Le son de cette douce mélodie résonnait dans tout le salon. Quelques notes de piano sortaient de ce tourne-disque qui avait dû connaître des jours meilleurs. La musique n’était pas très forte, mais assez pour paraître à l’oreille d’un virtuose telle une douce mélodie épique. Qui ne serait pas charmé par elle ? Elle avait surtout le don d’apaiser les maux de n’importe qui, faisant fi les pensées caustiques et laissant cette merveilleuse accalmie dans la pièce si joliment décorée. Malheureusement, elle n’arrangeait en rien l’humeur déjà exécrable des personnes qui s’y trouvaient. Certaines étaient plus angoissées qu’autre chose à l’idée de penser à ce qui pouvait se passer dans la pièce voisine. D’autres attendaient patiemment qu’on leur donne plus d’informations, ces personnes étaient assez occupées à siroter leurs verres de Brandy négligemment remplis. Une femme rondouillette vêtue d’une tenue de servante courait dans toute la maison, entrant et ressortant dans une pièce en un coup de vent. En plus de devoir apporter toutes demandes de ses maîtres, elle devait aussi aider à l’accouchement de sa maîtresse.
Heureusement que Tamara, la servante, était une dévouée employée, elle n’objectait devant aucune demande. Le peu de gallions qu’elle recevait devait faire son bonheur. Ses aller-retour trop successifs lui permirent de faire tomber le plateau contenant la théière et les tasses. Son regard se voila de peur durant quelques instants lorsqu’elle regarda son maître, Horace Van der Goes. Mais il ne lui dit rien, contrairement à à l'accoutumée, il paraissait assez serein, trop occupé avec son verre de Brandy peut-être. Ce jour-là, Tamara s’en alla et se dit que c’était son jour de chance mais qu’elle ne devrait plus être aussi gauche à l‘avenir, pour ne pas perdre sa place de servante même si son maître avait été clément avec elle. Un petit garçon se baissa et essaya de ramasser les débris, pour aider la servante mais Horace éleva la voix qui dissuada le garçon de faire le moindre geste aimable à l’égard de Tamara.
«
Evert, rassieds-toi. Je ne t’ai pas élevé pour que tu ramasses les débris des autres ! Révise plutôt tes cours, je n'ai pas envie que tu fasses honte à notre famille ! » Ledit Evert ne répondit rien, il avait été habitué à la sévérité de son père. Néanmoins, il aurait voulu lui répondre pour s’excuser. Après tout, son père avait raison, les Van der Goes n’aident personne. River -enfin, Evert comme son père préférait l’appeler, regrettant le choix du premier prénom- jeta un regard en biais à son frère qui se trouvait assis à côté de lui, sur le canapé. Et celui dernier lui fit un minime sourire d'encouragement, et ils se mirent à réviser tous les deux. Et puis River ne voulait pas décevoir son père, il ne voulait pas être la honte de la famille -comme son père le lui rappelait souvent. Comme il était né achromate, il ne pouvait se permettre de rester bouche-bée face à une tripotée de couleurs qu'il ne voyait pas.
Tyler et River n’avaient que trois ans de différence. Pourtant, assis l’un à côté de l’autre, la différence était trop frappante pour passer inaperçue. La tête de River était baissée, il avait honte de ce qu’il avait fait. Et son frère l’avait compris, Tyler avait eu envie de réconforter son frère, comme il avait l’habitude de le faire lorsqu’ils étaient seuls. Mais il ne put, leur Père n’appréciant pas les démonstrations d’amour aussi fraternelles soient-elles, le leur interdisait.
Soudain, une autre femme plus âgée fit son apparition dans le salon et tous les regards se posèrent sur elle, qui devait sûrement avoir toutes les réponses à ces questions muettes.
«
C’est un garçon… » Chuchota-t-elle mais tout le monde l‘avait entendue. Les réactions furent variées, le père se leva gracieusement avec son verre de Brandy à la main et prit le chemin de son bureau qui se trouvait à l’étage du dessus. Les deux garçons se jetèrent un regard. Interrogateur pour River, et rempli de joie pour Tyler qui avait visiblement compris. Tyler venait de comprendre que le chiffre trois était définitivement le chiffre préféré des frères Van der Goes. Lui, il avait simplement trois ans d‘écart avec River. Quant à celui-ci, c’était à son tour d’être âgé de trois ans de plus que le petit dernier. Mais vu le regard de l’enfant du milieu, il n’avait pas dû comprendre ce qui venait de se passer. Tyler expliqua à son jeune frère que leur mère venait de mettre au monde un garçon. Leur frère.
Les deux frères Van der Goes apprirent deux jours plus tard quel nom fut donné au petit nouveau : Aubrey. On pensait que sa venue allait changer la situation déjà mauvaise de leur famille. Mais personne n'était au courant de l’envers du décor, de la réelle vérité qu’on leur cachait. La famille Van der Goes était l‘une de ces familles assez influentes, qui n’acceptait aucune erreur. Mais Myla Van Haren avait fait une énorme erreur. Et pourtant, son mari était le seul à être au courant sur l'identité du véritable père d'Aubrey. Certes elle lui avait menti au tout début de sa grossesse, lui affirmant que l’enfant était de lui, pourtant, elle lui avait tout avoué. Lorsqu’elle fut sûre qu’un avortement n’était vraiment plus possible. Pourtant, Horace aurait dû réagir violemment, comme l’aurait fait n’importe quel homme. Il aimait tant sa femme ? Non, probablement pas, il avait juste laissé faire pour sa famille, enfin pour le nom plus précisément.
— « Dark Carnival of the Immaculate »
Atmosphère mystérieuse, chacun des parents Van der Goes devait faire attention à ne pas prononcer certains mots qui pourraient attiser la curiosité de leur fils Tyler qui était en âge de comprendre beaucoup de choses. Ou la curiosité des autres membres de la famille qu’étaient présents à certaines festivités. Chaque mot devait être réfléchi. Durant plusieurs années, la famille continua à vivre ainsi, presque dans le mensonge. Presque, car les plus curieux avaient vu avec flagrance que quelque chose ne tournait pas rond dans le couple que formaient Horace et Myla. Ils discutaient bizarrement entre eux, River, qui n’était pas très futé à cet âge -cinq ans-, avait tout de même remarqué que ses parents étaient en froid, comme s’ils ne « s’aimaient » plus. Si toutefois, ils se soient aimés un jour…
Ce vendredi soir du quinze novembre, une sauterie était organisée par les Van der Goes. Les deux garçons les plus âgés tenaient leur plus jeune frère, l’un à sa gauche, l’autre à sa droite et les trois se dirigeaient dans la cuisine pour dérober quelques friandises que leur mère adorait cacher dans la cuisine. Ils durent marcher plus vite, pour semer leur grand-mère qui était juste en face d’eux. Elle adorait prendre chacun de ses petits-fils dans ses bras… Mais les plus âgés détestaient plus que tout être serrés contre elle. Les voilà donc courant presque jusqu’à la cuisine, mais Aubrey trébucha et faillit même pleurer.
«
Chut, Aubrey, Grand-mère va nous repérer ! » Marmonna River à son jeune frère qui venait de se relever et retenait ses larmes de jaillir à flot. Hélas, on les avait repérés. Heureusement, ce n’était que leur père, qui ouvrit la porte d’une des nombreuses pièces de la maison, et darda son regard sur ses fils. Un autre homme sortit de la pièce, un homme habillé en noir de pied en cap. «
Ah, les garçons, ce n’est que vous. » Dit leur père qui détourna son regard vers l’homme étrange derrière lui. «
J’espère que tu es conscient, Horace qu‘on n‘accepte pas les traîtres…Comme toi. » chuchota cet homme qui paraissait ne faire aucune attention aux trois petits garçons qui les observaient en silence, se demandant s’ils ne devraient pas disposer et laisser leur père tranquille. «
Oui, je sais Johannes. Je suis conscient de ce que je suis en train de faire. » Ceci dit, Horace se tourna vers ses fils et leur fit un minime sourire qui se voulait rassurant. «
Les friandises sont dans le placard près de la porte de la cuisine. » Sans un mot de plus, Horace retourna près de ses convives, tandis que les garçons continuèrent leur quête vers les friandises si délicieuses.
— « Walking with Strangers »
Horace Van der Goes avait vendu son âme au Diable. Il n’avait pas réfléchi aux conséquences de ses actes, et pourtant, il ne regrettait pas. Il ne regrettait pas car pour lui, il avait fait le bon choix. Car ce choix détruisait Myla, et c’était ce qu'il voulait. Horace avait attendu tant d’années pour se venger de la débauche de sa femme. De son adultère. Il avait finalement trouvé le moyen radical pour se venger : faire exploser la quiétude au sein de sa belle-famille. L’une des familles flamandes arrivant presque au même titre que les Van der Goes. Presque, car cette famille n'avait pas cette même influence que les Van der Goes.
Sa femme aimait énormément sa famille. Lorsqu’elle apprit la disparition de son frère aîné, l’attitude qu’adoptaient ses parents comme si rien ne s’était passé, exaspérait au plus haut point Myla. Et tout ce qui exaspérait Myla rendait Horace heureux. Néanmoins, Horace n’était pas devenu l’un de ces hommes horriblement effrayant, rongé par la haine, très sévère avec ses enfants. Certes Horace était sévère pour l’éducation de ses fils, mais il les aimait. C’était pour leur bien, dixit Horace. Enfin, il aimait surtout Tyler et River… Durant des années, Horace faisait semblant d’aimer Aubrey, mais ce n’était qu’une apparence, au fond, il ne voyait que sa propre erreur. L’erreur d’avoir laissé à Myla trop de liberté.
Mais pourtant, les enfants ne voyaient rien. Ils continuaient à vivre tranquillement, sans se soucier des problèmes de leurs parents. Néanmoins, River avait d'autres problèmes à gérer, notamment cette forme de daltonisme qui lui permettait -et permet toujours d'ailleurs- de ne voir que des nuances de gris. Assez perturbant à vrai dire, mais il s'y était fait. De plus, il n'avait pas le choix.
Toujours fourrés ensemble, River et Tyler faisaient énormément de bêtises enfantines. Et Aubrey, à cause de son jeune âge, ne pouvait s’amuser correctement avec ses frères. Et parfois, ces deux-là l’oubliaient totalement. Au début, Aubrey avait trouvé cela vraiment blessant, mais il s’y était fait. Car lorsqu'il faisait un caprice, Horace n’hésitait pas une seconde à le sermonner. En vérité, Horace était beaucoup plus autoritaire avec Aubrey, qu’avec ses deux autres enfants. Mais ça, c’était compréhensible après tout... De plus, Myla commençait à s’absenter un peu trop souvent, mais Horace ne disait rien, même lorsqu’elle n’était pas à même de s’occuper de ses enfants.
Aubrey était donc délaissé parfois, et il enviait ses frères. En vérité, il enviait River car Tyler était un enfant qui savait mettre à l’aise n’importe qui, et on le remarquait souvent à cause d’une sorte d’aura bienveillante qu’émanait de lui. On voulait tous être ami avec lui. Mais Tyler avait choisi River, pour lui tenir la compagnie. River était donc son sous-fifre, son subalterne et comme son frère cadet, River aimait beaucoup Tyler. Et puis, ils étaient les deux seuls enfants pour l’instant à avoir aperçu une manifestation de leur pouvoir magique. Aubrey enviait River de pouvoir partager ce moment avec Tyler.
Il se disait qu’il avait de la chance de l’avoir pour frère. Malheureusement, River ne voyait pas la jalousie d'Aubrey qui s’intensifiait au fil des années. Parfois, les deux aînés s’engueulaient pour des choses futiles, et c’étaient les seuls instants où ils se séparaient. Et alors, dans ces moments-là, Aubrey allait voir son frère préféré : Tyler. L’aîné était assez heureux de pouvoir passer du temps avec le cadet de la famille, souvent, Aubrey le suppliait pour se promener dans la forêt non loin de leur Manoir. Ils aimaient beaucoup leurs promenades, ça leur permettait de se rapprocher l’un de l’autre. Et le jour arriva où Tyler dut quitter la maison familiale pour aller étudier ailleurs. Tyler, à seulement onze ans, avait toutes les qualités requises pour étudier à Durmstrang. Il avait dû être accepté dans cette école sûrement à cause de l’influence de la famille Van Haren.
En revanche, pour contrer la mélancolie qu’avaient assailli ses frères, Tyler les emmena tous les deux dans la forêt préférée du cadet et de lui-même pour une sympathique promenade entre frères. River était assez perplexe quant à cette promenade, il n’avait pas l’habitude de s’y promener. Mais pour Tyler, il avait accepté de les accompagner. Ce n’était pas tant la promenade qui l’avait rebuté, mais plutôt la présence d'Aubrey. River n’arrivait plus à apprécier l’enthousiasme de son jeune frère comme lorsqu’il n’avait que deux ans. Il commençait à regretter le Aubrey d’avant, lorsqu’il était plus jeune. Aubrey avait grandi, il n’avait que cinq ans et faisait souvent des caprices et River n’arrivait pas à cerner ce besoin que tout aille dans son sens. Il s’était dit que c’était à cause de son âge, si son comportement paraissait si caricaturé. Mais même en faisant des efforts, River était plus exaspéré par son frère cadet qu’autre chose. Mais il avait pris sur lui, se retenant de réprimander son frère sur une quelconque bêtise qui avait l’audace de sortir de sa bouche. C’était très agaçant.
Malheureusement, River ne pouvait retenir les soupirs las qui s’échappaient d’entre ses lèvres lors de cette promenade, il avait fait un effort pour les accompagner mais il ne pouvait s’empêcher de trouver l’attitude de son frère trop exaspérante. Aubrey l’avait bien senti, il jetait parfois des coups d’œil peinés à River, mais il était plus occupé à commenter avec enthousiasme les dires de l’aîné qu'à faire attention à son autre frère. Pour s’occuper lui-même, River ramassait quelques brindilles qui traînaient par terre et s‘amusait à les déchiqueter.
Et pourtant, Tyler et Aubrey auraient dû écouter River qui les avait prévenus que c’était dangereux de se promener dans cette forêt à une heure tardive, ils auraient dû être au lit à vingt-trois heures déjà ! Malheureusement, River n’avait pas deviné qu’il allait y avoir quelqu’un dans cette forêt. En effet, il n’y avait pas qu’une seule personne mais trois. Toutes encapuchonnées. Les garçons étaient loin, dès qu’ils virent qu’ils n’étaient pas seuls, ils se cachèrent derrière un arbre. Ces personnes se disputaient apparemment. Et Aubrey se mit à geindre.
«
Aubrey chut ! Ne fais pas de bruit ! River, viens on rentre à la maison. » ordonna Tyler qui tenait toujours la main du frère cadet dans la sienne, il prit le chemin de la maison en entraînant Aubrey avec lui. Mais Aubrey contemplait quelqu’un d’autre. Son frère. River était resté coi, il ne pouvait détacher son regard de ces silhouettes car il avait reconnu deux d’entre elles. Ces personnes avaient déjà enlevé toutes les trois leurs masques, dévoilant leurs visages au monde. Il y avait cet homme qu’il avait déjà vu il y a quelques années de cela. Cet homme lui avait fait peur la première fois qu’il l’avait vu, et pourtant, il avait aussi fait peur à son père ce jour-là. Car lors de cette rencontre, malgré son jeune âge, River avait décelé une lueur d’effroi dans les prunelles bleues de son père.
Et bien sûr, Horace Van der Goes était aussi dans la forêt. Il était en retrait. Ils pensaient tous être seuls, mais trois petits garçons venaient de les trouver en train de manigancer quelque chose. Et leur père faisait partie de ce plan qui avait l’air tellement foireux.
«
River ! » l’appela Aubrey qui lâcha la main d’Tyler et se rapprocha de son autre frère pour lui prendre la main. «
Viens… » River, désarçonné, ne put qu’acquiescer et suivre ses frères. Est-ce que Tyler avait vu leur père en présence de ces personnes ? Est-ce qu’il avait deviné finalement ce qui se passait avec leur père ? River, lui, il l’avait deviné. Finalement, les pièces du puzzle s’emboitaient petit à petit. Tout prenait sens. Même s’il ne comprenait pas pourquoi, son père avait choisi cette voie-là. Mais ça expliquait tellement de choses…
La chose positive durant cette promenade c’était le premier pas qu’avait fait Aubrey vers lui. Ça l’avait touché, plus qu’il ne l’aurait cru. Mais la découverte de la véritable facette de son père était toujours présente dans son esprit, il ne pouvait occulter cette image. Et lorsqu’ils découvrirent en rentrant que leur mère les avait quittés, River rejeta la faute entièrement sur son père.
La famille Van der Goes continua à vivre dans le mensonge le plus immuable, mais une seule personne avait réussi à décortiquer le mensonge de la vérité. Le père faisait tout son possible pour paraître « normal » aux yeux de sa famille, or l’enfant du milieu avait découvert ses manigances et Horace ne pouvait plus le tromper. Horace pouvait très bien se montrer bienheureux avec ses enfants, il ne pouvait duper River. Celui-ci commença à analyser tous les faits et gestes dudit père qui lui paraissaient de plus en plus étranges. Mais il n’en parla à personne, pas même à Tyler. Autant dire que l'atmosphère était loin d'être chaleureuse... Si elle l'a été un jour. Ce n'était pas très plaisant, rien n'avait changé certes mais tout le monde avait l'air de jouer un certain rôle. Ah, si, quelque chose avait changé… Une chose assez importante à vrai dire. L’absence de la mère pesait sur le moral du cadet, lui qui n’avait rien connu de son père, seule sa mère s’occupait un tant soit peu de lui. Myla aimait ses enfants, peut-être pas comme il aurait fallu qu’elle les aime, mais au fond d’elle il n’y avait qu’une place pour ses enfants et pour rien d’autre. Malgré cela, elle n’avait jamais été une bonne mère.
Horace Van der Goes était désemparé, mais ne laissait rien paraître. Il était désemparé à cause du cadet, car il ne le considérait pas comme son fils. Après tout, c’était vrai.
Comme ses pouvoirs s’étaient déjà manifestés, River reçut sa lettre pour Poudlard à l’âge d’onze ans. Assez étonnant à vrai dire, sachant qu’il était certain que Durmstrang allait le choisir, comme Tyler. Sans doute son côté très anglais -étant né en Angleterre- qui avait pris le dessus sur ses origines flamandes ! Contrairement à Tyler. Les deux garçons devaient laisser leur frère seul, avec leur père. Malgré le minime rapprochement qui avait eu lieu entre River et Aubrey, River n’arrivait pas encore à apprécier la compagnie de son frère. D’autant plus que le petit avait changé, devenant une sorte de brute, qui martyrisait les autres enfants. Martyr sur martyr, et tout cela, sans qu’aucun adulte de la famille Van der Goes le sache bien sûr, trop compromettant. Déjà que leur réputation en avait pris un coup, lorsqu’on apprit que Myla avait quitté sa famille… Ça avait été un choc ternissant, mais Horace tenait tête.
Tyler était le plus inquiet, car lorsqu’il avait été le seul à quitter la famille, il y restait encore River. Mais celui-ci avait dû partir aussi… Bien sûr, les enfants rentraient à la maison durant les vacances, mais ce n’était plus vraiment pareil. Du moins, pour River car il savait combien son père était doué pour cacher des choses. Néanmoins, Aubrey survit entre les griffes de son père. On ne saurait comment… Peut-être qu’il n’en parlait pas à ses frères pour ne pas les inquiéter… Aubrey était comme ça, cachant son désarroi derrière son masque amusé de revoir ses frères. Il restait tout de même une brute, ce qui amusait Tyler. Car il le taquinait souvent à propos de son gabarit assez imposant pour un enfant de cet âge. River restait à l’écart, il préférait analyser le comportement de Aubrey. Et surtout, celui de son père. Il savait très bien que Aubrey adorait se bagarrer, et pourtant, il était certain que ce n’était jamais lui qui recevait des coups. Il
donnait les coups justement. Tandis qu’à chacun de leur retour des vacances, les deux aînés remarquaient certains bleus sur le corps de son petit frère.
Même si River avait quelques soupçons, il n’en disait rien, il vivait sa vie tranquillement, attendant ce qui devait se passer. Il se sentait bien à Poudlard, même si son frère Tyler lui manquait atrocement. Il s’était très rapidement fait des amis, et pas n’importe lesquels. Un groupe de Slytherin au Sang-pur. River les avait énormément analysés, chacun d’entre eux cachait son jeu. C’était assez exaltant pour lui, de découvrir les petites facettes cachées de ses amis. Aux yeux des autres, ils passaient pour un groupe de snobs, qui ne connaissaient que le mot martyr. Vu le nombre de victimes… C’étaient surtout des Gryffindors. Malgré tout, River n’était pas celui qui martyrisait ces étudiants, lui il préférait rester discret et analyser les ennemis de ses amis pour trouver une quelconque faille afin de l’utiliser à bon escient plus tard. River a toujours été ainsi, adorant mettre des coups dans le dos de ses ennemis sans qu’ils le sachent et surtout, sans qu’ils ne puissent éviter quoi que se soit.
Néanmoins, River ne les considérait pas comme ses ennemis juste parce que ses amis les haïssaient. Non, River les considérait ainsi juste parce qu’une seule personne ne pouvait les voir en peinture. Daisy Wycherley. La seule fille de la bande. River avait d’abord sympathisé avec elle dans le train menant à Poudlard en première année, et c’était elle qui l’avait présenté au reste de la bande. Même si River l’avait déjà vue lors des festivités qu’organisaient ses parents. Normal après tout, presque tous les Sang-purs y étaient invités.
River avait su décrypter la vraie facette de Daisy, celle qui se cachait derrière le masque de froideur qu’elle adorait porter face à tout élève de Poudlard. Et pourtant, seul River savait qu’elle était une personne possédant une personnalité étonnante. Il s’était juré de la protéger envers et contre tout, sa présence lui est indispensable, même aujourd'hui. Il est fier d’être si proche d’une personne si pleine de surprise, incroyablement merveilleuse. C'est tout de même la seule personne à être au courant à propos de son achromatopsie.
River se sentait bien à Poudlard, même s’il pensait souvent à ce qu’il devait se passer à la maison. Et pourtant, lorsqu’il rentra chez lui en troisième année durant les vacances de Noël, les soupçons qu’il fondait s’avérèrent vrais. Tyler et l’un de ses amis déjà majeur étaient venus le chercher à la sortie du Poudlard Express, et tous les trois avaient transplané dans la demeure des Van der Goes, grâce à l’aide de l’ami de Tyler. Horace n’avait pas pu chercher ses fils, à vrai dire, il ne le faisait presque jamais. Et pourtant, les garçons auraient même préféré ne pas rentrer sitôt chez eux, pour ne pas assister à
ça. C’était trop bruyant, on entendait des cris du rez-de-chaussée alors que la scène effrayante se déroulait au deuxième étage.
«
Aubrey ? Père ? » les appela Tyler en commençant à monter une à une les marches des escaliers, River à sa suite. L'invité préféra les attendre en bas, par pure politesse.
Malheureusement, personne ne répondit à Tyler, seuls les cris étaient audibles à vrai dire. Les garçons montèrent doucement, appréhendant le spectacle qu'ils allaient découvrir... «
P-papa, arrête ! Tu me fais ma-mal ! » entendirent les deux garçons, et cette voix, ils la reconnurent aussitôt. C'est à cet instant qu'ils se précipitèrent pour ouvrir la porte de la pièce d'où parvenait la voix de leur petit frère. «
Aubrey ! Tu n'es pas mon fils, je t'interdis de m'appeler ainsi ! Si je te dis de faire quelque chose, tu dois le faire ! C'est bien compris ? » hurla le père qui avait, jusque là, essayé de parler à son fils doucement, pour ne pas faire trop de bruit et attiser la curiosité de la gouvernante. C'est à cet instant que les frères aînés décidèrent d'entrer dans cette pièce, où ils découvrirent leur petit frère sur le bureau, avec les vêtements déchirés, et le père juste à côté de lui, qui tenait sa baguette magique en main. Doloris. Ça devait être ça, le sort. La ceinture d'Horace gisait par terre, et apparemment, son propriétaire en avait fait...bon usage.
«
P-père ? » coassa Tyler, totalement sous le choc. River était éberlué, qu'est-ce qui se passer bordel ? Plusieurs secondes, voire minutes passèrent, tandis que tous les protagonistes s'observaient silencieusement. Les frères aînés se reprirent en mains rapidement et se précipitèrent sur leur père pour l'écarter d'Aubrey. Tyler était le plus déstabilisé, il ne savait quoi faire pour protéger son petit frère. Il attrapa son père par le col, et le plaqua contre le mur. «
Pourquoi ? Pourquoi est-ce que tu lui fais ça ? Depuis quand est-ce que ça dure ?! » lui hurla Tyler en le secouant fortement, tandis que son père arborait un sourire assez victorieux, fier de ce qu'il avait fait. «
Oh, depuis quelques années... Après tout, je ne suis pas son vrai père alors qu'est-ce que ça pourrait lui faire, de recevoir quelques coups ? » Ce simple aveu désarçonna River, qui avait ses propres soupçons. Il s'approcha doucement d'Aubrey, lui mit une main sur l'épaule et lui dit doucement pour le rassurer «
Ne t'inquiète pas Aubrey, ça va aller maintenant. » et ceci dit, il lui prit la main, et le fit sortir de la pièce.
Cette mascarade horripilante prit enfin fin, les personnages purent remettre leurs réels masques et ne plus jouer un rôle quelconque. Le château de cartes s'était effondré, entraîné dans un maelström effrayant. Et il avait entraîné la famille Van der Goes avec. Le fait de découvrir la face cachée d'Horace n'avait fait qu'empirer les choses. Et pourtant, Aubrey pouvait vivre enfin tranquillement. River avait révélé à Tyler le statut de « Mangemort » de leur père. Et celui-ci avait arrêté de maltraiter Aubrey, se concentrant plus sur les tâches qu'il avait à faire. Malgré tout, l'amertume était toujours là, il ne parlait jamais à Aubrey, voulant le renier totalement à vrai dire. Et puis, Aubrey reçut la lettre pour Poudlard, il n'allait donc plus être seul, il y aurait River avec lui. Sauf que River n'arrivait à se faire pardonner : s'il avait parlé de ce qui lui traversait l'esprit, il aurait pu épargner ces coups à Aubrey... River se reprochait ça en vérité, c'était la raison principale qui l'avait rebuté lorsqu'ils étaient tous les deux à Poudlard. Il restait très distant et cela avait beaucoup peiné Aubrey au début, mais il vivait avec. Même si ça lui faisait du mal, de ne pas être considéré comme étant le petit frère de River. Mais il finit pas y être habitué, et de son côté aussi, il commença à ignorer River, se consacrant à sa joyeuse bande d'amis.
Tyler, quant à lui, avait préféré s'isoler un peu, de sa famille. Il se sentait lésé, toutes ces histoires l'avaient fatigué. Lorsqu'il termina sa scolarité à Durmstrang, Tyler avoua à ses frères qu'il partait en Roumanie pour suivre une formation de dragonnier. Ce qui voulait dire qu'il laissait Aubrey avec River et leur père. Même si leur père n'avait pas été mis au courant de ses projets, il ne fit rien pour le ramener en Angleterre lorsqu'il apprit la nouvelle du départ de son aîné. Horace savait très bien que le seul capable de devenir l'héritier des Van der Goes n'était autre que River, qui avait quelques aspects semblables à son père. Quelle fut la surprise lorsque son père l'obligea à participer à une sauterie organisée par les Milton et d'y découvrir toute une histoire cachée. Son père ne l'avait pas amené à cet endroit pour qu'il s'amuse avec son ami d'enfance, Corey Milton, non, il l'avait amené dans le but de faire de lui un mangemort. Comme lui. Chez les Milton, il n'y avait pas énormément de personnes ce jour-là. Seuls quelques fidèles du Chef étaient présents. Car pourquoi le Chef lui-même assisterait à l'intégration d'un quelconque gamin dans ses rangs ? Il avait ses fidèles pour s'occuper de ça. Et le problème c'était que le gamin n'avait que seize ans à cette époque.
«
Impero ! » lança Horace sur son propre fils. Ce simple mot avait détruit la vie entière de River. Lui qui croyait pouvoir vivre en paix, être éloigné de cette guerre, vit ses espoirs s'envoler à néant. Et pourtant il ne pouvait rien y faire, car il n'avait plus conscience de rien du tout. Son corps ne lui appartenait plus. Son esprit ne lui appartenait plus. Et le plus misérable dans tout ça, c'est qu'on pouvait faire de lui ce qu'on voulait sans aucune objection de sa part. Alors, il fit sans le vouloir, une chose abominable. Il ôta la vie à un être humain. Mort par sa faute. Non, à cause de son père.
Cet acte l'avait damné. Car depuis ce jour, cette affreuse marque orne sur son bras. Mais il a réussi à la masquer. Seule Daisy était au courant après tout, son propre père avait assisté à cet événement. River ne voulait surtout pas en parler à son petit frère, même aujourd'hui. Depuis qu'il a terminé ses études à Poudlard, il a loué un appartement au coeur de Londres pour y vivre avec son petit frère. C'était la chose la plus raisonnable à faire et surtout, c'était déjà prévu d'avance. Horace pouvait bien supporter qu'un monstre arbore son nom de famille mais il ne voulait plus de ce monstre chez lui. River avait bien sûr préféré le prendre sous son aile même si... Même si leur relation ne s'est toujours pas améliorée. De plus, Aubrey ne rentre chez son frère que lors des vacances, il ne dérange pas tant que ça son frère dans son travail. Travail qui n'est qu'une occupation qu'il n'apprécie pas plus que ça. Car pour lui, faire des photographies avec l'espèce d'appareil sorcier, ce n'est vraiment plus de la photographie. Il trouve cela affligeant, voilà pourquoi il préfère les appareils moldus en noir et blanc. Pour montrer sa propre vue à travers ses photographies peut-être ?