Venant de l'étage supérieur où il venait de quitter une de ses dernières séances particulières avec le professeur Sampiero, Fedorus parcourait les couloirs du cinquième étage en sifflotant lorsqu'il croisa une bande de quatre filles remontées comme des horloges suisses. Elles cherchaient quelqu'un apparemment mais se permirent une petite pause en voyant Fedo passer à côté d'elles. L'une d'elle siffla le Poufsouffle qui se retourna en souriant, remuant son derrière en le montrant du doigt...

Fedo regarda les filles enjouées partir à la va-vite vers le sixième étage puis continua son chemin, content de s'être débarrassé de ses enquiquineuses professionnelles et riant presque à imaginer leurs têtes lorsqu'elles s'apercevraient qu'il n'y avait personne en cours de métamorphose ce jour-là. Il bifurqua ensuite dans un couloir un plus sombre que le précédent, bien avec dans l'idée de passer par un raccourci qui le mènerait plus vite à la bibliothèque. Seulement, au bout de quelques pas, une demoiselle apparut et l'assaillit de question sur son identité. Mal à l'aise, le Poufsouffle se résigna à accorder du temps à sa cadette gryffondor.

Gentleman à ses heures perdues, il prit la main de Kassy et la lui baisa doucement avant de lui faire son plus beau sourire, celui qui faisait glousser les pintades et faisait rougir la boulangère de son quartier.

Il y avait encore quelques jours de celà, Fedo aurait classé Kassy dans la catégorie volaille mais depuis son aventure vélane avec Aleksander, il ne comprit que trop ce que pouvait penser et subir la jeune gryffondor à cet instant. Qu'elle avait l'air bête et sans intérêt, sûrement un peu comme lui quelques jours plus tôt. Fedo compatit pour la demoiselle et se retint de lui briser son rêve en lui disant qu'il n'était pas intéressé par les filles et qu'en ce moment même, ses pensées les plus intimes ainsi que ses deux derniers rêves n'allaient que vers un certain blondinet, tout aussi gryffondor que Kassy. Comprenant que cette dernière ne décrocherait pas un mot, Fedo leva les yeux au ciel puis fouilla dans son sac avant de sortir une plume, prêt à lui signer un autographe.

Gentleman, il continua de sourire à la jeune fille et se demanda à cet instant s'il ne devait pas au contraire tout simplement lui dire ou lui faire comprendre qu'il était homosexuel et irrémédiablement attiré par Alek. Peut-être même le connaissait-elle et pourrait lui filer des potins ou des indices pour qu'il pût se rapprocher encore plus du gryffondor... Décidément, cette nouvelle lubbie pour le gryffondor n'était pas dans les habitudes de Fedo et il se sentait tout bizarre avec ces nouvelles émotions. A y penser de plus près, c'était même la première fois qu'il s'emballait autant pour quelqu'un et que cette personne allait même jusqu'à inonder ses rêves coquins. Perdu dans les réminiscences de son rêve de la nuit dernière où il découvrait avec sa bouche les moindres parcelles de ce corps si doux et si ferme, Fedo en oublia presque la présence de Kassy. Les yeux encore brillants d'émotion, il rajouta :

Lorsque Fedorus prit sa pochette d'histoire de la magie, il constata que la jeune gryffondor semblait avoir dans son coeur suffisamment de place pour y accueillir les passions dévorantes de toute une équipe de quidditch au grand complet, remplaçants, entraîneur et sélectionneur compris. Il sourit en coin en la voyant ainsi enjouée et quand elle parla de sa propre mère, Fedorus prit une moue gênée. Lui, il aurait préféré une mère inconnue, quoi que... Il se disait que même inconnue, sa mère ne saurait passer inaperçu de toute façon. Il y avait une galaxie et quelques étoiles qui séparaient Cinnamon et Cinderella. L'une était droite, franche, posée et incroyablement apaisante alors que l'autre était une véritable torrent d'émotions, d'actions et de rires en tout genre. Fedorus, lui, était un étrange mixage de ses deux mères. Son regard se fixa sur un mot qu'il aurait préféré ne pas voir au même moment au Kassy lui posa la question fatidique, avait-il une petite amie ? Le destin avait sa façon parfois cruelle de se rappeler aux bon vouloir des gens et cette apparté n'en était qu'un des nombreux reflets. Ce matin-même, au petit déjeuner, il avait écouté d'une oreille distraite son compagnon de chambre évoquer la splendeur enchanteresse d'une vélane qu'il comptait retrouver pendant les vacances d'été alors que son coeur meurtri saignait du souvenir d'Aleksander. Et là, ici, dans ce couloir sombre, la douleur lancinante d'avoir été rejeté sans explication lui revenait en plein dedans.

La voix aussi lourde que son coeur, il soupira et fit glisser son doigt sur les lettres composant le mot Aleksander, caresse perdue et tellement voulue...

Des yeux qui vous donnaient envie de faire n'importe quoi pourvu que ses derniers pussent vous fixer jusqu'à la nuit des temps...

Se rendant compte qu'il se dévoilait lui-même par son comportement d'amoureux transi, il chassa ses émotions en signant avec sa baguette sur la pochette de Kassy. "Puisse l'amour te toucher sans jamais te vaincre. Fedo."

Le fait qu'il "ne soit pas gay" expliquait sa fuite de la bibliothèque. Il devait se chercher sûrement, pensa alors Fedorus, qui n'était pas super ravi d'apprendre cette nouvelle. Tout aurait été si simple sinon... Alors que Kassy semblait heureuse par cette nouvelle, Fedorus, lui, ne l'était pas du tout et sa mélancolie se renforça encore un peu plus. Il lui fallait chasser ce superbe blond de sa tête et le plus vite possible. N'importe qui ferait l'affaire. Fedorus envisagea même un instant Kassy mais se ravisa bien vite, repensant à Alienor et son fiasco d'essai à la gente féminine. Embrasser une escalope crûe aurait eu le même effet. Non, il lui fallait un garçon facile et à cet instant, il pensa même aller traîner dans les sous-sols et forcer la "discussion" avec un certain batteur Serpentard dont les magazines auraient été ravis d'apprendre un tel rapprochement. Ses spéculations mentales prirent cependant rapidement court lorsque Kassy lui demanda si l'amour l'avait déjà touché. Il pensa en tout premier à ce jeune homme rencontré sur une plage australienne. Cà, pour se toucher, ils ne s'étaient pas gênés, et ce, pendant toutes les vacances du poufsouffle. A l'époque, il pensait même l'avoir aimé, ce petit gaillard de Tom l'australien mais une fois rentré à Poudlard, il s'était vite aperçu que la seule chose qui lui manquait, c'était ses mains et sa bouche. Rien d'autre. Et celles d'un gryffondor dont il préférait taire le nom avait bien vite effacé le goût salé de la peau de ce Tom l'australien. Et il y avait enfin Aleksander. Fedorus ne savait toujours pas s'il s'agissait uniquement de son côté vélane ou alors de son sourire angélique, ou bien encore de la saveur particulière de ses baisers, mais jamais un garçon ne l'avait envoûté à ce point et jamais il n'avait été si triste de ne plus le revoir. Si l'amour consistait à souffrir mille martyrs sur le piloris de la conscience, alors oui, l'amour l'avait déjà touché quelques jours plus tôt, dans la bibliothèque.

Voix confuse, les yeux un peu embués. Heureusement pour le poufsouffle, il n'était pas un représentant vendeur en amour car il aurait fait fuir n'importe quel client potentiel avec une telle réponse. Fedo s'appuya contre le mur du couloir et se fit couler doucement au sol. Assis à terre,il releva la tête en direction de Kassy et il se surprit à rajouter :

Kassy était bel et bien une fille. Si elle aimait quelqu'un, il fallait qu'elle en parle, que tout le monde fusse au courant, il lui fallait brandir l'étendard de la passion aussi fièrement que possible. A la réflexion, il se demandait si ce concept ne marchait que pour l'amour et il se mit à repenser à ses copines qui hurlaient presque en tendant leur nouveau pull angora. Fedorus, lui, s'il lui arrivait d'avoir une relation ou un nouveau pull, il n'en parlait pas ou peu, et se contentait de glisser un sous-entendu à sa meilleure amie ou dans une lettre à ses mères, et ce quand il le jugeait nécessaire. S'il en venait à se confier à ses camarades de chambre, cela se concluait par des rires salaces et bien souvent des "bien joué, mon pote !" ou des "alors ? vous l'avez fait où et combien de fois ?", ce qui était très loin du déballage affectif sur la place publique. Quoi qu'il en fut, la question qu'il se surprit à poser n'eut pas de réponse mais apporta d'autres questions. Le poufsouffle fut assez surpris que Kassy ne sût pas que Fedorus était gay.

Fedorus soupira longuement, à la fois triste et heureux. Il ne savait pas comment exprimer ces sensations et ne savait pas si un jour il pourrait mettre des mots dessus. Ah, si tout était plus simple, se mit-il à penser. Avec amertume, il se prit à imaginer qu'avec cette fin d'année, les deux jeunes hommes ne se verraient sans doute jamais plus, et que quelque part, c'était peut-être mieux ainsi. Avec le temps...

Le mal de la jeunesse. Non ce n'était pas le manque de liberté, la découverte de soi, de la vie et de la mort, ni même encore le cancer, Alzheimer, ou l'arthrite. Le mal de la jeunesse était bel et bien l'amour. Tout nouveau, tout chaud, si loin, si confus, l'amour apparaissait pour la plupart d'entre eux comme une chose aussi brumeuse que le parc qui séparait le château du terrain de quidditch, quelque chose qui avait un nom mais ne connaissait ni définition claire ni parfum ni charpente. L'amour se révélait être un concept douteux dont les plus jeunes se plaisaient à en rire, en voyant les amoureux transis au salon de thé de Madame Pieddodu ou encore en voyant les plus grands se morfondre le regard perdu à travers les fenêtres pluvieuses. L'amour. Ce sentiment qui était capable de vous donner des ailes et de vous sentir vous envoler haut dans le ciel mais qui était aussi capable de vous démembrer, des vous étriper et de vous sentir six pieds sous terre. Si les Orientaux pensaient que chaque chose avait son contraire, l'amour était un des rares états à posséder son yin et son yang, sa joie et sa peine. Et quand on était adolescent, ce sentiment nouveau pouvait vous détruire en moins de temps qu'il en aurait fallu pour lire ces quelques lignes. La guerre, la faim dans le monde, un petit chaton malade qui miaulerait, plus rien n'avait d'importance dans ces moments-là à par cette chose qui soit vous rongeait la chair encore et encore soit vous faisait survoler la vie comme transporté sur un nuage délicieux.

Fedorus essaya avec ses mots de rassurer la jeune gryffondor sur son avenir bien qu'il n'y croyait pas trop, à vrai dire. Enfin pas avant d'avoir rencontré Alek. Mais comme il n'était pas allé au bout de cette expérience, il ne pouvait savoir si c'était vrai ou si c'était juste un conte pour adultes qui avaient trop peur de finir leur vie seul et désoeuvré...

Fedorus se releva et s'étira un peu avant de tendre sa main vers Kassy pour l'aider à se relever. Il fouilla ensuite quelques temps dans son sac et en sortit une carte de visite. "Bananasplit Family, 297 St James Park Street, London" était inscrit et Fedorus la tendit à Kassy.

Le jeune Poufsouffle se mit à sourire, repensant aux légers incidents qui avaient eu lieu l'an dernier quand les pompiers de Londres étaient venus vendre leur calendrier annuel puis il regarda sa montre, l'air soucieux. Il avait complétement oublié qu'il avait promis à Minnie de passer la prendre à la sortie des cours, et heureusement, il était encore temps pour lui. Fedorus déposa un baiser sur la joue de Kassy puis s'excusa de son départ.

Il consulta à nouveau sa montre et se mit en route. Après quelques pas, il s'arrêta pour s'interroger sur quelle destination prendre. Après mûre réflexion, il opta pour les escaliers escamotables et pressa le pas pour descendre quelques étages et retrouver son amie gryffondor qui n'allait pas tarder à sortir de cours...