La porte claque, et ça ne fait qu'empirer l'état de mes nerfs. Ils ne comprennent pas que tout ce que je fais, je le fais pour eux. Le second roule des yeux avec une mine dégoûtée et suit le cortège silencieux des âmes peinées, qui se rendent compte qu'ils n'ont plus 5 ans, et que je ne serais pas toujours avec eux, pour eux, derrière eux. Mais Sean et Sylar comprendront, plus tard, quand dans leur cervelle il y aura autre chose que le jeu, le cul et la bagarre. Quand ils comprendront que c'est important pour moi de faire ça, d'atteindre cette place, de jouer mon rôle dans cette drôle de pièce que monte Yon Winchester. Ce n'est pas tant pour flatter mon égo - croyez moi, on ne devient pas Ministre quand on a de l'amour propre - je vois plutôt cela comme étant une chance de gravir les échelons. Quitte à n'être qu'un pantin, je serais le plus connu. L'idée ne me réjouit pas tant. Laissez l'animalerie à Sean, Sylar et Thomas, aller voir Judie Black et en plus me taper un môme en prime, j'ai l'impression d'être dans une enfer temporaire. Mais mon père nous a bien éduqué. On a bien compris le : " dans la vie, on fait pas toujours ce qu'on veut, mais on le fait quand même ". Enfin, il a souvent dit ça pour excuser ses gestes, comme si ça suffisait. Comme si finir sa phrase par "point barre" lui donnait plus de poids et en faisait une vérité générale. Je peux bien dire que les chats noirs sont roux, point barre, cette phrase n'a aucun sens, et elle n'est pas inébranlable. Le vocabulaire m'en fera toujours autant baver. Je regarde l'heure, note les choses à faire pour chaque jour de la semaine. Il va de soit que l'enfant ne restera pas ici. Je n'ai franchement envie que Holy lui arrache le bras en voulant jouer un peu. Le sang rends les chiens fous. Et je n'ai pas envie de perdre Holy plus que ça. Je finis la liste, la mets dans le cahier que je donnerais à Thomas. Je le donnerais bien à Sean si je ne savais pas qu'il la perdrait d'ici une semaine, et que ça m'énerverait prodigieusement. Ma main passe sur le comptoir. Tout est propre. C'est relativement rare pour une animalerie, j'en conviens, mais ce n'est pas tous les jours qu'on reçoit un enfant-cadeau pour jouer à la poupée. Oui, oui, la poupée. Comprenez qu'élever une chose, que de jouer la comédie, pour moi, ça revient à jouer à la poupée. Enfin, espérons qu'il ne soit pas si petit que ça, et pas aussi terrible que Sean. Je n'ai plus les nerfs à supporter les hurlements de Sean, 5 ans, morveux. Pitié, pas un morveux.
Le cliquetis délicat de l'horloge est interrompu. Bruit sourd : on toque à la porte. Soit, je n'aurais même pas eut à attendre pendant trois heures, à me ronger le sang en me disant qu'un second Sylar ne serait pas bien mieux. Je remet mon col à sa place, avise l'heure - il est tôt, même pour un adulte - et j'avance, ouvre la porte et les laisse entrer. J'avise circulairement dehors, mais rien de spécial. Même pas un clochard. Je referme, à clef. C'est fermé de toute façon. Et je me retourne enfin, avisant Yon, puis la petite chose qui a un sac si gros. Donc, ça, c'est mon fils. Aucune ressemblance, si ce n'est les yeux et les cheveux, mais ça sera bien assez. Ses cheveux ondulés rappelleront Sean et ses bouclettes, mais également les cheveux lisses de Sylar à la fois. Son regard décidé et réfléchi, davantage Thomas. Un futur érudit. Enfin, avec cette masse idiote qu'est la population sorcière, un blond aux yeux noisettes serait passé, et on aurait bien entendu un idiot lançait un fameux " comme il ressemble à son père! ". La blague. Je suis hilare... Bref. Mon regard se repose sur Yon. Il n'est pas utile que je demande si c'est de ce petit bonhomme dont il va falloir que je m'occupe.
- Un prénom?
Question de routine. Je vais pas appeler ce gamin Tête-de-Cul toute sa vie, même si selon Sean, ça allait à n'importe quel enfant, pourvu qu'il soit plus petit que le mètre cinquante. Mais il va de soit que Sean n'a aucun goût en matière de prénom.