Il y a des jours où rien ne va, des jours où l'on ferait mieux de rester couché. Voilà ce à quoi j'ai bien pu penser lorsque le diagnostic est tombé, il y a quelques semaines. Tout est parti d'une "simple" plaisanterie. Mais rien n'est aisé dans ce monde, n'est ce pas? S'il n'y avait pas eut cette plaisanterie douteuse de l'un de mes "collègues" du laboratoire, je n'aurais pas du partir précipitamment. Cette stupide blague a bien eut lieu et je me suis retrouvée plus malade que je ne l'avais jamais été. J'ai passé des jours et des jours à délirer, à hurler ma douleur. A tel point que ma voix s'était brisée...

Elle commence à peine à revenir...

Aveugle, quasiment muette et pâle comme la mort. Voilà le tableau que je dois donner en cette chaude après-midi de Juin. Enfin... elle devrait être chaude si la nuit n'était pas perpétuelle. D'une caresse, Keith, mon cousin, se rappelle à ma mémoire. Je lui offre un sourire épuisé auquel il répond par une biser légère avant de disparaître dans une volute. Il retourne probablement au manoir du clan. A l'heure qu'il est, grand-père doit encore me chercher... A moins qu'il n'ait trouvé ma lettre lui expliquant mon désir de retourner à Londres. A-t-il conscience que c'est pour retrouver Aleksei? J'espère. Lui seul semble comprendre l'importance qu'a mon jumeau. Rien que le fait de penser à lui me fait frisonner.
Comment a-t-il pris mon absence? Je n'en sais rien, je n'ai pas pu lui envoyer de lettre de peur que notre père m'espionne. Je m'en veux. Derrière moi, une brise m'arrache un violent frisson suivit d'un sombre pressentiment. Je me retourne, la magie crépitant entre mes mains. Je trace un pentacle de protection mais malheureusement pour moi... je ne suis pas suffisamment rapide pour arriver à mes fins.

Mon hurlement se répercute contre les murs humides.

La douleur, il n'y eut rien d'autre pour moi dans les secondes qui suivirent ma tentative pathétique de tracer un sceau. Jamais je n'aurais du demander à Keith de me laisser seule dans cet endroit. J'aurais du prévoir ma faiblesse et cette attaque. Je n'avais même pas besoin de me demander quelle était l'identité de l'agresseur. Je le savais... c'était comme une alarme, un sixième sens que je ne m'expliquais pas mais qui était très loin du don de mon adorable jumeaux.
En parlant de lui, je m'en voulais de l'avoir planté ainsi. Le choix m'avait été imposé et je le regrettais. Malgré tout l'amour que je lui portais, il n'aurait pu me soigner. Je pouvais d'ores et déjà deviner qu'il allait m'en vouloir de ne pas l'avoir prévenu ou même informé de mon état. C'était simplement une question de précaution, pour éviter qu'il se fasse attaquer alors que je n'étais pas présente.

Quelle ironie que ce soit le cas présent!

Je sentis sa présence avant même qu'il n'arrive et me retienne. Son odeur et sa chaleur m'envahirent, me faisant frissonner. Je me raccrochais à lui, écoutant sa voix me rassurer sans même songer à répondre à ses questions. Je me pressais contre lui, me blottissant au coeur de ses bras et oubliais un instant tout le reste: ma maladie, ma faiblesse, les dangers qui nous entouraient... Ce ne fut que lorsqu'un sort fusa, frôlant son crâne que je réalisais que je nous avais mis en péril. Je m'écartais de lui, le retenant d'une main et achevant mon sceau destiné à nous protéger. J'espérais qu'il tiendrait le coup... je n'avais pas vraiment la force d'en refaire un autre. Fichue "plaisanterie" !!

« Sky... Père... c'est père.... »

On était pas dans la m....

« Avalon ! Est-ce que ça va ? Bon sang, t'étais passée où ? Ça fait un mois que je te cherche partout ! »

Il n'eut pas vraiment le temps de se réjouir de ces courtes retrouvailles que déjà un sort frôlait sa tête pour aller s'écraser contre un des murs du villages, le faisant s'effriter dans une poussière assourdissante. Trop occupé par la vision tant attendue de sa soeur, il n'avait pas prêté attention aux alentours et dieu savait maintenant qu'il aurait du. Faisant volte-face et se plaçant devant elle, dans un souci évident de la protéger, il jeta un rapide coup d'œil aux environs. Il lâcha un juron en se rendant compte qu'ils étaient tous deux entourés d'une bonne dizaine d'hommes, certains armés de baguettes, d'autres visiblement alchimistes. Avalon acheva son sceau d'alchimie et Sky se tendit encore davantage, presque dégoûté qu'il était de devoir compter sur cette magie tant haïe pour les protéger.

« Sky... Père... c'est père.... »
« Niall ? »

Il avait prononcé le prénom de leur géniteur dans un murmure presque horrifié. Il se refusait à l'appeler "père" depuis un bon bout de temps, mais la terreur que lui inspirait l'homme était, elle, toujours présente, de façon aussi claire et brutale, malgré les années. Il sortit sa baguette et lança un sort au type le plus proche d'eux, lequel s'écroula dans la même seconde. Ses yeux bleus de glace sautaient d'un homme encapuchonné à un autre, se demandant si parmi tous ceux-là se trouvait Niall. Un sort fusa vers eux mais il fut arrêté par le bouclier provoqué par le sceau tracé par Avalon. Cela ferait l'affaire pour l'instant, mais cette protection ne risquait pas de durer bien longtemps vu l'état de faiblesse de sa jumelle. Il lança un autre sort, interrompant l'un des membres du clan qui traçait un cercle.

« Faut qu'on dégage d'ici et vite. »

Le transplanage ne lui semblait pas une idée judicieuse ; Avalon était si faible qu'elle se désartibulerait sûrement avant même qu'ils aient eu le temps d'atteindre une destination quelconque. Son esprit affuté tentait de passer en revue toutes les possibilités tandis que les sorts se succédaient à leur encontre, commençant à affaiblir sérieusement leur bouclier alchimique.

Il avait gardé son instinct de protecteur envers moi. Durant nos années communes à l'école, il m'avait toujours prise sous son aile. Et là encore, il recommençait. Je détestais cette situation et mon handicap. Je ne savais pas combien de personne notre père avait regroupé pour nous avoir... Etait-il possible que notre géniteur souhaite notre mort? Je n'en doutais pas une seconde. Pour lui, il fallait que l'un de nous meure et si possible, pas moi. Je le détestais, je voulais qu'il souffre. Mon sceau achevé, j'informais mon jumeau de l'identité du chef des assaillants tout en fouillant mes poches, complètement paniquée. Je finis par trouver la fiole que je voulais et pendant ce temps, Aleksei me protégea... comme il l'avait toujours fait. Au sort qui percuta ma protection, je savais que mon cercle ne durerait pas longtemps.

« Faut qu'on dégage d'ici et vite. »

« Je sais. »

Que pouvais-je lui dire de plus? J'ouvris la fiole pour la boire. Ce n'était pas une bonne idée d'avaler cette drogue, j'allais le payer le lendemain mais je n'avais guère le choix. Il n'y avait que cela qui allait pouvoir me permettre de me relever et de ne pas laisser mon frère seul face à tout cela avec en plus un boulet aveugle. Je parviens à me remettre debout sans trop chanceler. Mes gants tombèrent sur le sol, dévoilant mes mains fines dont les paumes étaient ornées de sceaux. Je n'avais pas besoin de tracer quelque chose pour user de mon dos. Je frottais les mains l'une contre l'autre avant de les frapper pour renforcer notre cercle de protection. Par plus de sécurité, j'en posais un sur Aleksei. Je le connaissais suffisamment pour savoir qu'il allait jouer à la tête brûlée.

« Je vous avez prévenus... mes enfants. »

Pfff, quel con. Le fait qu'il parle venait de me donner sa localisation. Je m'agenouillais alors pour toucher le sol et posais mes paumes dessus. Des failles apparurent alors, courant et s'agrandissant de part et d'autre de nous. Certains des hommes furent déstabilisés, d'autres tombèrent et d'autres lancèrent des sorts en rafale.

« Qu'est-ce que tu prends, Kyra ? »

« T'occupes. »

Je n'allais quand même pas lui avouer que je venais de me droguer, histoire de pouvoir l'aider à nous sortir de là...Si? Je savais qu'il allait me hurler dessus, quand il réalisera ce que je venais d'ingurgiter. Nous n'étions pas dans la même section pour rien, après tout. En revanche, j'espérais qu'il avait oublié le cours qui parlait de cette drogue et de ses effets secondrais possibles... Parce que sans quoi, j'allais entendre parler de cela jusqu'à ma mort et encore... Il était parfaitement capable de venir m'emmerder dans ma tombe, ne serait-ce que pour râler encore et encore, comme quoi j'étais folle à lier, que jamais je n'aurais du... Pfff, sur ce point, j'étais certaine qu'il n'avait pas changé. J'avais pu sentir son regard réprobateur à mon encontre. Il m'avait pesé comme un kilo de plomb, voir plus. Mais sur l'instant, je décidais de m'en moquer. Je haussais les épaules et fis une seconde chose qu'il n'aimait pas: je retirais mes gants.

J'avais toujours su que mon jumeau ne supportait pas cette composante de mon être. Après tout, c'était cela qui nous séparait, cela qui faisait que lui était tuable à vue par notre idiot de père. C'était aussi en partie l'alchimie qui nous avait lié avec autant d'intensité. Je savais aussi qu'il ne supportait pas que j'en fasse usage sur lui même si cela allait lui sauver la vie dans sa prochaine connerie... Que je savais proche, surtout lorsque Niall nous signala sa présence. La réaction d'Aleksei ne se fit pas attendre. Je n'eus pas le temps d'achever mon sceau de terre que le voilà qui quittait notre barrière protectrice pour se projeter je ne savais où... Enfin si. Je devais être honnête: je savais qu'il allait vers notre père. Lorsqu'il fut touché par un sortilège, je sentis sa douleur comme si elle était la mienne. Je pouvais remercier le sceau que j'avais posé sur lui: sans lui, mon jumeau aurait été encore plus sérieusement blessé.

« J'ai moins de valeur qu'elle et vous le savez tous ! Alors prenez-vous en à moi, bande de lâches ! »

Je n'étais même pas surprise. Au moins, entendre le son de sa voix me permit de le localiser avec précision. Je lâchais un chapelet de juron en russe avant de m'élancer en courant vers lui tout en dessinant les gestes nécessaires à ce que je préparais. Sans comprendre comment, j'esquivais un sort mais pas l'autre. Je chutais sur les genoux, grognais de douleur avant de reprendre ma course. Je l'achevais contre le dos d'Aleksei et pris à peine le temps de lui murmurer.

« Fais-nous transplaner. »

L'instant d'après, je nous faisais tomber à genoux avec un coup bien placé à l'articulation de mon frère. Il allait m'en vouloir mais au moins, je nous avais sauvé d'un autre maléfice. En vitesse, je terminais les sceaux en sentant la magie crépiter entre mes doigts avec violence. Il était plus que temps que je libère l'invocation. Je savais que Niall allait la reconnaître et pour cause: c'était lui qui me l'avait apprise. En posant mes mains sur le sol, j'avais espoir que les autres alchimistes ne comprennent rien.


Avalon posa ses mains sur le sol. Aussitôt, des runes apparurent en cercle autour d'elle et son frère. Brillantes à l'extrême, elles créèrent un silence étouffant avant qu'une pulsation se fasse sentir, tuant sur le coup, ceux qui n'étaient pas capables de se protéger. Juste avant la pulsation, Aleksei et sa soeur disparurent.

Je connaissais les principes de l'alchimie du bout des doigts. Je savais que j'allais payer le moindre de mes sceaux au point d'en être probablement malade pendant des jours ensuite. Je souffrais, chaque muscle de mon corps hurlait sa désapprobation mais je continuais... Hors de question de m'arrêter alors que je puisais dans mes dernières ressources pour dessiner en l'air ceux qui me manquaient. Je ne pouvais que remercier Niall de m'avoir apprit à souffrir en silence depuis ma plus tendre enfance. Décidément, c'était la seule chose qu'il m'avait apprit en tant que père. Je savais aussi que mon jumeau allait me reprocher mes actes... Quelle folie de courire jusqu'à lui alors que je n'avais même pas pris la peine de tracer au sol, la rune qui me permettait de "voir" en situation de combat! Aleksei et moi étions suicidaires, il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre quand il s'agissait de nous deux.
Malgré tout, je me retrouvais près de lui, lui ordonnant de nous faire transplanner. Sa réponse m'arracha un grognement d'impatience mais je ne perdis pas le nord, le faisant tomber avec moi à sa suite afin de nous protéger et de lancer mon dernier sceau. Me retrouver dans ses bras me procura aussitôt une intense sensation de sécurité... mensongère encore puisque nous n'avions pas transplanné. L'instant d'après, je m'accrochais un peu plus à lui alors que nous disparissions, laissant l'endroit dans un état déplorable avec ou sans victimes.

Je reconnu instantanément le lieu où il nous avait ammené. L'odeur de son appartement était gravée dans mon esprit. Je me crispais en entendant les bouquins tomber au sol et lâchais un cri de surprise quand il me laissa tomber pour laisser libre cours à sa colère. Le souffle court, je restais à genoux, les poings serrés sur le sol. Je cherchais à retrouver la force de me relever, d'autant plus qu'une odeur de sang venait de me parvenir. Je trésaillis et me redressais en chancelant. D'un pas incertain, je m'approchais de lui, ignorant sa question me concernant. Du bout des doigts, je frôlais l'estafilade.

« Je ne veux rien entendre, laisses moi te soigner avant que je ne tombe »

Intérieurement, je luttais contre la nausée, contre l'épuisement et la douleur mais surtout... contre les effets secondaires de la drogue que j'avais pris pour l'aider. Peu à peu, je plongeais dans un état second. Gardant une main sur lui, je fis le tour pour me retrouver face à lui. Je lui dédiais un sourire sans me rendre compte que ma main était restée sur sa hanche.

« Avalon, qu'est-ce qu'il te prend ? »

Aïe... Pas bon là. Lorsque Alekseï m'appelait par mon prénom et non pas ce qui était devenu un "surnom" au fil des ans, je savais que j'avais fait une connerie et qu'il n'allait pas tarder à hurler ou dire des choses qui n'allaient pas me plaire. Et là, étrangement, je ne voulais rien entendre. Je voulais qu'il ne se soit pas reculé, qu'il ne m'ait pas lâché les mains et qu'il ne me tienne pas à distance comme si j'étais une pestiférée. Je devais lui répondre, je le savais mais je n'y parvenais pas. Mon esprit me rappelait sans cesse la chaleur de son souffle, l'étrange sensation que m'avait procuré notre baiser éphémère et illusoire. J'en désirais encore et tout mon sens moral volait en éclat au fil des secondes qui s'écoulaient. Une partie de moi voulait tout lui expliquer, lui dire que la potion que j'avais pris avait un effet désinhibant, que...

Je me sentais rejettée sans parvenir à comprendre que c'était lui qui avait raison. Entre ses mains, je tremblais, hésitant entre un mélange de désir, de honte, d'épuisement et de douleur. Peu à peu, l'envie de repousser ses mains pour me blottir contre lui et retrouver sa chaleur. Je baissais le visage et fermais les yeux.

« Ça ne va pas ? »

D'une secousse, je m'arrachais à la prise de ses doigts sur mes épaules. Mes poings se serrèrent à faire couler le sang mais je ne m'en souciais pas le moins du monde. Lui tournant désormais le dos, je pris une inspiration pour me donner un peu de courage.

« Je... La drogue qui me fait tenir debout.... c'est un effet secondaire. »

Je n'avais jamais mentit à Sky et ce n'était pas aujourd'hui que j'allais commencer. Je secouais la tête en réalisant qu'il n'allait pas me croire. Dépliant la main droite afin d'aller chercher la fiole désormais vide pour lui montrer, j'ajoutais.

« Non, ça ne va pas, Sky. Je suis en convalescence, j'ai mal de partout, je suis épuisée et... J'ai envie de toi. »

Voilà, c'était dit. Je déposais la fiole sur le sol, sachant pertinemment qu'il n'y avait plus de table basse pour l'accueillir. Je me dirigeais vers ce que je pensais être la salle de bain après avoir fait un détour pour l'éviter. Mon poing gauche était toujours fermé et tremblait sous l'effort que je faisais pour me retenir de me précipiter contre lui. Une fois seule, je réalisais que je ne savais pas du tout où aller pour trouver ce qu'il me fallait. En soupirant, je sortis ma baguette pour faire venir à moi ce qu'il me fallait. Je revins dans la pièce bien assez tôt, les bras chargés d'onguents, de bandages et de potions diverses.

« Assieds-toi. Je te soigne et je rentre chez moi... »

Je lui expliquais vaguement pourquoi j'étais ainsi mais à son sourcil haussé sceptique, je savais qu'il avait du mal à comprendre ou à me croire. Pourtant, je ne lui mentais pas. Je savais combien nous avions souffert par le passé à cause d'une hypthèse de nos parents... Je n'étais pas assez folle pour prouver qu'ils avaient raison... Restait que j'en avais sacrément envie et je n'en pouvais plus de tenter de démêler ce que je voulais vraiment et ce que la drogue me faisait faire. Je soupirais. Je n'étais vraiment pas heureuse de ce que je venais de faire mais c'était trop tard. D'autant plus que je finis par enfoncer un peu plus le clou. Je grimaçais avant de me décider de sortir de cette pièce et de le laisser. Je ne comptais pas le quitter mais il était blessé... La logique voulait que je le soigne un minimum. Lorsque je revins, les bras chargés d'une version améliorer d'une trousse de secours, je lui ordonnais de s'asseoir pour que je puisse le soigner.

Son soupir ne m'échappa pas. Je me composais un masque d'indifférence polie, espérant parvenir à ne pas déraper. Du bout des doigts, je cherchais sa plaie afin de la localiser correctement. Durant les minutes qui suivirent, je m'occupais de lui avec délicatesse. Cela n'empêcha pas quelques mouvements de douleur. Mes mains tremblaient sans que je ne le veuille. J'étais à la fois épuisée et tendue à l'idée de me laisser aller à déraper. Finalement, une fois la plaie bandée avec une bonne dose d'onguent, je fis disparaître tout ce que j'avais utilisé avant de me lever. Je lui avais promis de partir, je ne comptais pas m'attarder plus que cela. Je n'eut pas le temps de faire trois pas qu'il me retenait par le poignet avant de m'attirer vers lui.

« C'est aussi chez toi ici, alors tu devrais rester. En plus, t'es pas en état, tu devrais te reposer d'abord. »

A quoi jouais-tu, Aleksei? Je frémis, immobilisée dans une sorte d'attente qui m'épuisait un peu plus. Je ne comprenais pas ce qu'il voulait. Je le répugnais avec ce que j'avais fait et dit... Je le savais. Alors pourquoi voulait-il que je reste? Tant que la potion et ses effets n'étaient pas parti, je savais que j'allais être infernale. Je fermais les yeux puis murmurais.

« Je ne peux pas rester. Je ne peux pas... Parce que je ne veux pas t'imposer ma présence après...ça... »

Dans sa paume, mon poignet tremblait. Il avait raison, je n'étais pas en état pour rentrer dans mon appartement. Un autre jour peut être, j'aurais réalisé qu'il venait de me dire que j'étais ici chez moi... Et j'aurais fais des plans sur la comète. Là, pour le moment, j'étais trop occupée à ne pas lui sauter dessus. Quand je vous disais que la vie était pourrie...

Je ne savais pas ce à quoi il pensait. En fait si, je m'en doutais parfaitement. Il me suffisait de me mettre à la place de mon jumeau. Comment aurais-je réagis s'il avait tenté de m'embrassé, s'il m'avait dit qu'il avait envie de moi? J'aurais probablement fait la même chose... Probablement. Avec la drogue circulant dans mon sang, j'avais sincèrement du mal à apréhender une telle situation. Mes envies me dictaient que je l'aurais laissé faire sans me poser plus de questions, envoyant au diable la morale et notre passé. Là, il venait de me retenir, m'invitant à rester chez lui, ou devrais-je dire, chez nous... Je ne pouvais pas m'y résoudre pour des raisons multiples et variées. Simplement parce que le seul contact de sa main entourant mon poignet me donnait envie de l'attirer jusqu'à moi. Je luttais contre moi-même et il ne faisait rien pour m'aider.

La preuve: quelques instants plus tard, j'étais assise dans le canapé, blottie contre lui. Ma tête se posa naturellement sur son épaule alors que je me blottissais plus près de lui sans dépasser les limites qui nous étaient si naturelles auparavant. Là, je m'y raccrochais comme une noyée pouvait espérer une planche de salut. Ses paroles m'arrachèrent un sourire amer. Aleksei avait besoin de cette certitude pour s'expliquer mon comportement. Je pouvais lui mentir mais je ne le fis pourtant pas.

« Pas dans l'immédiat, non. Il faut du temps pour que mon organisme l'élimine... »

Mes mains se glissèrent autour de lui. Je l'enlaçais simplement pour me rapprocher de lui. Mon visage caché dans son cou, au coeur de ses cheveux et de son odeur, je murmurais.

« Je sais me contrôler, Aleksei... Mais si tu préfères, ramènes-moi à mon appartement... »

Ainsi calée au creux de ses bras, j'avais l'impression que rien ne pouvait nous arriver. Pourtant, nous venions tout juste de nous sortir d'une attaque en règle de la part de notre père. La nouvelle de nos retrouvailles lui était rapidement arrivée à l'oreille. Preuve s'il en est, que nous étions espionnés par notre paternel. Rien de bien étonnant en somme. Nous étions tranquilles pour un moment, le temps qu'il se remette de sa défaite. Si l'on retirait la potion, ce moment était exceptionnel en lui-même. Des minutes de calme et même si la tendresse en était exclue, je ne pouvais m'empêcher de profiter amplement de ce qui m'était offert. Je m'endormais peu à peu contre lui, répondant de manière machinale à ses questions. Ses réponses me parvinrent, plus ou moins étouffées par les limbes de Morphée.

« Kyra ? Tu as vraiment envie de moi ou c'est la potion qui te fait parler ? »

Pourquoi me posait-il cette question? Cela avait au moins eut pour intérêt de me réveiller. Je sursautais et me redressais légèrement. Que voulait-il entendre? La vérité ou un mensonge...? Je ne lui avais jamais mentit et je ne comptais pas le faire maintenant. Avec douceur, je m'écartais de lui ou du moins, le serrais moins contre moi.

« C'est confus, Aleksei. Tu m'as tellement manqué. J'ai envie de... ne pas te quitter... Je... punaise! Je n'arrive même pas à m'expliquer...! »

Cette situation m'énervait. Je me redressais et m'éloignais. Tout en faisant les cent pas, je tentais de réfléchir à voix haute.

« Tu es mon frère, mon jumeau... C'est immoral de te vouloir... Mais tu es... séduisant... J'en ai marre... Ca m'énerve. Tout est brouillé. Je n'arrive même pas à savoir ce que je veux vraiment. J'ai faim, pas faim... J'ai soif, pas soif. J'ai envie de toi, pas envie. Quelle connerie j'ai fait en prenant cette drogue! »

Elle s'énervait toute seule, déchirée entre son envie et sa morale, entre ses interrogations qui ne trouvaient pas de réponse. Aleksei avait raison de lui demander si c'était elle ou la potion que le voulait lui... Elle ne savait pas quoi lui dire ou comment lui expliquer tout ce qui la traversait sans qu'elle parvienne à lutter contre. Elle s'était levée et faisait les cent pas devant lui tout en débitant des phrases sans suites et d'une logique souvent douteuse. Et quand il rit après qu'elle lui ait dit qu'il était séduisant, elle se figea, hésitant entre la colère la plus pure et l'amusement. Finalement, elle sourit. Bien entendu, c'était débile mais il était suffisamment bien placé pour savoir qu'elle était capable de le décrire... selon son toucher. D'ailleurs, elle en vint à penser qu'elle ne savait plus vraiment à quoi il ressemblait... Après tout, des années s'étaient écoulées depuis la dernière fois qu'elle l'avait touché... Il avait du changer un minimum et elle se contentait d'imaginer ces changements. Elle fit claquer sa langue contre son palais et haussa les épaules. « Il suffit d'écouter les filles que tu as mis dans ta couche... Idiot. »
Elle voulait le gêner. D'autant plus que si elle s'était faite extrêmement discrète sur ses aventures, lui ne s'était jamais caché... Et les filles parlaient bien trop souvent du "Niebo" au goût d'Avalon. Elle continua à aller venir sans trouver un minimum d'apaisement. Elle l'entendit se lever et s'approcher d'elle. Durant un instant, elle manqua de s'écarter de lui de peur de ne pas se contrôler par la suite mais elle se laissa enlacer, un soupire frémissant sur ses lèvres. Elle ferma les yeux et se détendit aussitôt... pour mieux se crisper en l'entendant dire qu'il ne pouvait rien lui refuser. Elle cessa de respirer avant de se mettre à trembler. Doucement, elle secoua la tête. « Non... Je... Ne veux pas te forcer, que tu te sentes obligé et ensuite que tu m'en veuilles. J'ai pleuré des nuits entières en suppliant le ciel et les enfers pour que tu sois là. Je refuse de te perdre à cause d'une "simple" potion... Il faut que je me repose, ce serait déjà pas si mal... »
Elle lui sourit d'un air tranquille et s'appuya contre lui. Cherchant à le taquiner, elle ajouta. « Et de toute manière, je suis loin d'être ton style... »... Enfin, c'était peut être pas une bonne idée de lui dire cela...

Avalon savait qu'elle avait fait mouche en lui disant qu'elle était au courant pour toutes les filles avec lesquelles il avait couché. Les filles n'avaient pas forcément le tact de certains hommes et elles discutaient aisément en présence d'Avalon comme si sa cécité équivalait aussi à une surdité certaine... Raté. La jeune femme avait en mémoire le moindre nom et prénom de celles qui avaient été honorées par son frère. Elle savait aussi toutes les arcanes de ces nuits... Et avait fort à parier que ceux qui avaient partagé la sienne en avait dit autant à son sujet. Sauf qu'à Rosenkrantz, elle n'avait eut aucun homme qui puisse se souvenir d'elle... Oubliettes avait fait des ravages dans les rangs estudiantins. Avalon sourit doucement pour son frère et eut la délicatesse de ne rien ajouter. Autant faire en sorte de ne pas le gêner encore plus.
Quelques instants plus tard, elle était contre lui et il lui proposait d'accéder à sa requête. Chose qu'elle refusa avec plus de force qu'elle ne s'y était attendu. Elle craignait que cela allait les détruire, comme lui, visiblement. Elle soupira doucement et ferma les yeux avant de lui lancer une vérité. Le rire d'Aleksei la réchauffa alors qu'il l'allongeait sur le lit. Sans même lui demander une autorisation, elle transforma le canapé en lit pour qu'il s'allonge près d'elle. La réplique de son frère lui fit lever les yeux au ciel. « Ah... J'oubliais que tu étais un vantard... » Elle sourit et l'attira contre elle. Elle se tourna pour lui faire face et l'enlaça sans toucher sa blessure. Un autre mouvement de la main et une couette apparu pour les couvrir. « D'autant plus que d'après ce que je sais, tu préfères les bimbos avec un petit pois à la place du cerveau et un corps à se damner... Enfin, changeons de sujet... Et dormons un peu... Sans quoi on va continuer à délirer... »

« Vantard ? Non. Je suis juste parfaitement imbu de moi-même. » Avalon éclata de rire devant ce mensonge au moins aussi gros qu'elle. Aleksei était loin d'être un vantard, au contraire, même... Il n'avait que trop tendance à se sous-estimer. Certes, il n'avait pas le don et c'était une tare presque tragique dans un clan d'alchimiste. Mais elle savait que Angus, leur grand-père, n'attendait rien de mieux qu'une visite de son petit-fils un jour. Il n'y avait guère que Niall qui poussait l'alchimie au rang de clause non négociable pour prétendre être issu de ses reins. Et même avec son génie, Avalon n'avait jamais trouver grâce aux yeux du paternel. Définitivement, il n'était pas bon d'être un jumeau dans la branche exilée des McKenzie. Aleksei s'estimait moins bon que sa soeur qui culpabilisait parce que sa moitié vivait mal. Epuisée, la jeune femme ne fit pas attention au fait qu'elle usait d'alchimie devant son frère. Elle voulait un lit pour se reposer avec lui et rien d'autre ne comptait. Il ne fallait pas trop lui en demander, elle était bien trop occupée à se contrôler pour ne pas lui sauter dessus. Avec un soupir satisfait, elle l'entraîna jusqu'à elle pour se blottir contre lui. Elle acheva leur discussion par une nouvelle taquinerie puis par ce qui pouvait sembler être un ordre. Alors que son frère s'endormissait et avant de le rejoindre dans les bras de Morphée, elle murmura « Je suis désolée, Aleksei... tellement désolée... » La voix d'Avalon était endormie, elle soupira une dernière fois, se blottit un peu plus contre lui et plongea dans le sommeil.
Quelques heures plus tard, le silence de la pièce se brisa sous le coup d'un hurlement. Les yeux clos, toujours endormie, Avalon rêvait ou du moins, cauchemardait. Tendue comme un arc à l'autre bout du lit, elle se débattait contre ses fantômes au point de déchirer ce qu'il y avait sur elle.