« Fils, pour réussir il faut écraser les autres. » ont sans doute été ses tous premiers mots d'amours quand ils m'ont placé dans ses bras alors que je beuglais comme un veau. J'étais un gros bébé en forme, rose, les poumons libérés et j'étais leur premier morveux. Je crois que c'est là que ça a commencé à se casser la gueule, m'enfin. Comme tous parents avec leur premier gamin, ils ont été coulant, un brin réticents quand - une fois que j'ai su marché à quatre pattes - j'ai voulu mettre un plat d'aluminium dans le feu de cheminée mais après ça, j'ai eu le droit de faire mes erreurs et mes expériences. J'ai tout essayé. Du tirage de nappe pour faire tomber un vase, à vouloir conduire une voiture alors que j'avais cinq ans, en passant par le chiotte bouché pendant une semaine parce que j'y avais enfoui mes "trésors". Trésors qui n'étaient rien d'autres que des peluches, un ballon, un yo-yo et une boîte. J'étais le roi. J'étais l'unique. Ça a duré deux ans.
Autant dire qu'à ma deuxième année de vie trépidante, je l'ai eu très mauvaise en voyant ma mère rentrer, de ce que je croyais des vacances, avec un mioche dans ses bras. Fine bouche comme j'étais, j'ai refusé d'approcher la "chose baveuse" pendant douze mois. Bon, évidemment, devant les parents je faisais l'emmerdeur - je l'admets -, je jouais le con pour attirer leur attention sauf que l'autre nabot me volait la vedette. Ce n'est que quand il a eu un an, que j'ai décidé qu'il fallait établir les règles. Ce fut donc entre quatre yeux que je le prenais pour lui expliquer mes règles afin que nous cohabitions sans nous battre. Autant dire qu'à mes réflexions très philosophie à base de "c'est tout tamoi et pas tatoi" j'avais droit à des "bubu gagreudu". Je vous dis pas la honte quand j'ai vu que mon frère ne savait pas parler. L'horreur, je pouvais décemment pas me vanter à la garderie d'un frère incapable de parler correctement ! Je me suis donc mit à lui apprendre ce que j'apprenais. Je crois que ça a fait plaisir à mes parents. Jusqu'au jour où il m'a regardé avec ses yeux de bébé idiot et qu'il m'a lâché un baveux et gras "Nilan". C'était pas franchement bien dit, mais ça a fait son effet. Mon frère n'était pas si stupide, j'étais donc rassuré.
Du coup, j'ai commencé à me la jouer, et dès les bacs à sable, où il m'accompagnait désormais, je jouais les terreurs pour pas qu'on l'abîme. J'avais de l'espoir avec lui, fallait pas que les autres anéantisse mon dur labeur. Et croyez moi, j'en ai distribué des tartes ensablés et des coups de pieds boueux.
Et un jour, avec Caleb, on a vu le ventre de maman s'arrondir. Si la théorie du frangin comme quoi le ventre de m'man était rond parce qu'elle avait avalé un ballon lui plaisait, moi je la trouvais pas fameuse. Pour cause, j'avais déjà vu ça quand j'étais plus petit, et quelques jours après elle m'avait ramené l'autre nain. Donc, du haut de mes quatre ans, j'avais - vainement - tenté d'expliquer à Cal' que c'était pas non plus un oeuf qu'elle allait pondre - bien qu'après ça je demandais à mon père si les mamans pondaient des oeufs - mais un autre petit frère. Et là je vous dis pas, je crois qu'on avait jamais autant été utile à nos parents. Je suis devenu le maître en question d'art, même si au lieu de repeindre les murs de la chambre d'amis, je prenais plaisir à peindre les couches que Caleb se traînait encore à trois ans. Dommage que mon père m'ait pas laissé faire carrière dans l'art, j'aurais été un peintre de renom.
Même si p'pa passait plus de temps au ministère de la magie, on avait droit à des cadeaux deux chacun. Et un jour, il en a ramené trop. Et là j'ai pigé. Ma mère était en train de pondre, sans doute. Je vous épargnerais l'imitation ratée de la poule qu'avait tenté de faire Caleb quand la babysitter était venue s'occuper de nous, puisque papa avait filé à l'hôpital pour la naissance. Pff, l'autre mioche tentait de séduire la grande blonde qui nous gardait avec ses grosses joues et ses pampers pleines, sauf que maintenant - avec le recul - je sais qu'elle craquait sur moi.
J'avais cinq ans, lui trois, et ce jour-là, on a vu sur le visage de notre père que quelque chose n'allait pas. « Une fille.. » avait il lâché avec tristesse et horreur. J'étais trop petit pour comprendre, mais maintenant je pense que si la naissance de ma soeur a été aussi mal vécu ainsi que son adolescence, c'était parce qu'en tant que descendant de lignée pure, mes parents voyaient en les garçons l'avenir. Les filles, ils n'y voyaient rien d'autres que des ennuis. Et puis surtout, ils n'avaient l'habitude que des garçons. Avec Caleb, on a étudié la chose, pour comprendre ce qui clochait. Alors quand on était dans le bain et que notre mère lavait l'autre dans l'évier parce que sinon y avait risque que ça se noie, j'observais en prenait Caleb comme comparatif. Comparé à mon petit frère, l'autre n'avait de "rouleau à pièce" comme disait maman. Et puis, elle avait un cri plus aigu que celui du frangin quand je le pinçais. Ouais, aucun doute, cette chose-là elle était pas comme nous. C'est pour ça qu'on a grandit avec cette sensation qu'elle était différente, et nous la différence on aimait pas trop, ça nous effrayait.
En tant qu'aîné, ce ne fut pas étonnant qu'à onze ans, je quittais la maison pour Poudlard. On avait tellement trempé dans la magie avec mon frère, et l'autre, que du coup ça nous semblait quelque chose de normal. J'y allais avec la même excitation qu'un écolier normal passe de l'école au collège. Je devenais un homme, la fierté du père, l'espoir de la mère. Je ne saurais dire ce qui se passait pendant mes absences scolaires, mais à mon retour, je devais remettre mon frère dans un univers masculin et pour ça, il fallait éradiquer l'intrus. Alors on se défoulait. Du moins, au début il n'y avait que moi, Caleb était un peu timide face à elle je crois. Mais au fur et à mesure, il a finit par suivre mon exemple.
Finalement, on s'est retrouvé à Poudlard tous les deux, juste lui et moi, entre bro'. Lui en première année, moi qui entamait la troisième. J'avais préparé son arrivée en me faisant déjà une certaine réputation. On était un peu des castagneurs, distribuant les coups à qui nous manquaient de respect, et les clins d'oeil à qui nous intéressaient. Des vrais petits cons avec une réputation d'enfant à la vie dorée et au caractère attractif. Des merdeux, comme disait la plupart des professeurs, sauf qu'on était doué. Je veux pas la jouer mélo, mais mon frère et moi on se complétait, on se complète encore, vachement. On comblait les lacunes de l'autre. Notre père nous voyait déjà au sommet, sauf que personnellement, j'avais beau aimer et respecter mon père, je me voyais pas derrière un bureau toute ma vie à faire de la paperasserie.
En fait, je découvrais ma vocation en fin de cinquième année. J'étais une tête et je faisais du troc dans les toilettes des filles que plus personne n'utilisait. J'y vendais des résultats, des fiches mémoires et même des fioles qu'un copain me rapportait parfois de ses sorties nocturnes. Un vrai business qui me rapportait pas mal. Sauf qu'elle était là, l'autre. Dans les couloirs, à nous regarder comme si nous étions ses frères .. Cette putain de maladie qu'elle avait de vouloir se faire aimer à la maison, et il fallait qu'elle nous suive. Mais elle a eut vite compris je crois. On était les frères Nicholls, c'était notre titre et on refusait pertinemment que ça devienne "les frères et la soeur Nicholls". Ça cassait tout. Ouais, je la détestais, même si parfois elle me faisait pitié. Sauf que quand j'avais des élans de pitié pour elle, je repensais au mal que ma mère avait en la regardant, et à la déception de mon père et je reprenais mon chemin, fier.
Sauf que j'étais pas super fier ce soir ou je l'ai approché pour la première fois. J'étais bourré, j'avais la baraque pour moi seul et mes "potes" et l'autre qui se la jouait brave dans sa chambre. Connasse. Elle a eut que ce qu'elle méritait, avec son air faussement innocent. Mais c'est de sa faute tout ça. Elle aurait dû partir quand elle avait le temps. Ça a été le début de la fin, pour elle. Notre secret, simplement parce que si elle tenait pas sa bouche fermée, j'allais lui faire passer l'envie d'en parler. Après tout, j'étais l'aîné, je devais me faire respecter non ? Et si avec Caleb, le respect venait facilement puisqu'en tant que petit frère il prenait exemple sur moi. Elle s'était une fille, alors il fallait que je lui montre qu'elle était autant à moi et qu'en tant que grand frère, elle devait m'obéir. Ma chose, ai je envie de dire en parlant d'elle. Rien d'autre que ma putain personnelle.
Ça a continué le temps que je fasse mes études et que je me lance dans la vie active. Et puis j'ai arrêté un peu avant qu'elle s'en aille. Sincèrement ? je crois que mes vieux ont même pas calculé qu'elle s'était tirée. C'est mon père qui m'a trouvé un job bien payé à pré-au-lard, en plus c'est le coin idéal pour trouver de la nana. Sauf qu'avec mes rêves de grandeur, ça m'a pas suffit, alors en dehors du boulot, je fais de la contre-bande. Je vends de tout aussi. Alors si quelque chose te tente, refais moi signe.