Fuir c'était aller de l'avant. Généralement. Pour Temperance ce soir là fuir, ce n'était ni plus ni moins que reculer une échéance. Foncer dans un cul de sac. DEAD END. Vous auriez pu lire la même chose au bout de l'année des embrumes, sur un placard miteux. La maison des Blake ne lui avait jamais paru si grande. Si sombre. Si froide.
Pourtant elle ne se perdait pas. Instinctivement c'était le chemin de sa chambre qui la happait dans l'obscurité. Avait-elle eut raison de fuir Thomas? Avant qu'ils n'aillent plus loin. Seraient-ils allé plus loin d'ailleurs? Le coeur de la blonde venimeuse de débattait dans sa poitrine menaçant de se découdre de la trame même de son âme. Qu'est-ce qui lui arrivait? Elle qui maîtrise toujours si bien les choses, un vrai chef d'orchestre.
La porte de leur chambre se referma dans son dos. Un claquement brusque et indélicat qui ne ressemblait en rien à sa façon de fermer les portes d'ordinaires. Le visage livide, elle restait un instant mortifiée. Ses yeux cherchaient dans le noir le visage de Sylar.

Était-il seulement réveillé? Il fallait qu'il le soit. Parce qu'elle avait besoin de lui, à ce moment précis, pour la seule et unique fois de leur toute jeune vie de couple. Parce que si à cet instant il n'était pas là pour elle, s'il la laissait à sa détresse alors tout ça n'aurait été qu'un grand gâchis. Elle n'aurait fait que fuir vers un néant vide de sens pour laisser derrière elle une douce lueur baignée d'interdit, de culpabilité et d'immortalité. Jamais avant elle ne s'était sentie si mal. D'ordinaire toujours mesurée, égale, voilà que ses pupilles rétrécies au maximum trahissaient tout le désordre qui régnait en elle à ce moment là.

- Dis moi que tu m'aimes Sylar. Dis moi que ce n'est pas juste...

... juste les dictats de la tradition. Les désidératas de parents soucieux d'assurer l'avenir de leur lignée, ou du moins d'assurer l'honneur d'un nom car de toute évidence, ce n'était pas Temperance qui donnerait des enfants à Sylar Blake. Ses yeux bleus rivés contre Sylar lui lançaient cet étrange défis que de répondre.
Elle qui ne parlait jamais d'amour quoiqu'elle fut tendre dans l'intimité. Elle qui n'avait encore dit qu'elle l'aimait...

love&doubts.

De toutes les facultés que possédait Sylar il pouvait se vanter d'avoir en grande partie les choses du monde. Même l'amour qu'il interprétait comme une réaction chimique, couplé à une longévité de cohabitation et de nombreux centres d'intérêts communs. Si Sylar et Temperance n'avait pas été prédestinés à se rencontrer bien avant leur naissance et que leur amour naisse d'une décision d'un mariage arrangé les deux se serraient aimer quand même, dans un autre contexte, une autre époque. Le Blake aimait la jeune Hatcher. Peut-être pas depuis le premier jour, trop jeune pour poser un nom sur ce sentiment qu'il pouvait ressentir. Trop jeune pour aimer. Mais dès leur première rencontre l'homme qui n'était qu'un jeune garçon trouvait plaisant d'être en compagnie d'une fille cultivée, aimant la lecture d'un niveau bien supérieur à des enfants de leur âge. Malgré les années qui passèrent, leur compréhension de leur situation, de leur rencontre qui n'avait rien de fortuite et de fiançailles déjà prévues c'est un sentiment d'amour naissant qui les épris, une étincelle qui s'enflamma remplaçant le stade de la vie commune déjà programmée. Sylar avait appris à aimer avec Temperance. Tout comme il avait appris le sentiment d'admiration avec son frère aîné.
Le jeune homme avait passé sa journée cloîtré dans sa chambre, dans une pénombre ambiance, comme s'il attendait qu'on mette fin à une sorte de punition qui était celle de rester dans cette pièce. Il laissait couler le temps en lisant des livres, la plupart du temps ceux qui lui offrait sa fiancée qui avait un goût littéraire qui lui plaisait. Maintenant que son oncle était grimpé au plus haut poste du monde magique, les missions des mangemorts se faisaient moins présente et alors qu'il restait un criminel recherché il ne fût pas plus de dix minutes pour qu'il redevienne un sorcier relaxé de toutes ses peines. Le Blake sans se le cacher s'ennuyait de cette vie, à errer la journée sans rien faire. À part lire des livres. Mais dans le sombre pensant de la chambre une porte refermée différemment le fit tiquer. Sylar avait toujours tendance à s'appuyer sur les détails. Et sur la seconde il savait qu'il s'agissait de Temperance et que quelque chose n'allait pas. Délicatement il se redressait dans son fauteuil, fixant la gracieuse silhouette qui se dessinait dans l'encadrement de la porte. Il attendait ce qu'on pourrait lui reprocher tout comme un prisonnier qui attendait sa sentence.

« Dis moi que tu m'aimes Sylar. Dis moi que ce n'est pas juste... » Il plissa doucement les yeux car il attendait ce moment depuis quelques semaines. Car Sylar derrière son amour inconditionnel pour Temperance Hatcher faisait preuve d'une extrême retenue quand il s'agissait de sentiments. Ce comportement pudique était de plus accentué qu'il ne pouvait pas lui prouver son amour physiquement sans risquer la mort.
« .. Nos deux familles qui souhaitent voir perdurer une lignée de sang-pur sans laisser placer aux sentiments et réserves que nous aurions pu émettre. » Blake esquissa une moue presque souriante, qui ne dévoilait rien de sa dentition mais qui se remarquait grâce au fin trait de lumière qui éclaire sa mâchoire. Il se lèva, fit le tour du lit et s'approcha de Temperence, attrapant doucement ses mains gantées, frustré de plus en plus de ne connaître que ce tissus plus que sa peau. Il marquait une pause, la fixa mais ne sourit pas, - il ne souriait presque jamais - et se contenta juste de reprend d'un ton sec. « Si je ne t'aimais pas, je ne t'épouserais pas, tu n'aurais jamais passer le seuil de la porte pour venir habiter ici et tu ne me connaîtrais peut-être même pas au jour d'aujourd'hui. » Bien plus jeune Sylar savait déjà qu'il finirait sa vie avec une femme qu'on lui aurait promis d'office mais par pur orgueil il s'était juré qu'il ne passerait pas sa vie avec une femme qu'il n'aimerait pas. Aidev et Léonard le savait. Par chance Temperance était arrivée bien vite dans sa vie, pour son plus grand bonheur et celui des aînés Blake et Hatcher.

Derrière ce visage décomposé, Temperance Hatcher ne cachait rien de son désarrois si ce n'était peut-être ce qui avait pu le causer. Là où certains lui prêteraient le rôle de la fiancée vertueuse, elle, se sentait déjà fautive, sans doute parce que son intérêt pousser pour la psychologie humaine ne laisser guère de place au hasard ou simplement à l'innocence.

Pourtant elle ne doutait pas d'aimer Sylar Blake. Et si ça avait quelques chose de parfaitement incongru compte tenu du fait qu'amoureuse ou non, elle était sa promise, le fait n'aurait souffert aucune forme de doute ou de contestation. Sa mère, Violetta Hatcher, se serait sans doute empressée de moquer ces émois peut-être trop fleur bleue qui n'avaient en rien lieu d'être si seulement elle avait su. De cela, Temperance se contrefichait. Elle ne rougissait pas du plaisir qu'elle pouvait prendre à détailler le visage de Sylar quand il dormait, ou à simplement lire à ses côtés sans même rien dire. Mais ni l'un ni l'autre n'avaient jamais franchi cet interdit qu'on toutes les familles de sang pur de mettre vraiment les mots qu'il fallait sur ce genre d'attitude. Ainsi Temperance Hatcher ne disait pas "j'ai besoin de toi", elle ne disait pas non plus "je t'aime" ni ne faisait jamais allusion à la frustration qui la rongeait un peu plus chaque jour de ne pas pouvoir toucher son fiancé. Sa question, si spontanée fut-elle, avait donc de quoi surprendre.

Pourtant Sylar Blake l'accueillit avec tout le phlegme qu'on lui connaissait. Aucun signe d'affolement ni de précipitation dans son comportement. Rien qui ne trahisse aucune forme d'anxiété qui aurait pu trouver trouver son pendant dans le désarroi de Temperance. Une autre qu'elle aurait pris tant de apathie pour de l'indifférence. Mais la jeune fiancée Blake n'en fit rien. Peu à peu, sans même qu'il n'ait rien eu à dire, elle sentait l'affolement la quitter et retrouver de sa tempérance.

« .. Nos deux familles qui souhaitent voir perdurer une lignée de sang-pur sans laisser placer aux sentiments et réserves que nous aurions pu émettre. »

Un pli curieux passa sur les lèvres de Sylar, offrant là les esquisses d'un sourire tandis qu'il lui prenait les mains. La jeune femme baissa les yeux sur leurs doigts qui cherchaient en vain à se rejoindre. Sylar avait toujours eu à son égard ce genre d'attention. Lui prendre la main, souffler doucement sur ses lèvres pour y déposer l'esprit d'un baiser qu'ils ne pouvaient pas se permettre. Si aux yeux des autres ils faisaient un couple frigide, entre eux il y avait des gestes tendres, jamais affectés. Tout ce que pouvait leur permettre la malédiction qui touchait Temperance Hatcher.

Ses doigts serrèrent doucement la très chère prise qu'ils venaient de faire puis ses yeux replongèrent dans ceux de Sylar Blake.

« Si je ne t'aimais pas, je ne t'épouserais pas, tu n'aurais jamais passer le seuil de la porte pour venir habiter ici et tu ne me connaîtrais peut-être même pas au jour d'aujourd'hui. »

Elle se rapprocha de lui pour venir poser son front sur l'épaule de son fiancé, bien assez pudique pour ne jamais dormir dévêtu ce qui ne l'avait jamais dérangée. Ses cheveux blonds suivirent le mouvement formant un voile protecteur entre leur deux peaux. Elle ne dit plus rien d'un long moment, se reposant parfaitement sur lui comme jamais peut-être avant ça.

« Merci... »

Sa voix se mourut doucement dans l'oreille de Sylar, pudique mais on ne peut plus vrai.