Depuis que le poète avait jeté son jet d'encre sur la ville, les ombres se fondaient. Bâtiments. Hommes. Femmes. Enfants. Vous savez ce que l'on dit: la nuit tous les chats sont gris. Jonathan lui, avait plutôt tendance à penser qu'ils étaient noirs, à en juger par ses vêtements. Un jean noir. Des gants de cuir également noirs. Tout était noir des pieds à la tête, incluant son sweet à capuche qui arborait d'adorables oreilles de chat. Le jeune homme rabaissa le bandana noir qui lui couvrait le bas du visage, comme il sauter d'un toit pour atterrir avec une souplesse toute féline dans une ruelle crasseuse. Mais ça, il ne s'en formalisait pas. Chat de gouttière ou aristochat qu'il était, ce n'était pas de la petite monnaie qui tintait dans ses poches, mais de beaux gallions d'or et un collier particulièrement coûteux qu'un étudiant standard n'aurait jamais pu se payer. Et John était un étudiant standard. A vous de faire le calcul. Finalement, la nuit perpétuelle ça l'arrangeait lui.
Il se glissait entre les gens dans la foule, les délestant d'un tas de petites choses inutiles. Montres. Bagues. Monnaie. Ce n'était même pas par appât du gain, mais plutôt du geste. Maggie lui aurait sans doute dit d'aller voir un psy. En l'occurrence elle. Penser à sa soeurette le faisait toujours sourire mais finalement, on décida de le tirer de ses pensées. On lui volait en quelque sorte ce moment.

Quelques injures et la foule se creusa comme si une énorme goutte d'eau venait de s'écraser, précisément à l'endroit où une jeune femme, tout à fait ravissante, se retrouvait assise par terre. Encore un de ces moments où John se disait que les hommes tenaient plutôt du bouledogue et les femmes du Mau Egyptien. A côté de ça il y avait toute sorte d'exceptions, d'autres portraits possible. Lui était plutôt un siamois. Il en avait le déguisement et la grâce. Prudent, il passa sa main dans ses cheveux pour faire tomber ses oreilles de chat. Ainsi il redevenait le plus banal de tous les étudiants. De toute manière ce n'était pas la jeune femme à qui il tendait la main qui allait pouvoir prêter attention à ce genre de détail. Elle était aveugle. En fait il la connaissait, il était dans la même université qu'elle. Mais ça, il n'allait pas le lui dire, à moins qu'elle ait un moyen de le reconnaître, lui qui n'avait jamais fait que la croiser.

Rien de cassé?, demanda-t-il au bout du sourire étiré.

Anticipant il lui prit la main, la relevant avec de l'assurance dans le geste.

La jeune femme sourit, cela suffisait presque à dire qu'il n'y avait pas de quoi s'inquiéter. De toute manière, Jonathan n'était pas vraiment le genre à s'inquiéter. Il agissait, le plus souvent dans son intérêt d'ailleurs, faisait ce qu'il fallait faire, mais il ne s'inquiétait pas. Il était de ses chats, trop indépendants pour ne pas avoir l'air ingrats, et trop ingrats pour se soucier de ce que l'on pouvait bien dire d'eux. Néanmoins, il avait tendu la main.
Il la vit tenter de récupérer son bâton d'aveugle, anticipant d'emblée ce qui allait se passer. Bam! Ca ne manqua pas. Quand vous lancez un bâton il y a toujours un bon labrador pour vous le ramener et un imbécile pour se le prendre dans les jambes. Ou en l'occurrence dans la figure.
Un sourire félin mais silencieux vint se greffer sur le visage de l'étudiant. Il avait toujours tendance à se moquer dans ce genre de situation. C'était bien simple: la plupart des gens ne semblaient avoir des yeux et de oreilles que pour faire joli. Et quand ils voyaient effectivement quelque chose, souvent, ils s'empressaient de prendre l'air de rien pour ne surtout pas être impliqués. Ca aussi Jonathan savait bien le faire. Mais il se réservait pour les occasions plus intéressantes.

-Désolée.

Cette fois-ci il eut un petit hum toujours amusé mais clairement audible. Pourtant il n'allait pas expliciter sur ce qui le faisait rien dans le "désolé" de la demoiselle. Hormis si elle le lui demandait bien sûr, chat indépendant mais chat galant tout de même. Petit con, aurait dit sa soeur Maggie. Mais Maggie le connaissait trop bien pour tomber dans le panneau du gentleman, elle voyait toujours le gentleman cambrioleur mais Jonathan ne lui en tenait pas rigueur pour autant qu'elle gardait son secret.

Pouviez pas faire attention? Ces jeunes..., la "victime" repartait en râlant tandis que Cartman singeait par goût du jeu:
Aaaah ces jeunes, aucun savoir vivre.

Ses yeux noirs suivaient l'homme avant qu'il ne disparaisse, puis il conclut:

Bon débarras. Un français celui là... les français se plaignent toujours de tout.

La encore ce petit hum amusé. Une brise légère se leva, emportant le sourire du chat bien loin dans les ténèbres de l'aveugle.

-Je vous prie de m'excuser, je ne me suis toujours pas présentée. Je suis Avalon McKenzie.
Jonathan Cartman, sortilèges et enchantements. Il me semble qu'on fréquente la même université. Enfin maintenant que je vous ai dit dans quelle filière j'étais vous risqueriez de le prendre pour une blague si je vous disais que je suis enchanté.

Toujours le mot pour rire? Non pas toujours mais là c'était de circonstances et puis... une boule de poil qui m'était familière vint se frotter contre les jambes d'Avalon. Je la regardai avec un sourire félin.

Ce n'est rien. Je me demande comment cette sale bête finit toujours par se pointer qu'importe là où je me trouve. Sale bête va.

Je prenais la chatte et la posait sur mon épaule et à son ronronnement on ne pouvait pas douter que c'était la mienne et non un chat errant. Elle se frotta contre moi, visiblement ravi d'avoir réussi le tour incroyable de m'avoir retrouvé à l'autre bout de la ville. Je ne m'en étonnais même plus.
J'observai un instant Avalon McKenzie, comme pour en retirer les informations les plus élémentaires J'étais plutôt le genre physionomiste et mon bon feeling ne me trompait pas en général. Mais je réservai toujours mes jugements parce que je n'aimais pas me baser sur de malheureuses premières impressions.

C'est curieux qu'on se retrouve à Londres, vous avez de la famille dans le coin?

C'était le cas de beaucoup d'étudiants à Rosenkrantz mais les sorties étaient très règlementées dans cette université. Je me posais donc la question.

-Je pourrais vous dire que je suis étonnée de ne pas vous avoir vu dans les couloirs de l'Université...

Il rit. Il n'avait pas l'habitude de croiser des gens qui avaient l'humour facile à Londres mais lui l'avait et si il n'aurait pas fait la blague par respect - simplement aussi parce qu'elle ne lui avait pas traversé l'esprit - il en riait de bon coeur.
Visiblement la demoiselle semblait apprécier Midnight, ce qui aux yeux de notre gentleman cambrioleur était un bon point. Non seulement parce qu'il se fiait au feeling de ses chats mais parce que pour lui une personne qui aimait les chats ne pouvait pas être trop détestable en soi.

Il fallait tout de même qu'il pose la question qui lui trottait dans la tête et sans doute qu'elle s'en rendit compte elle aussi, du moins à en juger par le regard qu'elle lui adressa avant qu'il n'ouvre la bouche.

-Pas dans le coin, non. Mais je suis en stage en Angleterre. L'on a décidé de m'envoyer ici pour quelques temps après les derniers incidents dans la section Potion et Botanique...
Ohw alors c'est vous! Vous êtes une superstar dans la section sortilèges et enchantements vous savez. Cela dit j'hésite entre fuir et faire comme si je ne vous avais jamais croisé de ma vie et vous demander un autographe.

Il plaisantait bien sûr. Jonathan Cartman n'était fan que de lui même entre autres rares génies de l'embrouille et gentlemen. Mais il avait bien eu un sourire en contemplant le chef d'oeuvre des étudiants en potion et botanique en se disant que par une chance miraculeuse, le désastre n'avait pas eu lieu dans la magnifique roseraie de Rosenkrantz.