sa peau. Son seul baiser embrasserait le monde entier. Mais là n'était pas le but, ni la question. L'ange tout d'abord.

Au loin, une toute petite silhouette, sans aile, sans auréole, sans épée divine. Le démon a un sourire. Il vient de trouver, juste devant lui, l'ancre de l'ange. C'est ainsi que l'on appelle les humains auxquels sont liés les anges. Si on tue une ancre, l'ange est aussitôt renvoyé au ciel et doit attendre une autre ancre. Il survient vingt ancres tous les vingt cinq ans. Pour plus de dix milles anges. Quelle chance de tomber sur un archange ou une puissance? Très peu. Les archanges ne font pas le sale boulot des trônes. Ils sont trop... snob. Sans doute. Sauf quand il s'agit d'une personne plutôt importante. Et les personnes importantes, on les supprime. D'où le dicton : ne jamais avoir l'air trop important. Elle ralentit doucement, quand elle voit trois paires d'ailes se dépliaient devant l'ancre. Ainsi donc, elle a eut assez de chance pour se trouver face à un … Archange? Oh, et pas le moins bon. Archange Mika'il. Celui qui renvoi la Bête Dragon au coeur de l'enfer, empêchant son souffle de napalm de détruire le monde. Une grande destinée. Une trop grande destinée.

Finalement, elle a un rire strident. On dirait vaguement le grésillement d'un éclair, ou quelque chose du même genre. Quelque chose qui détruirait bien des tympans, si elle le désirait. L'épée de l'Archange ne lui fait pas peur. Elle a autre chose en tête. Elle sait qu'elle va gagner contre lui. Car maintenant, elle est plus puissante, et qu'elle se sent assez forte pour faire exploser le monde entier, grâce aux éclairs.

« Sunshine, démon de foudre. Cela fait... longtemps. »

Un éclair frappe le sol, et sa très célèbre épée apparaît dans les mains. Sunshine est parée de la Foudroyante Nacrée, sa seule épée. L'unique, dont on dit qu'elle est faite du plus pur des éclairs.

« Tu n'as pas changé, Mika'il. »
« Je prends ça comme un compliment. »
« Tu es seul, contre moi? N'as-tu donc rien appris des Batailles, mon pauvre Archange? »
« Au contraire, j'ai beaucoup appris Sunshine, et j'ai également trouvé ma voie. Celle de la Sainte Lance du Destin. »

Son oeil se pose sur la Lance qui se dessine dans la main de Mika'il. Son oeil brille, d'un éclair de souffre. Elle a un rire, et les éclairs explosent de tous côtés, frappant violemment les immeubles dont les vitres explosent. La petite chose blonde se couche sur le sol. Pauvre petite créature. Puis Sunshine se calme, et avec un sourire moqueur, relève le menton, d'une façon hautaine et arrogante. Elle le toise sans peur. Elle n'a jamais eut peur.

« Tu m'offres un peu de lumière, Mika'il, quand tout autour de moi, je fais l'éclairci. » Et à nouveau, les éclairs fracassèrent le ciel, d'une lumière dorée. « Où est ton Dieu, Mika'il? Que je lui montre qu'à deux, quatre ou six ailes, vous ne pouvez rien contre moi. »

Mika'il grimaça, et elle le pointa de la Foudroyante Nacrée. Le regard de Sunshine ne tremblait pas. Elle ne s'était jamais sentie aussi forte, aussi prête. Elle eut un sourire moqueur.

« Je vais te faire connaître la Chaleur Infernale, Mika'il, jusqu'à que tu me demandes de t'épargner. »

Un éclair se dégagea de l'épée, et se dirigea vers Mika'il, brûlant tout sur son passage, tout autour de lui.

Mika'il se montrait là arrogant, les ailes fièrement dressés, mais ce n'était pas de l'hybris, pas ce mauvais péché. C'était le rite. C'était sa façon de provoquer l'adversaire, aussi démoniaque soit-il. Aussi terrible soit-il. Aussi, la bise se leva, comme l'orage claquait dans l'air de nombreux coups de fouet, successifs. L'Apocalypse était belle. L'Apocalypse laissait à Matthias un goût d'amertume. Il enfonça sa main dans sa poche. Contre un démon, on ne lutte pas. Ou rarement. Il en ressortit très lentement une bible abîmée, tellement lue, tellement feuilletée. Tant aimée aussi.

« Tu m'offres un peu de lumière, Mika'il, quand tout autour de moi, je fais l'éclairci. Où est ton Dieu, Mika'il? Que je lui montre qu'à deux, quatre ou six ailes, vous ne pouvez rien contre moi. »
« Dieu est dans mon coeur, Sunshine. Et sache que ta confiance te perdra. Tel David contre Goliath, tu tomberas d'un seul coup de ma fronde. »

Mika'il n'avait pas peur de Sunshine. Il ne tremblerait pas. Il avait la force, il le savait. Il pouvait contrer le monde entier, et il pouvait détruire le tout. Il était l'Archange Saint Michel, le Pourfendeur, le Justicier. Il avait le coeur assez pur pour contrer le plus grand des malheurs. L'épée la Foudroyante n'aurait aucun effet sur lui. Mais pas sur Matthias. L'oeil vert pâle de Mika'il brilla derrière ses mèches blondes.

« Je vais te faire connaître la Chaleur Infernale, Mika'il, jusqu'à que tu me demandes de t'épargner. »
« Sunshine.. tu n'as décidement rien compris. »

L'éclair parcouru le ciel à la vitesse de la lumière – car c'était bel et bien le cas – mais au moment même où il aurait du frappé l'ange, il éclata en une myriade de petits éclairs qui parcouru le sol en une étoile. Sunshine arqua un sourcil. L'ange releva sa lance, qui laissa dans l'air l'odeur de quelques belles-de-nuit. Il dressa ses ailes dans l'air, et sa lance pointa lentement Sunshine, le démon de foudre. L'oeil de l'ange brillait, un instant la lance sembla ternir, puis elle devint plus lumineuse encore. Elle brillait comme milles feux, encore qu'eux auraient été bien pâle face à elle. Matthias se couvrit les yeux, ne se risquant pas à devenir aveugle de si tôt. Il serrait d'une main son rosaire et sa bible, et de l'autre sa baguette, tandis que Mika'il marchait lentement, lance encore en main.

« Montre ton vrai visage, toi qui sue le vice. Sépare ton âme en deux. Montre ce qui fut, et ce qui est. Car Dieu en a ainsi décidé, et que de par la lumière, je scinde ton existence. Maintenant. »

Un éclair blanc frappa de plein fouet Sunshine. La blonde créature cessa de respirer, fixa l'ange aux six ailes de cygne et de colombe, et poussa un cri. Un cri qui fit exploser une à une les vitres aux alentours, de sorte que bientôt toute la ruelle fut recouverte de verre, aussi tranchant que des poignards. Elle hurlait alors que du corps humain se décollait une chose plus horrible, une chose qui était sous la peau. Une sensation étrange. L'ange la regarda, sans ciller, avec une mine de dégoût sur le visage. Mika'il détestait les démons, mais il en avait également pitié. La seule chose qu'il se permettait, c'était de les renvoyer en Enfer ; jamais de les tuer.

Il y eut un long cri, comme celui d'une agonie douloureuse, puis plus rien.
Matthias releva doucement la tête, un peu apeuré.

« Je vais te faire connaître la Chaleur Infernale, Mika'il, jusqu'à que tu me demandes de t'épargner. »
« Sunshine.. tu n'as décidement rien compris. »

Elle fronça les sourcils. Comment ça, elle n'avait rien compris? Elle pesta, comme un chat furieux, et agita son épée. L'éclair partit à une vitesse affolante, si rapide que l'oeil de l'humain, l'oeil du jeune Matthias, ne captura pas même le moment où il avait filé. Il ferma les yeux, de peur de le recevoir, mais Sunshine savait que ce pauvre éclair n'y ferait rien, et déjà il s'étalait en quelques éclairs blancs sur le sol, brûlant le béton d'où se dégageait une épaisse fumée noire. Elle grogna et la lance brilla dans l'obscurité, l'éclairant. Les yeux du démon ne se fermèrent pas, et pourtant, à la lueur de la lance, il ressortait de cette femme aux cheveux blancs une noirceur d'âme. Un halo noireâtre s'était installé là, tout autour d'elle, mais elle ne cillait pas. Elle savait déjà qu'elle était sa vraie nature.

« Montre ton vrai visage, toi qui sue le vice. Sépare ton âme en deux. Montre ce qui fut, et ce qui est. Car Dieu en a ainsi décidé, et que de par la lumière, je scinde ton existence. Maintenant. »

L'éclair blanc la frappa à la poitrine, de plein fouet. Dans un claquement sec de chair déchirée. Elle le sentit entrer en lui. Elle entendit sa voix à l'intérieur. Des psaumes. Elle fixa l'ange, d'un oeil couleur de souffre, et quand elle voulu rétorquer, la douleur déchira l'intérieur de son corps, si violemment qu'elle poussa un cri déchirant. Une agonie n'aurait pas été si brutale à l'oreille. Matthias se boucha les oreilles et tomba à genoux sur le sol alors que le ciel s'illuminait d'une centaine d'éclair fracassant. L'Enfer n'aurait pas été si beau que ça.

Un Concert d'Enfer.

Un corps mort retomba sur le sol. Au dessus de lui, une étrange forme étendait ses ailes. Une forme immense. De la taille d'un immeuble. Un véritable dragon jaunâtre, sans forme. Pas vraiment concret non plus. Il était affreux. Puis bientôt, les éclairs qui le parcouraient cessèrent, et il ne resta de lui que des os couleur de souffre. L'animal étendit ses ailes au dessus de deux maisons. Elles était si longues qu'elle couvrirent le ciel, de sorte que Matthias ne pouvait voir que grâce à la lumière de la lance. En voyant une telle créature, il frissonna d'horreur. L'animal était si … comment pouvait-il? Être aussi horrible? L'enfant blond serrait davantage son rosaire quand l'animal cornu pencha doucement la tête, dévoilant une mâchoire puissante.

« Tu as perdu, Mika'il. Maintenant, ils viendront, et ton ancre va disparaître. Et toi avec elle. »

L'étrange animal retroussa ses babines en un rire, et le ciel fracassa à nouveau le sol de ses éclairs. Le dragon d'os reprit la belle couleur de souffre, et les éclairs parcouraient son corps entier. Il aurait été impossible de l'approcher. Mais il y avait quelque chose de plus. Il y avait ces yeux d'onyx noir. Si différents … si sombres.

« Montre ton vrai visage, toi qui sue le vice. Sépare ton âme en deux. Montre ce qui fut, et ce qui est. Car Dieu en a ainsi décidé, et que de par la lumière, je scinde ton existence. Maintenant. »

Les nombreux éclairs explosèrent le ciel de lumières et de feu. Comme si l'on jouait une symphonie en l'honneur d'une future mort. Mika'il fixa le démon se scinder alors que Matthias était tombé à genoux et serrait le rosaire de toutes ses forces, priant rapidement entre ses lèvres, en latin. Il avait peur, il tremblait, mais il continuait. Il n'abandonnerait jamais. Alors que n'importe qui aurait pris la fuite, Matthias, lui, restait immobile et prier son dieu. Dieu les avait peut être abandonner. N'importe qui aurait pu le penser, le croire en voyant l'immense dragon déployait ses ailes, mais le fait était qu'il résistait encore, toujours, dans la lance comme dans les coeurs. C'était un sentiment si puissant que même l'obscurité n'aurait pas pu

« Tu as perdu, Mika'il. Maintenant, ils viendront, et ton ancre va disparaître. Et toi avec elle. »
« Matthias, récite le Psaume vingt-trois de David, ferme les yeux et tient toi derrière moi. Je m'occupe d'elle. »

Le petit blond, derrière lui, n'eut pas besoin d'ouvrir un livre pour se rappeler des paroles du psaume du Roi David, père de Solomon, le roi à la harpe. Son histoire était triste, mais n'y avait il pas que David pour chanter de si beaux psaumes, qui touchent Dieu au coeur et le font pleurer quelques eaux sur cette terre sale? Matthias serra le rosaire à s'en faire mal, et les yeux fermés, il commença la récitation. Au fur et à mesure des mots, une étrange bulle blanche l'entoura entièrement, une bulle de lumière. Le dragon siffla, visiblement vexé. Mika'il regarda Matthias, puis le dragon, et finalement battit puissamment des ailes, s'élevant dans les airs. L'ange, dont les ailes n'avaient jamais autant servit, regardait d'un air hautain le démon dragon qui s'était alors redressait, une haute crête entourant sa gorge puissante.

« Le Seigneur est mon berger, rien ne peut me manquer. Près de lui, je me repose sur des prés verdoyants, au bord d'un ruisseau qui murmure. Là, il renouvelle mon coeur, il me ramène sur le chemin de la justice. Le Seigneur est mon berger, rien ne peut me manquer. Près de lui, je n'ai plus peur de rien, ni les moments de détresse, ni les ravins ténébreux. Sa houlette est signe de libération et de salut. Le Seigneur est mon berger, rien ne peut me manquer. Près de lui, il me guide vers sa maison. Il dresse la table, abondance de grâce et de bonheur, profusion de vie et de tendresse, plénitude de joie et d'amour. Le Seigneur est mon berger, rien ne peut me manquer. Je veux rester près de lui, demeurer en sa maison. Je n'ai pas d'autre bonheur que lui, il est ma vie. Je veux rester près de lui, dès maintenant et pour toujours. Il est parole de vie éternelle. Le Seigneur est mon berger, rien ne peut me manquer. Près de lui, je me repose sur des prés verdoyants, au bord d'un ruisseau qui murmure... »

La voix claire de Matthias chantait doucement alors que le dragon ouvrait sa gueule, des éclairs déchirant l'atmosphère, entourant dans une cage électrique l'ange qui ne cillait toujours pas. Il n'éprouvait aucune peur, et s'il ressentait bien la peur de Matthias face à l'ennemi – qui aurait pu rapidement être un danger pour eux deux, il ne s'en inquiétait pas. Pas encore tout du moins. Quand le dragon approchât sa gueule de l'ange, Mika'il tourna si bien sa lance qu'elle se planta dans le large museau et l'éclair se retourna contre le dragon. La décharge ne fit rien, mais la brûlure divine fut douloureuse. Il recula de deux pas et secoua sa lourde gueule, apeuré.

« Tu ne peux rien contre moi, Sunshine. Je vais te précipiter où ton âme se doit d'être. En Enfer. »
« Jamais, Mika'il... jamais je n'y retournerais. »

Le dragon siffla, furieux comme un cobra, et sa grande gueule s'ouvrit, puis se referma violemment, dans un claquement sec. Quand Mika'il prit sa lance et pointa le coeur du dragon, un cri résonna. Un cri d'homme. Un cri d'enfant. Les ailes de l'ange se dressèrent sur sa tête alors qu'il se retournait. Ses yeux brillèrent. C'était Matthias qui hurlait.

Il avait entendu le cri du démon. De sa soeur. D'une de ses soeurs. L'oeil d'Isaiah, dans l'obscurité, avait brillé d'un bleu pâle et étrange à la fois. Il n'était pas loin. Pas assez pour ne pas voir les éclats de lumière qui parcouraient les nuages noires de Klavdia. La démone louve avait décidé de plonger tout le pays dans le noir le plus complet. Et c'était aussi bien. L'enfant aux cauchemars haussa un sourcil, et avança sur le pavé, d'un calme plat. Il était si calme... c'en était un peu trop étrange. L'enfant aux cauchemars avança dans la ruelle, dans son pyjama. Il avait un ours dans la main droite. Qui aurait pu croire que cet enfant était un démon? Personne. Il était si beau, dans son petit pyjama bleu et blanc. Si beau, et si effrayant. Ses yeux creusés, ses yeux cernés, ils fixaient un point qui n'existait pas, et lui marchait comme un petit zombie dans les ruelles, sans dire un mot. Il sentait l'odeur de la peur, et ça, ça attisait toujours quelque chose en lui, de très profond. Quelque chose qu'il aimait plus que tout. Comment appelait-on cette chose? Il l'ignorait. Ce qu'il savait, c'était que ça avait toujours eut un effet bœuf sur lui. Comme une dose d'adrénaline. Une chose vraiment étrange. Une chose vraiment enivrante.

« Ne t'inquiètes pas Sunshine. Les ténèbres coexistent avec la lumière. Mais les ténèbres apparaissent plus vite plus que la lumière dans le coeur des hommes. Il suffit de savoir comment les prendre. »

Il parlait pour lui. Il avait toujours parler seul, alors maintenant, il avait l'habitude. Il parlait beaucoup, tout seul. Car les autres ne l'entendaient pas, ou ne le comprenaient pas. Il en avait marre d'avoir à répéter les mêmes choses, alors avec le temps il s'était crée sa propre réalité, et ainsi, il pouvait parler seul. C'était aussi bien que de parler avec les autres qui ne savent rien. L'enfant aux cauchemars avança encore, et il s'arrêta là où il était. Devant lui, une grande bulle blanche s'étendait autour d'un humain qui sentait la peur. La peur rendait fort le démon de la peur. Isaiah ne souri cependant pas. Il n'avait aucune envie, et aucune raison de sourire. Plus loin, il y avait un ange. Six longues ailes. Il en avait entendu parler quand, dans le ventre de la terre, les démons parlaient des anges et de leurs armes divines. Parfois une lance, parfois une épée. Parfois pire, comme les arcs aux flèches d'Appollon. Lui n'en avait jamais croisé jusqu'à maintenant. C'était le premier. Et d'ici, Isaiah le trouva beau.

Et ce qui était beau, il devait le détruire. C'était ce qu'avait commandé le Poète en le renvoyant ici. L'enfant aux cauchemars regardant le dragon jaunâtre qu'était Sunshine sous sa vraie apparence. Une âme n'est jamais démoniaque. Il faut pour cela y insuffler quelque chose de démoniaque. On est jamais vraiment démoniaque. Isaiah le savait. Il reposa son regard sur l'enfant aux cheveux blonds, et trouva un air de ressemblance avec l'ange. Il eut un sourire calme, en coin, et quand Matthias releva la tête, il captura son regard. Un seul instant lui avait suffit à savoir, à tout savoir de lui, de sa vie, de ses peurs et de ses angoisses. D'entre toutes, l'enfant aux cauchemars prit la plus angoissante, la plus terrible, et il la rendit vivante.

Car tel était le pouvoir de l'enfant aux cauchemars, que de rendre tangibles les pires peurs de ce monde.

Un cri d'enfant résonna alors.

Il n'avait pas bougé, ni cillé. Il s'était juste replié sur lui même, et si la bulle le protégeait, il avait toujours cette peur incontrôlable qu'il n'arrive quelque chose à son ange, à ses belles ailes. Il fallait le comprendre. Lui qui était fasciné par les corps masculins sculptés de Michel-Ange avait pris pour conviction qu'il était faillible, et s'il se tenait loin de toutes tentations, c'est qu'il savait que tôt ou tard, il faillirait à sa mission. À ses vœux. Et ça, il ne le désirait pas. Pour rien au monde. Il ferma les yeux, et serra un peu plus son rosaire, sa bible contre son coeur. Il devait ne pas y penser. Il ferma les yeux, laissant l'ange au dragon, ou l'inverse – le dragon à l'ange. En retour, il chantonnait dans un murmure le psaume, sans cesse. En boucle. C'était là sa seule force. La force de la croyance. De la foi. La plus pure, la plus détachée. Ce n'était pourtant qu'un alibi. Il essayait de s'en persuader. Il était quelqu'un de bien. Il devait l'être. S'il ne l'était pas, alors il ne serait jamais digne de Mika'il, et s'il n'en était pas digne … alors il devrait mourir vite et bien. Ici.

Un bruit dans son dos le fit sursauter. Il releva la tête et une petite silhouette d'enfant était là. Si fine, si petite dans l'obscurité. Matthias cessa sa prière – et dieu sait que Mika'il lui avait dit que le diable prenait tous les visages du monde – et secoua sa main.

« Va t'en, c'est dangereux petit... »

Quelque chose se détacha de l'ombre. Ke..? Keith. Oui. Aussi beau. Matthias se tu et arqua un sourcil. Que faisait Keith ici? Que faisait il, torse nu, sans Elémiah malgré la présence du démon, et surtout, pourquoi avait-il cette appréhension que ce n'était pas le Keith qu'il connaissait? L'enfant, derrière lui, eut un sourire. Le Keith entra dans la bulle qui disparaissait, peu à peu, comme Matthias avait cessé d'incanter. Quand Keith entra dans la lumière, Matthias hurla. Pas de douleur. Pas de souffrance. Juste de peur. Deux longues cornes ornaient ses tempes magnifiques, et ses cheveux noirs étaient plus long qu'à l'habitude. Il était différent. Avec un sourire moqueur et malsain à la fois. Mika'il se retourna, et le Démon Dragon en profita. D'un coup de patte, l'ange fut violemment projeté sur le côté et atterrit dans la pierre d'un bâtiment alors que Matthias, tremblant, ramper. Une longue queue de démon – comme les livres les montraient si bien – de peau brune était apparu, et lui tint la cheville. Il s'immobilisa et hurla un peu plus, en pleurs. Il tenait son rosaire, malgré qu'il ait lâché sa bible, et il récita entre ses lèvres quelques incantations, au hasard, confuses. Il ne pouvait rien dans un état de panique aussi élevé. Mika'il le savait. Matthias se retrouvait devant sa plus grande peur au monde. Il se retrouvait devant un diable à visage de Keith. Il se retrouvait devant tout ce qu'il craignait. Il aurait pu mourir d'une crise cardiaque. Il aurait pu mourir de tout et n'importe quoi.

L'ange se décolla de la façade du mur, ses grandes ailes s'étalèrent dans le ciel. Il tenait toujours sa lance, et avançait doucement dans les airs, flottant dans les airs. Matthias hurlait toujours, comme le Cornu posait sa main dans ses cheveux, l'y plongeant, tirant en arrière la tignasse blonde. À son contact, Matthias couina de peur et se débattit, de toutes ses forces. Le rosaire frappa le visage du Cornu qui gronda et lui décocha une droite, qui assomma Matthias, le laissant mollement retomber sur le sol, sa tête dodelinant comme le Corny le déshabillait, d'une main avide.

« Matthias! Concentre toi! Dans ta bulle, il ne peut rien! Fais a- »

Appel? La main du dragon enferma d'une poigne de ailes de l'ange qui hurla de douleur. Un démon touchant les ailes d'un ange l'envoi en enfer. Pas rapidement, non. Mais la douleur est terrible. Mika'il hurla, et Matthias, entendant son cri, se crispa. La conscience encore ailleurs, il gémit en sentant sa face frappait le bitume, encore endormi. On lui enleva quelque chose, sans qu'il ne sache quoi, mais le froid du bitume mordit sa chaire. On hurlait, quelque part dans sa tête. Il était si... fatigué. Exténué...

« Matthias! Ne t'endors pas! Ne dors pas! »

Mika'il s'agitait, mais les ailes prises, il n'y pouvait rien. Le dragon jaunie ria, des éclairs crépitant sur ses longues canines d'os. Mika'il grogna. Derrière lui, le Keith cornu attrapait avec violence les reins du jeune garçon et violait ce qui devait être le plus beau des trésors. La douleur supide dans son intimité le réveilla, aussitôt, et il cria de douleur, écartant par la même occasion les cuisses, son dos se cambrant. Il hurla encore plus fort, et bientôt les larmes noyèrent ses joues comme il appelait dieu à la rescousse. Il l'avait abandonné. Déjà... Matthias pleurait à chaudes larmes, et Mika'il regardait la scène, perché bien haut dans le ciel.

« Je crois qu'il apprécie, Mika'il... regarde cette expression. »

Au même moment, le Cornu enfonça ses doigts dans la bouche de l'enfant, le ramenant tout contre lui, continuant son avancé, alors que l'enfant pleurait encore, feulant de plus en plus fort à l'aide, mais rien ne venait. Oh, si seulement encore il appelait dieu, mais là il suppliait en silence Keith de cesser, perdant dans les yeux pâles de son ami aux cornes noires toute sa foi, toute sa crédulité. Était-ce donc ça, la luxure? La main sur son vît, la passion dévorant ses reins. Oh, il saignait bien de cette première fois un peu trop violente, mais il pleurait plus de succomber au plaisir que lui intimait lascivement la main. Il retomba à genoux sur le sol, et le Cornu continuait son petit manège, rassurant les mots les plus vicieux qu'il puisse trouver à l'oreille du souillé.

« Keith... K-Keith, arrêtes... p-pitié... pitié arrêtes... »

Les mains sur le visage, il gémissait de douleur et de plaisir, tremblant sous les mains rêches. Ce n'était pas son Keith, mais les illusions de Isaiah avait de quoi les rendre presque vrai. Mika'il fixa le démon qui riait, et dodelinait de la tête, appréciant le spectacle cruel.

« Tu te complais dans peu de chose, Sunshine. Mais j'ai fini de rire. »
« Sssch... tu parles trop, Mika'il, mais tu as déjà perdu. »
« Dieu ne perds jamais. »

Le dragon ouvrit la gueule, pour finir l'ange, mais comme il ouvrait sa grande mâchoire, l'ange envoya sa lance qui s'allongea d'un coup sec, scintillait davantage. Entre les foudres du démon, elle se logea dans la cage thoracique. Le démon s'arrêta, regarda son thorax, et eut un rire puissant.

« Tu croyais m'avoir avec si peu, Archange de malheur? »

Mika'il ne répondit pas, et comme la foudre frappait encore le Dragon pour en faire à nouveau une cage d'éclair, la lance, elle, fit en sorte que les éclairs jaunes entrent jusque dans le démon. Mika'il eut un sourire.

Isaiah observait d'un oeil critique l'enfant et son illusion. Un homme cornu. Le vice et la peur assemblés. Une bien drôle de correspondance. Mais l'enfant aux cauchemars n'avait rien dit. Beaucoup de personne avait de drôle de peur. De mort, d'araignée, d'eau... parfois d'argent. Lui n'avait plus peur de rien. Il avait juste ce qui lui restait, c'est à dire ses illusions. Une illusion fausse. Matthias était là, seul. Il n'y avait rien. Il pleurait seul. Personne ne pouvait voir, comprendre ce qu'il ressentait. Car Matthias n'était déjà plus de ce monde, profondément plonger dans le monde des fantasmes et des vices. Un monde qu'affectionnait davantage Darwin. Isaiah préférait le monde des cauchemars. Mais il n'avait pas le temps d'attendre que Matthias s'endorme. Alors il allait faire ainsi. Il regardait alors Keith malmenait le corps qui pleurait, qui en redemandait pourtant. Pas avec des mots, mais le visage parlait de lui même. Isaiah le savait bien, et le Démon de Foudre également. Sunshine, encore en squelette, avait attrapé l'ange par les ailes.

On dit bien souvent que les anges se battent avec les démons, mais on dit que trop rarement que lorsqu'un ange touche le coeur d'un démon, le démon meurt, et que lorsqu'un démon touche les ailes d'un ange, cet ange meurt. Mika'il n'était pas mort dans la patte du démon, car ce dernier n'était pas qu'un ange. Il était plus que ça. C'était l'Archange Mika'il. Il faudrait les lui arracher, mais avant ça, le Démon de Foudre désirait lui montrer la douleur, la souffrance, le vice. Il voulait qu'il se sente mourir avant de l'achever. Arracher les ailes d'un ange, ce n'était pas le damner, ni même le jeter en Enfer. C'était le rendre humain. Faillible. C'était lui faire perdre toute raison d'exister. C'était la pire des choses qui pouvait arriver à Mika'il, et Sunshine pensait bien le lui donner.

« Je crois qu'il apprécie, Mika'il... regarde cette expression. »

Sunshine retroussa ses babines, dévoilant ses larges dents. Matthias avait cette expression de luxure si... fausse. C'était comme s'il prenait du plaisir et en pleurait, non car il le sentait coupable ce plaisir, mais car il le sentait faux. Toute cette mise en scène, il savait que ce n'était qu'une bêtise. Une mascarade. Mais une mascarade douloureuse. En entendant la voix de l'enfant, Sunshine souriait comme Mika'il était gravement blessé. Son coeur venait de se briser. Était-il un si mauvais ange que... ça? Il se tourna vers Sunshine, et le Démn de Foudre eut un sourire baveux et moqueur.

« Tu te complais dans peu de chose, Sunshine. Mais j'ai fini de rire. »
« Sssch... tu parles trop, Mika'il, mais tu as déjà perdu. »
« Dieu ne perds jamais. »

Sunshine eut un rire grave d'éclair, et ouvrit la gueule, oubliant totalement la lance qui lui transperça le thorax. Le dragon arqua un sourcil (même s'il n'en a pas), et siffla, se moquant de l'archange, voyant que la lance s'était tout au plus logé dans un de ses os.

« Tu croyais m'avoir avec si peu, Archange de malheur? »

Les éclairs fracassèrent le ciel, et tombèrent aussitôt sur l'ange. Si par habitude, les os formaient une cage d'éclair, ne blessant en rien l'intérieur du dragon, cette fois-ci, les éclairs s'immiscèrent dans le corps et alors que Mika'il souriait en coin, le dragon de foudre relâcha les ailes, projetant l'ange contre une parois, alors qu'il s'agitait. Les éclairs fracassaient son intérieur, et ses os devenaient de plus en plus poussières. Sunshine se tordait de douleur, balançant sa queue en tournant sur elle même, de douleur. Elle avait si mal... si... elle tomba en arrière, ses longues ailes écrasèrent deux baraques sur le côté.

Isaiah, lui, avait regardé la scène avec un regard détaché. Il ne s'inquiétait jamais. Il avait le caractère calme. Cependant, ça l'ennuyait. Si Sunshine s'endormait et mourrait... alors il en serait tenu responsable. Il avança et, alors que Mika'il se trouvait à nouveau en face de lui, l'ange n'avait plus de lance, et si Sunshine agonisait, l'archange ne pouvait pas retirer la lance. Pas maintenant. Pas avant que le squelette ne soit entièrement réduit en poussière et en fin éclairs. Isaiah regarda l'ange.

« Tu n'es pas de taille, Archange de Lumière. »
« Toi non plus, Enfant aux cauchemars. Je te connais Isaiah. Tu n'es rien seul. »

Isaiah eut une grimace, et Mika'il fit un pas de plus, l'air sérieux.

« Relâche le. Il n'a rien fait. Attaque moi. Prends un adversaire à ta taille. » Isaiah arqua un sourcil.
« Je croyais que je n'étais pas à la hauteur? »
« Ne joues pas avec moi. »

Au même moment, un immense chien noir débarqua au milieu de la ruelle, arborant trois grosses têtes de bergers noires, claquant des dents séparément. À première vue, ce n'était qu'un chien à trois têtes, mais en vue de sa gueule, ça ne pouvait pas n'être qu'un « chien ». L'animal se stabilisa, et se découpa en trois chiens plus petits. Ils étaient si grands... Isaiah fronça les sourcils, et l'Archange également. De quel côté était ce nouveau démon de ténèbres?

Une tête brune en tête, accompagnée de cinq autres personnes. La Conférie avait débarqué sur Londres, sous l'ordre de Noé de Nod. Il avait été clair. Les démons étaient ici. Et le beau diction « on vainc le mal par le mal » avait pris, avec eux, tout son sens. La Confrérie était une association de gens si étranges... de gens si spéciaux... Il y avait ici et là certains d'entre eux. Ils étaient les exclus de cette société, et pourtant, ils étaient partout. Comme une vilaine gangrène. Les anticorps n'avaient pas lieu d'êtres. La bactérie était bénigne. Voir utile. Une sorte de moisissure. Entre eux, ils ne se jugeaient pas. Les autres disaient bien des méchancetés sur eux, qu'ils étaient des illuminés, des fous furieux, des assassins. Mais en moins d'un an, ils avaient autant aidé que le Ministère ne le faisait en un siècle. Et Noé disait souvent que ça n'était pas aussi difficile que ça, alors il ne s'en vantait jamais. Ils avaient peu d'égo, peu d'amour propre. Dérisoire aurait été le mot. Aucun d'entre eux n'attachait d'importance aux faits d'arme. Seul le résultat comptait. Et ce soir, ils étaient de sortie.

Six ombres dans l'obscurité. En tête, Cerberus la brune, aux yeux de jais. Un drôle de prénom pour une femme que l'on surnommé « dogface ». Peut être à cause d'un collier épais entourant sa gorge, la serrant au sang, sans qu'elle ne cille. Cerberus Shakespear n'avait aucune peur. Démoniste, elle avait de quoi faire trembler les plus forts de ce monde, aider par quelques puissances de poussières et de sang. Elle avait tout, et même la beauté – quoi que l'on disait que derrière ce masque se cachait une âme bien laide. C'était sans doute faux. Cerberus n'avait jamais tué que par nécessité. On disait ça. En temps de guerre. Elle haussait les épaules. Ça n'était pas son problème. Cerberus était l'héritière d'une longue lignée de « bouclier », mais ce soir, elle était seule. Personne à protéger. C'était elle la meneuse de la meute.

Derrière elle, Messiah. La femme aux cent personnalités. Pour chaque criminel qu'elle tuait, un innocent mourrait de sa même main, puisque sa malédiction voulait que toutes les personnes qu'elle tuait s'incarner en elle. À partir de ce moment, comment tuer sans avoir à supporter les cris dans son crâne, les cris des cent tueurs déjà tuer? Pour compenser la haine qui habitait son corps, elle avait fait le choix de tuer des innocents. C'était sans doute cruel. Très cruel. Mais c'était un choix qu'il fallait faire.

À la droite de Messiah, Justice la chasseuse. Une femme petite, plate. Elle aurait pu passer pour un homme, si son visage n'était pas aussi fin. Oh, elle avait bien leur démarche, se balançant un peu, portant au bout de son bras la lourde arbalète aux flèches d'argent et de néant. Comment pouvait-on avoir des flèches de néant? Oh... ça, il fallait demander au Shinigami, Lucypher, qui était à gauche de Messiah. La jeune femme avait les cheveux blancs, longs, détachés au vent. Ils voletaient, comme des fils de neige. Ils étaient beaux. Les yeux de Lucypher était d'ambre rougie, et elle avait un sourire de diable. Lucypher était de ses êtres intemporels, qui existent depuis le début du monde. Son sang était noir, plus vraiment rouge, plus vraiment du sang non plus d'ailleurs. À son épaule, un corbeau noir jurait avec le restant de son corps. Elle était haute. Justice était si petite comparée à elle... tout ça ressemblait à une cortège funèbre.

Entre Cerberus et le groupe des trois femmes, il y avait deux hommes. Deux alchimistes. Gantés, grands, le regard fier, fixe, droit. Des statures identiques. Des visages froids, détachés. La ressemblance avec quelques automates n'aurait pas été fortuite. Ils y ressemblaient. L'un avait des cheveux bouclés, noirs et légers. Un regard vert, un sourire fin sur les lèvres, un peu moqueur. Ses gants étaient marqués par une écriture fine et pourpre. On distinguait un pentacle sur lequel était écrit un « HELLSING ». Son homologue, lui, était aussi grand, mais les cheveux coupés courts, le regard noisette, un sourire baveux, un peu, et surtout des gants noirs, marqués d'un pentacle blanc. On distinguait, à l'intérieur, un « ASHER ». Les deux ne se ressemblaient pas, et leur aura s'opposait en tout point. Se ressemblant avec plus de force encore.

Comme ils marchaient le long de la ruelle, d'un pas rapide, Cerberus releva la tête et siffla comme on siffle un chien. Une faille noire déchira l'atmosphère et trois chiens néantiques s'en extirpèrent, la gueule dégoulinant d'un épais liquide noire, qui sentait le souffre. La substance tomba sur le sol et s'évapora aussitôt. Une bave de démon. Les trois chiens relevèrent aussitôt la tête, en même temps que Justice. Quelque chose s'élevait dans les airs. Une imense forme jaunâtre. Un dragon de foudre. Les trois chiens sifflèrent. Cerberus attrapa, dans la masse informe du démon, une touffe de néant et y grimpa, comme on grimpe sur un cheval. Lucypher eut un sourire et son corbeau étendit ses ailes, tellement qu'elle put grimper sur le dos de l'animal. Justice secoua la tête, roulant des yeux, et remit en place son arbalète dans son dos, s'étirant, et d'un bond, retomba lourdement sur le sol, sous la forme d'un sombral. Messiah soupira, et se dit qu'elle transplanerait. Quitte à passer pour une moins que rien. Les deux alchimistes se regardèrent, et avec un sourire s'abaissèrent, touchant le sol. Deux étalons de béton se levèrent, et ils grimpèrent dessus. Au touché de leurs mains, les chevaux s'animèrent. Messiah s'approcha et monta sur Justice. Les six partirent, alors que le ciel tonnait.

Cerberus fut celle en tête de groupe. Les chiens se rapprochèrent et fusionnèrent. Une immense bête apparut, courant encore, dodelinant de ses trois lourdes têtes. Elle leva la main, et la rabattit, se fondant dans la masse de néant que formait le pelage de la créature néantique. À l'intérieur du poil de néant, elle sentait l'odeur de souffre emplir ses poumons. Ses yeux s'allumèrent d'une violente lueur alors que le dragon tombait au loin. Les six redoublèrent de vitesse, Messiah s'accrochant davantage à la crinière fournie du sombral. Sous elle, Justice s'amusait à galopait aussi vite qu'elle le pouvait, sautant dès qu'elle en avait l'occasion.

Finalement, les deux étalons de béton arrivèrent les seconds, à quelques secondes des trois chiens qui se divisèrent à nouveau. Les trois chiens étaient étranges. Des gueules parcouraient tout leur corps, formant ici et là des trous béants, alors que les gueules claquaient, à l'odeur de l'ange et de l'autre démon. Trop d'odeur alléchante. Cerberus descendit du démon, posant le pieds sur le sol. Bientôt, en seulement quelques secondes, tout le monde avait repris sa position, et le corbeau croassa en voyant l'ange. Il était là, il regardait. Mika'il s'était retourné, et se sentait tout d'un coup fatigué. Sans doute qu'il n'aurait pas du attendre. Il leva la main, et la lance se détacha du corps du dragon de foudre, qui tomba entièrement sur le sol. Mort. Sunshine avait été exterminé. Il en restait maintenant … trop.

Les chiens restaient derrière leur maîtresse, mais Cerberus elle même toisait l'Archange, sans aucune crainte. Elle le fixa de ses yeux noirs, et les posa sur l'enfant qui se tordait de douleur, en pleurs sur le sol, puis sur le jeune démon qui les regardait, d'un calme plat.

« Cet enfant est pure. Alors... » Elle posa son regard sur le démon. « Tu fais tâche dans le décor. » Isaiah eut un rire grave. « Alors nous allons y remédier. Cerbères, attaquez. Justice, Messiah, Lucy'. »

Les trois dénommés disparurent dans l'obscurité, comme l'illusion de l'enfant aux cauchemars disparaissaient. Cerberus resta sur place, son oeil sévère se posa sur les trois chiens démoniaques qui jappaient, courant après l'enfant aux cauchemars. Ils ne l'auraient pas ce soir. Messiah n'avait pas de cimetière, elle n'était même pas préparé. Comment aurait-elle pu rappeler les morts, sans mort? … Cerberus regarda l'enfant, puis l'ange. Mika'il ne semblait pas vraiment rassuré. Il s'était avancé, les ailes blessés. Elles saignaient, trop rien de grave, mais quelques plumes noires étaient apparus dans le plumage immaculé, jurant alors avec la beauté de l'ange. Mika'il les regarda, puis regarda un des alchimistes qui s'avançaient. Ce dernier regarda l'enfant, s'agenouilla, et Mika'il s'avança, comme pour l'arrêter.

« Ne vous inquiétez pas. Je ne lui ferais aucun mal. »

Mika'il cessa. Il y eut un nouveau cri perçant dans la ville.

« Relâche le. Il n'a rien fait. Attaque moi. Prends un adversaire à ta taille. »
« Je croyais que je n'étais pas à la hauteur? »
« Ne joues pas avec moi. »
« Je ne joue pas. »

Isaiah avait ce sourire, alors que Matthias pleurait de plus en plus fort. Il gémit plus fort, tout d'un coup, et retomba mollement sur le sol, comme le songe disparaissait. Mika'il resta là. Il était épuisé. Mais il resterait, jusqu'au bout. Quitte à ne plus avoir d'ailes du tout. Il resterait, car Matthias était son protégé, et qu'ainsi, sur le sol, la douleur pour lui était insupportable. Plus pour lui que pour l'ange. Mika'il serra les dents, et si les chiens approchaient à une trop grande vitesse de lui (ils auraient pu lui arracher les ailes à trois, comme Jézabel dans le champ d'Yzreel), il ne cilla pas et fixa, toujours, Isaiah qui souriait en coin. Il n'avait aucune peur. Il n'avait pas à avoir peur. Sur le sol, Matthias se roulait sur le flanc et vomissait les restes de son estomac, blanc, mais encore vivant. C'était tout ce qui important. L'ange leva la main et la lance se décolla de la carcasse du Démon de Foudre mort et renvoyé. Maintenant, Isaiah n'avait plus aucune chance. Quoi que. Mika'il n'en pouvait plus. Ses ailes étaient basses, saignées. C'était un ange déplorable. Un Archange baigné dans le sang. Dans son propre sang. Il posa son regard sur les nouveaux arrivants, et plus particulièrement sur la jeune femme aux yeux noirs.

« Cet enfant est pure. Alors... Tu fais tâche dans le décor. Alors nous allons y remédier. Cerbères, attaquez. Justice, Messiah, Lucy'. »

Si, à première vue, ces personnages là étaient avec eux, Mika'il ne pouvait décidément pas baisser sa garde à un moment pareil, alors que Matthias ouvrait à nouveau les yeux, se découvrant à nouveau vêtu, et surtout le visage à moitié recouvert de vomis, avec l'odeur pas fraîche de la gerbe collée à la peau. C'était tout bonnement dégueulasse.

À cause des chiens, ou grâce aux chiens, Isaiah s'enfuit dans un nuage de fumée. C'était là la promesse d'un retour. Mika'il n'en était pas fier. Pas plus quand il voyait quelques plumes noires apparaître sur son beau plumage. Ça n'aurait jamais du se passer ainsi. Pas comme ça … pas contre deux. L'ange ferma les yeux, et les rouvrit aussitôt, voyant qu'un des inconnus de pencher au dessus de l'enfant. Dans un mouvement vif, il chercha à l'arrêter, mais déjà le regard vert pâle de l'alchimiste se posait sur lui, sans peur, sans mensonge. Son aura était étrangement blanche. Comme celle d'un ange. Ou presque.

« Ne vous inquiétez pas. Je ne lui ferais aucun mal. »

Mika'il ne répondit pas. L'alchimiste se redressa, avec Matthias dans les bras. L'enfant était presque assommé, la tête dodelinant, regardant – hagard – le monde tout autour de lui. Il souffrait le martyr. Intérieurement. Dieu ne l'avait pas abandonné. Matthias n'avait pas blasphémé. C'était lui. C'était Mika'il qui avait échoué. L'ange resta sur place, et l'alchimiste releva la tête vers son homologue à l'aura noire.

« Seamus, préapre une civière, on va devoir le transporter à Mangouste. Il a besoin de repôt. »

Les deux alchimistes s'éloignèrent, sans un mot de plus. Il ne restait plus que l'ange et la femme aux cheveux d'encre, la belle et jeune Cerberus, au regard enflammé de mille vices découverts en Enfer. Elle sentait le souffre. Il ne pouvait rien dire. Elle était humaine. Un ange n'avait aucun droit sur les humains. Elle leva sa main, allant pour le toucher, mais sa main se suspendit dans l'air. En le touchant, elle l'aurait un peu plus contaminé. Elle le regarda, et laissa retomber sa main le long de son corps.

« Tout ceci n'est pas de votre faute, Archange. Le Démon de Foudre aurait été seul, vous auriez pu vous débrouiller, mais à deux contre vous et un étudiant... » Mika'il la regardait, et recula, grondant. « Ne le prenez pas mal de la bouche d'une démoniste... Ne vous risquez pas à regretter. Vous savez ce qu'il vous en coûte. »
« Je le sais mieux que quiconque. »

Cerberus hocha la tête, en signe de respect. L'ange disparu, un peu agacé sur le moment, laissant une plume noire tombée sur le sol... Cerberus regarda la plume et soupira doucement. Déjà les chiens revenaient, mais disparaissaient eux aussi, comme elle n'avait plus besoin d'eux. Maintenant, il ne fallait plus qu'emmener l'enfant à Sainte Mangouste. Cerberus s'approcha de l'alchimiste, et avec un sourire fin.

« Abaddon, tu l'emmènes à Sainte Mangouste. Nous allons continuer les recherches... »

L'alchimiste hocha la tête. En quelques secondes seulement, le groupe de la Confrérie était repartit, comme une vague invisible, une ombre épaisse dans la nuit noire. Abaddon regarda l'enfant, qui avait fini par s'endormir de fatigue, d'avoir trop crier et pleurer, mais qui pleurait hélas encore, perdu dans les bras de son professeur de sortilège. L'enfant pleurait à chaude larme, du haut de ses dix sept ans, et il couinait un prénom bien connu. Abaddon le regarda, eut un sourire triste, et transplana.