Je rêve qu’un jour je me réveille et que je ne sache plus mon nom. Pourtant chaque matin quand j’ouvre les yeux la même pensée me vient : « Je m’appelle Loeva Broléand et je suis encore à la bourre… ». C’est pas marrant vous savez, vous pouvez rire mais moi je ne trouve pas ça drôle. J’ai un prénom qui me colle à la peau et qui me porte la poisse en amour. Pour couronner le tout je suis une frenchy dans le pays des british. Misère. Je crois que plus je vis avec eux moins je les aime. Pourtant j’étudie, ouais c’est un grand bien mot, enfin bref je fais mes études dans l’école de Magie de Poudlard alors que j’aurais pu aller à Beauxbatons chez mes chers amis français. Mais en fait Poudlard je trouve ça classe comme école. C’est glauque, c’est isolé, et puis les anglais sont tellement susceptibles, ils sont marrants et je les aime bien dans le fond. Bien entendu pour moi je reste bretonne et je soutiens de tout cœur les Tapesouafles de Quiberon, ce sont des winners. Plus tard je veux être princesse, euh non c’est pas ça, plus tard je veux faire partie de leur équipe. C’est un grand rêve qui ne se réalisera sûrement jamais vu la liste d’attente qu’il y a. Bon sinon j’irai cultiver des patates magiques sur ma colline en Bretagne. Car oui la Bretagne française c’est ma patrie, là où toute ma famille vit et s’offre sûrement des orgies pas possible. On est comme ça dans ma famille. Vous ne connaissez pas mon oncle Raphaël ? Mais si, c’est pas possible, l’alcoolique du coin. En tout cas pour résumer mon cas je suis une bretonne échouée en Angleterre. Ma mère eut la bonne idée de s’enticher d’un anglais, plutôt beau gosse d’où mon physique on va dire, qui l’engrossa et la laissa dans son désespoir. C’est ainsi que je fis mes premiers pas à Londres. Seule avec une mère désespérée. Mon enfance fut des plus banales, j’étais très capricieuse et ma mère ne pouvait rien me refuser. Elle se sentait coupable de me priver de père, alors le reste n’était que futilité. Je me forgeais un sale caractère que je possède encore aujourd’hui. J’ai donc grandi jusqu’à mes 5 ans à Londres puis je revins sur ma terre d’origine que je n’avais jamais foulé jusque-là mais qui me plut de suite. La Bretagne. Oui la belle Bretagne, verte et pluvieuse. Celle que j’aime tant. J’ai ainsi fait la connaissance de toute ma famille bretonne, tous des fous alliés. Mais ils ont un bon fond comme moi. J’oubliais donc l’anglais et reprenait vite la place qui m’était due dans la famille. La petite dernière, la chieuse, le chouchou, l’adorable gamine prétentieuse et chipie qui aimait faire des crasses aux autres. Très débrouillarde, j’aimais être seule quand je partais à la chasse aux papillons ou plutôt aux goélands dans cette région. S’il y a bien quelque chose qui me manque aujourd’hui c’est le bruit du ressac de la mer comme les effluves des algues. Mais je ne vais pas faire dans le sentimental, la Bretagne reste mon jardin secret. Ici je suis une brute épaisse, une sorte de troll des montagnes qui baragouine un anglais très frenchisé et qui refuse l’autorité des autres. Vers mes dix ans, ma mère s’enticha d’un deuxième anglais. Je le détestai au premier coup d’œil. Un peu style dandy, langue de vipère et rire suraigu, je ne comprenais pas ma mère. Mais je me retrouvai de nouveau à Londres, dans un nouvel appartement, une nouvelle chambre, de nouveaux voisins, et mes anciens jouets pour me tenir compagnie. N’ayez pas pitié de moi je leur menai une vie horrible, surtout à lui. Je devins colérique et insupportable même aux yeux de ma mère qui m’avait toujours adorée. Un aller-retour bien placé, et un billet de train pour une pension. Je détestais ma mère. Je ne me fis que des ennemis dans mon pensionnat, je refusais de parler anglais et je tirai les cheveux aux filles qui avaient l’impudence de se moquer de moi. Le pensionnat refusa de me prendre pour un trimestre supplémentaire, lorsque j’eus l’audace de jeter une craie au visage de mon professeur d’arithmétique qui venait de me ridiculiser devant toute la classe. Ma mère quitta son anglais et se retrouva dans les bras d’un hollandais énorme. Je ne voulais pas aller aux Pays-Bas il n’en était pas question. Je fus sauvée par une lettre de Poudlard. Et c’est ainsi que je me retrouvai dans ce train en direction d’une école anglaise, car j’étais née en Angleterre, d’un père anglais et j’avais ma place dans cette école. Encore aujourd’hui il m’arrive de refuser la langue anglaise. Les mots que je connais le mieux sont des insultes. Mais le plus grisant est d’insulter les autres élèves en français, je me sens tellement supérieure quand on ne me comprend pas. Je ne vais pas vous mentir, je ne suis pas une fille à papa, je ne suis pas un modèle d’acharnement scolaire et je ne suis pas une sorcière exceptionnellement douée. Je ne suis qu’une pauvre bretonne inculte, incapable de respecter les règles, bornée, miraculeusement douée pour la botanique, casse cou à mes heures perdues et détestée d’une bonne partie des élèves. Mais le meilleur reste à venir, je suis la fondatrice secrète d’un fan-club, car oui j’ai quelques faiblesses, et j’ai réussi à me dégoter de vrais amis dans toute cette marmaille brailleuse et capricieuse.