" Dépêche toi donc un peu bougre d'âne je n'ai pas toute la nuit. Et tu n'as pas intérêt d'égarer ce message"
"B...b..bien madame la Directrice."
" Quel imbécile ce concierge...", commenta la directrice une fois que son larbin avait disparu.

Elle était d'autant plus irritable qu'elle n'avait, visiblement, pas dormi. Décidément prendre la place de sa soeur en utilisant un polynectar n'avait pas été la meilleure idée qu'elle avait eu, quoiqu'en dise le chef des mangemorts. Le seul avantage qu'il y avait là dedans, c'était qu'elle pouvait se reposer sur le caractère naturellement désagréable de sa soeur pour assoir sa propre crédibilité dans le rôle. On ne se posait même pas de question quand elle se mettait à hurler sur un sang de bourbe sous prétexte que Lilith, sa soeur, ayant toujours ou presque été soupçonnée d'être une infâme mage noir, on se contentait de se dire qu'elle avait fait profil bas toutes les années précédentes. Comme quoi faire le bien n'avait jamais rien rapporter à personne.

"Ca lui apprendra à cette mégère...", pensa Cassandre Grey en remontant le petit chemin qui menait à la porte qui donnait derrière la table des professeurs dans la Grande Salle.

Un petit chouinement suspect la détourna cependant de son projet d'aller se coucher et de déclarer que ce jour serait férié pour elle. Bien sûr elle ne l'aurait pas présenté comme ça. Elle aurait inventé quelque chose. Dit qu'elle ne voulait pas être dérangée de la journée parce qu'elle croulait sous la paperasse et au lieu de travailler elle aurait mis les clés sous la porte, s'assurant que son bureau était belle et bien fermé et inaccessible à quiconque aurait l'idée de braver l'interdit, avant d'aller courir les rues et traumatiser quelques honnêtes sorciers. A moins qu'elle n'ait plutôt opté pour une journée à dormir. Option plus raisonnable.

Ses yeux perçant tombèrent sur la petite forme adossée à la grille. Une élève évidemment. Pire! Une sang de bourbe c'était sûr. Il n'y avait que ces rebuts du monde magique pour s'exhiber dans des démonstrations de faiblesses aussi grotesques:

" Pauvre enfant martyr. Je peux t'aider peut-être?", demanda-t-elle d'une voix mielleuse avant de se planter de toute sa hauteur devant la minuscule enfant.

" L'enfant martyr peut se débrouiller seule, merci. "

Mais pour qui se prenait cette petite dinde? La Directrice afficha immédiatement son air le plus encourroucé. Le masque d'albâtre qui lui servait de visage se durcit d'avantage et ses yeux se rétrécirent comme s'ils se préparaient à lancer des avada kedavra fulgurants.

" Et puis de toute manière, cela n'est pas votre affaire. "
" Mais c'est qu'elle serait presque insolente la petite gourde. Dois-je vous rappeler à qui vous avez à faire petite idiote?"

Fallait-il être purement inconscient pour répondre à Lady Lilith Grey et pire encore lui tourner le dos. Dans la tête de Cassandre , une idée déplaisante s'insinuait. Peut-être qu'on aurait pas tourné le dos à la vraie Lady Lilith Grey, cette aînée qui avait toujours tout fait mieux que personne et qui de surcroît s'était payé le luxe de se faire remarquer en ne faisant pas comme tout le monde. Vieille mégère!
Cassandre était hors d'elle. Cette gamine qui lui tournait le dos lui renvoyait à la figure tout ce qu'elle avait toujours détesté chez sa soeur. Son image liste. Sa beauté. Sa quasi éternelle jeunesse. Son brio. Sa réussite sociale. Jusqu'à l'amour que lui portait son entourage proche et ces gamins affreux qui des je t'aime maman à longueur de temps, toujours bien polis, bien peignés, propres sur eux... ça la mettait hors d'elle!

Elle empoigna la gamine par le bras l'arrachant aux barreaux du grand portail de fer forgé...

" Et regarde moi quand j'te parle!", rugit-elle à la figure de la pauvre enfant.

Sur le lac, si calme, l'horizon commençait à blanchir doucement, annonçant que l'aube n'était plus très loin.

Il y avait toute une panoplie de chose qui énervait Cassandre Grey, or il semblait que ce minuscule petit insecte qui s'obstinait à lui tourner le dos, avait décidé de tous les rassembler. Comme un fait exprès.

"Vous me faites mal ! Lâchez-moi !!"

La directrice roula des yeux sans obtempérer évidemment.

" J'ai comme l'impression que vous n'avez pas pris connaissance du règlement à votre arrivée ma chère. Nous allons immédiatement remédier à ça.", répondit l'affreuse directrice en traînant la gamine par le bras derrière elle.

Elle la souleva de sorte que la pauvre enfant se retrouvait quasiment suspendue en l'air mais ce n'était que le tout début de son calvaire. L'étrange convoi prit la direction du château au pas militaire tandis que la directrice évoquait à grands coups de phrases assassines toutes les infractions au règlement qu'Aaron Calghary avait faite en se trouvant simplement devant la grille du château en pleine nuit.
La directrice donna un grand coup de pied dans la petite porte du fond de la grande salle.
Un lustre descendit dans un grand bruit de chaîne.

" J'espère que vous avez bien retenu cette petite leçon particulière j'espère parce que figurez vous que ce n'est pas tous les jours que la directrice en personne se penche sur votre cas... je sens que vous allez faire des miracles devant vos camarades.", expliqua cette abominable reine de coeur tandis que les chaînes du lustre approchaient d'Aaron comme des serpents.

La directrice la lâcha, s'étant assurée que la pièce était parfaitement fermée. Elle s'écarta et regarda ce qu'il allait se passer.

Évidemment les larmes d'Aaron laissèrent la directrice de marbre. Au mieux elles auraient pu lui soulever un sourire réjoui mais celle ci était déjà de bien trop mauvais poil pour qu'un tel miracle puisse se produire.
C'est donc un brin agacé (parce qu'elle trouvait que les choses n'allaient pas assez vite) que celle qui se faisait si bien passer pour Lady Lilith Grey regardait la première année essayer tant bien que mal d'échapper aux chaînes qui la poursuivait dans un bruit de ferrailles abominable. Lassée elle finit par donner un petit coup de pouce au destin et par tendre la jambe pour faire trébucher la pauvre petite fuyarde. Aussitôt les chaînes lui tombèrent dessus et la ficelèrent bien serrée.

" Tttt, vous voyez à toujours vouloir me contrarier vous aggravez votre cas."

Et là dessus la directrice de se diriger vers le centre de la grande salle, où la grande table ronde du petit déjeuner des sang pur était déjà en train de se mettre toute seule, suivie par le paquet de chaînes qui retenaient toujours Aaron Calghary prisonnière.
Depuis la rentrée, il y avait un nombre incalculable de chose que la directrice avait changée. A commencer bien sûr par la l'organisation des dortoirs puisque les anciennes salles communes n'étaient désormais plus accessibles qu'aux sang pur. Il avait fallu aménagé deux dortoir pour les sang mêlé, quant aux autres, on les avait reléguer aux cachots comme bêtes de somme avec pour tout personnel encadrant une ancienne bibliothécaire et un alchimiste qui, autrefois avait été le directeur de Serpentard.

Dans la grande salle les quatre tables avaient cédé la place à une table ronde très moderne qui jurait absolument avec tout le reste du décor et le ciel magique restait désespérément violet et mauve comme s'il avait exprimé l'état général de délabrement dans lequel la directrice avait jeté les valeurs chère à la bonne vieille école de Poudlard.

" Moi j'ai toujours trouvé qu'il fallait un lustre ici. Quelque chose pour décorer un peu tout ce vide. Vous allez être parfaite dans le rôle mais s'il vous plait, éviter de pleurer dans les cafés du petit déjeuner... je vous retrouve d'ici quelques heures, amusez vous bien Miss Calghary.", chanta la directrice tout en tournant les talons, bien décidée à s'accorder une ou deux heures de sommeil avant le petit déjeuner.

La punition était d'autant plus cruelle que, depuis la rentrée, la pauvre Aaron, tout comme ces compagnons d'infortune n'avait plus jamais eu droit à un vrai bon petit déjeuner, ni même à rien d'autre que les restes du dîner des sang pur ramenés une fois le soir tombé pour la maigre pitance de ceux qui étaient tombés si vite en disgrâce. Bien sûr, la douce Mélisande arrivait parfois à chaparder des brioches dans les cuisines mais, une fois n'étant pas coutume, on s'était habitué à avoir l'estomac dans les talons aux cachots. Alors suspendre la pauvre petite Aaron au dessus de la table d’opulence des sang pur, à humer la bonne odeur des croissants tout frais et encore chaud auxquels elle ne pourrait pas toucher. Le fruité des jus et des pâtisseries versicolores que les elfes commençaient déjà à mettre sur la table... c'était de la plus pure cruauté.

En dessous d'elle, les elfes, l'oreille basse, faisaient leur travail, se gardant bien d'adresser le moindre regard à l'enfant martyr qui tenait lieu de décoration dans la grande salle. Ils avaient bien trop peur de se laisser apitoyer et de se mettre dans une mauvaise situation en écoutant leur bon coeur. Alors ils continuèrent leur va-et-viens en parlant entre eux, faisant comme si ils n'avaient pas remarqué la petite fille... peut-être avait-elle une chance de s'en sortir en faisant des pieds et des mains pour attirer leur attention... qui sait?