Il renifla un peu dans le froid de la cage d’escalier. Il n’avait pas donné signe de vie depuis hier. Elle allait le tuer, le crucifier, ou alors elle penserait qu’il avait enfin réussi à se sortir Alice du crâne, et là, pour le coup, Alice était à trois cent kilomètres de lui. Il ferma les yeux, sentant le froid le saisir, mais il ne bougea pas de devant la porte. En réalité, il avait mal au dos, dans les hanches. Seth n’avait pas été doux. D’ailleurs, il n’avait pas non plus demander si il pouvait. Il avait juste pris, pas pur plaisir, pour son plaisir. Et c’était ça, le pire. Il baissa les yeux sur ses poignets bleutés. Il était bleu de coup, le dos écrasé. Il l’avait labouré de coup comme si il avait été un ennemi, lui qui n’avait jamais été qu’un ami. Zachkariel le détestait à ce moment, et pourtant, il ne voulait que le retrouver, pour l’embrasser encore une fois, pour sentir ses bras autour de lui, se serrer contre lui et juste oublier la douleur. Il secoua doucement la tête, ouvrit la porte et passa le nez. Personne n’était encore debout, et on ne pouvait le reprocher à personne, surtout pas à Mana. Ils avaient pris les cours ce mois-ci, et pour sa première sortie avec Melchior Beltràn, sa “vraie” première sortie, il avait fallu qu’il tombe sur Seth Campbell. Il renifla un peu, ferma la porte et bougea dans la cambuse. Elle était petite, alors il fallait faire au mieux. Il poussa doucement la porte de la salle de bain et la referma derrière lui.
Il se déshabilla, nerveux. Il tremblait. Ses jambes ne cesseraient peut être jamais de trembler. Il passa devant la vitre, s’arrêta et observa sa peau. Elle était une magnifique constellation de tâches bleues et violettes Son corps était martelé de coup, et on pouvait même remarquer les traces des doigts sur ses hanches rougis, ainsi que sur son épaule. Il ferma les yeux, gêné, presque honteux finalement et entra sous la douche. Il y passa un long moment, jusqu’à que des pas dans le couloir ne le sortent de son coma. Il releva le nez, enroula ses hanches dans une serviette. Sa jambe droite tremblait toujours, mais il n’y faisait pas attention. Il ne pouvait pas vraiment faire attention à ce genre de symptôme, car si il y faisait attention, il faudrait expliquer et on ne veut que rarement expliquer pourquoi on en veut pas à un mec qui vous a violé et qui a dormi avec vous. Sans rires, on explique pas ça. Il vérifia que la serviette était bien accrochée, regarda autour de lui, et grimaça. Aucune autre serviette. Il se pencha, attrapa sa chemise sale et l’enfila sur ses épaules. On voyait encore ses poignets, mais dans l’obscurité, on ne les verrait pas. Enfin l’espérait-il. Il ouvrit la porte, passa la tête par la porte. Personne dans le couloir. Il fit un pas. Dommage.
Il n’en fallait pas beaucoup pour tirer Mana Mayfair des bras de Morphée. Il en fallait d’autant moins qu’elle s’était endormie malgré elle, elle avait attendu Zachk. Un peu inquiète pour rien dans le fond. Qu’aurait-il bien pu se passer? Rien. Il fallait bien le dire. Leur vie s’écoulait lentement, routinière mais pas totalement désagréable non plus. Il y avait çà et là quelques déceptions, de mauvaises nouvelles mais ils faisaient aller. Mana guérissait de Klaus, ses oreilles de chat léopard occupant une grande partie de son temps à part égale avec ses révisions. Zachk allait et venait, il s’éloignait, se préparant à un coup de chagrin qui lui pendait au nez. C’était comme ça. Ils n’y pouvaient rien.
Mana ouvrit un oeil, le nez dans un cahier. Elle tendit l’oreille et se leva machinalement. Un coup d’oeil à son réveil, c’était plus de quatre heure. Ca ne ressemblait pas à Zachk. Un instant elle se fit la remarque que ça ne la regardait pas vraiment avec ou sans l’assiette de shorba qui attendait toujours Zachk sur la table. Tant pis. Ca n’était pas vraiment perdu. Sauf si Portos lui avait fait un sort.
Mana sortit dans le couloir, une petite trace bleue marquait sur sa joue un amusant “ars meta...sis” qu’elle ne remarquerait que plus tard.
- ...mh Zachk? Qu’est-ce qui t’es arrivé? C’est super tard..., demanda-t-elle d’une petite voix encore pleine de sommeil. Elle ne le distinguait pas encore tout à fait vu que la lumière était éteinte dans le couloir.
- J-je... Il se crispa, et ce n’était pas vraiment dans ses habitudes. Pas face à Mana qui était un peu tout ce qui constituait son monde avec son frère. Il n’avait pas vraiment beaucoup d’amis, et ce malgré qu’il ait un nom et une popularité certaine. Il détourna le regard, nerveux : ...désolé de t’avoir réveillé, j’ai voulu prendre une douche, j’aurais du attendre que tu sois réveillé. Je... Je suis crevé, je vais aller me coucher...
Mana fronça les sourcils comme pour chasser la fatigue.
- Mh non t’as bien fait. De toute façon je m’étais endormie sur mes cours, j’étais mal callée., elle pencha la tête de côté. Il y avait un truc bizarre... il n’était jamais..., t’es sûr que ça va? Tu... je sais pas t’es... bizarre.
Et comme elle tombait sur cette conclusion, elle se rapprocha un peu de lui sans vraiment y penser. C’était ce petit truc qui vous faisait tiquer et achevait de vous réveiller pour de bon. Vous savez... ce truc là. Ici. Il rougit et eut un petit rire nerveux et bête à la fois, comme quand il ne savait plus vraiment quoi inventer. Il n’avait jamais su mentir de toute façon. Ce n’était pas une chose que sa mère lui avait apprise, et parfois, il aurait aimé avoir ce petit don de son père, que celui de raconter les plus grandes conneries du monde et d’être cru. Juste pour sa belle gueule. Il passa sa main dans ses cheveux, le poignet violacé lui faisait mal mais ce n’était rien. Ce n’était que superficielle, comparé au reste. Il recula d’un pas, fuyant le contact, autant visuel que physique.
- J’suis juste fatigué. Melchior m’a traîné partout, je sors à peine d’un bar... C’est... Fffiou...
Mais il avait perdu l’attention de son amie à la seconde même où il avait eu ce mouvement de recul. Il n’avait jamais eu ce genre de réaction jusqu’ici. Mana le dévisageait, cherchant elle ne savait quoi - ce fameux truc qui cloche - ce n’était pas dans ses yeux, pas tout à fait mais elle chauffait. Un air sérieux peint sur son joli visage, elle suivit l’arrête de son nez, le carré de sa mâchoire et comme se passait la main dans les cheveux... c’était là! Elle plissa les yeux. Le truc était là. Une marque sombre sur le poignet de Zachk que l’obscurité laissait à peine voir. Si elle n’avait pas cherché quelque chose en particulier, elle n’y aurait même pas prêté attention... seulement voilà. Mana était quelqu’un d’attentionnée, d’attentif. Elle n’était pas intrusive ni envahissante. Elle pouvait se mettre dans un coin et se faire oublier complètement. Mais pas si quelque chose lui laissait croire qu’elle avait une raison de s’inquiéter. Elle tendit la main à côté d’elle et la laissa glisser sur le mur. Il y eut un petit “clic” métallique et la lumière fut...
Zachk ne cilla pas. Ses yeux se baissèrent juste, et il se crispa davantage. Si le dessin de ses muscles fins se dessinait un peu mieux, contractés, les marques violacés, les bleus, les traces de doigts sur ses hanches et sur son épaule, elles aussi étaient belles à la vue. Un corps comme ça, broyé mais encore debout. Les phalanges, les jointures, tout s’était bien imprimé sur la peau de nacre du serdaigle qui tenait encore sa serviette sur ses hanches bien serrée, d’une main. L’autre était là, sur le bord de son corps, et ne bougeait pas. Si il fuyait, c’était brisé cette confiance qui s’était installée en eux. Si il restait, si il s’exposait volontairement -ou presque- à cette lumière, au moins il assumait. Presque. Il ne la regardait pas pour autant. Il assumait, mais pas tout à fait. Pas encore. Il déglutit péniblement, avant de murmurer, du bout des lèvres :
- C’est pas aussi douloureux que ça en a l’air...
Mana resta figée. De sa vie elle n’avait jamais vu ça. Le zombie de la béké n’avait pas la peau si marquée que ça. Bon bien entendu, sur une échelle de morbidité Zachk était tout de même battu à plate couture par le macchabée mais mine de rien... Elle tendit la main vers la sienne mais suspendit son geste.
- Zachk mais... mon Dieu, laisse-moi regarder. Qu’est-ce qu’on t’as fait? Qui?..., si elle était bien réveillée cette fois, c’était la stupeur qui la faisait bafouiller. Zachk était de loin ce qui pouvait le plus ressembler à une famille de ce côté ci de l’océan. Elle ne pouvait pas le laisser comme ça sans rien dire, sans rien faire.
- C’est rien! vraiment! Il serra le poing, parce qu’il savait que le mieux pour lui aurait été de la laisser faire, de lui dire tout ce qui s’était passé et de s’abandonner, mais impossible. Il fronça légèrement les sourcils, non pas de colère, mais de douleur, parce qu’il l’avait déçu. C’était logique, imperceptible, mais il venait de briser quelque chose, et ce n’était que le début - il le savait. J’ai... J’ai juste énervé un ami, et... et c’est pas si grave, non? C’est pas si grave que ça... merde. Il sentit une larme courir sur sa joue. Ca aussi, c’était honteux. Il leva la main et essuya nerveusement ses joues. C’est rien, ça va s’en aller. J’ai pas mal. J’ai pas mal...
Généralement, et dans toutes les situations, le choix le plus simple est encore de fuir ou de contourner la difficulté. Tu as raison, il n’y a pas mort d’homme, bon je vais me coucher, dors bien. Et là dessus essayer de dormir, y arriver parfois. Mana devait sans doute être mal fichue. Chez elle ce genre de solution n’existait pas. De même qu’elle n’avait jamais pu choisir de laisser couler pour Shane, là, devant les bleus de Zachk...
- Non. Non c’est pas rien du tout, elle hocha la tête, pinçant ses lèvres pour prendre sur elle ce qu’elle ne voulait pas lui mettre sur les épaules, tu... t’es pas obligé de me dire ce qui c’est passé mais si tu veux pas le dire, au moins ne ment pas s’il te plait., elle sourit un peu tristement mais eut un petit rire, d’abord parce que t’es vraiment nul en mensonge, elle sourit un peu plus pour masquer son inquiétude, laisse-moi au moins... je te demanderai rien, laisse-moi te soigner ça. Tu peux pas aller te coucher comme ça.
Il l’avisa, se regarda, et il était sans doute très pitoyable. D’ailleurs, oui, il l’était. Lamentable. On ne pouvait pas traiter un être humain estimable de cette façon. Il baissa les yeux, fatigué alors qu’il venait de dormir contre Seth, et finalement soupira. Il n’avait plus le choix, il avait accepté un marché avec un diable. Un ange foutu.
- Laisse moi juste enfiler un caleçon, et... et je suis à toi.
La résignation. Si c’était un péché, alors sans doute aurais-ce été la croix de Zachkariel. Elle, Mana, le regardait presque déjà consciente du mur invisible qui se dressait entre eux. Ce n’était peut-être que temporaire. Elle se retourna pour ne pas l’incommoder d’avantage. Elle alla l’attendre sur le canapé, une petite trousse sur les genoux. Là dedans il y avait le nécessaire de pharmacie. Une potion de dictame dont elle n’aurait pas besoin. Une petite fiole bleue qu’elle secouait pour mélanger les trois bases entre elle.
Comme promis elle s’abstint de poser la moindre question et commença à le soigner sans même croiser son regard, de peur de le mettre mal à l’aise plus qu’autre chose. Son onguent annihilerait la douleur complètement. Et il ne bougeait pas. Il repensait à un peu tout ce qui s’était passé cette nuit. Du rire fort et grave de Melchior jusqu’au mur, dans la ruelle, puis le lit de Seth. Il eut un frisson de dégoût mais ce n’était pas tant pour Mana, c’était juste pour lui. Ses yeux verts glissèrent sur la jeune fille, et il soupira, du bout des lèvres, déglutissant :
- Je suis désolé de t’inquiéter comme ça...
- C’est rien... lève le menton. Du moment que tu vas bien, que tu es entier c’est tout ce qui m’intéresse.
- Je suis entier. Il leva le menton, laissant un moment passé, et murmura : ...et je vais bien. Je crois.
- Ton doigt..., demanda-t-elle.
Et il tendit son doigt, docile et soumis comme toujours, mais à l’aise, parce que Mana ne pourrait jamais vraiment le gêner. Il aurait rougit d’être en caleçon devant une fille, surtout après son expérience de la nuit dernière, mais elle, non. Car Mana, c’était un peu tout pour lui. Ce matin plus que jamais. Les doigts de la jeune fille se refermèrent sur la main de Zachk. Dans son autre main son petit orisha de paletuvier rouge. Elle lui murmura quelque chose tout bas et l’approcha du doigt. L’orisha mordit au sang puis sa propriétaire le retira.
- Désolée, c’est pas très agréable mais demain matin, on ne verra plus rien. Ce sera comme si... fin … pas vraiment comme si...
Elle n’enlevait que la douleur et les traces, pas les souvenirs, pas la douleur psychologique. Ce n’était pas qu’elle n’aurait pas pu mais ça aurait été mal. Ca n’aurait pas été l’aider. Elle lui mit la petite fiole bleue dans la main, pour les endroits qu’elle ne pouvait pas - par décence - soigner elle-même.
Ses yeux noir ébène croisèrent ceux de Zachk sans le vouloir, mais ils s’y attardèrent et s’y attachèrent avec une certaine douceur. Les yeux vert pâles de l’ancien serdaigle ne se détournèrent pas, et après tout, il eut un sourire, un peu bête c’est vrai, mais un sourire. Il avait eut une enfance peu commode mais pas traumatisante. Pas à ce point. Et finalement, il n’en voulait pas à Seth. La seule chose qu’il lui reprochait avait été encore de ne pas le lui demander. Si il avait demandé, il aurait tout de suite donné, mais il n’avait rien demandé. Il eut un vrai sourire, un sourire un peu fin, un peu maigre, mais sincère.
- Je n’ai pas mal. Ca va aller. … merci.
Elle hocha la tête, esquissant un “okay” pas vraiment audible. Elle avait besoin de... de ne pas réfléchir justement. Parce qu’elle avait promis de ne rien demander même si maintenant quand elle le verrait sortir, elle repenserait toujours à ça. Elle s’inquiéterait avec de bonnes raisons. Mais elle ne dirait rien parce que son rôle à elle, ce n’était pas de rendre les choses plus difficiles mais plutôt d’alléger le quotidien des autres, en s’oubliant bien souvent elle même. Après tout quand elle s’occupait des petits bobos de Zachk elle ne pensait pas aux siens non? Ou peut-être qu’elle les prenait à son compte et dans ce cas, ça n’était guère mieux. Mais elle ne se posait pas la question.
Elle repoussa la trousse de secours. Elle l’aurait bien serré doucement dans ses bras, pas dans un geste amoureux, ça n’avait rien à voir. Mais elle n’en ferait rien, de peur de réveiller cette chose en lui qu’elle ne pouvait pas guérir. Cette chose qui l’avait fait se reculer tout à l’heure. Simple question de respect. Il tire sur lui une nouvelle chemise, propre, blanche. Blanche d’une pureté qu’on venait de lui arracher cette nuit. Il avait l’air un peu abbatu, mais pour quelqu’un qui venait de subir ce qui aurait pu être un tournant, il avait l’air plutôt calme et réfléchi. Ses yeux avaient trop pleuré cette nuit. Le mieux était de ce dire : “c’est arrivé”. Ni plus, ni moins. Trouver une raison, chercher la faille c’était encore tourner le couteau dans la plaie. Il la regarda, et eut un pâle sourire.
- On est vraiment pourris en amour... T’es sûr qu’on est pas maudit?
Il détourna légèrement le regard, plus par pudeur qu’autre chose. Chez lui, ce n’était pas de l’amour. On avait juste honteusement parodié le fameux “faire l’amour” pour mieux blesser ses chairs. Ce n’était pas grand chose, mais ça faisait mal.
Elle fronça les sourcils, un air interrogateur qui se lisait d’autant mieux que ses oreilles de chat s’agitaient sur sa tête:
- … en amour?, elle marqua une pause, jouant avec ses doigts, peut-être qu’il y en a qui sont pas fait pour ça que veux-tu?
Et pourtant, pendant deux semaines, deux merveilleuses semaines, elle avait été faite pour ça. Elle avait été heureuse plus que le mot heureux ne pouvait le décrire. Mais ça n’avait été qu’une espèce d’illusion. Elle n’avait pas envie de repenser à ça. Pas envie de revoir encore la mine quasi décomposée de Klaus et de sentir son coeur vomir toute la douceur qu’il avait siroter dans un affreux rendu acide et brûlant à la fois. Il baissa les yeux, et se redressa, attrapant son jeans. Il glissa à l’intérieur, et si sa jambe droite tremblait, elle tremblerait longtemps. Ce n’était pas la douleur. C’était nerveux. Il ne le remarqua même pas, et regarda la fiole bleue. Il la prit pas, la laissant sur la table. Il la prendrait quand il n’aurait pas honte, quand il aurait le cran de le faire. Un jour. Demain, peut être. Ou jamais. Il la regarda du coin de l’oeil, et se mordit l’intérieur de la joue pour ne pas poser cette putain de question. Question qui ne valait rien. Il regarda ailleurs, un instant.
- Qui a dit que certaines personnes naissent avec la tragédie dans leur sang?
- La tragédie peut-être pas. Hey on est peut-être nul en amour mais on est plutôt bons dans d’autres trucs. La tragédie ce sera... juste un épisode dans notre road movie.
Encore une de ses références à des trucs moldus qui faisaient son quotidien quand elle était à la Nouvelle-Orléans. Elle regarda la fiole mais n’insista pas. Elle lui offrit un sourire elle aussi. Elle oublierait Klaus, il lui faudrait juste un peu de temps. Ca se ferait très bien. Il eut un petit sourire amusé.
- Une des nombreuses péripéties qui nous attends alors.... Tu es prête, Bonnie?
Il eut un large sourire, un sourire ravageur, un sourire qui ne lui allait pas du tout, mais qui était amusant sur lui. Elle eut un petit sourire canaille, l’idée lui traversa le crâne qu’ils faudraient qu’ils s’attachent à corriger la copie du scénariste pour ne pas avoir une fin aussi pourrie que ça mais pour le reste elle était partante:
- Toujours prête Clyde.
Elle se releva d’un bond, un peu plus énergique, et dans le même temps, juste assez fatiguée pour accepter de tirer le rideau sans se poser trop de question pour l’instant. Il eut un sourire, serra sa ceinture qui pour sûr resterait longtemps aussi serrer sur ses hanches et ajusta les manches sur ses poignets. Il avisa l’heure, et c’était bientôt 7 heures ou presque. Il eut un léger soupire.
- On va en cours ensemble?
- Si tu n’as pas peur de catwoman, se moqua-t-elle. Bien sûr qu’ils y allaient ensemble ce matin.
Parce qu’entre nous, un raz-de-marée peut bien fracasser la terre, un ouragan peut bien balayer les plaines et un ange peut bien perdre ses ailes et une jeune fille son coeur, tout ça, c’est la vie. C’est juste arrivé. Et ça arrivera, encore et encore. Le challenge est encore de se relever.
Avec le temps, les choses s’égrainent mais elles continuent de suivre leur cours. Mana devient plus jolie de jour en jour. Peut-être que c’est ça la preuve que le temps effacera même Klaus à force. D’ailleurs l’ancien capitaine de Serdaigle coopère, il ne se montre guère et d’un commun accord silencieux, Mana l’évite.
Des péripéties il y en a eu... il y a eu la mère de Zachk, puis il y a quelques jours son grand père. Alors aujourd’hui, si Mana se tient là, toute silencieuse à côté de Zachk, devant une fausse où le cercueil de Rufus Scylence est lentement descendu, c’est parce que quelque part il avait raison. Si à côté d’eux Ezechkiel et sa Marla enceinte sont de vrais Bonnie and Clyde, Zachk et Mana restent à leur façon des inséparables. Des petits oiseaux multicolores qui n’étaient pas armés pour les vrais coups durs mais qui se serraient l’un contre l’autre pour avancer malgré tout. Enfin, c’était ce qu’ils s’étaient toujours dit. Avancer et ne jamais reculer. Mais aujourd’hui, le bras dans une attelle serrée, le regard de Zachkariel est terrible à sa façon, pas de colère, mais d’une tristesse qui ne s’est que trop attardée sur son visage. Seth a été là, c’est vrai, et les mots de Mana aussi, mais à ce moment là, il en veut au monde entier de ce qu’il lui arrive successivement. Il en veut tout d’abord à sa mère et à son grand-père qui sont partis, puis à Klaus qui n’a pas pensé au coeur de Mana, et aussi à Seth qui le brise mais lui fait en redemander, et au summum de cette horreur, il y a Ezechkiel. Ezechkiel qui se tient là, droit à côté de sa femme enceinte, qui regarde avec un mépris remarquable l’assemblée silencieuse. Ezechkiel qui hausse un sourcil en voyant s’avancer Una qui sera celle qui fera l’oraison funèbre. Car Zachkariel aurait pleuré tout le long sans pouvoir aligner un mot. Car Ezechkiel n’a pas voulu. Et alors que Una ouvre la bouche, il tourne le dos, prenant le bras de Marla et s’éloigne, dans une fausse noblesse teintée de colère et de violence. Ezechkiel respire la haine. Zachkariel détourne le regard de Una jusqu’à Ezechkiel, et il sert les dents, et sa main sert celle qu’il tient. Les doigts de Mana qu’il sert pour ne pas exploser, oh oui, pour ne pas l’injurier, pour ne pas le maudire, parce qui est-il dans cette assemblée? Rufus qui l’a sauvé. Et Ezechkiel qui l’abandonne encore. Zachkariel ferme finalement les yeux, dans une dignité froide qui ne sied qu’aux sangs purs, et si les larmes coulent, grosses et rondes sur ses joues, c’est la colère qui grossit la peine. Et l’oraison finit. Una s’éloigne, le visage marqué mais noble. Les gens se présent à Zachkariel, présent leur condoléances. Il ne sourit pas, acquiesce en silence, et il sert toujours les doigts de Mana. Aidev Blake passe également devant lui, le saluant d’un geste noble de la tête. A la fin, Zachkariel tourne le dos, fixant Mana du coin de l’oeil.
- J’ai pleuré... Je n’aurais peut être pas du.
- Non tu as bien fait Zachk. Il faut pleurer pour rester un tant soit peu humain. Toi tu n’es pas comme eux.
Eux tous ceux qui n’ont pas pleurer parce qu’ils étaient là par pure convenance. Eux tout ceux qui diront plus tard “Rufus était un ami proche”, “un grand homme ce Rufus” quant au final ils n’auront parler que pour parler d’eux. Sans doute que ces mêmes gens diraient “vous avez vu, il a pleuré, il ne sait pas se tenir”, mais lui au moins à pleurer pour Rufus et non pour se montrer. Les larmes sont vulgaires quand elles sont l’instrument de quelque chose. Quand elles sont désintéressées, elles sont salvatrices. Mana aussi a pleurer, sans se montrer. Quelques larmes qu’elle a essuyées du revers de sa main libre parce qu’elle aimait bien le vieux Rufus. Ce n’est pas la pitié ni la compatissance qui lui fait serrer Zachk dans ses bras. C’est l’amitié. Celle qu’elle lui porte à lui, et celle qu’elle portait à son grand-père. C’est l’amitié qui fait qu’elle est là devant la tombe fraîchement creusée de Rufus Scylence et qu’elle ne voit pas le regard détestable de la famille St James qui se pose sur elle. Les filles St James sont venues parce que dans ce genre d’événement il faut s’afficher, et parce que c’était l’occasion de quelques mauvais tours de vaudou. On les a déjà oubliées. Mana regarde les gens partir un à un. Pour la plupart ça s’arrête là. Pas pour Zachk. Alors elle le serre doucement, la main posée contre sa nuque, et il n’y a rien qu’elle puisse faire d’autre. Pourtant il n’y a rien de plus précieux non plus que ce qu’elle fait là. Parce que le geste est désintéressé. Zachk’ regarda le trou, et eut un soupir. Un an. Il avait fallu un an au jeune homme pour enterrer toute sa famille ou presque. Son père, sa “belle-mère”, sa mère, son grand-père. Ce n’était plus une épreuve. C’était un chemin de croix. Il s’arqua finalement quand la foule fut réellement dissipée et posa son front sur l’épaule de la jeune fille. Il n’était pas comme Job. Il ne pouvait pas rire de ça. Il ne pouvait pas remercier pour tout ça. Il maudissait en silence qui lui infliger ses fléaux, parce que maintenant, il ne pouvait rien faire d’autre.
Au petit soir, il dînait avec Mana et repartait chez lui. Il lui fallait chercher sa place. Son autre place. Parce que sa vie ne serait plus jamais comme avant après aujourd’hui, après ce dernier mois.
Leur cambuse semblait de plus en plus vide alors, Zachk n’y passait presque plus en fait sauf quand il avait besoin de bosser et quelques fois il dînait encore là avec Mana. Parfois l’absence de Zachk lui pesait. Particulièrement en ce moment. Particulièrement parce qu’elle aurait eu besoin de lui parler de quelque chose. A lui ou a personne d’autre. Mais ça n’était pas le moment. Aramis sauta sur ses genoux. Elle soupira. Il n’allait pas franchir la porte de chez eux maintenant de toute manière. Le temps faisait son oeuvre. Si ça se trouve elle n’aurait même pas à parler de ça... Elle eut un petit rire par dessus sa tasse de chocolat. Non quand même, ce serait ridicule. Elle posa le bout de son doigt sur le nez du chat:
- Tu m’abandonnes pas toi hein?
Tant qu’il y aurait des croquettes et une coupelle de lait, il n’y avait pas de risque. Le chat releva le nez, lécha le doigt tendu mais ne le lécha pas, suspendu. Ses oreilles bougèrent, et comme à chaque fois qu’Il revenait, les trois chatons se tournèrent vers la porte, gambadant joyeusement à cette dernière. Les maine coon avaient bien grandi, et si Zachk ne les voyait pas prendre leurs belles robes grises à plusieurs nuances, il ne les oublié pas. Il poussa la porte après avoir toquer, un sac en main. Des sushi. Et du thon pour les chats. Les félins s’attaquèrent aussitôt à son jeans, cherchant qui arriverait à grimper le plus vite à sa ceinture, et il eut un sourire, refermant la porte derrière lui. Il ne portait plus son attèle, et si son poignet était encore bleu, ce n’était plus qu’une affaire de jour. Sainte-Mangouste avait dit que c’était normal, cette coloration. Alors il ne s’inquiétait pas. Il referma la porte derrière lui, levant les yeux. D’ici il voyait Mana, son visage. Son visage, mais surtout ses yeux, qui si ils étaient loins, et sombres, avaient toujours su être lu comme un livre. Une écriture blanche noire. Un peu drôle. Mais pas aujourd’hui. Il avança dans le couloir, avec ce cortège étrange de chat attaché à son jeans qui pendait sur ses hanches, survivant à la chute grâce à une ceinture. Il la regarda, posa le sac de sushi sur la table.
- Ca ne va pas.
C’était une évidence, comme ça, mais il était sûr que peu de monde savait pour Mana. Savait qu’à ce moment, elle avait besoin d’aide. Lui-même ne le savait pas et le découvrait d’aujourd’hui. Il baissa les yeux, comme à chaque fois qu’il se souvenait qu’être avec Seth l’avait coupé du monde, ou presque. Que si il avait sa liberté, elle était régulée. Comme un chien portant un collier avec une laisse ajustable selon l’humeur du maître. Il grimaça légèrement. Il ignorait ce qu’était la vie de sa seule amie, de sa meilleure amie. Il se haïssait sur le moment.
Mana releva le nez affichant instantannément un sourire. Elle se leva pour aller lui dire bonjour avant de répondre:
- Si si ça va, j’étais … plongée dans mes pensées. Et toi?, son regard glissa sur son poignet bleu, Est-ce que ça va?
C’était en posant ce genre de question qu’elle se rendait compte que les choses avaient vraiment changées. Quelque part elle avait perdu le fil avec Zachk et elle avait beau chercher, elle ne voyait pas comment entretenir un genre de “quotidien”, quelque chose qui aurait fait la transition entre le moment où ils avaient vécu ensemble, à vraiment tout partager, et le moment présent où finalement ils ne se voyaient pratiquement plus. Il remarqua son regard sur son poignet et eut un petit sourire en coin, un peu bête. Tout ce qu’il lui arrivait, il l’avait voulu dans le fond. Il ne s’en plaignait pas. Un jour il le lui dirait, il oserait lui dire “j’aime ça, je ne veux pas que tu aies peur, ce n’est rien”. Mais pas aujourd’hui, car il ne faisait que commencer à comprendre dans quelle genre de relation malsaine il s’était finalement plongé. Il attrapa Aramis qui tentait de voler le sac du bout de la patte et regarda le jeune fille. Elle était jolie, vraiment jolie. Si Seth ne lui avait pas arraché les ailes, ils auraient fini ensemble par dépît amoureux. Ils auraient vécu ensemble tant de temps que par habitude, ils se seraient mis à s’aimer tous les deux. Et un jour, ils auraient découvert que leur amitié quasi fusionnelle aurait pu être plus que ça. Ils auraient pu. Mais chacun avait pris une autre voie.
- C’est rien, répondit-il finalement, en montrant son poignet, c’est ça de serrer trop fort. Il eut un sourire, avant de sortir les deux plateaux repas : Tu as pas l’air habillé pour sortir, j’en conclus qu’on peut manger ensemble? Il posa les deux plateaux sur la table basse, emmenant les chats vers la cuisine où il mit le thon dans leur gamelle avant de revenir s’asseoir en face d’elle, bien plus sérieux sur le moment : Et non, tu ne vas pas bien... Explique.
Elle eut un petit rire désabusé:
- C’est rien. Trois fois rien. J’te jure y a vraiment pas...
Elle s’interrompit reniflant une odeur purement infecte comme elle sortait les sushis de leur sac. Elle grimaça quand d’ordinaire c’était un de ses plats préférés, si simple fut-il. Enfin ça ne venait pas forcément d’elle non plus. Elle ne dit rien et sortit une assiette où elle disposa les sushis, en faisant abstraction de l’odeur.
- … de quoi s’inquiéter. Tu les a pris là où on les prend toujours d’habitude?, demanda-t-elle quand même à tout hasard.
- Bah oui, il haussa un sourcil, ne comprenant pas pourquoi elle grimaçait. Rien, ça ne veut plus rien depuis qu’on m’a cassé le bras Mana. Il eut un sourire tendre, regardant les sushis pour voir où ça clochait : Ils sont pas bons?
- Euh non je sais pas. On va voir., fit-elle avec un sourire en terminant de mettre la table.
Elle n’allait pas non plus lui dire que l’odeur des sushis lui soulevait l’estomac alors qu’il savait pertinemment que c’était son plat préféré, et surtout pour une fois qu’il venait manger à la maison. Qu’importait ce qu’ils allaient manger, l’essentiel c’était d’être ensemble. Et si jamais ce n’était pas les sushis on en revenait à ce truc qu’elle aurait bien fait de lui dire mais qu’elle avait trop honte d’avouer. Et mieux encore, plus le temps passait plus elle en avait honte. Si elle ne le lui disait pas là, elle ne le lui dirait jamais c’était plus que sûr. Elle lui dirait... mais pas maintenant.
- Je te sers?
Il releva sur elle ses yeux verts pâle, comme il l’avait observé tout le long. Quelque chose clochait dans cette scène, mais Zachkariel n’arrivait même pas à saisir quoi. Il ouvrit la bouche, pour pouvoir répondre, mais la referma avec un air un peu inquiet.
- Je... ouais, si tu veux. Merci.
Il eut un sourire finalement, mais il n’y avait rien de sincère là dedans. Il était inquiet. Il ne voyait pas où était “l’erreur”, mais elle était là, quelque part. Juste devant lui. Mana acquiessa puis le servit avant de se servir elle même. Ce n’est qu’une fois son assiette de sushis devant le nez qu’elle se rendit compte à quel point il allait être difficile pour elle de finir ce dîner sans rien dire. Elle avala un premier sushi en sentant qu’il ne passerait pas si elle ne prenait pas énormément sur elle. Sachant très bien que ça n’aurait pas échappé à Zachk elle prit les devants:
- Je... j’ai... dû chopper un truc. C’est idiot..., elle eut un pauvre sourire un peu désolé.
- C’est... il baissa les yeux, se mordit l’intérieur de la joue, et finalement chuchota : ...vraiment rien?
Elle baissa les yeux, incapable de répondre encore une fois que ce n’était rien parce que ça ne l’était pas. Elle soupira et força un sourire sur ses lèvres. Il avait beau réfléchir, une conclusion ne venait pas. Il regarda son assiette, et il n’avait plus vraiment faim. Il passa sa main sur son front, nerveux. Sa main tremblait. Alors il articula difficilement, comme ses mots lui arrachaient le coeur :
- Tu... tu vas mourir?
Mana releva le nez:
- Hein? Non! Non, bien sûr que non Zachk, elle lui prit doucement la main, je vais pas mourir. Je peux pas mourir Zachk ok?
- … c’est sûr, hein? Il la regardait, un peu en retrait ; sur ce sujet, on lui avait trop mentit, et on était partit trop vite, trop tôt. Il fit claquer sa langue sur son palet, tendu : Si tu vas pas mourir, t’es... malade? T’as... un truc? Je sais pas moi...
- Hey, fit-elle doucement en se levant pour venir à côté de lui, rassurante. Je ne vais pas mourir, du moins pas que je sache. Je te mentirai pas là dessus tu le sais. C’est pas ça...
Elle aurait bien pu repousser encore pendant des lustres mais pas en sachant que Zachk s’inquiétait. Elle n’avait jamais été assez égoïste pour préférer sa propre tranquillité à celle d’un autre.
Elle se mit à jouer de ses doigts sous la table, visiblement stressée. Elle repoussa l’assiette de Zachk vers le milieu de la table:
- Tu sais il y a trois mois..., commença-t-elle...
Elle n’avait évoqué ses vacances avec Klaus qu’une seule fois, extensivement et douloureusement, puis ensuite elle s’était tut, désireuse de laisser ça derrière elle. Il savait bien comment elle fonctionnait là dessus. Un peu comme lui, elle ressassait un temps et quand ça commençait à faire vraiment trop mal alors elle n’avait plus le choix, il fallait avancer. Alors pourquoi reparler de ça maintenant? Il la regarda, fit une pause dans sa tête. Son esprit se rassemblait peu à peu. Depuis quelques jours, un mois même, il n’avait fait que se concentrer sur les semaines à venir et pas le contraire. Parce qu’il devait avancer. Et trois mois... trois mois. Klaus. Il haussa un sourcil, ne comprenant où elle voulait en venir.
- Oui...? souffla t-il, en essayant de l’encourager à continuer.
Mais elle sentait ses mains se mettre à trembler. Quand elle en avait parlé à sa grand-mère, elle avait su avant même d’avoir ouvert la bouche qu’Awa Mayfair l’avait su, avant même que ça se passe. Quelque part elle l’avait laissé arrivé même si dans le fond Mana savait bien que la seule responsable n’était autre qu’elle même . Elle passa une main sur son visage pour chasser l’envie grandissante qu’elle avait de pleurer. Elle ne regardait plus Zachk et pâlissait légèrement. Qu’allait-il penser Zachk? Il fallait être complètement idiote pour laisser ce genre de chose arriver. D’ailleurs le mieux dans tout ça c’était qu’elle avait exactement tout fait pour que ça n’arrive pas. La probabilité pour qu’une chose pareille arrive avait été infinitésimale et pourtant ça lui été tombé dessus quand même.
- J’ai... avec Klaus on... enfin Klaus... tu sais..., tentait-elle d’expliquer, la voix entrecoupée de sanglots.
Elle sentait sa gorge se nouait au fur et à mesure. Elle étouffait, finalement, elle fondit en larmes incapable de terminer son histoire. Il chercha à comprendre, un instant, puis finalement baissa les yeux. C’était bon. Il savait. Il le savait vraiment. Il n’avait jamais été très doué pour ce genre de conversation, mais il avait compris à présent. Parce qu’après tout, son frère avait mise une fille enceinte, et il y avait eut aussi les rumeurs sur Candice et William. Il passa sa main derrière sa nuque, et finalement il tendit les mains, attrapant ses mains. Ses poignets à lui étaient bleus, mais tout ce qu’il ressentait n’était qu’une douleur physique. Elle, ce n’était pas juste ça. C’était bien pire. Il serra alors les doigts de la jeune fille entre ses mains.
- Et vous n’êtes pas ensemble en plus... Il eut un maigre sourire, en coin : Pleurs pas. Pleurs pas s’il te plaît...
Il releva la main droite, la posant sur la nuque de la jeune fille et l’attira à lui. Qu’elle mouille son épaule de larme si elle le voulait ; pour une fois que ça serait elle. Mana enfouit son visage contre sa gorge, serrant son t-shirt comme elle pleurait à chaudes larmes. Elle ne dit plus rien d’un instant. Elle ne se sentait ni mieux ni plus mal, simplement soulagée de le lui avoir dit à lui. Elle ressentait toujours ce profond sentiment de honte mais au moins là, c’était l’idée de décevoir son meilleur ami qui dominait, et non plus le souvenir de Klaus comme ça aurait pourtant dû l’être compte tenu du sujet de conversation... Il la serra contre lui, sans trop savoir quoi répondre. Au moins, avec Seth, il n’y avait pas ce problème qui se posait. Il lui tapota le dos, tendrement.
- C’est pas si grave que ça, pas vrai? C’est pas si grave....
Il cherchait réellement à trouver les bons mots, mais il savait déjà qu’il n’y en avait pas. Pas pour elle. Pas pour eux.
- Et tu sais le pire..., expliqua-t-elle entre deux sanglots, j’avais vraiment, vraiment tout fait pour que ça n’arrive pas... tu te rappelles la fois où tu m’avais demandé si on était maudit? peut-être bien que oui finalement...”
Il eut un sourire triste, baissa les yeux, et haussa les épaules, l’air de rien :
- Tu sais, j’ai jamais eut de chance. Que ce soit en amour, ou même dans ma vie sociale. J’veux dire, je t’ai toi, et c’est immense, mais mes autres amis... il eut un rire, nerveux, J’ai quelqu’un, et c’est peut être pas le meilleur du monde. C’est peut être pas la personne qui me va le mieux, peut être pas la plus douce, la plus jolie non plus, mais c’est le mien, et j’ai jamais été aussi heureux qu’avec elle. Et toi, tu vas avoir un bébé. Il la serra contre lui, un peu plus encore, lui embrassant le front, doux. Et ton bébé ça sera un peu tout pour toi, et il te rendra heureuse, et p’t’être que t’auras des moments durs, et p’t’être que t’en voudras à Klaus, mais merde, Mana. T’as un mioche, et tu m’as moi. Tu sais que tu peux compter sur moi, même si je passe pas souvent, pas vrai? J’ai grandi sans père moi aussi... Et... Et j’ai aimé ma mère jusqu’au bout... Mana. Sans dec’... Je dirais pas que c’est super, mais... Pleurs pas.
Il passa ses mains sur les joues de la métisse, avec un sourire pincé. Elle était belle. Et parce qu’elle était belle, elle n’avait pas à devoir pleurer. Pas parce qu’elle avait une vie dans son ventre, même si c’était pas voulu, et pas le bon moment, c’était déjà ça.
Mana serra un peu les dents mais fit signe qu’elle était d’accord. Il avait raison même si de son point de vue pour l’instant elle voyait plus le mauvais côté de la chose que le bon. Ca lui faisait peur surtout. Elle s’essuya les yeux du revers de la manche, puis resta un petit moment comme ça sans rien dire:
- Je pleurerai plus... c’est promis.
- Je préfère ça. Il eut un sourire doux, et jeta un rapide coup d’oeil aux sushis. On oublie tout ça alors...
- Je crois qu’il vaut mieux ouais. Y a du poulet au frais. Ca te dit?”
- C’est ok. J’ammènerais le sushi à Seth. Va pour le poulet.
Il eut un petit rire et se leva, allant vers le frigo. Mana leva un sourcil et le suivit du regard. Seth? Allait-elle enfin avoir le fin mot de l’histoire.
- Seth?
On aurait pu croire qu’elle demandait ça d’un ton un peu critique et pourtant non, c’était même un petit sourire qui naissait sur ses lèvres. Un sourire de fille, le genre qui est teinté de curiosité et de complicité. Le genre qui dit “je peux savoir, allez s’il te plait?”. On ne pouvait pas lui en vouloir, c’était son meilleur ami, et puis elle avait encore les yeux un peu rouges... non elle n’irait pas jusqu’à utiliser cet argument. Mais quand même... Il s’arrêta, ouvrit le frigo et eut un sourire pincé. Merde. Il avait encore parlé trop vite. Il sortit le poulet, se râclant la gorge.
- C’est fou, ce que l’avenir nous prépare, mh? Il roula des yeux, revenant avec le poulet en main.
- Si tu es heureux c’est tout ce qui compte.
D’autres auraient dit ça pour masquer un malaise, ou pour dire quelque chose. Mana, elle le pensait, c’est tout. Quelque part ça lui faisait plaisir qu’il veuille bien en parler, et d’un autre côté ça lui faisait penser à autre chose. Son assiette de poulet devant le nez - beaucoup moins problématique que les sushis - elle commençait à se dire que peut-être tout ne serait pas si affreux qu’elle l’imaginait au début. Elle n’envisageait toujours pas d’en parler à Klaus mais au moins l’envie de pleurer s’estompait un peu.
- Il sait que tu es là au moins?, demanda-t-elle soucieuse de ne pas semer la pagaille quand elle entrevoyait un petit coin de ciel bleu au dessus de la tête de Zachk.
- Si... mh. Il le sait.
Il eut un sourire maigre, un peu moins heureux sur le coup. Seth n’était pas préteur, et en tant que fugitif, il ne pouvait pas faire grand chose de ses journées, et qui disait pas grand chose disait également ne pas penser à grand chose d’autres. Alors son esprit était rivé sur Zachkariel qui se sentait quelque part piégé. il avait lutté pour s’exclure de cette sphère d’autorité, il avait lutté pour pouvoir aller en cours, et si il était heureux, c’était car Seth et lui s’entendaient bien au delà de ça. L’un frappait, l’autre encaissait. Un couple étrange, qui s’aimait à coup de poing, mais comme le disait-il, ils s’aimaient mal, mais s’aimaient.
- Qu’il le sache ou pas, ça changera pas grand chose. Il avisa l’heure. Je dois être rentré pour 22h. Sinon, après, il deviendra vraiment infecte.
Il eut un rire, se servant du poulet à son tour. Mana tiqua. Bizarre quand même. Enfin Zachk était plutôt conciliant comme garçon alors peut-être que... un bref instant les bleus à répétition de Zachk refirent surface dans l’esprit de Mana. Mais... non. Quand même pas. Il fallait être parano... mais peut-être que... non elle ne pouvait pas poser cette question là.
- Tu aurais dû venir avec lui, il est le bienvenu de toute façon. La question ne se pose même pas. Emmène le la prochaine fois. Comme ça je pourrais le rencontrer. Ca serait cool., proposa-t-elle de sa petite voix qui n’imposait jamais quoique ce soit.
- Je... Il marqua un temps de pause. Est-ce que présentait la personne qui empêcher ce couple d’être tout le temps ensemble serait bien vue par Seth? Zachkariel haussa les épaules : Je lui proposerais la prochaine fois
Mana toisa Zachk. Elle le connaissait quand suffisamment bien pour...
- Fin... ça n’a rien d’une obligation hein. Fais comme tu le sens.
Elle le resservit par habitude et se leva pour aller chercher un dessert dans le frigo. Elle allait sans aucun doute y repenser dans son lit ce soir.
- Au fait... mh. Je suis allée voir la logeuse aujourd’hui, tu sais pour le loyer, et elle m’a dit que t’étais déjà passé..., ça aussi c’était une des choses dont elle voulait parler avec lui, et puisqu’il se trouvait qu’elle sentait que le sujet de conversation précédent n’était pas tellement de bon goût...
Vu qu’il n’habitait pas vraiment là, elle ne voyait pas pourquoi il aurait eu à payer le loyer. Ce n’était pas normal. Du moins de son point de vue à elle.
- J’ai payé ma part, comme tous les mois. C’est pas passé? Il haussa un sourcil.
- Ben... c’est pas ça. C’est juste que c’est ridicule. Tu vas pas payer un loyer ad vitam eternam. Ce serait pas juste. En plus je peux assumer toute seule, le loyer est pas très cher. Il eut un sourire en coin, amusé.
- Ca me dérange pas. Après tout, j’ai dit que je faisais une collocation pour un an, j’assume un an. Je peux pas partir du jour au lendemain, et si je l’ai fais, je... payais mon loyer c’est encore être un peu ici. A travers Atos, Porthos et Aramis par exemple.
- Mais enfin Zachk... moi ça me dérange. C’est un peu comme si tu m’entretenais. Personne ne paye un loyer pour trois chats...
- Non, mais le chenil! Et autant dire qu’il est pas question que mes chats aillent dans un chenil. Au moins, comme ça, c’était dit. Et Seth est clairement allergique aux chats.
Mana affichait une tête clairement blasée.
- Zaaachk, ne fais pas l’idiot. Tu sais très bien que tes chats peuvent rester là tant que tu veux. En plus je m’y suis attachée. Mais ce que je veux dire c’est que tu ne vas pas continuer un loyer alors que tu vis pas ici. C’est ridicule. Au pire si VRAIMENT tu veux acheter quelque chose pour tes chats achètent des croquettes, même si c’est presque aussi ridicule vu comme c’est pas cher c’est pas ça qui va peser sur mes fins de mois...
- Mh... J’arrête de payer, donc?
Mana eut un petit rire moqueur.
- Tu arrêtes tout de suite même.
Il fit la moue, puis hocha la tête ; ça aurait le mérite d’être un tant soit peu normal au moins.
- Ok... Si tu veux.
Il eut un petit rire et haussa les épaules. Elle jeta un coup d’oeil à l’heure. Neuf heure et demi. Un regard à Zachk. Leur vie prenait quand même de curieux tournant.
- C’est bientôt l’heure Cendrillon. Je te garderai toujours un petit bout de poulet pour les visite à l’improviste, ou deux mêmes.