Lady Grey assise à son large bureau suivait du regard les lignes de la Gazette. Elle avait été mise au courant avant tout le monde par Roman en personne et lui avait donné la permission de partir avec sa soeur. Mais les nouvelles n'avaient pas traînées. A midi, l'Europe entière savait que Artur Konstantine était décédé. La froide Lilith ne pouvait que constater une chose: les journaux avaient complétement passé à la trappe sa regrettée épouse qui avait pourtant subi le même sort.

La directrice au coeur de glace éprouvait de la compassion pour ces deux gamins qui serraient sans doute livrés à eux mêmes dans une situation que personne ne les avait préparé à affronter. Ca avait été sa discussion du matin avec Abaddon. Ce serait sans doute sa préoccupation de la journée. Elle se servit un verre de thé, retournant à la paperasse qui ne s'arrêtait pas d'affluer pour autant. Elle avait fait passer un message au professeur Sollensko qu'elle savait pertinemment être lié par son frère à la petite Elladora Konstantine. C'était la procédure, elle ne faisait pas de cas particulier. Bien qu'elle ignora la nature des relations entre la jeune fille et le professeur. Peut-être ne s'appréciaient-ils même pas. Quoiqu'il en soit, il avait été informé.

Les portraits discutaient vivement entre eux quand on frappa à la porte du bureau de Lady Grey.

« Entrez. »

Rien de plus formel mais que voulez vous qu'elle ait pu dire de plus. Rien sans doute.
Un visage qu'elle connaissait bien apparu. La directrice repoussa son travail sur le côté, il semblait y en avoir beaucoup moins qu'il y en avait en réalité.

« Vous ne devriez pas être en train de déjeuner Miss Sinfull? »

Pas un mot depuis son départ, pas... Elle ravala ses larmes avec une moue qui aurait pu être comique si seulement le moment n'était pas aussi grave. Comment ferait Roman? Non. Ce n'était pas la question qu'elle se posait en silence, sous le regard clair d'un Aaron attentif. Comme s'il était encore une fois à son chevet. Elle le regarda en coin, alors qu'il semblait réfléchir lui aussi. Ils pensaient tous les deux, mais rien ne pouvait venir de cette pensée. Elle était infertile. Infertile dans un monde mort. Eurydice soupira finalement. Aaron, léger comme à son habitude, tenta un petit :

« Peut être que ça serait mieux si tu arrêtais le quidditch. Surtout maintenant... Tu sais, Eury'.. Je... je prends pas partit dans vos querelles. Je me dis juste qu'à sa place, j'aurais sans doute réagi pareil en sachant qu'une fille préfère le quidditch à sa vie avec moi. C'est... C'est blessant, non? »

Silence. Aaron aurait du être psychologue. Dans une autre vie, il avait été Freud, juif, il avait fait ressortir le subconscient le plus profond des gens et savait le manier sans avoir besoin de grand chose. Il était perspicace et avait un instinct naturel. Ainsi, quand Tyler Carlson l'avait collé au mur une année, il lui avait sortit ce qui l'avait traumatisé petit, ce qui le bouffait de l'intérieur, et depuis, il n'avait plus eut de problème. Pour Eurydice, cela serait sans doute plus difficile, mais la rousse resta perplexe, ne rejetant en rien l'argument de choc du russe. Peut être avait-il raison, après tout.

« Je.. 'fin, si je peux dire : je me rappelle d'une petite fille qui pleurait dans mes bras quand elle voyait son père s'intéressait à tout sauf à elle. Qui voulait être la première dans son coeur et qui ait devenu la première au quidditch, sans que ça ne change grand chose. » Aaron laissa un petit moment. Eurydice fronçait doucement les sourcils. Il allait faire mal, mais il fallait bien un jour ou l'autre ouvrir les eux : « Ton père est mort, Eury'. Mort et enterré. La logique serait que ton petit ami remplace ton père. Et... Je pense pas que Roman se fiche de toi, mais je pense pas non plus que son rêve profond c'est de voir sa petite amie se ruinait la santé sur un balais pour montrer à tout le monde qu'elle peut le faire et finir comme ton père, dans la presse people : " le tragique destin des Sinfull ". » Elle leva des yeux noirs sur lui, terrible petite reine froissée.
« Qu'est-ce que tu peux en savoir? Tu déduis tout de ta petite personne. Tu sais rien de ce qu'il pense, et encore moins de ce qu'il ressent. T'as rien perdu toi. Ah, si, p't'être ton p'tit copain qui s'envoit des tonnes de fille et qui t'dis je t'aime après? » Aaron la regarda, et eut un sourire mitigé, faussement amusé et triste à la fois.
« On se revoit demain donc. »

Et il fit demi-tour. Encore une fois, il ne lui en tiendrait pas compte. Au bout de quelques pas, quand il fut loin dans le couloir, il eut un rire nerveux. Ouais. C'était vrai... La colère fait dire des choses assez ignobles.

« Entrez. »

La rousse poussa la porte et entra. Sous le bras, un épais dossier. Elle avança doucement dans la salle, pas la mine bien fière. Elle avait du réfléchir toute la nuit, tellement que ses yeux étaient fatigués. Elle avait eut tellement de mal à tenir au cours de défense contre les forces du mal, que ça lui piquait les pupilles. Les cheveux un peu terne, un peu clair aussi, elle arborait une tenue sobre, avec un visage neutre. Elle avait trop pleuré avant, de toute façon.

« Vous ne devriez pas être en train de déjeuner Miss Sinfull? »

Elle haussa les épaules. Pas envie d'en parler. Elle approcha et posa le dossier épais de Eurydice Sinfull sur la table. Son dossier médicale, plus exactement, celui qu'elle avait toujours gardé "au cas où". La première feuille était une feuille qui lui interdisait tout sport à effort prolongé, comme le quidditch, et ce depuis sa première année. Une dispense qu'elle n'avait jamais fait suivre. Problème vasculaire. Elle détestait ces mots. Cela lui rappelait combien elle était faible et inutile. Elle sortit de sa poche une lettre et la posa sur le dossier.

« Je quitte l'équipe de Quidditch. »

Elle ne voulait pas en parler avec les autres, avec les joueurs, avec Dean et les autres. Elle voulait que tout se fasse ici, maintenant. Que ça se finisse vite, sans trop de questions.

« Je quitte l'équipe de Quidditch. »

La directrice ne répondit d'abord rien. Lady Grey tendit la main pour prendre le dossier et le parcourant minutieusement, elle ne laissait passer aucune expression particulière sur son visage. Il était évident que ceci aurait du atterrir sur ce bureau beaucoup plus tôt mais ainsi que l'avait souvent ait remarquer Rufus Scylence, on avait beau être vigilent, certaines choses nous échappaient toujours. Le dossier était formel, Grey n'avait donc guère d'autres options à prendre que celles auxquelles Miss Sinfull devait déjà s'attendre. Après quelques instants, la directrice releva le nez vers l'élève et le fauteuil en face d'elle se poussa invitant à s'assoir.

« Bien je vais garder ceci. » Elle donna un coup de baguette et une copie du dossier médical de Miss Sinfull alla se ranger d'elle même dans un tiroir. « Tenez ceci est à vous. »

Elle lui rendit sa lettre de démission sans même l'avoir ouverte. Ce n'était pas à la directrice qu'Eurydice devait cette lettre. Le professeur Grey n'y paraissait pas mais elle se tenait parfaitement informée des incidents qui pimentaient la vie de ses élèves, et la dispute entre Roman et Eurydice ne lui avait pas échappé. Il aurait de toute façon été difficile de ne pas se rendre compte que les deux inséparables ne s'adressaient plus la parole depuis un petit moment.

« Avez vous lu le journal récemment Miss Sinfull? »

Elle savait bien que oui, c'était peut-être ce qui l'avait poussé à prendre cette décision raisonnable.

Une maladie comme celle la, c'était peut être la pire chose qui pouvait lui arriver. La surdité? Elle n'en aurait eut rien à faire. Elle se serait habituée, avec le temps. Mais... Cette façon d'être "weak", comme disait Betsalel, c'était peut être la plaie du siècle pour Eurydice Sinfull. La petite fille qui rêvait de voir son père fier d'elle avait perdu, cette fois-ci encore.

« Bien je vais garder ceci. » Elle donna un coup de baguette et une copie du dossier médical de Miss Sinfull alla se ranger d'elle même dans un tiroir. « Tenez ceci est à vous. »

Hmpfr. Eurydice la donnerait au remplaçant de Roman, pendant qu'il n'était pas encore là. Elle n'avait aucune envie de lui faire face avec une lettre aussi formelle. Et pas question de s'abaisser à s'excuser en lui disant qu'il avait raison. Il n'y avait aucune raison. C'était tout simplement... plus compliqué que ça. Elle prit la lettre et la rangea dans sa besace, sans un mot de plus. Si elle pouvait partir maintenant, ça aurait été bien. Mais fallait-il que Grey soit tant à l'écoute des rumeurs? Le regard de Grey ne disait pas "vous pouvez partir", hélas.

« Avez vous lu le journal récemment Miss Sinfull? »
« Ça se pourrait bien. »

Elle avait une pointe d'arrogance, presque hautaine, mais ce n'était que sa façon d'anticiper la suite. Elle préférait faire perdre des points à Gryffondor et fuir que de rester plus longtemps ici et s'expliquer. Il n'y avait aucune raison qu'elle s'explique. Aucune. Surtout pas avec cette femme.

Lady Grey observait sans un mot d'abord. Elle remit la lettre de démission à Eurydice pour qu'elle la remette à qui de droit mais il lui paraissait clair qu'elle profiterait de l'absence de son camarade pour la remettre à son remplaçant capitaine. Il ne l'intéressait pas de savoir le pourquoi du comment Miss Sinfull s'était disputée avec son petit ami quoiqu'il paraissait évident que cette lettre de démission n'apparaissait pas pour rien. La directrice ne fit pour autant aucun commentaire. Du moment que l'un comme l'autre respectait la vie en communauté et les règles de l'école, libre à eux de régir leur quotidien comme bon leur semblerait.

« Avez vous lu le journal récemment Miss Sinfull? »
« Ça se pourrait bien. »

Lilith la regarda un instant, n'appréciant guère l'entorse à la politesse que lui faisait son élève. Mais elle n'était pas juste un tyran, ou du moins elle l'était, quand les circonstances le permettaient. Elle concevait en outre que Miss Sinfull, au vu de son tempérament, fasse un écart minime.
Il conviendrait qu'elle prenne garde de ne pourtant pas abuser de la patience de la directrice, c'était exactement ce que les yeux de glace lui soufflaient en silence, à ce moment là.

« Bien. Vous faut-il une autorisation de sortie? », demanda-t-elle sans plus insister.

Un oui ou un non et la question serrait réglée. Le dossier classé. Puisque Miss Sinfull était majeure, elle avait parfaitement le droit de quitter l'école pour un court laps de temps, à condition d'en informer la direction.

Eurydice détestait par dessus tout les gens comme Lilith Grey quand elle était en colère. Par certains aspects, Lilith Grey aurait pu être comparé à sa proche tante – soeur de son père en faite – qui était des plus détestables car des plus curieuses. Sur le moment, Eurydice ne craignait qu'une seule chose, c'était de parler. Elle se savait impulsive, et sous l'effet de la colère, elle n'aurait rien dit de bien poli ou de raisonnable, et pour cette raison, il fallait bien avouer que la meilleure des solutions était de partir et de se laisser un peu aller, histoire de se calmer. Dans ce bureau, avec cette ambiance que Eurydice imaginait, il n'y avait aucune possibilité de relaxer, ni même d'oublier. Au contraire.

« Avez vous lu le journal récemment Miss Sinfull? »
« Ça se pourrait bien. »

La phrase fut une agression, et Eurydice répondit ainsi, sans réfléchir. Oh, bien sûr elle le savait, et puisqu'elle le savait elle aurait du s'excuser, mais ça, elle ne pouvait pas. Elle détestait les excuses, car on ne dit jamais une chose que l'on ne pense pas – on la pense toujours à demi. Et c'était pour cette raison qu'elle ne s'excuserait pas à Roman, pas même pour toutes les choses horribles, quand bien même elle les avait dites sans penser. Une fois dis, il ne sert plus à rien de s'excuser. C'est un mal déjà né, on ne peut pas l'avorter par une simple excuse. C'est comme regretter un homme que l'on a tué – elle a toujours trouvé ça très ridicule et hypocrite. De la mauvaise foi, qu'elle déteste là encore.

« Bien. Vous faut-il une autorisation de sortie? »

Elle la regarda, et eut un petit sourire reconnaissant. Encore une fois, elle avait douté de la « pire-attitude » de sa Tante, imbattable jusqu'alors. Finalement elle secoua doucement sa tignasse rousse.

« Non, ça ira. Merci. »

Elle fit une légère révérence et sortit finalement du bureau, sans un mot. Ça serait Vitaly Orlov qui s'en chargerait, quelques heures plus tard, au petit matin, après avoir reçu le hibou de son frère Kirill.