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 La mort à minuit joue un air de danse. (pv)

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Symphony A. Grey

Symphony A. Grey
SERPENTARD. ► sixième année.

► MESSAGES : 46
La mort à minuit joue un air de danse. (pv) #Lun 23 Jan - 0:15



Sous les pas de l’étrange Perséphone, le cimetière se tait. Silence sous la déesse aux longs cheveux bruns qui se pose là, sur le rebord d’une pierre tombale. Assise à l’endroit où repose les morts anciens, sur des os qui n’ont ni nom ni sépulture, juste un gros bloc de marbre sur lequel les ronces et les lierres ont poussé jusqu’à recouvrir la tombe, elle attend, les yeux bien ronds que lentement le ciel s’assombrisse et ne se voile de son drap opaque et noire pour rappeler à elle les esprits et les démons de tous les genres. Car ce n’est qu’à minuit pile que le chat noir crie et voit les esprits ressurgirent. Pendant ces longues minutes, cette longue heure même, l’Hébé aux yeux d’eau ne bouge pas de son trône de marbre fleuri. Elle sort d’un étui de velours pourpre un violon de la meilleure qualité, ancien, plus vieux même que le mort enterré, et elle regarde, attentive, les cordes de son archer parce que ce soir, elles doivent être parfaites. Car ce soir, c’est son heure de vengeance. La belle Perséphone sort de son étui de petites bougies qu’elle pose autour d’elle, et qu’elle allume du bout de sa baguette. Un long châle sur ses épaules la protège du froid qui doucement s’installe, aussi, emmitouflée de ses vêtements, elle n’a pas froid quand la lune se fait haute dans le ciel obscur.

Quand les vingt-trois heures furent frappés, la jeune fille eut un sourire doux, se réveillant de sa douce attente pour s’éveiller au monde froid qui s’était dessiné sur Londres. Ses joues doucement rougirent comme le vent s’élevait dans le petit cimetière de Godric’s Hollow, les ifs secoués, les branches qui frémissaient à la bise émettaient un son proche du raclement d’un os contre un autre. Une chouette hululait, un chat se faufilait entre deux tombes. Et il y avait le silence. Le silence des morts qui ne veulent rien dire à personne et garder leur secret. Si la belle Perséphone était ici, c’était bien pour les arracher au monde doux des rêves et pour les plonger à nouveau dans le bain chaud de la vie. Il fallait qu’ils vivent au son de son violon, que sur la symphonie de Saint-Saëns ils se lèvent et écoutent, s’abreuvent du son pour n’en retenir que l’extase de l’existence. Il fallait qu’il la venge elle, de ce terrible affront qu’elle n’avait pas pu oublier, malgré les fioles de son père, malgré le sourire doux de sa mère, ils étaient là, toujours. Elle les traînait en boulet à ses chevilles fragiles de princesse, de jeune Lady, et elle se doutait bien que tôt ou tard ces chaînes l’enchaîneraient jusqu’au plus profond des trous. Elle fronça doucement les sourcils au doux croassement des corbeaux qui se posèrent peu loin. L’un se percha même à quelques enjambées d’elle, curieux petit animal, pas habitué à croiser un vivant dans des endroits si sombres. Peut-être même pensait-il qu’elle était morte ? Elle eut un sourire doux, comme le sourire des reines d’autrefois, ou des statues froides de la Rome tombée. Perséphone en personne, derrière ses yeux d’azur clair, elle tira dans l’obscurité son archer, douce et tendre avec son instrument, plus qu’avec n’importe quel homme.

« Tu connais le carnaval des animaux, corbeau ? J’en doute fort, sinon tu saurais bien que dans cette pièce tu n’y as pas ta place. D’ailleurs, ta place n’ait nulle part ici. Va-t’en. Allez… »

Malgré ça, le corbeau la fixe et croasse, comme impatient qu’elle essaye son beau violon de feu. Acheté plus tôt dans le mois, répondant au nom de « la Pucelle », construit et admiré jadis par Stradivarius lui-même, il pouvait être ce violon dont on parle tant qu’on est violoniste, ce violon maudit dont on dit qu’il ressuscite les morts et sous la lune les fait danser, dans la danse, dans la Sainte Danse Macabre, de Camille Saint-Saëns. C’était ce qu’elle pensait également, derrière ses longues mèches sombres et ses yeux de vipère. Elle imaginait déjà le doux son du violon résonner dans tout le cimetière, et les mains osseuses des macchabées ouvrirent les unes après les autres les demeures vieillies et pourries, libérant du tombeau creux l’odeur de pourri et de mort qui y est resté piégé toutes ses années de sommeil. Elle imagine, mais ce n’est qu’au son de la sixième cloche qu’elle ferme les yeux, posant le violon sur son épaule et que très lentement, quand le douzième coup sonne, qu’elle commence la première note. Concentrée, orgueilleuse et minutieuse, elle joue. Ses longs doigts contrôlent et ajustent, le son résonne, beau, et l’archer frotte et sautille sur les cordes de l’instrument. La Pucelle chante dans tout Godric’s Hollow, et le corbeau croasse, claquant du bec.

Elle ouvre un œil et s’arrête aussitôt, sans voix. Ses yeux de vipère se posent sur lui, qui est juste en face de lui. Elle n’a pas ouvert la bouche, pas dit mot, mais son cœur bat pour remplacer tous les maux dont elle souffre ce soir. Elle aimerait appeler son Dieu, mais à la vérité elle n’en a pas un seul, si ce n’est la musique, et c’est entre ses doigts que la musique est.
Elle le détaille du regard, mais dans la pénombre des bougies allumées il ne fait que plus peur.

« Qu… Qui es-tu ? »

Elle le regarde, et dans ses yeux brillent un mélange de surprise, d’effroi devant un visage si étrange et captivant à la fois, mais surtout d’admiration. S’il est bien ce qu’elle croit, alors… alors elle avait raison, et sa vengeance était là, sur le bout de ses doigts et devant ses yeux, planté bien droit, derrière les traits d’un homme ?










Lukas K. Ustaz

Lukas K. Ustaz
PROFESSEUR de dcfm

► MESSAGES : 294
La mort à minuit joue un air de danse. (pv) #Lun 23 Jan - 21:44


Lukas avait écumé les cimetières de Grande-Bretagne. Il ne pouvait se résoudre à laisser les tombes de sa défunte famille et de ses amis sur les lieux de leur mort. Le sorcier s’était donc mis en quête de leur trouver un cimetière approprié et de les faire quitter le château MacFarlane au plus vite. Ce fut au cours de cette chasse au cimetière idéal que Lukas se rendit compte qu’en réalité chacun de ces lieux étaient différents. Il réalisa que contrairement aux croyances populaires une ambiance de cimetière n’existait pas sous une forme générique. Certains étaient glaciaux à un tel point qu’il était difficile d’y respirer, de d’autres au contraire émanait une sorte de chaleur putride, bien que tout aussi suffocante. Les cimetières de l’est semblaient plus entretenus que ceux de l’ouest. Ceux du nord étaient parfois incrusté à même la pierre et ne souffraient l’existence d’aucune végétation. Tandis qu’au sud, Lukas eut parfois du mal à en trouver certains que la nature avait fait siens. Cette quête l’avait par ailleurs épuisé. Après plusieurs jours et plusieurs nuits à tenter de trouver le cimetière qui détenait la meilleure âme – sans jeu de mot aucun, Lukas avait transplané à Godric’s Hollow. La fatigue et les transplanages à répétition atteignirent leur point critique ce soir là. Alors qu’il apparut droit sur une tombe, il glissa sur la dalle mouillée et, dans sa chute, se cogna la tête contre un pot de chrysanthème.

Lukas se réveilla bien trois quarts d’heure plus tard, sonné, la nuque raide, avec un mal de tête atroce et des chrysanthèmes plein la bouche qu’il s’affaira aussitôt à enlever.
- La grande classe, murmura-t-il pour lui-même tout en retrouvant ses esprits et sa mémoire.
Les membres perclus et le reste du corps meurtri, le sorcier, à défaut de pouvoir se remettre d’aplomb de prime abord, roula sur le côté et tomba piteusement de la sépulture sur le fatras de feuilles mortes et de végétaux en décomposition qui jonchait le sol.
- Vaincre la mort une première fois et manquer de claquer par la suite en se vautrant sur une tombe, tu parles d’une ironie à deux noises, grommela-t-il en enlevant les feuilles mortes collées à son visage.
Soudain, de la musique l’interrompit dans ses ineptes propos.

Le sorcier chercha immédiatement sa baguette dans les pans de sa robe noire. Se relevant cahin-caha, s’époussetant à coup de rapides revers de main donnés à la va-comme-je-te-pousse, Lukas finit par tourner sur lui-même dans la nuit noire à la recherche de la source de cet air musical qui avait envahi le cimetière de Godric’s Hollow. Voilà encore un autre type de cimetière qu’il n’avait jamais vu se dit le sorcier, de ceux où on passe de la musique aux morts ? Si c’était le cas il avait toute ses chances d’accueillir sa famille et ses amis.

Lukas évoluait dans le cimetière comme un coup de vent, sa longue robe de sorcier noire semblait caresser le sol, les stèles et les tombes comme une vapeur sombre. Guidé par la musique et dans un tourbillon de tissu obscur et éthéré, Lukas apparut en face d’une jeune fille aux yeux fermés qui tenait dans une main un violon et dans l’autre un archet. La musique s’arrêta au moment où elle ouvrit les yeux. Il l’avait surprise ; d’autant plus qu’il n’avait pas rabattu le capuchon de sa cape, offrant ainsi de plein fouet aux yeux clairs de la jeune fille son physique si particulier.

- Une question existentielle, vous ne trouvez pas ? répondit Lukas avec un léger sourire. Son sourire, à Lukas, ne se manifestait pas particulièrement dans la zone labiale de son visage ; il prenait ses quartiers plus haut, dès lors ses pommettes se rehaussaient et transformaient ses yeux en deux fentes horizontale pleines de malice.

Son regard azur sombre était d’ailleurs peut être l’élément de son physique qui prêtait le plus à la stupéfaction. Car si la mort lui avait arraché son visage d’ange, elle lui avait laissé son beau regard mystérieux comme pour enfoncer le couteau dans la plaie, accentuer le contraste, susciter le malaise d’autant plus.

- J’ai néanmoins sans doute plus de raison de me trouver ici que vous, jeune demoiselle, dit-il en recouvrant son sérieux cette fois. A traîner dans les cimetières vous finirez par rencontrer la Mort, et que lui direz vous alors ? Et comme si c’était lié, il ajouta de manière anodine. J’ai entendu de la musique alors je suis venu. Vous jouez merveilleusement bien.

Le quiproquo se trouva dès lors alimenté.









Symphony A. Grey

Symphony A. Grey
SERPENTARD. ► sixième année.

► MESSAGES : 46
La mort à minuit joue un air de danse. (pv) #Mer 1 Fév - 16:33


L’archet entre ses doigts glissait doucement. Sa main gauche tremblait, bêtement, comme ça. Juste parce qu’une sorte de fantôme ou de mort venait de faire son apparition ? Ça avait été pourtant son souhait le plus grand. Croiser un mort au beau milieu de la nuit, ne répondant qu’à son violon et sa voix. D’ailleurs, malgré ce visage marqué, l’homme est plutôt beau. Elle devinait à l’éclat de ses yeux une intelligence certaine, un esprit vif. Elle qui pensait que de l’au-delà ne revenait que des écervelés – les vers s’étant chargés de retirer de la boîte crânienne le moindre potentiel d’intelligence, elle douta un instant qu’il eut pu prononcer un mot, ou même ne serais-ce que lui répondre. Un infime instant, dans ses yeux, la peur s’installa également, imaginant qu’il ne l’attaque et ne la morde à la gorge comme on racontait des histoires de nécromants s’étant fait attaqué par leurs propres subordonnés, mais la peur finit par disparaître comme il entrouvrit sa bouche. Elle resta là, silencieuse, toute petite comparée à cette chose qui était apparu de nulle part. Un démon, peut-être.

« …Je demande pas une réponse aussi profonde que ça. »

Un petit sourire s’étira doucement sur les lèvres rose thé de la petite créature, qui, bien malgré elle, resserra doucement ses doigts sur l’archet du violon. Elle resta silencieuse, tassée sur elle-même à observer plus longuement l’étrange créature qui lui était donné de voir et de croiser ce soir-là. Elle n’arrivait toujours pas à le mettre dans une case. Une ghoule était dépourvue d’intelligence. Un mort-vivant était plus rapide certes, mais jamais aucun n’avait parlé. Etait-il une sorte de Vampyre ? Non, impossible, son visage portait les marques de la mort, mais rien n’en lui ne le semblait, et ses yeux donnaient la preuve même qu’il vivait, peut-être même davantage qu’elle.
Elle baissa les yeux, plus du tout assurée. Etait-il possible d’être autre chose ? Un démon. Il ne pouvait y avoir que ça. Un démon pouvait vivre, mais un démon avait les yeux rouge du sang et du feu de l’enfer, n’est-ce pas ? Y avait-il des démons aux yeux couleur de fleuve ? Le Styx avait-il finalement cette couleur étrange ? Elle semblait troublée, mais à sa place, n’importe qui l’aurait eut été.

Elle l’écouta, comme l’enfant qu’elle était, ses yeux turquoise – mélange fameux entre le bleu et le vert, donnant à ses iris des relents de profondeur océane – fixés sur l’étrange homme qui se tenait en face d’elle. S’il était un démon, il ne pouvait pas avoir de baguette. Peut-être qu’il l’envouterait ? Elle se pinça les lèvres, indécise. Elle n’avait pas peur. De toute sa vie la benjamine de Lester Grey n’avait pas eu les mêmes peurs que ses amies. Elle avait eu des peurs d’adulte, des peurs d’anciennes héroïnes. Le déshonneur en faisait partit.

Elle pencha sur le côté son visage de chat, les yeux perçants, figés sur le visage du mort :

« Je n’ai pas peur de la Mort, monsieur. Tôt ou tard il me faudra bien l’embrasser, coincée entre le couffin et le suaire. A mourir jeune, on fait au moins un beau cadavre… »

Comme sa famille était d’un autre âge, on ne pouvait pas se choquer à voir que l’enfante épousait la vision gothique, presque macabre, de la Mort. Elle reposa doucement son violon sur ses genoux, l’archet toujours coincé entre ses doigts. Elle ne le lâchait pas du regard, de peur qu’il ne s’évanouisse dans l’obscurité comme de la fumée.

« Ma question serait davantage… Êtes-vous ma Mort, relevée juste pour moi ? »

Un petit sourire en coin naquit sur son visage, comme une adolescente qui vient de trouver son prince charmant. Un prince charmant dont le cheval ne serait que Cerbère, et dont un baiser l’aurait envoyé dans la tombe. Il lui fallait un chevalier servant, une arme, capable de la protéger. Elle pensait l'avoir trouver dans ce fantôme sordide.










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