Il est de ces lieux qui revêtent toujours une certaine importance sentimentale pour certaine personnes.

Le cimetière d'un petit village désormais fantôme d'Angleterre n'y échappe pas. Ici, Elthiriel y a de ses souvenirs les plus fort, par personne interposée. Ici, son père fit un de ses sacrifices les plus grand pour la gitane qu'il a toujours aimé. Histoire étrange que celle de la famille Sampiero. Mais décrivons d'abord les lieux.

Une fontaine qui a explosé en plein centre, des tombes renversées, ouvertes... certaines vides, d'autres non. Un mausolée dont il ne reste pas grand chose et une statue d'Halewyn Coeurd'Acier quand ses potes ont fait croire qu'il avait été changé en pierre pour que ceux qui lui couraient après et le ministère lui fiche patience pendant sa convalescence.

Ici, Elthiriel s'est toujours sentie à l'aise. Ces ruines sont son oeuvre, l'oeuvre du Phoenix Noir, après tout. Ce chaos et cette désolation apaisent son âme. Yon le sait. Yon, son ami d'avant. Au Japon, avec les Yakuxas, elle a beaucoup changé... La Phoenix a acquise une certaine maturité et de la prestance de son père, même si elle est loin d'égaler le vieil évadé à ce niveau. Mais cela viendra.

Sa broche luit doucement sous la lueur de la lune. Sanglante, sa dague, à la cuisse droite, son gantelet à la main gauche, elle a acquise le mouvement silencieux de ceux qui se meuvent et se complaisent dans les ombres. Seul l'éclat sanglant de ses prunelles trahissent sa présence.

Mais la petite assassin sait très bien que Yon Winchester n'arrivera probablement pas seul. Après tout, il n'est pas devenu ce qu'il est à cause de sa belle gueule. Mais il y a des choses que La Phoenix doit mettre au clair. Et ca influencera grandement le cours des événements.

Il n'est pas question d'amitié mais d'affaires. Reste à savoir maintenant ce que Yon pense pouvoir se passer et quel prix il pense mettre sur ce dont il veut. Ou le prix sur ce qu'il ne veut pas. Elthiriel ne fait que lui donner une avance sur des employeurs éventuels.

L'heure? Qu'importe l'heure. Un nuage noir éclipse un instant la lune et c'est une cacophonie lugubre qui emplie tout le cimetière. C'est une vibration sourde faite de croassements de corbeaux et de cris épouvantés qui tombe du ciel, désordonnée, chaotique. Puis, plus denses, les nuées anthracites se rassemblent, elles s'épaississent et prennent forme. Yon Winchester est là. Grand, plus sombre que jamais. Ses cheveux noir corbeau lui font une couronne qui rehausse la blancheur de sa peau. Il semble si froid, si dur, si grand aussi cet homme. Si c'en est encore un. Comme si cette ombre qui s'allonge derrière lui, son ombre, c'était toute la démesure de ce qu'il porte dans ses veines et qui fait son essence propre. Là où il s'est matérialisé, le sol s'est enfoncé comme pour marquer le point d'impact d'une étoile noire, venue mourir ici, dans ce cimetière.

Le bleu acier de ses yeux fend les ténèbres comme il avise Elthiriel Sampiero. Ils attendent encore quelqu'un ici mais ces deux rendez-vous ne sont pas la raison de ma présence. Moi. Yon Winchester. Ou bien moi, celui qui le fut car déjà les choses changent. Pour le plus grand bien. Il y a un nom qui pulse là quelque part en moi. Qui me garde encore un peu humain. Juste assez pour accomplir ce qu'il me reste encore à faire. Cela ira pour l'instant. Mon regard glisse. Quatre tombes. Deux tombes. Puis encore trois. Je reporte mon regard sur Elthiriel. Placide. Froid. Mais pas plus que de raison. Je ne suis pas le demandeur. Je ne ferais que répondre pour l'heure. Et j'ai peu de temps devant moi.

Le sang affronte l'acier avec une placidité déconcertante. Elthiriel connait ce genre d'entrée en matière, elle qui els affectionnent de temps à autre. Le bleu acier intimiderait bien des gens, mais pas la fille de Coeurd'Acier. Celui qui fut Yon le sait pertinemment. Il y a un bref éclat de dents blanches tandis qu'un bref sourire appréciateur illumine le visage de la phoenix plongé dans les ténèbres.

Yon savait que ses projets feraient revenir l'oiseau de malheur en Angleterre.

Quand elle s'avance, il peut noter sans mal ses différences morphologiques, le corp de fillette ayant laissé la place à un corp de femme. C'est encore plus frappant quand elle redresse le nez en humant l'air doucement, notant la différence d'intensité d'odeur comme le ferait le plus fin des limiers. Elle plisse infimement les yeux. L'odeur de Yon est comme une piste qui se refroidit rapidement. C'est la meilleure analogie qui lui vient à l'esprit.

Elle le salue d'un geste silencieux de la main, loin de sa fougue de jeune rapace qui la faisait sauter sans cesse sur le dos de son pote. Ils sont plus vieux, différents l'un et l'autre. Il y a un standing à maintenir.

Tu dois te douter de ce qui m'amène...

Dit elle en lui tendant le décret concernant les créatures magiques et les sang de bourbes. Yon sait que Halewyn, celui qui lui a sauvé la vie jadis, n'est pas de sang pur. Tout le monde interlope à Londres le sait. Il n'y a qu'un point d'interrogation écrit avec du sang. Le sang de Coeurd'Acier. Le message viens du proprio de la tête de Sanglier, le phoenix noir en signature de sang le prouve. Il n'y a qu'eux d'assez tarés pour écrire leur message en lettres de sang.

Et le chef mangemort sait dans quelle position ce décret met ses vieux alliés.

- Tu dois te douter de ce qui m'amène...
- A l'heure qu'il est je n'ai pas de doute. Je n'ai que des certitudes.

Implacable. Sûr. Rien dans ma voix qui puisse dénoter ne serait-ce qu'une once de vantardise. Simplement la certitude. Absolue et Terrible. Je suis là devant elle. Droit. Différent. Le disque d'acier qui cerne ma pupille exprime l'unique mouvement de ma personne. Y a-t-il seulement un coeur qui bat là dedans. Il y en a un. Ailleurs. Pour d'autres. Rares autres.

Un demi sourire narquois. Hier on me parlait de Luke Midnight et je répondais là encore sans la moindre once d'hypocrisie, de vantardise ou de quoique ce soit: Azkaban n'est que le calvaire de ce qui sont assez faibles pour s'y laisser emmener. Ce n'était pas mon problème. Et depuis quelques temps, j'avais peu de problèmes que l'on ait pu qualifier de terrestres.

- C'est une faveur que tu requières? Ces imbéciles d'aurors ne vous donnerez quand même pas du fil à retordre...?

Mais visiblement, me voilà prêt à discuter. Après tout ça n'a rien à voir. Comparer les deux situations ce serait comme ... comparer un moucheron à un aigle. Ça n'a pas de commune mesure. Je ne regarde pas l'heure. Je suis au delà de l'heure désormais.

C'est une faveur que tu requières? Ces imbéciles d'aurors ne vous donnerez quand même pas du fil à retordre...?

Si l'acier qui cerne la pupille de Yon Winchester est implacable, celui de la phoenix l'est tout autant. Ici nous parlons affaires, pas de sentiments. Et d'ailleur la fadeur et la constance de l'odeur de Picasso n'incite pas la donzelle à la clémence.

Mais les Sampiero ont toujours pris soins de leurs alliés. Il fut un temps où un certain évadé sang de bourbe sauva la peau d'un jeune homme, là-bas, dans les tréfonds d'une ruelle et ce, sans demander aucune compensation.

Sur le fier visage exotique, aussi inhumain que celui de son interlocuteur, un mince sourire se dessine, sourire qui ne se reflète pas dans les prunelles sanglantes. Prunelles implacables et sans émotions.

Mais elle ne quémande pas. Non, les Sampiero se feraient couper en petis morceaux avant de quémander.

Non, mon père fait demander si on doit déménager nos pénates à Ealdwick et s'il doit me trouver un propriétaire... Histoire de bien s'aligner comme il faut comme on dit.

Manière de montrer à la fois qu'elle est bien informée, sachant qui se tiens derrière ce décret ministériel et de autant s'informer elle que de l'avertir lui de bien choisir ses alliés, parce que les avoir comme ennemis ca signifie du trouble à n'en plus finir... Dépendamment de leur humeur du moment.

Rictus. Je lis dans ton coeur Phoenix. Aussi clairement que sur l'épitaphe qui se trouve derrière toi? Ainsi tu n'as rien compris. Tu me crois l'auteur de ces textes de loi? Faut-il m'en sentir flatté? Après tout par certains aspects les nouvelles lois découlent de ma pensée. Par d'autres elle la trahisse. Je suis bien plus ouvert que tu ne me le prêtes visiblement.

- Non, mon père fait demander si on doit déménager nos pénates à Ealdwick et s'il doit me trouver un propriétaire... Histoire de bien s'aligner comme il faut comme on dit.
- Question rhétorique ma chère.

Un claquement de doigt. Le parchemin qu'elle tient à la main s'embrase. Au dessus de nos têtes, deux ombres tournoient. Certains disent que ce sont mes jumelles Devlin. Deux corbeaux. Le raccourci est vite fait. Les gens ne réfléchissent pas assez. Comme toujours.
La question est réglée. Ca ne m'aura rien coûté. Cinq minutes d'amusement dans une vie que tous n'assumerait pas. Je ne vais pas m'en plaindre. Je ne le fais que parce que c'est ma lubie du moment. Faire d'Hale mon allié? Je ne suis pas dupe et il me coûterait d'avoir à gaspiller mes efforts à m'attacher une chose qui ne s'attache pas. Hale n'est pas une ombre fidèle. Il est fluctuant. Droit par moment. Mais fiable? A voir... pas par moi. Pas ici. Pas maintenant.

Les corbeaux, Elthiriel s'en fiche. Des autres créatures humaines aussi majoritairement. Ses buts ne regardent qu'elle en fait. Elle et son père. Aussi se contente t'elle d'énoncer un simple fait.

Tu sais, on ne nous a pas engagé encore....

Yon sait ce qu'un contrat vaut aux yeux de Hale. Le criminel n'a jamais dérogé d'un contrat signé... Il n'a jamais trahis un employeur... du moins jusqu'à ce que le contrat soit rempli. Yon, Hale et Elthiriel savent pertinemment que si le mangemort ne les engage pas, d'autres le feront. Et si c'est lui ou un des siens la cible, ca prendra 1 mois ou cent ans, ils ne lâcheront jamais le morceau jusqu'à ce que ca soit rempli. Qu'ils L'aime bien ne changera pas la donne. En affaire pas de sentiments.

Tient il vraiment à laisser passer l'occasion?

- Tu sais, on ne nous a pas engagé encore....
- Pour moi ? Non. Je te l'ai dit je n'ai besoin de rien.

Un long regard entendu. Je sais comment vous fonctionnez. Ce que toi tu ne sais pas, c'est comment moi je fonctionne maintenant.

- Mais si tu veux un contrat en voilà un. Et ça vous concerne tous les deux. Toi et ton père. J'ai une fille et une épouse, je ne veux pas que l'on puisse les atteindre. Protégez les. A leur insu bien sûr.

Inutile de parler de leurs honoraires. Je les connais. Et ils sont déjà payés. Elle s'en rendra compte en rentrant chez elle. Un regard derrière moi. Un tombe s'ouvre. Je récupère ce que j'étais venu chercher. Un énorme grimoire poussiéreux. Les mains qui s'y accrochent ne résistent pas.
Bientôt le livre flambe. Un petit autodafé qui me servira. Un regard par dessus mon épaule. Un sourire. Et je disparais. Derrière moi, il ne reste plus qu'une nuée de corbeaux.