Le réveil de son frère l'avait particulièrement ravivé. Cette impression d'avoir été reboosté, comme l'on recharge les piles d'une lampe de poche lorsque la lumière ne cessait de faiblir pour ne plus apparaître. C'était comme une seconde naissance pour Clyde. Désormais, il pouvait aller le voir, lui parler, rigoler, déconner, bref. Raviver cette relation fraternelle qui lui avait tant manqué. C'était sûrement à cause de cela qu'aujourd'hui, il se ferait certainement prendre pour un con. D'ailleurs, c'était toujours comme ça que les choses se passaient. Il suffisait qu'il vous arrive quelque chose de bien, pour que dans la semaine qui arrive, vous appreniez une mauvaise nouvelle, ou que vous vous preniez un carton. La vie pouvait être curieuse lorsqu'elle le souhaitait. Mais il n'existait encore aucun mode d'emploie pour y passer outre.

Le ciel au dessus de Londres était encore noire en cet après-midi, aux alentours de dix-sept heures. Déjà, la faible lumière qui parvenait à s'échapper du ciel abyssale commençait à faiblir pour laisser les lampadaires éclairaient les rues du chemin de traverse. Sa journée de boulot était terminée. Mise-à-part quelques coups de mains donnés au bureau de chasseurs de lycans reconvertit en nuisibles et autres bizarreries que l'on pouvait rencontrer dans les sombres ruelles de Londres, il n'avait pas fait grand chose. Exploser et réduire en charpie une tanière de Goules, envoyer ad padres quelques esprits mauvais, bref, la routine depuis la fin du mois d'Avril.

Marchant rapidement dans les rues du chemin de traverse afin de se rendre le plus vite possible chez Florian Fortârome pour récupérer les chocolats préférés de son frère, Clyde ne faisait guère attention là où il allait. Connaissant le chemin par cœur, il fallait dire qu'il n'avait plus trop besoin de faire attention à ce qui l'entourait, avançant avec une expression quelque peu sereine et rapide. C'était ainsi qu'il devait rencontrer Belladone Devlin. C'était une ancienne serpentarde de trois ans sa cadette.

Si il s'en souvenait ? Pas le moins du monde.

Néanmoins, cela ne l'empêcherait pas de faire preuve de galanterie, et de politesse.

« Excusez-moi, mademoiselle. J'étais ailleurs. »

Un léger sourire, bon, c'est bon. On avait très bien compris qu'il avait plutôt belle gueule. Néanmoins, l'Auror était sincère.

« Tu cries pas ? Tu aurais perdu ta langue ? » résonnait la voix légèrement cristalline en cette fin de matinée, bercée par un ciel ombragé et continuellement noir. Penchée au-dessus d'un corps d'homme, ses cheveux roux caressant le visage d'une pâleur cadavérique de la victime, la jeune femme tira sur son gant droit pour agiter les doigts et se redresser lentement. D'un coup de baguette, sans avoir à prononcer la formule, elle nettoya le couteau avec lequel elle venait d'entailler la chair de sa proie, effaçant ses traces. Fixant un pan de mur, elle pencha la tête sur le côté et agita à nouveau sa baguette pour tracer des lettres d'un rouge sanguin contrastant avec la clarté du support; « Amen. ». Sourire amusé aux lèvres, elle observa son oeuvre, baissant à nouveau les yeux vers le corps secoué de spasmes de douleur. Il avait avalé sa langue et s'étouffait doucement sous le regard fasciné de la jeune femme, presque émerveillée. « Fallait pas fouiner comme ça .. Ta race est vouée à l'ignorance, c'était tout ce qui te protégeait.. » laissa échapper la fausse rousse avec un air faussement attristé, s'accroupissant aux côtés de sa victime pour lui caresser les cheveux avant d'appuyer sur ses blessures pour voir ses yeux se révulser.


Fascinant.
Jusqu'à ce que la vie n'eut quitté son corps. Se redressant, elle nettoya toutes traces de sa venue, et plaça le corps dans une position artistique, du moins à ses yeux, comme si il priait devant le mur repeint à sa façon. Sourire en coin, elle transplana hors de l'immeuble et se retrouva dans un rue moldue non loin du bar qui permettait de rejoindre le chemin de traverse.
Baguette cachée sous son manteau, elle replaça ses gants correctement et enfouit ses poings dans ses poches, pour se couvrir du froid. Elle avait beau être aussi glaciale que la température à l'intérieur, elle n'en était pas moins sensible à la fraîcheur du vent qui balayait les rues. Levant le nez, son regard acier se posa sur ce beau ciel que leur avait offert Wolfgang le traître avant de changer de camp, avant de reprendre son chemin et passer le bar pour s'arrêter devant un sorcier qui vendait le dernière édition du journal. Elle lut seulement les gros titres, amusée par le nombre de nouvelles victimes retrouvées depuis la libération des êtres de l'enfer, et puis de nouvelles arrestations. Et alors que l'autre lui tendait le torchon avec impatience, la jeune femme le dévisagea méchamment avant de lever le menton et de s'éloigner. Ces moins que rien qui osaient la salir de leur mains impurs ! Il n'y avait rien de plus répugnant.
Si ça avait été le seul de la journée, sans doute n'aurait elle rien dit mais lorsqu'on lui rentra dedans de plein fouet, elle serra les dents. Non seulement elle détestait ces contacts mais en plus elle venait de déraper et de s'écrouler sur son postérieur. L'ego blessé, elle grogna froidement en se redressant, repoussant toutes tentatives d'aide qu'on pourrait tenter de lui apporter.


« La prochaine fois soyez ici pour éviter ce genre d'incident ! » fit elle d'un ton glacial alors qu'elle se frottait le dos pour s'épousseter, le nez en avant. « Pff » souffla-t-elle en dégageant des mèches de cheveux de son visage pour lever le menton et poser son regard électrique sur le jeune homme. Instinctivement, elle plissa les yeux en reconnaissant cet air de charmeur. Ce genre belle gueule qui le savait et qui en profitait. Mémoire implacable oblige, elle le fixa un moment avant de lâcher sans s'en rendre compte. « Savage. »


Si le nom s'échappa de ses lèvres, elle ne le remarqua pas de suite, son cerveau carburant à toute vitesse pour lui rappeler comment et où et pourquoi elle le connaissait. Aussitôt lui revint des informations capitales; ex-gryffondor, son aîné puisqu'il avait quitté Poudlard avant elle. Un sourire énigmatique se glissa sur ses lèvres, alors qu'elle essayait de se souvenir de la réaction des gens dits "normaux" face à ce genre de situation. En temps normal, ils tendraient la main pour saluer ou se présenter.
Silencieuse, réfléchissant à toute vitesse, elle tenta de se souvenir de ce qu'elle avait pu entendre, ou lire sur lui. Il y avait bien quelque chose, elle l'avait déjà vu dans un contexte particulier mais lui non. Pourquoi l'avait elle observé ?
Posant à nouveau ses yeux clairs sur lui, elle se souvint et puis surtout les types comme lui elle savait les repérer. Le flair mangemort sans doute. Dégageant une mèche derrière son oreille, elle cligna des yeux pour observa les passants avant d'inspirer et de de nouveau poser son regard sur lui.


« J'ai réagit avec démesure .. » ajouta la jeune femme, feignant la culpabilité avec talent. « J'ai parfois la sensation de passer inaperçue. » non sans un clignement lent de paupières pour jouer avec ses gants. « Tu ne te souviens sans doute pas.. » forte probabilité pour que non, mais elle ne pouvait décemment pas le laisser filer comme ça, ne serait-ce que pour assouvir un désir malsain de jouer avec le feu. « Mais nous nous sommes déjà croisés à Poudlard. » bien qu'elle ne se présenta pas à son tour, feignant un sourire mi-charmeur, mi-innocent.

« La prochaine fois soyez ici pour éviter ce genre d'incident ! »

Si Clyde avait été chaleureux, comme à son habitude, la demoiselle lui rappela ô combien il faisait encore froid à Londres, malgré la venue d'un été particulièrement voilé par cette masse sombre. Son sourire persista malgré tout, préférant jouer la carte de la diplomatie comme on lui apprenait à faire au bureau des Aurors avec les gens qui n'ont aucune reconnaissance pour le travail que vous faites. Ce genre de personnes qui râlent pour tout et n'importe quoi juste pour le simple plaisir de le faire sans réellement avoir de bonnes raisons. Car en fin de compte, ils étaient plutôt content de ce que les Aurors faisaient afin d'éviter à une anarchie pur et dur, malgré tout ce que l'on en disait sur ces derniers. La jeune femme se remit une mèche de cheveux, l'air agacé, tout en relevant le regard vers son visage.

« Savage. »

Il s'apprêtait à partir lorsque cette dernière le regardait d'un air tout à fait curieux. Ne sachant pas trop quoi penser de la demoiselle, Clyde allait la contourner pour continuer sa route. Néanmoins, le fait qu'elle prononce son nom de famille de la sorte lui arrachant une léger surprise de sa part, tandis qu'elle se mettait à lui sourire. Clyde ne put s'empêcher de conserver son sourire, tentant, à son tour, de se remémorer le visage de la jeune femme. Elle le connaissait, ça c'était certain. Mais d'où ? A son tour, son cerveau se mit en quatre.

« J'ai réagis avec démesure .. J'ai parfois la sensation de passer inaperçue. Tu ne te souviens sans doute pas.. Mais nous nous sommes déjà croisés à Poudlard.»

Clyde eut un petit rire. Pour agir avec démesure, ça l'avait été. Mais il n'allait pas vraiment lui en tenir rigueur. Il y avait bien plus grave à penser en ce moment que de se savoir aimer par la basse populace. D'autant plus que son nom ne lui revenait toujours pas. Mémoire de poisson rouge. Clyde se serait gifler. La demoiselle avait tout de même un beau visage. Il aurait pu au moins s'en rappeler. Néanmoins, il pouvait dores et déjà la virer de la liste : Ancienne conquête, copine de buverie, ou autre. Poudlard... Il y avait tellement de monde... Par chance, il avait été dans les plus connues... Mais la demoiselle... En plus, cette dernière ne s'était pas présentée à son tour. Elle ne lui facilitait pas du tout la tâche.

Légèrement troublé, d'autant plus devant son sourire quelque peu charmeur, malgré une innocence évidente, Clyde répliqua.

« Poudlard... Au risque de te paraître désagréable, je dois t'avouer que je ne me souviens pas de toi... Mémoire de poisson rouge. »

Un sourire d'excuse, c'était la pire chose qu'il pouvait dire à une femme. Mais à l'évidence, il n'avait pas vraiment autre chose à faire sur le moment, sinon partir. Néanmoins, la jeune femme avait quelque chose de mystérieux qui lui demandait de rester à ses côtés et de discuter. La raison dirait tout simplement que la seule raison possible à ce qu'il reste, c'était que cette dernière n'est point pourvue d'une paire de couilles. Du moins... A première vue.

« Mais... Tu me dis quelque chose... Je t'ai déjà vu, ça c'est sûr... Mais alors ! »

Quel boulet. C'était bien un irlandais. Salut, je saute les deux pieds dans le plat, et en plus de ça, je mets tête la première. Je le fais bien, hein ? Un sourire plein d'excuse naquit sur son visage, tandis qu'il laissait paraître un léger mal être. Il était visiblement mal à l'aise.

La froideur habituelle de Bella se retrouva camouflée sous une couche de tendresse feinte. Malgré tout, la lueur de son regard ne changea pas tant que ça, toujours aussi glacée et vide. Plissant le nez, elle retroussa légèrement les manches de sa veste qui lui tombaient sur les mains, laissant seulement apparaître le bout de ses doigts. Baissant le menton vers ses mains, elle savoura le silence, sans doute résultat de l'effet de sa réflexion. Après tout, elle était habituée à ce genre de situation cocasse, même si en temps normal elle ne faisait aucune réflexion à haute voix, préférant garder ce qu'elle savait pour elle. Mais là, c'était différent, très différent même. Elle pouvait jouer sur cette rencontré inopinée. Retrouver Clyde Savage de cette façon là, maintenant, c'était comme recevoir un cadeau inattendu un soir de Noël, pourtant elle détester Noël et les cadeaux. Relevant le visage, elle posa son regard intense sur lui, non sans un sourire en biais, ce genre de sourire dont elle avait le secret et qu'elle ne laissait apparaître que quand elle voulait accrocher les gens, les forcer à s'intéresser à elle.. Faire semblant d'être charmé, et là en l'occurence, faire semblant d'être intéressé par le physique plaisant de Clyde.
D'ailleurs, son petit rire ne lui échappa pas et Bella porta son regard sur les lèvres du jeune homme pour les fixer et s'imprégner de leur mouvement. Il ne la reconnaissait pas, tant mieux. De toute façon, elle ne cherchait pas forcément à marquer les esprits, surtout lorsqu'on avait une place comme la sienne au sien d'une organisation dangereuse. Mais le plus important n'était pas qu'on se souvint d'elle, mais qu'elle se souvint des autres. Et le jeune homme était marqué dans sa mémoire depuis Poudlard, même si elle n'avait pas forcément cherché à penser à lui, ni même pensé à lui tout court. Après tout, il y avait des éléments de sa vie qui restaient gravé à nos dépends, celui-ci en faisait parti.
Lui revint en tête le physique adolescent de Clyde lors de leur "rencontre" dans les murs de l'école, même si elle n'avait pas forcément cherché à le retenir quand il était retourné à ses occupations après l'avoir 'aidé'. Elle détestait déjà l'aide à cette époque. Mais heureusement qu'elle avait une mémoire étonnante, puisque cela lui permettait d'utiliser ses talents d'entourloupette pour l'avoir sous la main.
Il était devenu auror à ce qu'on raconté. Un auror pas trop mauvais, mais assez difficile à tenir au garde à vous. Tant mieux si il était un électron libre, il ne serait que plus facile de berner !


« Poudlard... Au risque de te paraître désagréable, je dois t'avouer que je ne me souviens pas de toi... Mémoire de poisson rouge. » La réflexion eu un effet immédiat chez Bella; elle eut un léger rire cristallin. Ce rire enfantin qu'elle laissait échapper lorsque ses victimes la suppliait ou qu'elle jouait les jeunes filles banales qu'on croisaient dans la rue tous les jours. « Je ne dois pas être aussi marquante que tes conquêtes, certes. » non sans un sourire coquin et complice. Levant les bras pour attacher ses cheveux, et dégager des mèches rebelles, elle sourit à nouveau, les lèvres un peu pincées mais les commissures droites relevées. Penchant légèrement le visage sur le côté droit, les bras de nouveau ballants, elle laissa échapper dans un souffle au ton chaud. « Belladone, j'étais à Serpentard. J'avais, enfin j'ai toujours, une soeur jumelle. » puis en clignant des paupières à la façon de ses poupées qu'on voyait dans les magasines « Les jumelles Devlin. » comme on les connaissait à l'école, même si Narcissa avait un peu plus de succès qu'elle.


Sans rien dire, elle porta sa main à la veste du jeune homme pour retirer un cheveux qui s'était retrouvé là après le choc, en profitant pour l'effleurer de cette façon innocente. Quelle actrice ! Mais ce qu'elle aimait voir cet air de mal être sur le visage des hommes qu'elle interpellait. Une sorte de revanche pour les femmes, même si elle n'était pas forcément féministe, qui se retrouvaient toujours dans une position inconvenante face à des hommes charmeurs. En plus de ça, elle était certaine que Clyde devait être ce genre de type qui aimait profiter de son charme ! Alors le mettre mal à l'aise de la sorte ne faisait qu'en ajouter à son plaisir personnel.

« Je ne dois pas être aussi marquante que tes conquêtes, certes. »

Que répondre à ça ? Que devait-il lui dire ? Non, ce n'est pas vrai, qu'elle dégageait quelque chose de particulier, et qu'il devrait se flageller pour ne pas l'avoir remarquer ? Non. Ce n'était vraiment pas son genre, et même si il se sentit un peu plus mal à l'aise, au moins, il gardait la tête haute. Certes, Belladone était particulièrement charmante, mais le dire maintenant, aurait quelque chose de faux, de terriblement hypocrite. Et l'hypocrisie était quelque chose qui lui faisait défaut. Trop pur, trop Gryffondor, si je puis dire. La témérité et le courage étaient si profondément ancré chez l'irlandais, qu'il aurait été abérrant que de le voir mentir. Entre mentir et se taire, il préférait se taire. Les mensonges, ce n'est bon que lorsqu'il y a de gros enjeux familiaux derrière... Ou de boulot. Mais là, qu'avait-il à perdre ? Pas grand chose... Il faut se le dire.

« Belladone, j'étais à Serpentard. J'avais, enfin j'ai toujours, une soeur jumelle. » Clyde leva légèrement la tête, se plongeant dans ses souvenirs, le regard perdu à l'horizon. Belladone, Belladone... « Les jumelles Devlin. »

Une lumière, ça y est. Oh... Les jumelles Devlin... Elles n'étaient guère très réputés à Poudlard, ou du moins, pas dans le bon sens, comme le sous-entendait cette affirmation. Deux Serpentards se ressemblant comme deux gouttes d'eau, leur petite bouille si mignonne, mais ce regard si étrange... Il fallait se le dire : Elles en avaient bavé à cause de certains Gryffondors, tout comme elles avaient sûrement du leur renvoyer la balle.

« Ah oui... Oui, oui, ça... »

Clyde se tait. Belladone avait porté sa main sur son torse, retirant un de ses cheveux visiblement, avec une certaine innocence qui ne pouvait que l'émouvoir. Il déglutit péniblement, son regard se perdant sur le visage de l'ex-Serpentard. Il finit par soupirer légèrement, avant de regarder ailleurs, tout en terminant sa phrase.

« … Ça me revient, en effet.

Un léger sourire qui traîne sur son visage, il sait que c'est à ce moment-là, où il devrait s'excuser encore, la contourner, lui souhaiter une bonne journée, puis s'en aller, continuant ainsi sa route comme si de rien n'était. Pourtant... Allez, Clyde, montre-nous à quel point tu es irlandais, con, et fier de l'être ! Montre-nous comment tu vas te faire prendre pour un débile mental, qu'on rigole un bon coup.

« Puis-je me permettre de t'inviter à boire un chocolat ? J'allais chez Fortârome pour récupérer des chocolats. Mon frère vient de se réveiller, alors il voulait manger du chocolat, donc... »

Faire passer l'invitation pour quelque chose d'anodin... Oui, c'est un bon petit. Clyde est un maître en la matière.

Ce que l'Hypermnésie pouvait parfois s'avérer d'une utilité impressionnante. Cela l'étonnait toujours la précision avec laquelle elle se souvenait de chaque détails d'un événement passé, même si elle évitait toujours de le faire remarquer à voix haute sauf avec Yon et Narcissa. Eux n'étaient pas effrayés par sa mémoire monstrueusement parfaite, au contraire ils semblaient voir cela comme un don qui la rendait plus unique encore. Ce qui n'était évidemment pas le cas des autres, mais ces autres en question n'étaient rien d'autres que des microbes qu'elle se faisait généralement un plaisir d'exterminer. Sauf Clyde, face à elle, avec qui elle partageait un de ces nombreux souvenirs intacts qui tournaient désormais en boucle dans sa tête, maintenant qu'elle avait fait appel à ce moment passé. Elle se souvenait encore de sa coiffure de l'époque, de son 'look', si tant était qu'on pouvait appeler cela un look. Elle pouvait dire dans les détails ce qu'il s'était passé, les gestes qui avaient été fait et les paroles. Mais elle préféra garder ça pour elle, il ne faisait pas parti de son plan d'effrayer le jeune homme en lui faisant part de ce "don" qui lui donnait parfois la migraine à cause de toutes les infos que son cerveau analysait et lui rappelait à son bon souvenir. Belladone se contenta de jouer comme ces sottes qui se retrouvaient devant leur ancien crush de l'école après presque neuf ans de silence radio. Et ce qu'elle jouait bien les innocentes jeunes filles qui retrouvaient le garçon de leur adolescence qui leur avait fait tourné la tête. Sauf qu'elle, la seule fois où il lui avait fait tourné la tête c'était pour le regarder passer avec cet air de fierté blessé parce qu'il lui avait porté un pseudo-secour !
Chut.. Ravale donc ton mépris petite Bella, ce n'est pas le moment de laisser sa fierté prendre le dessus. Et elle écouta sa petite voix intérieure, qui aurait pu avoir des accents de conscience si elle avait su ce qu'était qu'avoir une conscience. Au lieu de ça, elle se contenta de garder cet air poupin sur son visage fin, bien qu'elle avait toujours l'air femme-enfant, sans même se forcer. Peut être était-ce ce qui empêchait les gens de découvrir qu'en réalité elle était un monstre sanguinaire particulièrement méthodique. Relevant le menton vers le jeune homme, elle prit son air le plus enjoué et afficha un sourire dont elle s'étonna elle-même de l'imitation parfaite.


« Tu n'es pas obligé de te forcer. » Simplement par plaisir malsain d'en rajouter une couche au malaise du jeune homme. Qui a dit qu'elle avait le comportement assorti à son apparence poupine. « Enfin .. je ne vais pas te déranger plus longtemps; tu dois avoir des tas de choses à faire. » sur cet air légèrement déçu à l'idée de s'en aller sans prolonger ces "retrouvailles". Et là, il s'agit d'un timing parfait d'un incroyable jeu de scène puisqu'à peine eut elle finit de prononcer cette phrase d'un ton plutôt boudeur, qu'il prit la parole pour lui proposer un .. Chocolat chaud ? Non mais il l'avait prit pour une gamine de six ans ou quoi ?! Si intérieurement elle se sentit grimacer, elle garda son sourire faussement tendre sur ses lèvres carmins. « Avec plaisir ! » puis avec un air faussement intéressé « ton frère était malade ? »


Elle lui en aurait donné des baffes pour une invitation aussi ridicule ! Boire du chocolat ! Avait elle une tête à boire ces cochonneries sucrées au goût trafiqué ?! Il s'agit d'un fort contrôle de soi pour que Bella garda cet air avenant, en se plaçant aux côtés de l'auror pour le suivre dans sa quête de chocolat.. Mais quel âge avait son frère pour vouloir de ces saloperies dans son organisme ? Encore un enfant sans doute, elle avait vu quelque part que seul les enfants étaient adorateur de ces friandises. Mon dieu, si le plan initial était toujours en tête, l'idée de jouer la comédie et de devoir se taper une tasse de ce truc marron bouillant la répugnait déjà. « J'en rapporterais à ma soeur tiens ! » histoire de se faire passer pour une jeune femme normale, avec des intentions louables. Elle perdrait en sérieux si quelqu'un de sa connaissance au sein mangemort, ou même Yon, la voyait ainsi. Mais ce n'était pas franchement le moment de penser à ça, et elle leva le nez vers Clyde pour lui assener un dernier sourire en dégageant une de ses mèches rousses de son nez.

Rien ne pouvait laisser présager à Clyde que la demoiselle entrait dans son jeu avec, sûrement, une idée malsaine derrière la tête. Un regard vers la jolie jeune femme avec cette petite moue détachée, voir mutine, il lui parlait comme si de rien était, l'invitant à voir un quelque chose de chaud en sa compagnie. Un sourire, cette dernière semblait sous le charme ce qui ne pouvait que flatter l'égo de l'irlandais. Quand on est un Savage, on ne peut s'empêcher de se sentir toujours un peu... Comment dire... D'égo sur dimensionné. Les moindres faits et gestes de la demoiselle étaient parfaits. C'en était tellement naturelle...

« Tu n'es pas obligé de te forcer. Enfin .. je ne vais pas te déranger plus longtemps; tu dois avoir des tas de choses à faire. »

Il sourit, lui faisant comprendre que ce n'était pas grave. Il aurait bien dit quelque chose, mais ce n'était pas vraiment son genre. Sinon, elle aurait pu l'interpréter comme une sorte de soumission qu'un mâle ne peut se risquer vis-à-vis de la gente masculine. En effet, il n'était pas là pour la supplier d'accepter son invitation qu'elle venait de faire indirectement.

« Avec plaisir ! » accepta-t-elle de façon plus conventionnelle avant de relancer la conversation comme si de rien n'était. « ton frère était malade ? »
« Disons ça comme ça, oui. »

Un léger sourire, ils continuèrent de se diriger vers Fortârome tout en continuant leur discussion dans les rues quasi-désertes du Chemin de Traverse. Le ciel était toujours aussi noir, et il n'était pas rare de voir des membres de la Brigade d'Intervention Magique, ou quelques Aurors, dans les rues entrain de traquer les créatures du monde du dessous. Un regard vers sa montre, il était 17h 10.

« J'en rapporterais à ma soeur tiens ! »
« Mon frère a beau avoir la trentaine passé, il est toujours aussi gaga devant ses chocolats. M'enfin, je suppose qu'on doit bien se sacrifier pour aller chercher ce qu'un frère désirerait lorsque ce dernier se réveille d'un coma. »

Les informations aux comptes-gouttes. Non pas pour se la jouer mystérieux, non. Mais Clyde était comme ça. Il n'ait jamais parvenu à déballer son sac d'un coup.

« Alors, tu deviens quoi maintenant ? Après tout ce temps loin du château ? »

Pouvoir se foutre de la gueule d'un Auror comme le faisait, ainsi Belladone Devlin, n'était vraiment pas donné à tout le monde. Surtout lorsque l'on a un passé comme celui de notre irlandais préféré. Le fait est, que, depuis sa « retraite », il se permet certaines choses comme il ne se serait jamais permis il y a quelques années. Relâcher autant sa concentration, sa réflexion, sa vivacité d'esprit au contact des autres étaient sûrement la pire connerie que Clyde Savage aurait pu, pouvait faire. Et il venait de le faire avec un certain brio, à faire pâlir n'importe quel maestro de la bonne poire. Clyde était à des années lumières de se dire qu'il était entrain d'être le dindon de la farce. Mais le problème avec Clyde, c'est qu'une fois qu'il s'en rend compte, on ne l'arrête plus. Prions ensemble pour que la jeune Belladone s'en tire avec facilité.

Lorsqu'il sentit le bras de la demoiselle s'en mêlait au sien, il ne put s'empêcher de lever un sourcil, sans pour autant en montrer d'avantages sur sa stupéfaction face à cela. Son sourire tranquille apparaissait toujours sur son visage quelque peu fatigué. Lui lançant de temps à autres des regards à mesure que leur conversation avançait, ils arrivèrent non loin de chez Fortârome pour y acheter chocolats, et chocolats chauds. Rien que l'odeur s'échappant des fenêtres ouvertes de la pâtisserie donnaient clairement envie de s'y arrêter un bon quart d'heure.

« Et bien j'espère que ton frère se remettra vite. Je n'imagine pas la douleur que ce doit être d'avoir failli perdre un frère. »

Il ne répond pas, préférant garder ça pour lui. Même si Clyde était le parfait pigeon en cette belle journée du mois de Juillet, il y avait certaines choses qu'il conservait malgré tout. Le professeur de Duel poussa les portes de façon nonchalante, tout en laissant passer la demoiselle devant lui, avant de défaire quelque peu les premiers boutons de sa chemise afin de respirer un peu plus. La température, à l'intérieur, avait sensiblement augmenté.

« Oh et bien .. Quelques boulots par-ci, quelques boulots par-là. Les employeurs ont du mal à me garder, ils me trouvent trop étrange. Non mais tu y crois toi ? » regard pétillant vers Clyde. « Je ferais peur à la clientèle ! Enfin bon, je travaille à droite et à gauche pour gagner de quoi vivre. J'espère que tu t'en sors mieux que moi toi ! »

Clyde éclata de rire, alors que la queue devant eux s'amenuisaient au fur et à mesure.

« Je m'en sors pas trop mal, on dirait. M'enfin, je manque cruellement d'objectivité, donc... » Un léger sourire. « Pourquoi ne travaillerais-tu pas à l'Université ? En ce moment, ils recrutent pas mal à tous les étages. Tu devrais pouvoir te poser quelques temps, là-bas, je pense. »

C'était à eux. Clyde salua le vendeur, et ils échangèrent quelques politesses, se questionnant rapidement sur la vie de l'un et de l'autre pour savoir si tout allait bien. Le vendeur fut enthousiaste à l'idée de savoir qu'enfin son frère était sorti du coma, ce qui mit un peu plus de baume au coeur de l'irlandais qui regarda Belladone, lui demandant :

« Qu'est-ce que tu veux ? »