thirty seconds to... Hogsmeade.

Le passé, le présent, le futur... Tout est lié. Et parfois, ils sont si liés entre eux que certaines personnes ne peuvent en dissocier réellement les évènements se déroulant devant nos yeux. L'espace d'un battement de cils, et cela appartient au passé. Une expiration, et l'inspiration précédente, en fait également partie. La vie passe plus vite qu'on ne le pense. C'était l'une des choses qui avait frappé Gavril alors qu'il n'était que tout jeune, sujet à des visions pour le moins violente, et terrible. Mais ce qui est encore plus difficile que de les vivre... C'est de savoir dans quel contexte temporel cette dernière se situe. Mais avec un bon entraînement, tout voyant peut jouer de son don, l'utilisant comme certains utilisent leur talent inné pour la métamorphose en un battement de cils. Le passé, le présent, le futur... Il est dangereux de vivre dans le passé, comme de vivre dans l'attente du futur aperçue. Chaque choix fait à l'instant présent change une destinée. C'est la règle d'or pour tout devin, tout oracle ou prophète : Si l'on veut survivre, il faut s'en souvenir à jamais... Jusqu'à ce que la mort l'emporte.

Un léger sourire, il se leva du lit, observant son reflet en proie à de violentes émotions. Un mélange de colère, de tristesse, de violences que l'on arbore lorsque l'on tente de survivre semblaient frappées le visage de son reflet. Gavril s'en approcha, avant de briser violemment le verre de son poing ganté de cuir noir. Le verre se brisa en une myriade de morceaux, se rependant sur le sol, sur le bois à peine entretenue. Puis, il sortit de sa chambre, broyant sous ses lourdes bottes de cuirs le verre. Et ce n'est qu'alors qu'il ferma la porte derrière lui, que les morceaux de verre se mirent en mouvement, se rapprochant les uns des autres pour se reformer comme si le miroir ne fut jamais briser. Un rapide passage dans le couloir, une porte qui se ferme, il n'était plus chez lui.

Le soleil était haut dans le ciel, mais invisible sous la noirceur de la voûte céleste. Levant le regard vers le ciel, plongeant ses mains dans les poches de sa longue et lourde veste en tissus noir, il en ressortit un paquet de cigarettes dans lequel Gavril en tira une. La mettant en équilibre sur ses lèvres, rangeant son paquet, il porta sa main à l'extrémité de la clope, et d'un claquement de doigt, il l'alluma. Tirant dessus, il cracha la fumée de la même façon qu'ont ces hommes dans ces vieux films en noir et blanc, avant de disparaître dans un espèce de volute de fumé noir. Gavril n'était plus sur Diagon Alley.

Hogsmeade, le voilà. Un panache de fumé noir le précéda de quelques instants, avant qu'il n'apparaisse. Son regard toujours tourné vers les cieux, la cigarette toujours au bec, il s'avança dans les rues du seul village sorcier d'Angleterre, sans réellement faire attention aux rares personnes qui faisaient leurs emplettes. Empruntant les ruelles sombres comme si rien ne pouvait l'atteindre, il marchait dans une direction que seul Dieu-savait-où – Gavril aurait eut un sourire s'il m'avait lu –, avec sa démarche de propriétaire des lieux. Il s'arrêta quelques instants près de chez Honeydekus, restant dans l'ombre, attendant que celle qui hantait ses visions depuis quelques jours n'apparaissent, comme il l'avait prédit. D'ici quelques secondes, le clocher d'Hogsmeade se ferait entendre, sonnant les 15h.

C'était un Samedi.

Cela faisait à peine quelques jours qu'elle était arrivée en Angleterre, libérée de ses cours de manière provisoire mais surtout des problèmes qu'engendraient la "bataille" entre elle et un autre. Et elle savourait chaque seconde passée à ne pas se soucier de qui faisait quoi. Loin de ceux qui la côtoyaient depuis des mois, elle avait l'impression de pouvoir vivre de nouveau comme elle l'entendait. Il n'y avait plus personne pour la juger ou la contraindre à quoique ce soit. Ce qui expliquait aussi pourquoi elle n'éprouvait pas le besoin de séduire tous ceux qui s'approchaient d'elle. En même temps, tous ceux qu'elle croisait étaient plus pressés de rentrer chez eux que de discuter.

Le dernier exemple en date était l'incident sur le chemin de Traverse. L'humiliation de ce jour là la brûlait toujours mais elle s'était refusée le droit de le retrouver et de lui faire regretter ce qu'il avait fait. C'était pour cela qu'elle avait choisit d'aller au seul village sorcier d'Angleterre et probablement moins fréquenté que le Londres sorcier. Et pour le moment, elle n'était pas déçue par cette décision. Les gens étaient moins pressés et faisaient bien plus attention au bâton qui fouillait devant elle à la recherche d'un quelconque obstacle. Elle en était au moment où il fallait qu'elle se décide entre trouver un endroit où boire quelque chose et la boutique dont une odeur sucrée émanait telle un phare dans la nuit.

Figée au milieu de la rue, Avalon hésitait entre cette fameuse boutique et l'endroit qu'on lui avait gentillement indiqué. Elle finit par choisir la boutique à l'odeur sucrée quand une bouffée irresistible vint à sa rencontre. Elle n'était pas fille à faire attention à sa ligne et était gourmande au possible quand elle se laissait aller. D'un pas décidé, elle reprit sa marche, se guidant à la fois par l'odeur et par le tintement de la clochette de la porte. Parvenue près du magasin, elle s'immobilisa à la fois pour laisser passer un flot de personne en sortant mais aussi parce qu'il y avait une note discordante dans la magie qu'elle sentait dans ce village. Ce n'était rien de bien méchant, simplement une once de quelque chose qui lui fit tourner la tête en direction des ombres.

Cela venait de cet endroit précis. Elle ne pouvait voir mais se retenait d'obtenir les informations qui lui manquaient en usant de l'Alchimie. Baissant la tête pour la mettre droite, elle se frotta les paumes l'une contre l'autre, son bâton appuyé sur elle. Comme toujours, le frottement provoqua une étincelle de magie. Malgré les mitaines noires qui lui couvraient les paumes et les troisièmes phalanges de ses doigts, les sceaux de ses paumes étaient réactives. C'était de la faute de son entraînement. Elle était capable d'user de ces sceaux-là les mains recouvertes d'une épaisse couche propre à tuer toutes les sensations que l'on aurait pu avoir. Un sourire se dessina sur ses lèvres alors qu'elle tendit la main pour ouvrir la porte.

La cloche sonna.

Il était quinze heures.

Les gens passaient de temps à autres, souvent en groupe. Ce qui se comprenait. La peur de tomber sur l'inconnue, sur les créatures du monde d'en dessous en plus de celles vivants sur terre, mais terrorisée (et donc dangereuses) qui se retrouvaient des fois à faire des choses pour le moins horrible sur Hogsmeade. Tirant sur sa cigarette lorsque l'envie s'en faisait ressentir, il finit par tomber sur la jeune aveugle du regard. Un fin sourire apparut sur ses lèvres, il porta le filtre de la clope à ses lèvres pour en tirer une ultime bouffée, avant de lancer le mégot à terre, l'écrasant du talon de sa lourde botte. Un panache de fumé jaillit de ses lèvres, son sourire figé, pour suivre cette dernière qui prenait la direction d'Honeydekus.

Cette dernière s'engouffra dans la boutique aux milles et agréables odeurs. Des odeurs sucrés, des odeurs poivrés, des odeurs délicates pour tout nez un tant soit peur sensible. Inspirant un bon coup, il balaya la boutique d'un coin du regard, retrouvant la jeune femme qui était non loin, sûrement en quête de nouvelles odeurs. Achetant rapidement une sucette à la menthe acidulé, il l'enfourcha directement dans le bouche. Finalement, il se rendit vers la demoiselle, s'approchant doucement, sans pour autant vouloir lui créer un effet de surprise. Il avait observé cette dernière jouait avec ses mains, produisant de belles étincelles. Il n'avait rien raté. Pas même la délicatesse et la beauté des traits de son jolie visage. A première vue, elle venait de l'Europe de l'est... Mais du côté de la Russie.

Pourquoi fallait-il toujours que les héroïnes au sein d'une histoire soit toujours aussi bien foutu ? C'était en effet ce que pensa notre diseur de bonnes aventures alors que son regard se baladait sur la demoiselle. S'amusant avec sa sucette, il s'approcha de cette dernière, un sourire sur ses lèvres.

« Alors ainsi... Même les alchimistes sont friands de douceurs ? »

Une phrase comme une autre pour entamer une discussion. Et puis ça lui changeait que de sauter sur la personne, lui balançait ce qu'il avait vu, tenter de faire que cela se réalise (en bien ou en mal) si il doit s'y impliquer ou juste regarder les choses se faire. Machinalement, il s'appuya de son épaule sur un pan de mur vide d'étagère près de celle où se trouvait la demoiselle.

La porte ouverte, elle s'engouffra dans la pièce chaleureuse aux milles odeurs. D'un coup, elle eut l'impression d'être passée d'un monde sans saveur au Pays des Merveilles. Son odorat était sollicité de partout et elle ne savait pas vraiment où donner de la tête. Elle se perdit avec plaisir dans les rayons après avoir réduit son bâton pour le mettre dans sa poche. Elle n'en avait pas besoin, se laissant guider par les étalages et la foule qui, insensiblement, la poussait toujours plus loin dans l'antre du magasin. Elle se retrouva avec un sac sans vraiment savoir comment et ses doigts se laissèrent guider par les odeurs. Elle se moquait de ce qu'elle allait devoir débourser, la fortune de son clan était désormais largement suffisante pour qu'elle fasse cela plusieurs fois par jours durant un bon nombre de siècles.

Elle avait la main dans un bocal quand...

« Alors ainsi... Même les alchimistes sont friands de douceurs ? »

Son mouvement s'arrêta, à mi-chemin entre les bonbons et l'ouverture du bocal. Ses doigts se contractèrent alors qu'elle retirait doucement sa main. Posant son sac sur l'étagère, elle suivit son intuition pour retrouver celui qui l'avait apostrophé de cette manière. Rares étaient ceux qui pouvaient repérer un Alchimiste même si elle produisait des étincelles quand elle frottait ses mains l'une contre l'autre. Pour beaucoup, c'était de l'électricité statique... Mais pour certains... Elle haussa un sourcil et un sourire en coin orna son visage juste avant qu'elle ne tende le bras pour récupérer la sucette avec laquelle il s'amusait. La logeant entre ses lèvres, elle secoua la tête.

« Méfiez-vous de la voleuse de sucreries... »

Bonne joueuse, elle récupéra son sachet et lui en fournit une autre à la cerise. Elle la lui tendit l'air nullement contrite par le vol caractérisé qu'elle venait de commettre. Intérieurement, elle se demandait ce qu'il pouvait bien être. Pas un sorcier "basique" si l'on pouvait dire. Pas Alchimiste non plus sinon il n'aurait pas déballé une telle phrase au beau milieu de personnes terrorisées par tout ce qui sortait de leur ordinnaire. Mentalement, elle repassa toutes les options et finit par demander, la main de nouveau dans le bocal de bonbons.

« Auriez-vous prévu ce vol.... Voyant? »

Un coup de bluff mais parfaitement maîtrisé. Elle attrapa une poignée de bonbons pour la déposer dans son sac avant de repartir à la recherche d'une nouvelle cible odorante. Elle se doutait qu'il n'allait pas la laisser ainsi. Elle se faufilla à travers la foule et déposa son sac près d'une vendeuse. Hors de questions qu'ils aient une discussion dans un tel endroit.

Il ne put s'empêcher d'écarquiller quelque peu les yeux lorsque cette dernière leva la main vers lui avec tant d'aisance, tant de facilité qu'elle trouva automatiquement ce que ses doigts cherchaient. Un rapide regard vers ses yeux pour se demander si cette dernière était réellement aveugle, ce qu'il constata. Les doigts de la jolie russe se resserrèrent sur le bâtonnet blanc de sa sucette pour sentir cette dernière quittait ses lèvres avant de la voir entrer dans celle de la demoiselle. Il l'observa quelques instants, se mordant légèrement la lèvre inférieur, un sourire aux lèvres. Pour être surpris, Gavril l'était.

« Méfiez-vous de la voleuse de sucreries... »
« Tant que ce n'est que des sucreries... On en fera pas tout un drame, n'est-ce-pas ? »

Son sourire eut quelque chose de particulièrement mutin, tandis que sa voix était d'une chaleur séduisante. Elle lui tendit une autre sucette à la cerise qu'il s'empressa de défaire de son plastique pour la fourrer dans sa bouche, la remerciant du bout des lèvres.

« Auriez-vous prévu ce vol.... Voyant? »

Perspicace, qui de plus est.

« Seulement une de vos questions que vous vous posez est bonne... » Il sort la sucette de sa bouche, reprenant : « J'ai le troisième œil. Mais je n'avais pas vu ça. » Admit-il dans un sourire.

La sucette dans sa bouche, le goût de cerise se faisant bien sentir, ses iris virèrent au rouge, avant de reprendre leur couleur brune. Il balaya de nouveau le magasin, le visage tout d'un coup plus sérieux, avant de lancer un regard au dehors. Finalement, il lui demanda :

« J'ai besoin de vous parlez de deux, trois trucs. Je peux vous offrir un verre, Avalon ? »

Il était tellement aisé de surprendre les gens en usant de la logique pure et simple! Avalon était habituée au petit jeu auquel elle venait de se livrer. Il était plus grand qu'elle, elle l'avait sentit au son de sa voix qui venait de plus haut. Après...ce n'était qu'un coup de bluff allié à une certaine connaissance de l'anatomie humaine. Elle avait su qu'il avait une sucette dans la bouche à la manière dont il parlait mais aussi à l'odeur... De la menthe pour dissimuler celle du tabac... Qui ne pouvait être sensible à cela? Elle était intimement persuadés qu'elle l'avait surpris et était prête à mettre sa main à couper qu'il s'était demander si elle était réellement aveugle.

« Tant que ce n'est que des sucreries... On en fera pas tout un drame, n'est-ce-pas ? »

« Je pourrais voler votre âme si vous me le demander... »

Elle laissa échapper un rire avant de lui tendre une autre sucette dont il s'empara pour la loger dans la seconde dans sa bouche. Un léger merci plus tard, elle espérait qu'il aimait la cerise sinon... Pas de bol. Elle l'interrogea en le nommant Voyant. Encore un coup de bluff qui porta. Elle avait de la chance et lui, il lui répondait avec une apparente sincérité. Avalon acquiesça en silence avant de s'avancer vers la caissière. Evidemment, il vint avec elle. Elle était en train de payer quand...

« J'ai besoin de vous parlez de deux, trois trucs. Je peux vous offrir un verre, Avalon ? »

Désormais propriétaire de son énorme sac de sucreries, Avalon se retourna et murmura.

« Généralement, pour m'avoir, un verre ne suffit pas... »

Et elle éclata de rire en s'éloignant de la caisse. Sortant enfin, s'éloignant comme à regret des odeurs magnifiques, elle attendit son "voyant" au beau milieu de la rue, un sourire aux lèvres, ses doigts fins faisant jouer la sucette de sa bouche. Elle attendait clairement qu'il lui serve de guide... la preuve: elle n'avait pas sorti son bâton.

« Où allons-nous, monsieur l'inconnu »

Une manière comme une autre de lui rappeler qu'il ne s'était même pas présenté.

« Je pourrais voler votre âme si vous me le demander... »

Elle éclata de rire. Un léger sourire sur le bout de ses lèvres, Gavril lui aurait presque dit d'essayer. Juste pour voir. Mais ce n'était pas le moment, ni l'endroit pour effectuer de tels choses. D'autant plus qu'il ne se le pardonnerait jamais. Comprendra qui pourra, Gavril tenait à lui d'une façon tout autre dont on l'habitude de tenir à sois-même sinon plus que l'instinct de conservation. Quelque chose d'on ne peut plus fort. Un lien invisible. Pour un peu, on pourrait presque penser à quelqu'un d'extrêmement narcissique au point de s'aimer lui-même... C'est bien là, le problème. Si c'était réellement le cas, Gavril ne serait même pas là. Et dans tous les sens du terme. Encore une fois, comprendra qui pourra.

Gavril enfourna la sucette au goût frais, et printanier de la cerise. L'observant de ses deux yeux bruns avec une petite teinte d'amusement, il finit par reprendre son sérieux pour lui demander si elle voulait bien le rejoindre pour aller boire un verre dans un coin on ne peut plus tranquille. Par chance, les tavernes, auberges et bars, étaient quelques désertés par leur clientèle. D'après de récentes études du ministère, plus de 50% de clients pour à peu près tous les commerces. Enorme. Et surtout très mauvais pour l'économie. Enfin... Gavril s'en fichait complètement. Son commerce à lui n'était là que pour faire jolie. Tout le monde le savait, y compris son père Narek.

A sa question si bien formulé, avec sa teinte d'une chaleur irrésistible que l'on a lorsque l'on invite à ce qui ressemblerait de près ou de loin à un dating, cette dernière se montra enthousiaste, voir même... Un peu plus.

« Généralement, pour m'avoir, un verre ne suffit pas... »
« Généralement... »

Reprit-il dans un sourire on ne peut plus révélateur. Gavril la regarda passer à côté de lui, au moment même où il vit une autre femme, près de lui, balançait des boules de feu vers un homme au regard océanique. Cette dernière courra à travers la boutique, bousculant tout le monde, avant de disparaître en traversant le mur comme une bombe d'eau explosant au sol. Gavril fronça quelque peu les sourcils avant de suivre Avalon, intrigué par cette vision on ne peut plus étrange.

« Où allons-nous, monsieur l'inconnu »

Lui arrachant encore un sourire, Gavril lui répondit :

« Nous allons au trois balais, mademoiselle... Appelez-moi, Xzander. »

Il ne donnait jamais son prénom. On a tellement de puissance, de pouvoirs sur son assaillant lorsque l'on connaît son nom, qu'il préférait toujours éviter de fournir une arme de plus à quiconque voulait le tuer.

L'emmenant au trois balais, ils vinrent au niveau du comptoir pour prendre leur commande, avant d'aller s'assoir dans le fond de la pièce histoire d'être on ne peut plus tranquille. Le regard amusé, Gavril retira son long manteau noir, tirant la chaise de la demoiselle pour éviter qu'elle n'est à le faire elle-même, avant de l'installer correctement devant la table. Enfin, il se posa à son tour, mélangeant son café frappé une main au dessus de la tasse, décrivant des cercles au dessus du liquide ambré avec son index.

« Si cela ne vous dérange pas... J'aimerais que l'on parle de deux, trois trucs. J'ai quelques questions à vous poser. » Il sourit, puis il rajouta, après quelques instants de silence. « Qu'est ce que l'alchimie, Avalon ? »

Que les choses commencent.

« Généralement... »

Avalon se permit un clin d'oeil mutin. Comme si elle était du genre à se laisser acheter avec un verre... ou plus. Généralement, elle charmait de manière plus subtile mais le Voyant l'amusait et pourquoi ne pas rentrer dans ce jeu? C'était plaisant et cela lui avait ramené le sourire, malgré la monotonie dans laquelle était plongée l'Angleterre. Son stage n'avait pas encore débuté et elle s'ennuyait ferme. Elle aurait pu retourner en Ecosse pour continuer à lire les livres de la bibliothèque du clan mais à quoi bon? Elle les connaissait déjà par coeur. Elle ne pouvait pas non plus retourner à l'université car elle en était bannie pour un certain temps et un temps certain.

Ses sucreries payées, elle attendit qu'il la guide et acquiesça quand il lui dit son prénom... Enfin.

« Enchantée de vous connaître, Xzander...»

Il connaissait son prénom, c'était pas la peine qu'elle l'en informe. Etait-il au courant qu'elle n'attachait que peu d'importance au nom d'Avalon? Ou même de Kira? Elle sourit, et d'autorité, enroula son bras autour du sien. Et bien oui, quand on était en compagnie d'un aveugle, la moindre des choses était de la/la guider jusqu'à bon port. Les odeurs qui l'assaillirent, tout comme l'ambiance qu'elle ressentait comme pesante... ou du moins différente de celle du magasin de sucreries. Elle commanda une théière et se laissa entraîner jusqu'à une table, remercia Xzander d'un sourire quand il l'aida à s'asseoir.

Sa théière ne tarda pas à arriver et elle pu sentir la riche odeur du café. Elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi certains parvenaient à boire cette boisson immonde. Seule son odeur méritait d'être sauvée dans le monde. D'une main à la sûreté surprenante, elle remplit sa tasse, écoutant le bruit du liquide noir que son compagnon tournait dans sa tasse. Elle but une gorgée brûlante et ne bougea pas d'un poil quand il lui annonça qu'il avait des questions à lui poser. Elle ne broncha pas plus alors qu'il lui demandait qu'est ce qu'était l'alchimie.

« Vos visions ne vous ont pas informé, Xzander?...»

Elle passa une main sur sa nuque et plus sérieusement, elle reprit.

« Le changement. »

Elle n'avait rien d'autre à ajouter. Comment expliquer l'Alchimie à ceux qui ne la pratiquaient pas. Pour le commun des mortels, c'était la pierre philosophale, l'immortalité et le pouvoir. Elle avait exprimé les choses de la manière la plus simple pour qu'il puisse le comprendre. Elle ne tenait pas à faire la démonstration de ses pouvoirs dans un lieu peuplé et de toute manière, elle ne se considérait pas comme un monstre de foire prête à tout faire pour qu'on la voit. De plus, elle avait juré de se faire aussi discrète que possible, en Angleterre. Ne serait-ce que pour pouvoir achever ses études en toute quiétude.

« Je réponds à vos questions... Mais qu'aurais-je en échange? Une prophétie? Quelques mots censés m'aiguiller sur mon destin? Dites moi... Xzander. »

Un léger sourire traversa ses lèvres. La laissant parler, continuant à jouer avec sa boisson qu'il mélangeait avec une certaine classe d'un point de vue totalement moldu, Gavril écoutait attentivement chaque mot, chaque intonation de voix, chaque sous-entendu si il y en avait dans ce qu'elle racontait. Une analyse. Vous l'aurez compris, c'était ce que le voyant était entrain de faire. Connaître une personne par sa façon d'être, par sa façon de faire, de parler, de jouer avec les mots et la langue qu'il/elle utilise. C'était un passe-temps que Gavril adorait. Si il n'avait pas eut ce don du troisième œil, il l'aurait sûrement poursuivi des études en psychologie, by the way.

« Mes visions sont loin d'être une encyclopédie, Avalon... Bien que je note toutefois un certain dédain vis-à-vis de mon don. Ou alors... Est-ce de la pur ironie ? »

Son sourire s'entendait dans sa voix. Il se fichait de ce que les gens pouvaient penser de son don. Il savait que la plupart des sorciers méprisaient ou rabaissaient cette branche de la magie, car... Trop nébuleuse, trop... De conneries vis-à-vis des charlatans.

« Les principes de l'équivalence... Un bien pour un autre. Un mal pour un autre... Ne pas jouer les rédempteurs et tenter de relever les morts à partir de simple composant... Tout un tas de truc que l'on pourrait trouver dans L'Alchimie pour les nuls. »

Il a un sourire à faire fondre les neiges de Sibérie, à briser les icebergs aux deux pôles. Un sourire d'incube. Elle veut un échange... L'esprit pervers de Garvik se met directement en marche. Il s'imaginait tout un tas de chose possible, avant de laisser la raison s'exprimait et tenter une approche tout à fait naturel. Quelque chose de normal entre deux personnes tout à fait normales. Ou pas.

« La Prophétie, ou whatever... Elle accompagne chacune de mes visites que je prévois. Donc, oui, tu auras sûrement une bride de ton avenir... Mais si tu désires autre chose... Dis le. »

Faisant mine de ne pas avoir d'arrière pensé, il lui laissa carte blanche.

Elle aimait bien pronnocer son prénom et le faisait avec une pointe d'accent qui dévoilait qu'elle n'avait pas passé toute sa vie dans ce pays. Avalon parlait d'une voix posée où ne régnait aucun accent décelable... Sauf dans de rares cas comme par exemple le prénom de son interocuteur. Elle se savait observée. Que ce soit pour la connaître ou la déchiffrer, il la regardait avec attention... Et cela ne changeait en rien sa manière d'être. Lorsqu'il lui répondit, elle entendit clairement son sourire dans sa voix et elle en vint à se demander à quoi il ressemblait vraiment, cet inconnu qui l'avait abordé et dont la sucette trônait toujours entre ses lèvres carmins, seulement retirée de temps en temps pour parler plus aisément.

« Vos visions auraient pu vous montrer ce que c'est... Et non, ce n'est pas du dédain ou de l'ironie... Je ne fais que vous taquiner. Vous n'êtes pas le premier Voyant que je rencontre... »

A nouveau le manque de Sky se fit cruellement ressentir. Elle dissimula habilement son trouble en buvant soigneusement une gorgée de thé encore brûlant. Sa voix avait été respectueuse: elle ne faisait pas partie de ceux qui dédaignaient le don des autres. Avoir le Troisième Oeil était pour elle aussi important qu'être Alchimiste ou bien Exorciste ou autre... Ce fut pour cela qu'elle ne tarda pas à lui dire que l'Alchimie était le changement. Une réponse qui était à double tranchant. Soit il comprennait, soit il restait totalement hermétique à la chose.. Comme la majorité des sorciers.

Elle fut surprise qu'il saisisse aussi bien ce qu'elle voulait lui dire. Son sourire se fit lumineux, elle était heureuse d'avoir enfin trouver quelqu'un pour qui l'Alchimie n'était pas un concept nébuleux et trop compliqué. Les esprits limités étaient de légion, quel que soit l'endroit du monde où elle pouvait se trouver. Néanmoins, seul un Alchimiste pouvait en comprendre un autre... Mais un Alchimiste n'aurait jamais posé cette question-là... A moins d'être un gamin et de débuter et encore, la plupart avaient une manière d'apréhender la chose qui était souvent l'idéal.

Puis Avalon lui demanda ce qu'il avait à lui proposer en échange, souriant intérieurement de ce qu'il pouvait penser en l'entendant poser une telle question. Elle reposa soigneusement sa tasse sur la soucoupe, tatônant quelque peu pour trouver l'encoche destinée à l'accueillir. Et de but en blanc, elle demanda.

« Laissez-moi vous voir à ma manière. »

La jeune femme n'était pas curieuse de son avenir. Ou disons qu'entre savoir ce que le Destin lui réservait et pouvoir enfin apréhender son interlocuteur, son choix était déjà fait. Elle sourit à demi, un de ces demi sourires si sensuels que ceux qui avaient déjà tenté l'expérience ne savaient que penser de l'aveugle qui les faisait face. Sereine, elle fit néanmoins remarquer.

« Cela n'est pas douloureux, je te le promets. »

Elle ne mentait pas. Et de toute manière, elle cherchait à être le plus honnête possible. Le mensonge par omission n'était pas sa tasse de thé, comme toutes les autres manières de mentir... Même si elle savait parfaitement en user et qu'elle l'avait fait durant sa scolarité. Parvenue en Angleterre, elle cherchait désormais le calme et de quoi puisser suffisamment de force pour se faire à l'idée que Sky ne réapparaîtrait jamais dans sa vie.

« Vos visions auraient pu vous montrer ce que c'est... Et non, ce n'est pas du dédain ou de l'ironie... Je ne fais que vous taquiner. Vous n'êtes pas le premier Voyant que je rencontre... »

Un léger sourire, il fit naufrage de son regard sur le teint clair du visage d'Avalon. Après quelques secondes, où il ne put cacher un regard curieux, il finit par regarder la paume de sa main, sentant son sang bouillir d'une intense chaleur. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas désirer quelqu'un comme la jeune femme. Fermant les yeux, il se concentra sur sa respiration qu'il veilla à garder normal. Du bout des doigts, il attrapa sa tasse qu'il porta à la hauteur de ses lèvres, trempant ces dernières dans un liquide ambré avec une fine mousse plein de poussières de chocolats.

Ses pensées étaient toutes pour le moins étrange. L'alchimie, c'était quelque chose qu'il n'avait jamais vu, mais dont il éprouvait une vive curiosité. Ce qui est normal lorsque l'on est face à un inconnu dont on en a toujours entendu parler, sans pour autant y avoir été confronter. Quelques informations par-ci, quelques informations par-là, il y avait certaines choses qu'il avait pu comprendre, et d'autres qu'il savait qu'il comprendrait lorsqu'il les verrait. Enfin, il savait également que, comme tout don, on ne pouvait réellement comprendre une branche nébuleuse de la magie sans y être plonger jusqu'au cou. La preuve, il n'aimait pas vraiment que l'on critique sa divination...

Gavril reposa la tasse, soupirant doucement, se sentant plus humain que jamais. Narek avait raison. Il n'aurait pas du le choisir lui. La discussion suivit son cours.

« Laissez-moi vous voir à ma manière. »

Elle eut un sourire qui lui fit tourner le visage. Ce fut instinctif. Gavril chercha autre chose du regard, sans savoir vraiment quoi. La seule chose qu'il savait, c'était qu'il ne souhaitait pas observer celui-là.

« Cela n'est pas douloureux, je te le promets. »

Gavril eut un sourire, avant de reporter son regard sur la russe. Il posa ses mains sur la table, devant lui. Il ne savait pas vraiment comment cette dernière allait s'y prendre, mais il la laissa faire. Une autre chose : Gavril se savait beau, craquant, et tout ce qui s'ensuit. Lorsqu'on le connaissait réellement, on savait pourquoi.

« Vas-y. » Puis, comme si une ampoule venait de s'allumer dans la pièce, il ajouta : « Si tu le désires, je pourrais te rendre la vue. »

Il n'en dit pas plus, trempant ses lèvres, à nouveau, dans son mug.

Elle s'était trompée quant à la boisson qu'il avait commandé? Elle l'entendit lever la tasse et sentit aussitôt une odeur de chocolat. Malgré l'envie de savoir, elle ne posa pas la question qui lui brûlait les lèvres bien plus que la chaleur de son thé. Elle laissa ses pensées quelque peu dériver, ne définissant l'Alchimie que par un seul mot. Le Changement. Elle connaissait une floppée de personnes voulant réellement un changement mais il n'y en avait aucune qui le désirait réellement. C'était une chose bien trop dangereuse que cela. Trop de sous entendus et de perte pour quoique ce soit de bon.

En étant Alchimiste, elle aimait le changement... dans une certaine mesure. Elle ne se voilait pas la face, elle tenait à beaucoup de choses. Et quand la jeune femme lui sourit, elle n'eut pas conscience du fait qu'il venait de détourner le visage. C'était typiquement le genre de chose qu'elle ne voyait pas... simplement parce qu'elle ne le pouvait pas. En revanche, elle était parfaitement sincère, désirant mettre un visage sur le nom qu'il lui avait donné même si elle savait que ce qu'elle allait découvrir du bout des doigts n'allait pas lui rendre justice. Avalon l'entendit poser les main sur la table, entre lui et elle.

« Vas-y. »

Elle leva doucement une main pour effleurer celle qui était pile en face. Suivant un trajet instinctif, elle la remonta jusqu'au visage.

« Si tu le désires, je pourrais te rendre la vue. »

Les doigts se figèrent à quelques millimètres de la peau du visage. Elle pouvait sentir sa chaleur jouer le rôle d'aimant pour lui donner envie de le toucher. Pourtant, elle retira sa main et ce fut en serrant le poing qu'elle ramena le tout vers elle. Le silence s'installa, ses paupières se fermèrent à demi. Beaucoup lui avaient promis de lui rendre la vue et elle ne les avait jamais cru... Etrangement, elle était sûre qu'il était capable de le faire si elle le lui demandait. Elle profita de cette pause dans leur discussion pour y songer réellement. Oui, recouvrer la vue était tentant. Voir enfin le visage de cet homme dont la chaleur étreignait encore le bout de ses doigts. Voir les couleurs et tout le reste... C'était terriblement tentant sauf que...

« Non. C'est très gentil de me le proposer mais je refuse, Xzander. »

Elle était réaliste. Trop habituée à vivre sans voir, elle ne savait pas ce que cela allait donner une fois qu'elle aurait retrouvé la vue. Et puis, elle savait qu'elle l'avait perdue en échange des deux sceaux. C'était aussi pour cela que Sky était un Voyant lui aussi. Et elle n'osait pas imaginer le désastre que cela donnerait avec son tendre jumeaux découvrant un don pour l'Alchimie. C'était pour toutes ses raisons qu'elle venait de refuser cette proposition. Son ton était sans appel et la détermination pouvait se lire sur son visage quand elle porta sa tasse à nouveau à ses lèvres. Ce ne fut qu'après l'avoir reposée sur sa soucoupe qu'elle osa tendre encore une fois les mains vers son visage.

Le premier contact fut aussi léger qu'une aile de papillon, elle effleura d'abord la ligne de la machoire pour remonter jusqu'au front. Elle y allait doucement afin d'imprimer le moindre trouble sur son visage. Elle atteint le front, joua une seconde avec les cheveux avant de lui sussurrer de fermer les yeux. Elle caressa les paupières, descendit la courbe du nez pour achever par les lèvres. Elle en redessina le contour avant de les toucher réellement. Elle fut surprise de les découvrir aussi soyeuses, légèrement humide par la gorgée qu'il venait de boire. Le sourire qui naquit sur ses propres lèvres éclaira son visage pourtant si concentré l'instant auparavant. Elle sentit les lèvres de son interlocuteur s'entrouvrir légèrement et elle ne pu résister à l'envie d'y glisser le bout de son doigt avant de tout retirer vivement et replacer ses mains autour de sa propre tasse.

« Je comprends pourquoi tu es aussi sûr de toi... »

« Non. C'est très gentil de me le proposer mais je refuse, Xzander. »

Il semblerait que dans sa longue vie, ce fut la première fois que l'on refusait un cadeau de Gavril. Cadeau, qui, pour une fois, était loin d'être empoisonné. Lorsqu'elle refusa, il ne put s'empêcher de la regarder avec une certaine douleur, avant de ravaler sa fierté en même temps qu'une gorgée de son café frappé. Gavril reposa délicatement la boisson sur la table, passant sa langue sur sa lèvre supérieur, retirant le peu de mousses, tandis qu'il se perdait dans ses pensées toutes aussi complexe et nébuleuses les unes que les autres. Enfin, il posa ses mains sur la table, caressant le visage de la demoiselle de son regard.

Elle leva doucement ses mains en direction de son visage. Instinctivement, il se rapprocha quelque peu, l'aidant à trouver sa tête. Lorsqu'elle l'effleura, Gavril ne put retenir un léger frisson qui alla se perdre dans le creux des reins après lui avoir parcouru l'intégralité de sa colonne vertébrale. Enfin, comme si elle prenait confiance en ses gestes, elle lui caressa les traits du visage, sans en oublier un seul. Les caresses lui montèrent sensiblement la température du corps. La jolie russe pouvait sentir la chaleur qui en émanait. Sa peau était plus chaude que celle d'un homme normal. Elle devait atteindre les 41°C sans trop de problème. Enfin, il ferma délicatement les yeux alors qu'elle approchait ses doigts de ses paupières qu'elle caressa avec douceur. Gavril entrouvrit légèrement les lèvres, prenant un certain plaisir dans ses gestes. Ses doigts continuèrent de le dessiner, jusqu'à effleurer ses lèvres. L'envie de mordre le bout de ses doigts, avec douceur, se fit sentir, mais il se retint.

Il regretta presque lorsqu'elle retira ses mains pour les poser à la hauteur de sa tasse. Gavril ouvrit les yeux, comme sortant d'un rêve particulièrement agréable, avant de briser le silence dans lequel ils s'étaient enfermés sans même sans rendre compte.

« Je comprends pourquoi tu es aussi sûr de toi... »

Gavril eut un léger sourire, soupirant doucement. Ses yeux étaient rouges sang. Il cligna plusieurs fois des paupières, avant que ces derniers ne reprennent leurs teintes noirs. Finalement, il murmura :

« C'est... Gentil. Mais je peux t'assurer que tu n'as rien à m'envier. »

Il déglutit difficilement, se rendant compte de la sincérité de son compliment. Levant son café frappé, il en avala une bonne rasade, avant de reprendre, de façon plus normal.

« Pourquoi refuses-tu mon cadeau... ? »

Gavril avait besoin de savoir. Certes, il aurait pu le savoir. Mais son troisième œil était encore... Tout émoustillé. Si seulement, il n'y avait que son troisième œil. Cependant, il n'en était pas moins des plus sérieux dans ses propos.

En exprimant son refus, elle eut l'impression de le surprendre. Réaction normale car après tout, personne ne pouvait concevoir la vie sans pouvoir regarder le monde. Pourtant c'était dans cet univers sombre qu'elle avait grandit puis évolué. Y mettre de la lumière équivaudrait à devoir tout réapprendre et surtout, tout plaquer pour retrouver son frère, lancer à ses trousses les deux familles et chercher à lui apprendre à user de son don sans risquer de tuer ou détruire...sans qu'il disparaisse... Et connaissant ses parents, il y avait de fortes chances pour qu'ils lancent des tueurs à leur suite...

Elle pouvait faire la liste d'une multitude des raisons qui motivaient son refus... Parmi elles, la peur d'espérer et de se retrouver dans le même état. Oh, elle voulait lui faire confiance... Mais il y avait eut trop d'espoirs déçus dans sa vie pour qu'elle accepte aussi facilement de tenter quelque chose d'aussi énorme. D'autant plus que pour le moment, elle avait autre chose à penser: caresser son visage pour le découvrir. Le premier contact provoqua chez lui comme chez elle un frisson aussi léger que l'étaient ses doigts. Si elle parvint plus ou moins à le dissimuler, elle perçu le sien à la perfection. Avalon eut la décence de ne pas faire de commentaires.

Au contraire, elle continua, consciente de la chaleur du corps de Xzander qui augmentait peu à peu, trouvant un écho en elle-même. Et le summum fut atteint quand ses doigts glissèrent sur ses lèvres. Il fallut pourtant qu'elle s'arrête, ses mains retrouvèrent la chaleur de sa tasse et elle s'enfonça avec lui dans un silence aussi intense que l'avait été l'instant auparavant. Et quand enfin elle se décida à le briser, ce ne fut que pour lui faire un compliment sincère. Elle se représentait bien son visage tout en étant certaine de ne pas lui rendre justice. Le soupir de son compagnon laissa deviner un sourire.

« C'est... Gentil. Mais je peux t'assurer que tu n'as rien à m'envier. »

Les joues d'Avalon prirent une teinte rosée. Il n'était pas le premier à la complimenter mais était l'un des rares à le faire d'une manière aussi sincère. Voulant dissimuler son trouble, elle leva délicatement sa tasse vers ses lèvres et en bu une longue gorgée.

« Pourquoi refuses-tu mon cadeau... ? »

La tasse retrouva sa soucoupe. Agissant d'instinct, Avalon avança sa main pour attraper celle de Xzander. Elle la serra avec une douce tendresse et répondit tranquillement en retirant ses doigts.

« Il y a mille et une raison qui font que je refuse. La première est que si je cesse de ne plus voir, mon frère récupèrera son don pour l'Alchimie... Il est trop âgé pour toléré l'apprentissage auquel tous les Alchimistes doivent se plier. Il est trop âgé pour acquérir le contrôle... Même en étant à ses côtés, je ne suis pas certaine de pouvoir lui apprendre ce que je sais. Et l'Ordre serait obligé de nous donner la chasse, nos parents chercheraient à nous tuer... »

Elle sourit légèrement, passa sa langue sur ses lèvres devenues sèches.

« Ne pas voir ne me gêne plus. J'ai dépassé ce stade depuis très longtemps. J'imagine le monde comme je le ressens mais je sais qu'il n'est pas comme je le conçois dans mon esprit. La preuve, tu es bien plus beau que ce que j'ai bien pu songer en écoutant ta voix... »

Elle ne se moquait pas de lui, son sourire était aussi calme que possible. Elle avait la très nette impression qu'il n'allait pas se laisser convaincre par ce qu'elle venait de lui dire. Pourtant, sa décision était prise.

« Pourquoi veux-tu me rendre la vue? »

« Il y a mille et une raison qui font que je refuse. La première est que si je cesse de ne plus voir, mon frère récupèrera son don pour l'Alchimie... Il est trop âgé pour toléré l'apprentissage auquel tous les Alchimistes doivent se plier. Il est trop âgé pour acquérir le contrôle... Même en étant à ses côtés, je ne suis pas certaine de pouvoir lui apprendre ce que je sais. Et l'Ordre serait obligé de nous donner la chasse, nos parents chercheraient à nous tuer... »

Le contact de ses mains contre les siennes provoquèrent un raté dans la ligne continue des battements de son palpitant. Gavril les recula légèrement, tout en gardant la contact cependant. Il ferma les yeux, sentant la situation lui échappait. Il semblait envahi par des désirs qui n'étaient pas les siens, par des désirs qui venaient d'ailleurs, mais qu'il ressentait avec une violence particulièrement douloureuse. Malgré cela, il ne pouvait s'empêcher d'y trouver un certain plaisir. Les informations qu'elle lui donna entrèrent cependant correctement en tête. Il y avait un ordre derrière tout cela. Des questions lui vinrent en tête. Des réponses aussi. Mais énormément de question. L'alchimie semblait être un art tout aussi fermé que la magie noire, où un ordre règne également en maître, attirant toujours de nombreux disciples. Les mangemorts. Néanmoins, l'alchimie était, semble-t-il, quelque chose de inné. Que l'on acquiert à la naissance, de part l'héritage parental. Gavril s'attarda quelques instants sur les lèvres d'Avalon avant de reporter son regard sur ses mains. Elles étaient d'une chaleur si délicate... Si agréable. Il aimait ce contact-là. Machinalement, il serra un peu plus ses mains sur les siennes sans réellement s'en rendre compte.

« Ne pas voir ne me gêne plus. J'ai dépassé ce stade depuis très longtemps. J'imagine le monde comme je le ressens mais je sais qu'il n'est pas comme je le conçois dans mon esprit. La preuve, tu es bien plus beau que ce que j'ai bien pu songer en écoutant ta voix... »

A nouveau, ses yeux prirent une teinte rouge sang, un sourire venant se loger sur ses lèvres, avant de disparaître aussi vite que les « symptômes » étaient parus. Gavril reporta son regard vers Avalon.

« Pourquoi veux-tu me rendre la vue? »

Oui... Pourquoi ? Au début, il l'aurait fait par simple plaisir de faire chier son monde, de jouer les apprenti-dieu, juste pour faire chier les anges et la populace du coin. Mais maintenant... Son cœur s'accéléra, lui provoquant des bouffés de chaleurs. Bouffés de chaleurs, qui, normalement, ne devraient pas se faire ressentir chez une personne pourvu d'un... Comme lui. Comprendra qui pourra.

« Parce que... » Il la regarda, serrant un peu plus l'étau de ses mains sur les siennes avant de finalement ressentir une immense panique vis-à-vis des émotions grandissantes. Notre petit diablotin à la plastique d'incube semblait être atteint de sentiments particulièrement violentes, et qu'il ne connaissait pas. « Faut que j'y aille, Avalon. »

Il retira ses mains avec agilité, déposant de l'argent pour payer les consommations, avant d'approcher son visage de celui de la demoiselle, humant sa délicate odeur, pour s'en aller plus vite qu'il ne me faut pour l'écrire. Un son de cloche, la porte menant au dehors venait de se refermer.

Finalement, il prit la fuite.

En lui parlant de l'Ordre, elle venait de lui donner de nouvelles informations. Durant des siècles, les Alchimistes avaient fait tout et n'importe quoi. La pire chose était les homonculus... Ces pantins de chair mais sans aucune âme pour leur procurer une conscience. Des créations immondes d'êtres qui se prenaient pour des dieux dans leur folie. C'était pour cela que l'Ordre était présent... Et aussi pour éviter que des Alchimistes se baladent sans aucun contrôle. Ce n'était pas quelque chose de secret, l'on pouvait l'apprendre aisément pourvu que l'on soit doté d'un livre un peu plus pointu que la moyenne.

Ses mains posées sur celles de Xzander, Avalon se demandait si elle ne devait pas les retirer. Et au moment où elle prit sa décision, il serra un peu plus. La jeune femme eut un sourire sans pour autant cesser de lui parler afin d'arriver à la question dont elle voulait une réponse. Chose qu'elle attendit partiemment. Elle eut l'ombre d'une satisfaction quand il débuta une réponse, serrant encore plus ses mains dans les siennes au point de la faire frémir. Et se faisant, elle prit peu à peu conscience de la panique qui semblait enfler en lui au point de le faire fuir, littéralement.

« Faut que j'y aille, Avalon. »

Elle n'eut même pas le temps de chercher à la retenir. Les lèvres entrouvertes sur un mot qui mourru dans sa gorge, elle entendit les pièces tinter sur le bois de la table avant qu'elle ne sente son souffle se mêler au sien. Même là, elle ne parvint à rien. Dans un grincement, la porte s'ouvrit pour mieux se refermer. Avalon baissa la tête, les paupières closes devant sa tasse de thé vide, désormais. Décidement, les Anglais étaient étranges. Elle se leva avec douceur, récupéra son sachet de bonbons au vol et sortit.

Il ne lui avait même pas demandé autre chose que son nom...

*Tant pis*pensa-t-elle *Il n'aura qu'à interroger le destin...*