Il y eut une immense explosion. Finalement jouer les prolongations n'avaient pas été la meilleure idée que Cem et Angeline avaient eu ce soir là. Après être passé chez Parson pour conclure leur affaire comme convenu, les deux compères avaient enchaîner sur le contrat suivant. Un truc qui avait eu l'air tout à fait banal mais qui s'étaient avéré une tâche plus qu'ardue lorsque l'Ordre du Phoenix c'était mêlé de l'histoire. L'Ordre ou du moins le supposaient-ils. Déduction logique puisque certains membres de cette organisation pseudo secrète ridicule étaient connus pour apprécier les explosifs. Des armes moldues traficotées magiquement, du moins une fois sur deux.

Angeline s'étouffa à moitié se dégageant d'un nuage de poussière particulièrement dense. Elle tendit la main pour attraper sa baguette, aussi rapide qu'un vivet. Tout aussi noble aussi même à ce moment-là où ses pupilles étaient rétrécies au maximum. Peur ou colère, il aurait été facile de tirer des conclusions hâtives. Elle tourna la tête sur le côté tentant de dissiper le nuage opaque qui l'empêcher de voir ce qui se passait autour d'elle. Ce n'était pas une bombe ordinaire. Les retombées stagnaient, insensibles aux sortilèges d'Angeline. Merde. Elle pesta intérieurement. Pas question d'appeler Cem et de se faire localiser. Pas question non plus de partir sans lui. Connerie. Ce choix là n'avait absolument rien de rationnel mais elle se convaincrait elle même que c'était uniquement pour éviter qu'un bon élément tombe entre de mauvaises mains et n'en dise un peu trop sous la torture.

Elle releva le nez, identifiant vaguement une odeur familière. Son héritage familial lui servait toujours dans ce genre de situations. Une ombre passa au dessus de sa tête. Ils avaient manqué l'autre connard. Angeline fonça vers la vague silhouette qu'elle avait identifiée comme celle de Cem et saisissant sa main au vol elle fonça tout droit vers une fenêtre. Les deux étranges oiseaux de nuit atterrirent sur le toit juste au dessous de la fenêtre (vraiment pas de quoi se faire mal) suivis par une rafale d'explosions tout droit dirigées sur eux. Un éclat siffla sous l'oreille d'Angeline, lui entamant vilainement la gorge mais elle ne s'arrêta pas de courir pour autant, la main de Cem toujours dans la sienne.

Naturellement l'idée lui vint de transplaner mais elle déchanta vite. La main de Cemd ans la sienne continua de l'entraîner vers l'avant tandis qu'elle ravalait un peu de sang: filet antitransplanage. Quelle merde. Ce connard allait se faire leur peau.

Normalement le psychopathe aux explosifs c’était lui. Alors que le souffle de l’explosion le projetait contre un mur qui ne tarda pas à s’effondrer sur lui, Cem avait juste réussit à se dire que, si cela avait été lui, il aurait produit une bombe digne de ce nom. Une dont on ne ressortait pas vivant. Amateur. Il était toujours en vie. Certes sous quelques centimètres de débris, mais bel et bien en vie. Et il allait exploser le mec qui tenter de le tuer, sauf que lui ne raterais pas.
C’était étonnant avec quel calme Cem prenait la situation. Il s’extirpa de sa prison frêle de béton en miettes, et se redressa, droit comme un i, fier comme le coq qu’il était. Amateur. Il avait quoi ? Tout au plus une commotion cérébral mineure et quelques côtés fêlées. Il en fallait bien plus pour mettre à mal Cem Astier. Le jeune homme poussa un juron cependant lorsqu’il se rendit compte qu’il ne tenait plus sa baguette dans les mains. Mais, un peu sous le choc mais ça il ne l’avouerait jamais, il resta là, à regarder par terre. Il avait la vue brouillait, et par les molécules de calcaire britanniques dispersés par l’explosion, et par le sang qui coulait depuis son arcade gauche jusqu’à son œil tout aussi gauche. C’était pas comme ça qu’il allait trouver sa baguette, mais déjà une silhouette familière se reprochait de lui à toute vitesse pour lui prendre la main et l’entrainer à sa suite.

Ses idées reprirent le bon chemin de son cerveau lorsqu’une nouvelle rafale d’explosion leur fila le train. Il vit alors Angeline devant lui se faire atteindre à la gorge et il pressa l’allure passant devant elle pour l’entrainer plus vite, sans lâcher sa main, surtout pas. Il sentit une douleur aigue à son bras, mais sous le coup de l’adrénaline ne la releva presque pas. Il se retourna pour voir si leur attaquant était à découvert. Mais c’était peine perdue. Et il n’avait pas sa putain de baguette. Et merde. Ils ne pouvaient pas transplaner, bien entendu. En résumé, ils étaient dans la merde. Et pourtant Cem ne doutait pas une seconde que bientôt cet amateur serait mort, et il allait se faire un plaisir d’exposer son cadavre éclaté de l’intérieur au sommet de Big Ben. Il continuait de courir, sans plan, aucun, si ce n’est de sauver leur peau.

« FILE MOI TA BAGUETTE ! »

« FILE MOI TA BAGUETTE ! »

Il n'avait même pas fini de prononcer sa phrase que la baguette de Miss Corvin était dans sa main. Il ne fallait pas qu'elle perde trop de sang. Sa main comprimant fortement sa légère entaille à la gorge de peur que cette anticipation sur ce que son acolyte venait de dire n'en soit pas vraiment une, la blonde scrutait tout autour d'eux.

« Cem attends! », elle fronça les sourcils, déterminée...« Deux contre un... nous deux contre un pauvre minable et on n'aurait pas le dessus. Köcsög! Il n'est pas seul. »

Elle semblait furieuse. Elle n'aimait pas qu'on se paye sa tête, encore moins avoir à fuir. Elle ne prêtait d'ailleurs JAMAIS sa baguette mais elle n'avait pas vraiment le temps de réfléchir à ça pour le moment. Ses prunelles de demi-vampire saisirent un mouvement dans l'obscurité sur les toits. Deux silhouettes. Mais elle savait déjà qu'ils étaient plus que ça.
Sans plus attendre, elle entraîna Cem droit devant. Tout droit, il y avait la Tamise, les moldus, tout un tas de raisons qui feraient que ces connards ne pourraient plus avoir recours à leurs explosifs.

Droit devant donc. Les explosions traçaient un tapis de feu derrière eux. Enfin le sol se déroba sous leurs pieds. La fraîcheur et l'humidité se colla sur leur visage et il y eut un grand splash. Les deux malfrats venaient de se faire un bain de minuit dans le fleuve et nager tout habillé n'avait rien de simple. Angeline se débattit puis enfin, elle retrouva la surface, regardant tout autour d'elle pour apercevoir Cem. Au dessus d'eux elle entendit la voix d'un homme qui en héler d'autres. Ils allaient faire une battue, les traquer comme des bêtes. Angeline nagea vers une immense bouche qui rejetait des eaux pas trop usées mais déjà trop pour une femme comme Angeline Corvin. Elle s'extirpa de l'eau, jetant un coup d'oeil par dessus son épaule pour voir s'il était toujours là.

Elle était transie de froid et peinait à ne pas grelotter mais son regard assassin aurait dissuadé n'importe qui de faire le moindre geste envers elle. Elle avançait, mauvaise, aux côtés de Cem, dans un silence de circonstance. Pas question de rester dans le circuit des eaux d'évacuation. S'ils devaient passer la nuit à se terrer au moins que ce soit dans un endroit propre à défaut d'être sec et confortable.

Il eut à peine le temps de finir sa phrase que déjà il tenait la baguette d’Angeline dans sa main libre. Tout en continuant de courir, Cem se retourna et ni une ni deux il lança un sort de bouclier, ce qui leur évita de se prendre la troisième vague de bombes qui leur collaient au train. Il se retourna de nouveau rapidement, pour voir enfin leur stupide agresseur qui se sentait maintenant assez en confiance pour penser qu’ils n’allaient pas répliquer. Terrible erreur. Il fallait un terrain et des blessures bien plus difficiles pour que Cem soit incapable de le désarmer. L’ancien gryffondor était plus qu’un as au duel, et tout spécialement aux sortilèges qui étaient de loin son point fort. Et le point fort d’un génie de la trempe de Dante Maestriani (même si il ne le supportait pas d’être comparé à ce bouffon) était terrible de puissance et d’efficacité. La baguette de l’amateur volait déjà derrière lui alors qu’Angeline lui ouvrit les yeux sur un point non négligeable de leur triste situation.

« Cem attends! Deux contre un... nous deux contre un pauvre minable et on n'aurait pas le dessus. Köcsög! Il n'est pas seul. »

Cem retint un juron, et sa fureur se fit ressentir d’une autre manière, bien plus explicite en soi, lorsque le seul ennemi qu’il avait dans son champ de vision prenait feu. Elle avait raison. Il ne pouvait pas être seul, ce n’était pas possible. Et la nouvelle série de bombe était bien révélatrice, car l’homme torche était déjà tombé du haut de sa tour d’argent. Il y en avait d’autre. Il ne savait pas combien, mais clairement, ils étaient dans une merde noire. Putain de merde
Il n’avait pas eu le temps de réagir, trop occupé à s’occuper de l’inconscient qui n’avait pas été capable de se mettre correctement à couvert, et sous le coup de l’onde de choc, il fut projeté à terre, lâchant la main d’Angie. Bordel. Il se releva aussitôt, et la suivit pour sauter droit dans la Tamise aux eaux dégoutantes et protectrices. Cette fois il ne se fit pourtant pas avoir et alors qu’il sautait il prit grand soin à créer un bouclier suffisamment grand pour les protéger tous les deux.

Il monta à la suite d’Angeline dans une bouche pas trop crade. Le regard mauvais, Cem faisait de son possible pour ne pas penser et au froid et à ses blessures qui commençaient peu à peu à réclamer leur part de souffrance dans l’esprit du jeune homme. Il prit la liberté de se concentrer sur ceux qui les avaient réduit à cette situation, et à réfléchir à la manière avec laquelle il allait se venger en leur infligeant le plus de douleur possible. Ceci était un très bon antidouleur pour lui-même. Râler avait toujours été un moyen facile d’oublier le pire. Surtout qu’ils étaient bloqués dans cet endroit à l’odeur nauséabonde, et qu’ils n’étaient pas en très bonne forme. Le jeune homme ne disait rien et se contentait de marcher, avec la baguette d’Angeline toujours dans la main.
Ils finirent par trouver un endroit au sec, glacial certes, mais ce serait la même chose partout, et au moins ça ne semblait pas trop sale et l’odeur était presque supportable. Alors que Cem se posait par terre, passablement lessivé même s’il n’en dirait rien, il déposa la baguette d’Angeline à côté de lui, toujours source de lumière dans cette caverne new age, et la regarda enfin. Il la vit presser sur sa blessure à la gorge et bien qu’il ne s’occupe normalement que de lui-même il s'approcha d'elle et lui dit.

« Fais voir. »

Angeline quitta un bref instant sa bulle de contrariété, alerté par le bruit de sa baguette qui touchait le sol de béton humide. Ses prunelles claires s'attardèrent un instant sur l'objet qui n'avait jusque là était tenu que par deux mains: la sienne et celle de Gregorovitch. Elle aurait pu se retourner contre un moins bon sorcier que Cem.

« Fais voir. »

Notre poupée russe esquissa un froncement de sourcils qui n'avait rien de sévère. Elle resta un bref instant à scruter le visage de son acolyte comme pour y déceler une part d'on ne savait trop quoi qui aurait pu être suspecte puis enfin sa main quitta sa gorge, couverte de sang. Sur sa peau de porcelaine on voyait nettement l'incision mais on pouvait aussi bien se rendre compte que quelque chose travaillait à vue d'oeil. Les tissus lacérés se reformaient par le truchement d'une magie invisible mais spectaculaire. Ce petit miracle échelle miniature c'était bien sûr son héritage génétique pour le moins hors norme. Sans doute la seule chose dont Angeline ne se vantait jamais pourtant. Un vampire aurait guéri bien plus vite que cela mais pour elle c'était bon signe que ça prenne plus de temps.

« C'est rien j'ai pas perdu assez de sang pour que... »

Elle soupira. Pour que... ce n'était pas un sujet qu'elle aimait aborder. Quelque part ce qui l'énervait le plus c'était l'impossibilité de savoir vraiment ce qu'il allait se passer si elle perdait trop de sang. Elle pouvait tout aussi bien mourir ou se transformer en morte vivante de premier choix mais macchabée malgré tout. La perspective ne la réjouissait en rien. Et d'autant moins que les vampires avaient toujours été ses serviteurs et non ses égaux. Néanmoins parfois, il lui arrivait d'envier leur immortalité. Dans ces cas là encore une fois, l'impossibilité de savoir lui mettait les nerfs à vif. Mais passons.

Elle changea de regard, ramenant ses genoux contre elle pour se tenir chaud. Cem avait l'air esquinté lui aussi mais elle savait qu'il ne dirait rien. Il se serait déjà lancé dans une diatribe sans fin s'il avait eu à râler. A vue d'oeil elle ne voyait encore rien de préoccupant, seulement l'exaspération qu'ils partageaient.

« Quand on sortira d'ici je le leur ferais payer au centuple. »

C'était une promesse qu'elle tiendrait à n'en pas douter, pour preuve le sourire mauvais qui entaillait son visage de poupée russe que le froid et le manque de lumière rendait étrangement blanc et lisse. Plus encore qu'à l'ordinaire.

« C'est rien j'ai pas perdu assez de sang pour que... »

Elle n’avait pas besoin de finir sa phrase, Cem voyait bien de quoi elle voulait parler. Etonnamment, Cem avait patienté sans demander son reste le temps qu’Angie étudie sa demande de voir sa blessure. Le scientifique fou pouvait être beaucoup de chose, mais rarement celui qu’il paraissait être à cet instant même. Calme et patient, presque doux, ca c’était bien du nouveau. C’était surement grâce à la présence d’Angeline qu’il ne pétait pas un câble. Assurément sans elle, il serait encore en train d’envoyer des sortilèges à tout va, parce que la folie l’aurait envahie comme elle le fait si souvent, et elle lui aurait fait prendre les mauvaises décisions, comme il l’a toujours fait.
Lorsqu’elle se laissa faire, il prit presque doucement sa tête entre ses mains pour l’incliner légèrement. Il approcha la baguette, qui les éclairait toujours, vers sa plaie pour voir le travail frénétique qu’effectuaient les cellules de la jeune femme. Sans nul doute, il n’avait rien à faire. Cependant il préférait lancer un sortilège pour nettoyer la plaie. Ca ne ferait pas bien de mal, si ce n’était de légers picotis. Rien qu’Angeline ne pourrait endurer.
Une fois cela fait, Cem s’assit à côté de la jeune femme, rompant le doux contact de sa peau de porcelaine sur sa main de savant fou. Il remonta ses genoux et posa ses bras dessus comme sur une table. La tête appuyée contre le mur, Cem regardait droit devant lui.

« Quand on sortira d'ici je le leur ferais payer au centuple. »
« Sans oublier le connard qui nous a vendu. »

Parce qu’il n’en doutait pas. Ils n’avaient pas pu faire d’erreur, Angeline et lui, jamais l’ordre aurait pu deviner ce qu’ils allaient faire, ils n’étaient pas de ces abrutis qui font les choses à moitié. Quelqu’un avait forcément du les trahir. Si seulement le vieux Winchester faisait un minimum attention à tous ces amateurs qu’il faisait rentrer chez les mangemorts, ce genre de choses n’arriverait pas. Cem comptait bien lui en toucher un mot. Tous, ils étaient tous des incompétents. Et voilà, la colère commençait vraiment à monter.

« On est bloqué là pour la nuit en tout cas. Putain de merde, j’arrive pas à croire qu’on soit bloqué ici à cause de cette Ordre à la con. »

Il serra les dents, et sentit une vague de haine le prendre aux tripes. Il comptait bien, lui aussi, s’occuper personnellement de ces microbes. Foi d’Astier, ils allaient tous crever, et pas rapidement. Sans faire attention, trop occupé par ses pensées sanguinolentes, Cem, en plus de serrer les dents, serrer aussi la baguette d’Angeline plus que de raison. Quand il s’en rendit compte, il se calma un peu et lui rendit son bien, l’air de rien.

« Tiens ta baguette. »

Il ne dirait pas merci, mais le fait qu’il la lui rende de cette manière voulait un peu tout dire venant de lui. Maintenant il se sentait nu. Tout simplement à poil. Il avait plus de baguette. Et ca, ca lui donnait une raison supplémentaire et non négligeable d’écraser ces insectes de l’Ordre. C’était maintenant une affaire personnelle. Sa baguette putain.

« Putain de merde. »

Angeline Corvin n'était pas femme à se laisser faire. C'était même une qualité que certains louaient chez elle quand d'autres n'avaient hélas que leurs yeux pour pleurer devant tant de froideur et d'indépendance (ayons-là une pensée pour ce pauvre Iancu). La peste blondine était souveraine et il ne fallait pas escompter lui porter assistance en quoi que ce soit. Elle n'avait besoin de personne et de toute manière, eut-elle était en position de demander de l'aide qu'elle n'aurait personne d'assez bien pour accéder à une telle requête.
Pourtant là, dans l'intimité crasseuse et méphitique d'un conduit d'écoulement qui avait dû recueillir tous les pouacres de Londres, elle se laissait faire, offrant sa gorge de cygne au regard de Cem Astier.

Le regard d'Angeline fixait un point absent quelque part par dessus l'épaule du jeune homme tandis que ses mains de savant fou recueillaient son visage avec une certaine douceur. Avait-il un secret pour dompter une telle furie avec tant de facilité? Cet étrange instant de grâce passa et l'un comme l'autre se retrouvaient côte à côte, mines boudeuses de sortie, à ruminer ce qui c'était passé un peu plus tôt.
Les pensées d'Angeline allaient vers son oncle dont elle savait qu'il n'apprécierait guère le rapport qu'elle allait lui faire. Il y avait eu une fuite, cela semblait relever de l'évidence (n'allait pas croire qu'elle allait se remettre elle-même en question pauvres fous!). Encore que, par les temps qui couraient, mieux valait s'adresser aux jumelles Devlin à qui Yon avait clairement lâché les rennes tandis que lui vaquait à une mission de toute autre envergure. Elle voyait difficilement qui aurait pu s'en charger à la place de Yon Winchester compte tenu de la puissance qu'il avait assimilée ces derniers mois et surtout compte tenu de son impressionnante détermination. N'empêche que! il restait des failles dans le système, cela paraissait plus qu'évident. Elle se jurait en silence que demain, elle suggèrerait à Aidev de nouveaux décrets contre ce maudit Ordre du Phoenix.

« On est bloqué là pour la nuit en tout cas. Putain de merde, j’arrive pas à croire qu’on soit bloqué ici à cause de cette Ordre à la con. »

Elle eut un fin sourire comme leurs pensées se rejoignaient. Elle passerait sur la vulgarité, c'était même une chose à laquelle elle avait fini par s'habituer. Au début elle l'avait repris systématiquement, lui faisant remarquer que ce genre d'invective lui donnait tout du parfait béotien - le genre de personne dont Angeline ne voulait pas dans son entourage - puis elle avait convenu de procéder par ordre et de laisser de côté le langage de charretier pour le moment. Cem avait bien d'autres "qualités" qu'elle ne pouvait souffrir à commencer par son insupportable manie de fumer quand elle avait un odorat fin...

« Tiens ta baguette. »
« Alors là, il n'en n'est pas question! », objecta-t-elle sans diriger la moindre animosité vers Cem, « Je ne vais pas reprendre une baguette que tu as dominée! »

Même ici dans le plus crasseux des bouges, Miss Corvin ne perdait rien de sa superbe ni de ses principes. Qui plus était cela aurait été accepter une forme de domination de Cem sur elle-même ce qui lui était sincèrement intolérable.

« Si je reprenais cette baguette - et c'est à regret que je la cède parce qu'elle fut faite pour moi des mains de Gregorovitch en personne - je n'aurais plus qu'à aller m'étendre dans le lit de Iancu Bathory et attendre la saillie. », expliqua-t-elle d'un ton venimeux dont on sentait bien qu'il dissimulait à peine un dégoût surdimensionné. Elle retint un brrr répugné, relevant un brin le nez comme la noble offusquée qu'elle était. « Intolérable. Garde-la maintenant que tu l'as faite tienne. »

Cette fois-ci l'offre était sincère, et après tout, Cem avait effectivement dominé la baguette qui jamais avant n'avait souffert d'autres maîtres qu'Angeline.

Le regard de notre poupée russe s'assombrit. C'était la première fois qu'elle parlait de Iancu Bathory et même qu'elle faisait allusion à sa situation de promise... Elle eut un frisson d’écœurement, ou peut-être était-ce seulement le froid glacial qui régnait dans cet endroit infâme et lugubre.

« Alors là, il n'en n'est pas question! Je ne vais pas reprendre une baguette que tu as dominée! »

Il aurait pu le deviner en fin de compte… Sur certaines choses Angeline était bien pire que lui, tout comme il l’était pour d’autre. Au final Cem avait parfois tendance à oublier cela considérant simplement, qu’en moyenne, ils avaient les mêmes critères de sélectivité. Certes l’un comme l’autre se considérait comme un espèce de merveille sur terre, un absolu auquel tout le monde devrait vouloir aboutir, pour Cem cela allait même à se comparer à Dieu. Mais alors que l’anglais se démarquait par son esprit tordu et machiavélique, la belle Angeline était-elle une Impératrice qui ne devait pas être infectée par les autres. Même par lui ? Si la blondinette arrivait à l’évincer du piédestal des dieux si facilement, en une phrase, alors le jeune homme s’en retrouvait bien mécontent. Le piédestal des Dieux, c’était le sien, bordel de merde. Ainsi le jeune homme fronça des sourcils, très légèrement, juste de quoi se donnait la force d’écouter déblatérer la jeune femme qui, paradoxalement, lui plaisait encore plus quand elle parlait avec ce ton là.

« Si je reprenais cette baguette - et c'est à regret que je la cède parce qu'elle fut faite pour moi des mains de Gregorovitch en personne - je n'aurais plus qu'à aller m'étendre dans le lit de Iancu Bathory et attendre la saillie. »

Il ne la stoppa pas – n’était-il pas miséricorCem – dans sa toute bonté. Le jeune homme savait très bien que, non seulement cela était inutile, mais que ça faisait plaisir à la jeune femme de faire des speechs dans lesquels elle prouvait, une fois de plus, qu’elle les surpassait tous, même lui, même si dans ces mêmes speechs il dépassait tous les autres sauf elle. Mais Cem savait bien que ce n’était pas avec des mots qu’on prouvait quoique ce soit, et il s’intéressait aux faits. Et les faits étaient… Que c’était qui ce Bathory là ? Pourquoi elle parlait de coucher avec lui ? Plus que pour une histoire de baguette, Cem était maintenant « énervé » pour une toute autre chose. Les meilleures choses étaient les siennes, et Angeline, bien qu’elle ne fût pas une chose, était, dans l’esprit alambiqué du jeune homme, la sienne. Ceci dit, il fallait tout d’abord mettre ces foutues histoires de baguette à la con de côté.

« Intolérable. Garde-la maintenant que tu l'as faite tienne. »
« J’en veux pas de ta baguette. Elle est trop courte, trop fine et légère donc pas assez maniable et précise pour un maitre des Sortilèges comme moi. »

Et, comme par miracle, il n’avait même pas craché cette remarque. C’était seulement une conclusion objective obtenue à l’issu d’un test de validation de l’instrument en question. Parce que Cem avait ses critères et qu’avait le niveau de magie qu’il utilisait il ne pouvait pas se permettre d’utiliser « n’importe quelle baguette », tout du moins pas une qui ne lui soit pas directement destinée. Il avait besoin de SA foutue baguette à lui. Alors le jeune homme posa la baguette en question. Ce qui était bien, c’est que l’espace d’un instant il en oublia ses blessures et le froid, tout ce à quoi il pouvait penser maintenant c’était ce Iancu à la con. Il se retourna vers Angie, visiblement peu content de ce qu’il avait entendu. Et c’est toujours avec les sourcils froncés qu’il lui demanda.

« C’est qui ce Iancu là ? »

« J’en veux pas de ta baguette. Elle est trop courte, trop fine et légère donc pas assez maniable et précise pour un maitre des Sortilèges comme moi. »
« Donne. », fit-elle plus directive.

Elle lui prit la baguette et la rompit en deux part bien distincte. Fin de la discussion. Les deux petits morceaux de bois s'en allèrent flotter dans l'eau putride qui s'évacuait par là. On aurait pu lui objecter que maintenant ils se trouvaient sans défense mais elle aurait répondu que sa baguette brisée suffirait pour preuve de sa mort à n'importe quel abruti. Et puis elle n'était pas tout à fait sans défense.

Il passa un long silence avant que Cem ne reprenne.

« C’est qui ce Iancu là ? »
« Un cousin très éloigné qui s'imagine qu'avoir un joli minois et un contrat de mariage à nos deux noms suffira à me faire fermer ma gueule et prendre son ridicule nom de famille. Bathory... tsss... je ne vais pas devenir Angeline Iancu Bathory ce serait trop ... minable. »

Et en crachant son venin elle se mit à greloter de froid ou bien peut-être était-ce qu'elle tremblait de colère.