Un homme entra dans la petite pièce où on avait confiné "la 17". Il était grand et large d'épaule. On l'avait sans doute choisi pour intimider la future prévenue. Il avait ce regard mauvais qui disait "si tu ne te mets pas à table maintenant tu risques de le regretter amèrement". Pourtant, la "blonde Phyllis" ne cilla pas. Elle le regardait s'assoir face à elle et ils échangeaient un long moment de silence à se regarder en chiens de faïence. A ce premier contact, elle sut d'emblée qu'elle n'allait pas aimer cet homme.
- Nous allons mettre les choses au point dès le départ. Si tu réponds à mes questions tout se passera bien pour toi. Si tu ne coopères pas je ne te garantis pas que tu pourras encore l'ouvrir pour ton procès. C'est bien clair.
Elle ne répondit pas. Il prit ça pour de la provocation et assurément, c'était de la provocation. Le visage de l'auror se durcit un peu plus. Pensait-il l'intimider avec ce genre de simagrées? Elle ne broncha pas d'un pouce, le regard toujours posé droit devant. Le visage ni ouvert, ni fermé, ni menaçant. L'auror s'éclaircit la voix et s'empressa de lui rappeler ses droits en concluant avec un sourire torve que de toutes façons vu son statut elle n'avait pas de droits.
- On va commencer simple. Je veux votre nom.', comme s'il suffisait de le lui demander. Il passa cinq minutes puis,' tu as perdu ta langue? Bien.
Il se leva et sortit. Trop fatiguée pour chercher à analyser quoique ce soit, elle attendit qu'il revienne avec un morceau de papier et une plume pour comprendre. Elle en aurait presque souri. Il lui plaqua le tout devant le nez et lui répéta ce qu'il voulait.
Elle lui aurait presque fait remarqué qu'écrire les mains liées dans le dos ce n'était pas le pied mais il anticipa, promettant de lui libérer une main si elle coopérait. Mais elle ne répondit pas.
L'auror retourna s'assoir face à elle avec un "très bien" déjà lassé. Il prit la feuille et la plume et se mit à l'interrogeait passant les questions les unes après les autres puisqu'elle ne répondait toujours rien.
L'auror concluant son interrogatoire solitaire renifla et se laissa tomber contre le dossier de sa chaise. Il semblait prendre ses aises, passant les mains derrière la tête. Il la fixait. Elle le fixait. Bien. Rien ne se passait. De temps à autre l'auror lui lançait quelques avertissements. Puis il se leva, visiblement agacé par l'arrogance de la blonde qui s'obstinait à ne pas lui répondre. L'auror fit craquer ses doigts et lui colla un revers particulièrement violent. Pourtant si elle détourna la tête, elle restait de marbre et ne disait toujours rien. Un deuxième revers tomba puis il empoigna cette rivière de cheveux d'ange qu'elle avait pour l'obliger à tenir la tête en arrière:
- Tu devrais arrêter de jouer ce jeu là tout de suite ma belle si tu ne veux pas que ça aille de plus en plus mal pour toi.
Mais elle ne répondit pas. Elle leva un sourcil clairement moqueur. Sa toute première réponse. Évidemment ça ne plut pas du tout et elle reprit quelques baffes. Qu'importait. Ce n'était pas les premières baffes de sa vie. Elle en avait connu de bien plus mauvaises. Des gifles qui laissaient les marques des chevalières sur les joues encore rebondies d'une enfant de sept ans. Des gifles qui laissaient une emprunte glacées comme la mort, ou bien était-ce qu'à ces moment là elle avait été tout près de perdre connaissance? Alors les battoirs carrés de l'auror ne l'effrayaient pas tant que ça. Elle était là. En Angleterre. Hors d'atteinte de son père alors... les choses n'étaient pas si mal. Un coup de poing lui tomba sur le nez, la tirant de son introspection. Voilà qui faisait déjà plus d'effet. Un petit filet chaud sur son menton lui fit vite comprendre que c'était sa lèvre inférieure qui saignait. Elle passa sa langue sur sa lèvre et effectivement le picotement ne l'y trompa pas. Elle grimaça, non pas à cause de la douleur, ce n'était rien encore, mais parce que son orgueil en prenait un coup.
- Je veux savoir qui a commandité la libération du Poète, tu n'as qu'un nom à dire et j'arrête de frapper. Ca serait dommage de trop t'amocher tu as un joli minois., il n'avait plus de patience du tout, au bout de deux secondes il lui criait,' QUI?!
- Moi.
- C'est ça. Paye toi ma tête. Tu ne vas pas faire le mariole bien longtemps.
Et effectivement au coup qui suivit elle sentit son nez craquer et cela fit un mal de chien. La couleur de ses cheveux vacilla légèrement mais l'auror ne remarqua rien avant d'avoir pour de bon cassé le nez de la détenue récalcitrante. Elle avait le visage littéralement en sang et ses cheveux avaient viré à un beau blanc nacré, tandis que ses yeux arboraient un violet améthyste soutenu.
- Et bien tu vois quand tu veux. Maintenant on sait que t'es méta. Bon pour avoir ton nom tu vas pas m'obliger à prendre la chaise mh?
A ce moment là si elle avait eu le choix elle aurait répondu quelque chose. Quelque chose de faux bien sûr. Juste pour gagner du temps et digérer un peu la douleur de son nez cassé mais elle n'avait pas le choix alors, malgré elle, elle ne dit rien. Elle penchait la tête pour laisser le sang s'écouler correctement et fermer les yeux. Ici personne n'avait de prise sur son esprit. Elle était libre de se rêver un sauveur bien qu'elle n'était plus tout à fait en droit de compter sur l'amitié d'Abaddon Van Hellsing. Pourtant... elle aurait voulu le voir entrer chaque fois qu'elle rouvrait un peu les yeux entre chaque coups. Puis elle se prenait à souhaiter la présence de Vitaly Orlov. Parce qu'elle en avait toujours apprécié la conversation. Parce qu'elle savait qu'il aurait pu briser ses liens sans mal s'il l'avait voulu. Mais si les siens ne venaient pas à son aide, pourquoi Wolfgang Orlov l'aurait - il aidée?
Sans qu'elle voit venir le coup, elle sentit la chaise basculer et elle avec. Elle restait au sol toujours sans rien dire. Sa peau avait revêtu le satin chaleureux d'une peau de métisse et ses longs cheveux blancs baignaient dans le sang...