« Alors Danaé, qui avait-il de si important pour que tu insistes pour nous amener cet homme sous notre toit ? »
« Papa… ne commences pas, s’il te plait ! »

Assise sur l’un des fauteuils des Kallergis, Danaé resserra ses doigts sur sa jupe. La nouvelle n’allait pas être des plus faciles à annoncer. L’attitude de ses parents envers Andrew l’avait toujours mise mal à l’aise face à son petit ami mais, aujourd’hui le pire était à venir. Monsieur Kallergis avait toujours été contre tous ceux qui se trouvaient en-dehors de sa Grèce natale. Quant à sa femme, en parfaite petite épouse modèle qu’elle était, elle suivait ses choix sans rien dire. Si Danaé n’avait jamais voulu l’avouer : cela l’énervait au plus haut point. Mais, son côté calme et réfléchie l’empêchait de casser brutalement le lien de famille qui la relié à ses parents. Ils l’avaient élevé, tout devait bien se passer. Ils l’accepteraient… Ils le devaient.

Cependant, elle n’y arrivait pas. Repliant les pans de sa jupe, Danaé était prise en pleine crise d’angoisse qui la figeait sur place, ce qui augmenta l’animosité de son père. Si sa fille se mettait dans de tels états, cela devait être grave. Mais, ce qui l’énerva le plus fut cette main consolatrice qui se déposa dans le dos de sa fille chérie. Andrew Bowen. Cet anglais de pacotille sortait de n’importe où et venait piétiner le cœur de sa fille chérie. Il ne pouvait pas laisser çà mais, il ne pouvait rien dire. Danaé était malheureusement majeure et travaillait. Ayant quitté la maison depuis quelques années, cela avait déchiré le cœur de son père qui pensait la garder pour toujours à ses côtés. Les réflexions du vieil homme barbu s’arrêtèrent ici lorsque l’homme de mauvais augure le fixa droit dans les yeux en prétextant qu’il prenait la relève. Quelle relève ?

« Je vais leurs dire. Détends-toi. »
« Nous dire quoi ? Est-ce grave ? Par Héra, Danaé, que t’arrive-t-il ? » Ahhh les mères…
« Ne vous inquiétez pas Madame Kallergis, tout va bien. Monsieur Kallergis… » Andrew reprit une bouffée d’air frais pour retrouver le peu de courage qu’il possédait. Si seulement il avait pu acheter cet homme si fier « J’aimerai vous demander la main de votre fille. »

Direct et franc, voilà qui était Andrew Bowen. Cependant, cela ne semblait pas être au goût de Monsieur Kallergis qui manqua de croquer la queue de sa pipe et commença à s’étouffer avec le peu de fumée qu’il avait avalé. A ses côtés, Madame Kallergis attrapa la main de son époux dans un sursaut si violent, qu’elle faillit tomber de sa chaise. Tout deux semblaient être en état de choc, comme l’aurait pensé leur fille qui commençait à se ratatiner sur elle-même. Une larme coula le long de sa joue, sachant pertinemment ce qui allait suivre. La bombe n’allait pas tarder à imploser, le décompte était déjà lancé.

« Iona, mon fusil ! Vite ! »
« Paulos ! »
« Papa ! »
« … »

Tandis que toute la famille Kallergis venait de se lever en même temps, criant chacun sur un autre, seul Andrew resta assis sur sa vulgaire chaise, ne sachant comment réagir. Quitte à se faire plomber par un moldu, autant ne pas servir de gibier mouvant. Généralement, cela excite le chasseur en plus. Néanmoins après avoir resserré son nœud papillon, il se releva calmement pour se placer devant Danaé, en signe de protection.

« J’aimerai votre réponse, Monsieur Kallergis. Ma situation est enviable pour votre fille et je serai la rendre heureuse. »
« Parce qu’elle n’est peut-être pas heureuse avec nous ? Comment allez-vous vous occuper d’elle en étant qu’un vulgaire menteur de pacotille ? Je me suis renseigné, Monsieur le Britannique, vous n’êtes pas plus un membre du ministère que je ne suis prêtre de Zeus ! »
« Vos informateurs n’ont pas pensé à aller voir dans l’autre monde alors. »
« Andrew ! »
« Quel monde ? Danaé, tu sors avec un drogué. Jamais, je ne donnerai ma fille à un dégénéré pareil. Iona, où est mon fusil ? »
« La vérité, Monsieur Kallergis. C’est que votre fille n’a jamais mis les pieds dans l’internat pour jeunes filles d’Athènes… »
Paniquée à l’idée qu’Andrew ne continue sur sa tirade, Danaé paniquait de plus en plus en jetant de rapides coups d’œil entre sa mère et son fiancé. Que devait-elle faire ? Il ne pouvait pas tout briser pour cela : même s’ils voulaient être heureux tous les deux. Cette rencontre tournait au cauchemar. Et pourtant, ne savait-elle pas au fond d’elle, qu’il était temps d’avouer la vérité à ses géniteurs ? Jetant un coup d’œil affolé à sa mère, elle la suppliait d’intervenir… mais n’eut jamais de réponse en retour car Iona Kallergis explosa en pleurs, se cachant le visage entre ses mains.


Trop tard : la vérité éclata au visage de Paulos Kallergis comme une bombe dont il n’aurait pas eu le temps de se protéger. Les mensonges s’éclairaient. Les ténèbres s’assombrissaient. Danaé n’avait jamais mis les pieds dans l’internat féminin d’Athènes. Elle n’avait jamais passé sa maitrise de droit. Pas réellement. Elle avait passé toutes ses années loin de lui, dans une école nommée « L’Hélion ». Une étrange école dont il n’arrivait pas à retenir le but de l’éducation. L’oiseau de mauvais augure lui parlait de potions, de chaudrons et d’un nombre incalculables de mythes grecs. Mais, rien ne s’enregistré. Jusqu’à ce que le mot fatal ne soit lancé : sorcière. Sorcier. Magie. Qu’était-ce donc que ses bêtises ? Et pourtant, Paulos dut s’avouer vaincu par la fatalité quand il aperçut les visages livides de sa femme et de sa fille. Le pire du comble ne tarda pas… Danaé était enceinte.




Depuis ce jour, Danaé ne revit plus sa famille. Andrew devint sa seule famille jusqu'à l'arrivée d'Esteban et d'Anastasie...

Assise tout au fond de son fauteuil afin d’être le plus droite possible, les chevilles légèrement croisés, Anastasie avait posé ses fines lunettes sur le bout de son nez et mordillait doucement le bout de son auriculaire tout en lisant tranquillement le μαθητευόμενων Kathimerina (équivalent de la Gazette du Sorcier). Ses cheveux blonds légèrement ondulés lui chatouillaient quelque peu le cou mais, elle s’en fichait. A la une du jour, l’arrestation d’un grand homme : Paul Matbewry, ambassadeur sorcier britannique au Ministère grecque. Ce dernier avait apparemment fait entrer une dangereuse plante toxique, planquée tout au fond de sa cargaison habituelle de feuilles de salpêtre qui manquait aux Grecs en raison de leur sol un peu trop sec. Cette dernière avait déjà commencé à faire des ravages sur les quais magiques de Heliostika, en pleine Péloponnèse. Quatre personnes se trouvaient à l’hôpital des sorciers d’Athènes dans une situation énigmatique. Mais, si Anastasie s’intéressait avant tout à cet article, c’était bien parce que son propre nom était associé à l’affaire. En tant que cadre supérieur, attraper une effraction de catégorie A était inespéré pour sa carrière.

De quoi vous propulser tout en haut de l’échelle. Anastasie ne comptait plus le nombre d’années dont elle espérait obtenir cette augmentation. Ce n’était pas qu’être cadre supérieur ne lui plaisait pas mais, il lui en valait toujours plus. Une éternelle insatisfaite. Une chieuse en puissance qui avait pourtant, toujours ce petit sourire charmant et doux aux coins des lèvres. De cette façon, on arrivait difficilement à lui en vouloir. Faites le test, vous verrez qu’il est véridique. Parcourant les lignes fastidieuses du chroniqueur, rien ne semblait altérer les traits délicats d’une fille semi-aristocratique, élevée dans la pure magie et la haine des moldus. Petite, Anastasie ne comprenait pas. Jusqu’au jour de la mort d’un de ses amis par un homme qu’on nommait « moldu ». Anastasie n’avait pas compris pourquoi l’homme moldu avait abattu Kyros d’un bout de métal lancé à grande vitesse. Le bruit l’avait abasourdie, tout comme la quantité de sang qui coulait de sa blessure. Elle avait dix-sept ans à l’époque. Elle s’amusait juste avec ses amis à la tombée de la nuit, comme tout adolescent moldu et sorcier. Ils avaient pris idée de passer dans un bar moldu. Plus jamais. Depuis ce jour, plus jamais Anasatasie ne fréquenta quelque chose qui se rapporta de près ou de loin au sang non-magique. Deux coups francs retentirent dans le bureau. Les pensées de la jeune femme s’arrêtèrent.

« Entrez ! »
« Madame Thadeunos, le délégué des affaires étrangères de Londres est arrivé. »
« Très bien. Faites le entrer, s’il vous plait. »

Toujours polie. Toujours souriante. Anastasie était un modèle pur de courtoisie et de joie de vivre. Même quand tout aller mal, elle gardait le sourire et le redonnez aux autres. Un atout de RH, bien qu’elle ne soit pas à ce poste. La découverte d’autres pays l’enchantait : son job était rêvé.