CHAPITRE 1. "PEOPLE ARE STRANGE."Un homme est assis dans son fauteuil. Un garçon, en face, le fixe.
De longues minutes passent dans le silence.
Le garçon commence à se ronger les ongles, ses yeux allant et venant de droite à gauche.
L'homme lit un dossier, puis relève les yeux, et regarde l'élève assis.
« Vous avez peur? »
Silence. Le garçon cesse de se ronger les ongles, se racle la gorge.
« Je suis...angoissé. »
« Pourquoi? »
« Vous ne me mettez pas à l'aise. »
Ses yeux viennent et s'en vont à nouveau.
« Cette pièce ne me met pas à l'aise. Ce fauteuil ne me met pas à l'aise. Rien ici ne me met à l'aise... »
« Vous ne vous sentez pas à votre place? »
« Pas ici, non. »
« Pourquoi? »
Silence. Le garçon semble réfléchir, baisse les yeux, les relève, les détourne, se fixe sur un cadre.
« Je n'aime pas, c'est tout. »
« Être observé, monsieur Scylence? »
« … Être une bête de foire, une expérimentation... Une bizarrerie. »
« Mais vous n'aimez pas être lisse non plus, comme tout adolescent, mh? »
« Je ne peux pas être lisse. »
« Vous dites ça à cause de vos antécédents familiaux? »
« Parce que si je suis ici c'est parce que je me fais beaucoup remarquer, monsieur. »
La petite voix claire de l'enfant ne semble être qu'un murmure.
L'homme hausse un sourcil, jette un œil au dossier, sourit.
« Un dossier assez bien fourni en effet. »
« Un dossier à problème. »
« Vous vous considérez comme étant à problème? »
« Oh. Moi non. Je ne pense pas que j'ai de problèmes. Ceux sont les autres qui en ont, cela va de soit. »
« Cela va de soit? »
« Tout le monde est étrange. Tout ce qui est étranger à moi ne peut que me paraître étrange. C'est normal, je pense, de se sentir... étranger à un autre. Enfin. Je pense. »
« Vous vous sentez étrange à quoi exactement? »
« A...à tout ce qui n'est pas moi, monsieur. Je pourrais même dire que je ne me connais pas, mais je ne voudrais pas me lancer dans ce genre de débat un peu futile pour une première entrevue. »
L'homme le fixe, sourit, griffonne sur son papier de longues minutes.
Le garçon se tord les doigts, en silence, se les triture, puis se ronge les ongles.
L'homme ne relève pas même la tête du dossier.
« Vous recommencez. »
« Je fais tout le temps ça. Quand je suis angoissé. »
« Je ne vous observe pourtant pas. »
« C'est cette pièce... Je ne l'aime pas, voilà tout. »
« Qu'est-ce qu'elle vous inspire? »
Silence.
L'enfant observe, regarde autour de lui, ses hautes étagères, les livres, les feuilles, les cadres, les diplômes, le papier peint un peu vieillit, l'odeur de cire, de sueur, d'encre, de poussière.
« ….La prison monsieur. Une prison vieille. Elle m'étouffe. »
« Vous voulez que l'on ouvre la fenêtre pourtant? »
« J'aimerais partir. »
« Nous venons tout juste de commencer. »
Silence à nouveau.
Le garçon regarde ses chaussures, ses doigts se tordent d'eux-même, et son pied droit bouge de bas en haut, nerveusement. Il tient en place, en silence. L'homme relève ses lunettes sur son nez.
« Vous n'êtes pas poursuivi. »
« Je sais. »
« Vous regardez partout autour de vous comme si vous étiez pourchassé Isaïe... »
« Mon...oncle m'a dit que les psychologues cherchaient à lire dans les souvenirs des vérités enfouies. Je ne veux pas que l'on lise là dedans. Je veux dire, ceux sont mes souvenirs. »
« Vous avez déboîté la mâchoire de Carry Thompson, c'est pour ça que vous êtes ici. Pas pour que je lise dans vos souvenirs. Je ne suis pas legilimens pour faire cela. »
L'homme parle avec une voix douce, rassurante.
Le garçon le fixe en retour, se détend un peu, puis baisse les yeux.
« Nous pourrons déjà commencer par éclaircir pourquoi vous avez frappé ce jeune homme... »
Silence.
Le garçon fixe ses pieds, se remémore. Ses doigts se triturent.
« Il...Il a dit que ma sœur était … bonne. »
Ses yeux cherchent un autre point d'encrage.
L'homme griffonne à nouveau.
« C'était déplacé, en effet, mais ça n'explique pas les six coups de poing. »
« J'ai...des excès de colère. Parfois. Zachk' dit que...c'est parce que … j'emmagasine. Je fais beaucoup de sport pour évacuer ma colère. Je suis batteur à l'équipe de quidditch. J'essaye de me contrôler, mais parfois, ça ressort, comme ça. Mais ça n'est pas de la sociopathie. »
Silence à nouveau.
L'homme écrit, puis remonte ses lunettes, et lève enfin ses yeux.
« Comment pouvez-vous en être sûr, monsieur Scylence? »
Silence.
Le garçon le fixe, puis baisse les yeux, d'un air las, murmurant :
« Parce que je ne suis pas mon père. »