Elle avait pris beaucoup de risque pour revenir jusqu'au centre ville. Avec l'Enfer l'avantage c'était que les Aurors avaient d'autres chats à fouetter que de lui courir après, mais ils trouvaient tout de même le moyen de laisser deux recrues, des novices, en planque devant sa boutique. Mais Aelys était loin d'être une idiote et puis elle avait plus que de la ressource.
Noîrin eut un curieux ronflement, sautant de son perchoir pour atterrir tout en douceur sur le toit d'un immeuble branlant: le Boutefeu Chinois. A cette heure-ci tout le monde dormait et, à travers les plastiques que les occupants du bâtiment avaient collés au plafond pour combler les manquements de la toiture, Aelys put apercevoir une petite tête rousse qui dormait avec un sourire bien heureux.
La blonde sourit et posa sa main sur l'encolure de l'énorme tigonne qui lui tenait compagnie. La bête avait doublé voire triplé de volume depuis que Gaëlle la lui avait confiée. Il fallait dire que dans Brocéliande les choses avaient tendance à prospérer plus qu'ailleurs.

Accroupie là, au dessus d'un trou dans le toit, Aelys jeta un regard alentour puis elle se mit à siffloter. On aurait cru un petit oiseau, un moineau ou quelque chose comme ça... cela faisait d'ailleurs un drôle d'effet de l'entendre puisque depuis la nuit éternelle, tous les oiseaux ou presque avaient plié bagage.
Elle attendit un petit peu, histoire de ne pas trop attirer l'attention puis recommença le même manège en espérant que Gaëlle l'entende et se réveille.

Gaëlle se sentait terriblement bien, lovée qu'elle était tout contre Tao. L'avoir retrouvée après ces mois d'absence lui avait mis du baume au cœur, même si elle aurait aimée pouvoir les résoudre d'un coup de baguette. Ça ça aurait été de la magie ! Elles avaient tant de choses à rattraper et avaient discutées jusque tard dans la nuit jusqu'à ce que les deux jeunes filles se décident à dormir un peu devant leurs fatigues mutuelles. Ce devait être la présence de Tao qui faisait ça, mais dans son sommeil elle entendit comme un oiseau lui pépier quelques notes mélodieuses aux oreilles. Mh... Laisse moi dormir toi, marmonna-t-elle dans un demi sommeil en agitant la main pour chasser l'opportun. Qui récidiva dans sa tentative achevant de la tirer de son demi-sommeil. Gnééé... Sale bête, va. La jeune irlandaise se redressa en baillant à s'en décrocher la machoire, frottant ses yeux engourdis à la recherche du drôle d'oiseau nocturne qui... Hé ? Depuis quand un oiseau forestier, qui plus est diurne, se baladait en ville de nuit ? Et puis depuis quand les oiseaux en général étaient de retour ? Désormais bien réveillée, la jeune fille se releva d'un bond pour heurter le plafond bas dans un boum assourdi.

Aïeuh... Pour le coup, c'est qu'elle se recoucherait bien tiens. Oh puis, au diable la couette ! Comment un piaf avait-il atterrit ic... Noîrîn ! Si elle n'avait pas été muette, elle en aurait réveillée tout le quartier en laissant éclater sa joie, c'était Noîrîn qu'elle avait sous les yeux ! Vite remise de son début de mal de crâne naissant, Gaëlle se précipita pour se faufiler entre les bâches qui recouvrait le toit avant de sauter au cou de son amie à quatre pattes. Elle aussi lui avait manquée et elle se fit un devoir de la gratter derrière les oreilles avant de se tourner vers la personne qui l'accompagnait. Il n'y avait qu'une seule personne susceptible de se trouver en compagnie de la petite tigonne (qui n'était plus si petite que ça), elle n'en croyait pas vraiment ses mirettes, mais si Noîrîn était ici, c'était forcément elle. Avec un joyeux sourire elle sauta au cou de sa tante.

Les bras d'Aelys se referment sur les épaules de la petite rouquine. Il y avait bien longtemps que ça n'était arrivé et c'était un vrai moment de complicité et de bonheur. Un large sourire se peignit sur son visage et un petit rire vint éclore là dessus.
Ces derniers temps n'avaient pas été de tout repos pour elle. Sans cesse traquée, elle avait dû à contre coeur s'éloigner de Gaëlle et de Londres même. Elle avait laissé derrière elle de quoi inquiéter les plus raisonnables alors elle savait que sa nièce se serait sans doute fait du soucis:

" Ca va? Tu n'as pas eu d'ennui à cause de moi?"

Elle doutait que ce fut vraiment le cas, mais un regard lui indiqua que Gaëlle semblait aller bien. Elle passa une main dans les cheveux de cette gamine qui était de loin ce qui ressemblait le plus à une petite soeur à ses yeux. A ses yeux de celte, qu'elle le soit réellement ou simplement dans son coeur, ça ne changeait strictement rien.

" J'aurais voulu que tout fut plus simple, et ne pas te laisser comme ça sans rien dire."

Elle sourit. C'était sincère, comme toujours avec Aelys.

Gaëlle profitait honteusement de ses retrouvailles, mais après tout en ce qui la concernait, elle était sa seule famille... ou presque... La disparition subite et inexpliquée d'Aelys avait été un véritable crève-cœur, rendue d'autant plus inquiétante par sa brusque mise en garde-à-vue. Rien que d'y repenser, ça la rendait verte de rage qu'on puisse mettre en doute l'intégrité d'Aelys. Non sans mal elle s'écarta de la jeune femme et s'accroupit près du grand félin, passant ses bras autour de son encolure. Noîrîn aussi lui avait manquée. Elle redressa la tête vers sa tante, lui retournant son sourire sans pour autant se départir d'un certain trouble.

Aelys - Ça va? Tu n'as pas eu d'ennui à cause de moi?

Avec une demi-seconde d'hésitation, elle haussa les épaules en secouant négativement la tête. Pas la peine de l'inquiéter pour si peu, elle avait d'autre chats à fouetter. Pas important. Peut-être était-ce stupide de sa part, peut-être cet horrible type l'avait fait mettre sous surveillance malgré l'insistance du professeur Scylence, pardon du ministre. Ça non plus elle ne s'y ferait jamais, le vieux Scylence resterait toujours le vieux directeur de Poudlard, celui qu'on peut aller trouver quand on à un problème. Peut-être de ça aussi elle devrait se méfier, désormais. Pff...

Aelys - J'aurais voulu que tout fut plus simple, et ne pas te laisser comme ça sans rien dire.

Gaëlle eu un bref hochement de tête pour dire qu'elle comprenait, même si son sourire semblait bien pâle et bien plus réservé par rapport à celui de sa tante. Elle comprenait mais ce n'était pas obligé de lui plaire. Puis rapidement elle désigna Aelys et fit mine de se cacher derrière Noîrîn avant de tracer un point d'interrogation dans la poussière et de l'interroger du regard. Une légère hésitation et une nouvelle série de signes, sa main qui faisait la navette entre elles deux avant de placer son index et son majeur en travers de ses lèvres, paume vers l'extérieur. Ça elle voulait diablement savoir pourquoi.

Laconique ce n'était pas vraiment un mot que l'on pouvait utiliser en parlant de Gaëlle. Evasive aurait mieux convenu. Aelys tiqua, sentant anguille sous roche mais elle ne dit rien, se contentant de suivre attentivement la gestuelle de sa nièce après que celle-ci ait éludé ses questions.
Aelys fronça légèrement les sourcils. Beaucoup de questions. Du moins de ce qu'il lui semblait vu d'ici. Les bruits de la nuit la laissait sans cesse en alerte, et là, exposée qu'elle était sur les toits de Londres, Aelys avait énormément de mal à relâcher son attention pour l'accorder tout entière à Gaëlle:

Aelys - Pas ici. C'est beaucoup trop exposé, donne-moi ta main.

L'instant d'après Noirin, Gaelle et Aelys se retrouvaient bien loin de là, à Pré-au-Lard, à la chaleur d'un bon feu qui crépitait dans la cheminée. Ici, il faisait bon, et l'ambiance était plus propice à raconter des histoires que les toits glaciaux de Londres.

Aelys - Je vais nous préparer un bon thé bien chaud, ici on ne craint rien. Installe-toi.

Ce que disant elle s'éclipsa pour un petit moment avant de revenir avec un petit plateau qui embaumait la verveine. Elle prit place dans un fauteuil, visiblement prête à raconter comment les aurors avaient débarqué chez elle un matin, sans motif apparent et l'avaient forcé à prendre la fuite avec celui qui était alors leur chef mais qui depuis avait disparu dans la nature. Elle lui raconta aussi ses mésaventures de hors-la-loi qui expliquaient largement son long silence et son absence, mais qui racontait aussi la naissance de l'ordre du phoenix.

Aelys - Voilà. Tu sais tout maintenant Gaëlle.

Même si elle s'y attendait, Aelys avait transplannée si brusquement que le contre-coup laissa la petite irlandaise complètement retournée. Beurk, elle détestait cette sensation là. Instinctivement, elle se rapprocha du feu sans pour autant atténuer ses frissonnements

Aelys - Je vais nous préparer un bon thé bien chaud, ici on ne craint rien. Installe-toi.

Facile à dire, hé. Dans la précipitation elle avait complètement oubliée de se couvrir plus que ça. Tassée bien au fond de son grand fauteuil, ses jambes repliées contre elle, une tasse à la main, Gaëlle se réchauffait peu à peu et reporta son attention sur l'histoire d'Aelys. Elle l'écouta d'un bout à l'autre sans l'interrompre, hochant la tête de temps à autre pour manifester qu'elle écoutait toujours, puis à la fin elle plongea le nez dans sa tasse. Elle détestait la verveine. Délicatement elle posa ça tasse par terre avant d'interroger Aelys du regard. Elle ne savait trop quoi en penser, en fait. Où tout ça allait les mener exactement ? D'un geste large elle embrassa la pièce avant de reporter un regard interrogatif sur Aelys, et maintenant qu'allait-elle en faire ?

- Et maintenant? Eh bien ça s'organise, lentement mais ça s'organise. J'ai trouvé cet endroit pour qu'on puisse s'y réunir même si je n'ai pas beaucoup d'espoir de revoir Vitali un jour. Mais il y en a d'autres, je ne peux pas laisser tomber maintenant. Il me reste encore tant de choses à faire et même si c'est parti d'une accusation sans fondement, je crois qu'on a vraiment besoin d'un ordre du phoenix tu comprends? Besoin de quelqu'un qui puisse contourner les lois et ouvrir les yeux sur tout ce qui se trame en toile de fond parce qu'il n'y a pas que l'enfer. Ca l'enfer, le ministère le gère beaucoup mieux que ce que je pensais, mais les mangemorts, c'est comme si ça n'avait jamais exister. Eli et moi on a eu énormément de mal à en coincer ne serait-ce qu'un, mais maintenant que j'ai la preuve qu'il se passe vraiment quelque chose je ne peux pas rester la les bras croiser à attendre que ça nous tombe sur le coin de la gueule. Ils ont déjà montré de quoi ils étaient capables sous Wolfgang Orlov, et je ne crois pas que le fait qu'Orlov ait changé d'opinion fasse boule de neige. Ils se trouveront un autre chef, si ce n'est pas déjà fait. Tous les meurtres dont les aurors n'ont pas le temps de s'occuper, les incendies... tout ça ce n'est pas l'enfer.

Aelys avait parlé. Elle était déterminée et à la regarder comme ça, on aurait pu croire qu'elle allait soulever des montagnes à la seule force de sa conviction. Elle n'en n'était pas loin d'ailleurs.

Aelys - ...même si c'est parti d'une accusation sans fondement, je crois qu'on a vraiment besoin d'un ordre du phœnix tu comprends? Besoin de quelqu'un qui puisse contourner les lois et ouvrir les yeux sur tout ce qui se trame en toile de fond parce qu'il n'y a pas que l'enfer.

Bien entendu qu'elle comprenait. C'était une chose de constater combien la situation se dégradait, c'en était une autre encore de faire comme si de rien était. Les gens ne pouvaient pas se permettre de vivre avec des œillères sur les yeux, surtout pas maintenant. Elle était d'accord sur le fait qu'il fallait qu'ils ouvrent les yeux, même si elle se doutait qu'il faudrait plus qu'un coup de pied au cul pour ça.

Aelys - ...je ne crois pas que le fait qu'Orlov ait changé d'opinion fasse boule de neige. Ils se trouveront un autre chef, si ce n'est pas déjà fait. Tous les meurtres dont les aurors n'ont pas le temps de s'occuper, les incendies... tout ça ce n'est pas l'enfer.

Gaëlle considéra un instant sa tante et ce qu'elle venait de lui apprendre ou de lui confirmer. Dit comme ça, tout semblait encore plus sombre, plus noir que ce qu'elle avait elle même imaginée de prime abord et ça l'inquiétait quelque peu. Non la situation ne se dégradait pas rapidement, c'était bien pire que ça, elle était déjà catastrophique. Comment avait-on pu en arriver là ? Et surtout comment ce faisait-il que les gens ne voient pas ce qui était en train de leur tomber sur le coin de la figure ? Erf... c'était vraiment une tâche insurmontable... comme d'essayer de se dresser face à une avalanche. Bon ! signa-t-elle en claquant des mains d'un air enjouée, par où est-ce qu'elles devaient commencer ? Et à voir l'air joyeusement féroce et déterminé de sa nièce, Aelys pouvait d'ors et déjà allez se rhabiller si elle comptait la tenir à l'écart de tout ça.

La plupart des gens ont tendance à voir les celtes comme un peuple de baba cool ultra pacifistes amoureux de la nature. Le genre à chanter des berceuses à leur bégonia en pot sur le bord du balcon à sept heure le matin quand tout le monde dort bien tranquillement (ou devrais-je dire... dormait). C'était sans doute l'une des rumeurs les plus erronées qu'on eut faite au sujet des celtes car ils étaient avant tout un peuple guerriers, belliqueux mais surtout combatifs. Certes ils étaient pacifistes... à leur manière. Disons que leur notion à eux du pacifisme n'excluait en rien de régler leurs différents dans un bain de sang, histoire d'assainir les relations avec les voisins.

On ne s'étonnerait donc guère de retrouver la douce Aelys à la tête d'une "organisation terroriste". Ni la pétillante Gaelle lui emboiter le pas d'un joli sourire triomphant, pas effrayée le moins du monde malgré son jeune âge. Le rôle d'une tante responsable et civilisée aurait bien entendu été de refuser. Après tout, il y avait un pourcentage de chance (ou plutôt de malchance) non négligeable de trouver la mort quand on se lançait dans ce genre d'entreprise. Et à 80% on n'en ressortait pas indemne. Refuser ç'aurait tout simplement été faire preuve de bon sens, ou au moins d'instinct de préservation et les arguments n'auraient pas manqués contre Gaelle. Mais pensez-vous... tout ce qu'Aelys trouva à objecter au sourire décidé de sa nièce, ce fut un autre sourire encore plus téméraire, plus convainquant encore.

Si Aelys souriait, ce n'était bien sûr pas parce qu'elle se réjouissait de la possible mort de Gaelle. C'était parce qu'elle reconnaissait en sa nièce une vraie celte et qu'en dépit de tous les efforts que les Llelwellyn avaient produits pour la couper de ses racines, elle était encore là la racine celte, plus forte que jamais. Pire que la mauvaise herbe. Et ça! c'était encourageant.